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Roman noir psychologique, Thriller ésotérique. Alix tourbillonne et danse avec ses tourments. Addictive, délurée et psychotique, elle détourne chacune de ses facettes pour partir à l'exploration des limites de l'âme et du corps. Lorsqu'elle entre en service psychiatrique, elle se délecte et s'entoure d'un cercle de femmes asservies à ses folies jusqu'à l'arrivée de Alyne, qui active un contrat d'âmes scellées dans une ancienne vie avec les arcanes d'un jeu de tarot. Une liaison dangereuse découverte jusqu'à dissimuler une disparition, une traque menée par la Confrérie de l'Ombre, pousse chacune à affronter des épreuves, tout en cherchant à trouver un échappatoire à leur existence tourmentée, et savoir si la liberté en vaut le prix à payer. Un voyage initiatique entre la psychopathologie, l'occultisme et le génie féminin qui habite des personnages attachants, complexes et obscurs.
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Seitenzahl: 162
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Ce monde est un grand Bedlam, où des fous enchaînent d'autres fous..
« Pot pourri »,1765, Voltaire.
Les mots
Verbes essentiels, venus du fond de l’âge,
Mots que savaient le clerc, le manant et le roi,
Mots rodés par le temps et polis par l’usage,
Comme mon sang, ma chair, vous fremissez en moi...
Merveilleux patrimoine et trésor du poète,
Echos reproduisant les éternels émois !
Vieux mots chargés de sens ! O ma riche palette !
O mon beau clavier qui chante sous mes doigts !
Madeleine Dubois-Regnault
« Poèmes Lyriques », Les Mots.
Il y a, en ce monde, ces personnes qui vous marquent à jamais. Au fer, à la cire chaude, laissant une empreinte d’amertume dans votre cœur et votre esprit.
Ces personnes qui vous happent, vous envoûtent, vous lient d’un fil de coton suffisamment robuste pour s’étendre en farfalle et tenter de s’enrouler autour de votre poignet, même quand vous tentez de couper ce fil avec une cisaille tranchante.
Alix est l’une de ces personnes. Tantôt mélancolique, tantôt maternante, chef de meute, ou victime de ces tourments, généreuse, mais borderline, le cœur sur la main ou votre cœur entre les siennes. Admirable, admirée, désirée, intrigante, menacée et menaçante. Son intelligence psychédélique agrémentée d’herbe à fumer et de médocs, un verre de vin à la main, vous fait tournoyer dans une danse qui n’est pas la vôtre, mais dans laquelle vous apprenez les pas, enivré par une âme en peine, comme la vôtre.
Une âme raturée, abîmée, scalpée, qui danse avec l’amour, la nuit et Alain Bashung.
Alix gagne sa force de caractère avec les balafres d’une vie qu’elle n’a pas encore choisie et avance avec elles, telle une meilleure ennemie, avec elle-même.
Féministe revendiquée, sapiosexuelle, dotée d’une intelligence et d’une culture littéraire, artistique, politique et culinaire. Redoutable, elle se laisse envahir par les rires comme par les larmes.
Experte dans l’art de choisir ceux qu’elle aime ou qu’elle prétend aimer pour mieux s’aimer soi-même. Un mari. Deux filles. Une famille. Des amis. Une maison décorée avec style et provocation. Chercheuse. Un métier l’élevant à l’élite de ce monde avec une allure emblématique et colorée, se parlant des robes et motifs des années 70, une coupe garçonne à frange courte noir corbeau, des lèvres colorées d’un rouge mat aux yeux charbonneux, sa paire de lunettes dotée d’une monture chinée aux puces du coin, la rend irrésistible avec un sourire à couper le souffle. Comme un bouclier, une armure qu’elle enfile pour s’armer face au monde qui l’entoure.
Toxique. Intoxiquée. Elle est amoureuse de l’amour, amoureuse du désir d’un homme sur elle, du désir de quiconque sur elle. Chevauchant vers le combat des genres, elle est femme, libre et sauvage, homme, sexuel, agressif et aguicheur à la fois.
