Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
"Le chant d’Éros" est une fresque poétique et philosophique qui interroge l’humanité à travers une écriture envoûtante où les figures mythologiques se mêlent aux réflexions contemporaines. Sur le radeau humain emporté par des courants tumultueux, désirs, corps et plaisirs se mêlent, se perdent et se consument dans une cité aux portes closes. Le conteur, plein de haine et de désespoir, trouve sa survie à travers des mots précipités et jetés, comme tentative d’amarrage, il fait tenir ensemble toute la beauté du monde et toutes ses faiblesses. Entre fable originelle et dystopie, les personnages, forgés par l’écriture, cherchent le oui au monde qui fonde l’humanité. L’amour. En corps.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Le lien de Séléné Monty à la littérature est celui des grands espaces, des traversées océaniques dans sa jeunesse, des écrits de la psychanalyse et de la philosophie. Les quinze années passées en Polynésie, là où la mémoire de la vie reste vive et toujours déborde, ne cessent de nourrir son œuvre. "Le chant d’Éros" s’est imposé, un chant d’amour, une tentative inépuisable. L’écriture, pour elle, est ce pari périlleux, cet espace d’ouverture où chaque lecteur se perd et se retrouve, à sa manière.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 308
Veröffentlichungsjahr: 2025
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Séléné Monty
Le chant d’Éros
Roman
© Lys Bleu Éditions – Séléné Monty
ISBN : 979-10-422-7571-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le Chœur chante l’histoire de l’humanité. Il nous amène en douceur au temps de notre conte. À ce temps-là, précisément.
Bien, bien avant les années 2000, au début de l’humanité, les hommes étaient ce qu’ils étaient et c’était plié. Au fond des premières cavernes, des hommes se reproduisaient, des ventres de femme, cathédrales de chairs et de sang, s’invaginant pour recevoir ce que les hommes déchargeaient. Au fond des premiers hommes, des cellules respiraient, des corps en mouvement et des corps à corps, des douceurs et des violences. La vie échappait aux mains des hommes, elle surgissait par la naissance d’un petit. Les femmes savaient quand. Le temps s’incurvait et dans cette attente toute l’humanité prenait vie, la grammaire aussi. Pas d’humanité sans la prise du temps. Ça va arriver, je le sens, pensait la femme. La vie s’échappait des hommes quand elle disparaissait dans le souffle coupé. La mort prenait un homme et c’était plié. Toutes les morts étaient violentes, toutes les naissances étaient violentes, à chaque fois tout se jouait. La nature était, elle ne voulait rien et englobait tout.
Elle, dans la caverne de l’Ourse, se lève lourdement et s’approche du bord du monde. Dans la nuit Elle n’a pas peur, Elle lève la tête vers la lumière douce du ciel, Elle reçoit la vie du ciel, elle en perçoit le tempo, c’est beau sans un mot. C’est beau dans la peau, dans les yeux, dans les cheveux et dans le ventre, dans le cou et les oreilles. La lune est grosse, la lumière blanche caresse la peau d’Elle. Et le ventre se durcit, se met en mouvement, Elle met au monde l’enfant sans mots. Ses chairs, ses cuisses, ses bras, sa respiration accouchent dans un vaste mouvement, dans une ample respiration. Elle sait tout ce qu’elle fait. Elle traverse sans broncher ce territoire aride de la naissance, elle met au monde son autre. Celui qu’elle a senti se développer, l’autre de l’intérieur des femmes. Et cet autre est une fille. Un bien précieux pour le clan. Elle sort vivante de cette traversée, non sans avoir fait un effort, non sans avoir tenu, poussé, transpiré, haleté. L’enfant mis au monde, le corps devient douceur, il remercie. Un merci qui n’a toujours pas de mots, un merci de la chair au repos. Elle s’incline devant la lune, l’enfant tout contre son sein. Son visage baigné d’étoiles reflète l’immensité du ciel et sa gorge entonne une mélopée étrange, non connue d’elle-même.
Elle ne s’incline pas devant la force de l’homme de la caverne de l’Ourse, elle s’incline, le cœur en avant devant la vie de la lune. Le clan des femmes a suivi la mise au monde de l’enfant avec le respect dû