Lorsqu’elle revient à l’étage des chambres, à moitié nue cette nuit-là, les cheveux en broussaille et la peau ruisselante de larmes, une chemise blanche trop grande déboutonnée et tombante sur son épaule, maculée de sang vif jusqu’au bout de ces doigts, avant que je ne constate que Megg n’était toujours pas dans son lit, elle me fixa, m’extirpant de ce sommeil réparateur au Xanax, dans le silence de la nuit et le bruit
_Alyne. Je crois qu’elle est morte.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Aristote se demanda pourquoi tous les hommes d'exception sont bilieux, soucieux, anxieux, pessimistes, inquiets et ombrageux.
« Pourquoi tous les hommes qui se sont illustrés en philosophie, en politique, en poésie, dans les arts, étaient-ils bilieux, et bilieux à ce point de souffrir de maladies qui viennent de la bile noire, ainsi, on cite Hercule parmi les héros ? » Il semble qu'en effet Hercule avait ce tempérament. Et c'est aussi en songeant à lui que les Anciens ont appelé mal sacré les accès des épileptiques. Souci, maladie difficile : le malade paraît avoir dans les viscères comme une épine qui le pique, l’anxiété le tourmente, il fuit la lumière et les hommes, il aime les ténèbres, il est en proie à la crainte, la cloison phrénique fait saillie à l’extérieur, on lui fait mal quand on le touche, il a peur, il a des visions effrayantes, des songes affreux, et parfois, il voit des morts.
Mon regard pris d’attention sur une pile de magazines laissant apparaître cet extrait d’article,
* Pseudo-Aristote, Problèmes, XXX, 1 (trad. Barthélémy-Saint-Hilaire, 1891)
Je suis installé face au bureau en bois sombre du Docteur Badwin, sur lequel les lettrages d’une plaque dorée s’illuminent à l’éclat du soleil de cette fin d’après-midi « Bethlem Royal Hospital », renommé et apprécié dans sa profession, comme le laissent penser tous ces diplômes encadrés au mur, affichant sans aucun doute ses aptitudes à pouvoir m’aider.
Il a l’air sévère et autoritaire. Une peau marquée par le temps ou par sa réflexion à décortiquer la nature humaine, il aborde une moustache grisonnante en accord avec sa blouse blanche.
Il jette un œil à mon dossier, alternant son regard sur moi et ses feuilles de papier, définissant visiblement qui je suis.
_Melle Castle, Alyne, enchantée de faire votre connaissance. Vous nous rejoignez pour des raisons qui vous semblent évidentes.
Je ne sais que répondre.
_Rien ne me paraît évident, si ce n’est la capacité d’inquiétude de ma famille à me soumettre l’idée que j’ai « besoin d’aide ». Je crochète mes phalanges en guise de guillemet.
_Et vous, Alyne ? Pensez-vous avoir besoin d’aide ? Il cite des éléments de mon dossier. Dépression structurelle, psychotique ou mélancolie. Altération de l'humeur, inhibition, douleur morale accompagnée d’autodépréciation, auto-accusation et autopunition.
_ C'est vous l'expert, n’est-ce pas ? Une jeune femme qui s’enfile un flacon d’Exomyl pour tenter de disparaître face à sa réalité, et visiblement désespérée au point de vouloir ne plus faire partie de cette vie, de ce système, de ce monde d’âmes égarées et damnées, n’a-t-elle pas sa place parmi les fous ?
Il esquisse un sourire prétentieux et déconcertant.
_J’aime le sens de ton analyse. Mais ta provocation n’aura pas l’effet escompté ici. Je suis ici pour te tenir la main et te montrer une voie, non pas pour te sermonner et te punir comme une enfant qui a mal agi. Tu es dans l’obscurité, je peux simplement te montrer la lueur au bout de ce chemin, ou bien celle dans la lanterne qui se trouve à tes pieds.
Je baisse les yeux en guise de recherche, de manière amusée et suffisante.
_Je ne vois rien pourtant.
_Pas encore, me dit-il.
_Il est notifié que tu seras parmi nous pour une durée d'un mois. Betty te fera une visite de l’établissement, te montrera ta chambre et te remettra un planning de séances et d’activités proposées.
_Notre règlement impose une conduite stricte afin de favoriser le succès d’une thérapie, tu me remettras ton téléphone et Betty vérifiera tes affaires personnelles. Tu pourras bien entendu rester en contact avec tes proches en passant des coups de fil depuis l’espace dédié à cet effet, près de la salle commune. Tu n’auras pas de traitement médicamenteux au vu de ce qui t’amène ici. Je te déconseille également de tenter de négocier cette décision officiellement ou officieusement à l’aide de tes futurs colocataires au sein de cet établissement. Est-ce clair ?
_Très clair… Je soupire d’agacement.
_Très bien. Betty ? Veuillez accompagner cette jeune femme dans ces appartements. Dit-il avec humour en référence à mes supposées vacances.
_Nous nous reverrons bien assez vite. Bon séjour parmi nous, Alyne.
Je me lève lamentablement de ma chaise pour suivre Betty dans ce qui s’apparente à ma nouvelle vie, au moyen d’y accéder en tout cas.
Betty se dirige dans les escaliers menant à la grande porte en fer forgé de l’entrée de l’établissement. Il est reconnu comme la première institution occidentale ayant offert des services de soins psychiatriques. Même s'il ne se trouve plus à son emplacement original, ce serait le plus ancien hôpital qui se spécialise dans les soins psychiatriques. Au XXIe siècle, il offre des services de pointe pour le traitement des problèmes de santé mentale, mais il est réputé pour avoir été le théâtre de plusieurs pratiques cruelles et inhumaines.
Les jardins arborés et entretenus font ressortir la couleur de la brique rouge et les contours de fenêtres blancs assortis au quadrillage faisant office de barreau de protection. Libre. Mais pas au point de pouvoir se jeter par la fenêtre ou fuguer en pleine nuit.
Betty m’indique les horaires en vigueur et le couvre-feu s’appliquant dès 21 h, le dîner est servi à 19 h juste après la tournée des médocs, pour celles et ceux qui peuvent y prétendre.
Je me sens frêle à côté d’elle. Fragile. Pas plus haut que son épaule, mes cheveux bruns mi-longs recouvrent légèrement les miennes. Ils mettent en valeur mon port de tête grâce à mes nombreuses années de danse, et des tatouages laissant présumer mon approche mystique de la vie. Les yeux en amande et soulignés par une petite bouche mouchetée, je préfère les vêtements amples, laissant ma silhouette se fondre dans les mouvements d’un pull trop grand. Betty, elle, maternante et en chair, son visage rond et ridé, laisse rarement entrevoir un regard malicieux comme pour nous mettre au défi de ne surtout pas la défier. Âgée d’une cinquantaine d’années, elle semble être ici depuis toujours.
_Récupère ta valise dans le sac, je vais te montrer ta chambre.
1e étage. Un comptoir d’accueil ou de surveillance, je repère les lieux pour mieux m’y adapter en scrutant autour de moi les éventuels moyens d’échapatoire en cas d’urgence. En prenant conscience que c’est justement moi, l’état d’urgence et la raison de ma présence ici.
Bonjour les filles. Voici Alyne. Nouvelle entrée. M. Badwin vous a transmis son dossier. Elle me regarde par dessus ses lunettes en guise de complicité que je n’ai visiblement pas encore saisie.
Chambre 18 Betty. Elle sera avec Megg Spark.
_Megg ? Elle n’était pas à l’isolement compte tenu de… Se saisissant de mon regard interloqué, elle se tue pour ne pas m’affoler davantage.
_Bien, merci. Allons-y. Après toi, Alyne.
Nous passons le premier portique qui s’ouvre seulement avec l’aval du personnel. Premier barrage à passer avant la poursuite de ma visite. J’emprunte le bout du couloir avec Betty surveillant mes arrières, j’ai envie d’un café et d’une cigarette.
La déco est minimaliste et morose. Un carrelage blanc, des luminaires blancs chauds et une peinture carquelée par endroits beige. À gauche, la pièce commune avec de vieux canapés en velours pourpre et marron, des tables et chaises choisies sans aucun goût, une bibliothèque laissant apparaître quelques ouvrages abîmés, jeux de cartes et de société, un coin télé. Je ne peux m’empêcher d’espérer qu’il y ait Netflix sans me convaincre à la vue des images de furies se débattant pour le choix d’un film ou d’une série qui défilent dans ma tête.
Après m’avoir montré l’atelier d’expression qui regroupe les activités artistiques, musicales et culturelles, je vois quatre soigants tentant de calmer une jeune femme se débattant jusqu’à ce qui s’apparente à une chambre d’isolement avant de lui injecter un sédatif en intraveineuse.
Je ne peux m’empêcher de me demander ce que je fou ici. Peut-être que chacune d’entre nous se le demande.
_Il n’y a que des femmes ici ? demandais-je à Betty.
_Pourquoi ? Tu as déjà la culotte qui frétille ? me provoqua-t-elle. Question dépourvue de bon sens, je pourrais tout autant aimer les femmes.
_Simple question. Ça me semble calme, vide.
_Une séance collective a lieu tous les mercredis aprèsmidi. Tu pourras rencontrer tes colocataires en fin d’après-midi à leur retour. Les hommes sont dans le bâtiment B, de l’autre côté des jardins. Je n’insiste pas sur le fait qu’il est évidemment prohibé de s’y rendre sans une autorisation, me dit-t-elle.
_Au cas où ma culotte fretillerait trop fort ?
Elle me sourit et s’arrêta face à une porte. Chambre 18.
_Melle Sparks est en séance individuelle pour sa thérapie, tu peux t’installer tranquillement en attendant son retour. Tu es libre de vaquer à tes occupations. Si tu as besoin de quoique ce soit, n’hésite pas à me faire signe.
_Je peux attacher une de mes petites culottes à la poignet de la porte en guise de SOS ?
_Alyne, tout ira bien si tu le souhaites profondément. Nous ne sommes pas là pour vous faire plus de mal que vous ne vous en faites à vous même alors, pars du principe où tout se passera bien. Mon assistante a déjà vérifié ton bagage, RAS. En revanche, j’ai remis tes cigarettes au secrétariat, tu peux les demander quand tu le souhaites. Tu peux fumer dans l’espace commun et à l’extérieur de l’établissement, pas dans les chambres.
_Vous luttez contre un trafic interne ?
Elle me fixa comme pour me dire « Tu n’as aucune idée de ce qui t’attends ici… »
_Bonne installation. À tout à l’heure.
Je pose ma valise sur mon lit d’ado constatant que Megg est sans doute ici depuis un moment, à en voir la moitié de la chambre parée de cadres photos, et d’objets fétiches. Je ne m’y attarde pas, j’ai la sensation d’envahir son intimité alors qu’elle s'est sans aucun doute appropriée cette chambre.
Je range sagement mes vêtements, mes livres, mes cahiers d’écriture et de dessin, mes produits de soin et de beauté, comme ci toute mon existence tenait dans cette petite valise cosy. Je m’aperçois que je ritualise mon installation pour lutter contre ce trou béant qui grandit dans ma poitrine. Je voudrais être partout ailleurs sauf ici tout en me disant que je n’ai nulle part d’autre où aller. Cette dualité permanente m’habite depuis la nuit des temps. Je n’ai pas voulu en finir avec cette vie… Je voulais simplement disparaître, un peu, un laps de temps, une fraction de seconde, pour échapper à ma réalité absurde et cette sensation viscérale que je ne serais jamais profondément heureuse.
La porte s’ouvre d’un coup sec et m’extirpe de mes pensées sombres et tristes. Un éclat de rire, deux personnes qui se bousculent en chahutant et l’impression d’interrompre quelque chose.
Elles se remettent de leur fou rire, se redressent et l’une d’entre elles, d’un regard gênant, annonce
_Bon courage Megg. À tout à l’heure !
Je reste sans bouger. Ne sachant quoi dire ou faire, je me lance dans une salutation lamentable.
_Hey !
Elle avance au ralenti me tournant le dos avant de s’assoire sur le bord de son lit jambes croisées, les bras en arrière prenant appui sur le matelas trop mou, laissant jaillir son buste et les courbes proéminantes de sa poitrine, largement mise en valeur par un décolleté plongeant.
Un regard bleu azur au vert célédon, une bouche pulpeuse empourprée et dessinée, elle me jauge de la tête au pied décortiquant la moindre parcelle de ma peau.
_Qui es-tu toi ? Me lance t-elle comme pour me foudroyer avec ses yeux translucides.
_Je suis Alyne, je…
_Non, non. JE pose les questions. Non attends ! Laissemoi deviner. Coke ? Alcool ? Non ! Médocs ? Laxatif ? Ketoprophène ? Tu vois des morts ? Tu leur parles en plus ?
Je la laisse dans son exploration, telle une chamane mentaliste à tenter de me cerner.
_Non. Juste Alyne.
_Très bien. Juste Alyne, je suis Megg. Megan. Megan Sparks.
_Les trois à la fois ? lui demandais-je pour détendre l’atmosphère. Elle ris aussitôt. Je reprends mon souffle comme si j’avais passé l’épreuve initiatique du feu.
_J’y avais jamais réfléchi. Peut-être oui. Je t’aime bien.
_Tantmieux. Car on va devoir vivre à quatre ce prochain mois.
Elle me sourit.
_Fait attention. Si tu plais à l’une d’entre nous, tu risques de te faire manger toute crue.
Je souris en levant les yeux au ciel sans saisir l’importance de sa réplique. L’idée qu’on puisse être interné ici pour tentative de cannibalisme me traverse tout à coup l’esprit.
_C’est ce que tu aimes faire ? Manger les gens ?
Elle explosa d’un rire gracieux et séducteur pour se moquer de moi.
_Tu te fous de moi là ? Si tu entres ici en devenant paranoïaque, tu n’en sortira jamais ! J’aime… Me délecter des gens.
_Te délecter ? Tu les suces simplement ? Tu les vides de leur sang ?
_Ca m’est arrivé oui. Mais je ne les vide pas de leur sang, me dit-elle d’un air grave.
Elle me tend une photo. Un bel homme et deux jeunes enfants, un petit garçon à peine âgé de dix ans et une petite fille un peu plus jeune que lui. Megg paraît épanouie, souriante et aimante sur cette photo. Elle fixe le père de ces enfants pendant qu'elle regarde l’objectif, avec leurs deux enfants qui chahute sur eux. Un beau portrait de ce qui s’apparente au bonheur. Que fait-elle ici ?
_C’est ta famille ?
_Une jolie vitrine n’est-ce-pas ? Il n’en ai rien. Pas, quand tu as fait de ta vie une obssession pour…
_Pour ?
_Alyne Castle ? Vous êtes bien curieuse. Je te présenterais aux autres, on en discutera plus tard.
_Aux autres ? Est-ce qu’il y a une confrérie secrète au sein de Bethlem ? Dans mon fort intérieur, j’ai juste envie d’être seule. Mon malaise avec moi-même m’impose parfois de ne pas m’ouvrir aux autres. Il me faut ce café et cette cigarette.
_Tu sais où je peux trouver du café ici ?
_Quand tu sors de la chambre au bout du couloir, tu as les machines à disposition. Je t’accompagne ? me ditelle enthousiaste.
_Non merci. C’est gentil. Je sentis sa déception.
Partant en quête de mon cocktail préféré à base de caféine et de nicotine, je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’œil à travers la petite vitre sur la porte de l’isoloir. La jeune femme de tout à l’heure semble beaucoup moins agitée, allongée au sol sur le dos, fixant le plafont et tournicotant une mèche de cheveux. À peine âgée de plus de 25 ans, elle semble anticonformiste à la féminité, une silhouette de rêve, sportive comme sculptée dans la pierre, un teint halé et ensoleillé malgré l’obscurité de ses yeux noisettes… Elle a l’air en colère, agressive, agrégée peut-être.
Je sens une respiration près de moi.
C’est Merry. Elle n’est pas en rage la plupart du temps. Mais parfois, les pulsions dépassent l’entendement…
Je me retourne et observe tout près de moi une silhouette masculine. Mains dans les poches d’un jeans trop grand pour elle, un visage arrondi laisse place à des cheveux courts blond platine à la garçonne et rasés près des oreilles, piercing à l’arcade sourcilière et tatouages sur les avant-bras en évidence, un teint kaolin, des yeux gris et turquoise me fixent d’un air candide.
_Je m’appelle Lomé. Lomé Mason. Je n’ai pu prendre le temps de répondre, qu’elle me retorque :
_Alyne. Alyne Castle. Je t’ai googlisé, mais je n’ai pas trouvé grand chose. Tu es sur Instagram ? Me dit-elle avec son plus beau sourire.
Je reste dépitée face à sa réponse. Je tourne les talons vers la machine à café pour tenter de nier l’absurdité de cette rencontre. Puis comment a-t-elle pu aller sur Google ?
Selection. Café noir. Allongé. Sucré. Je m’allume une cigarette près du bord de la fenêtre prévue à cet effet et inspire telle une délivrance sans nom.
_Hey la nouvelle, me glisse Lomé du bout du couloir tandis que j’écrase ma deuxième cigarette.
Voici le retour de meute…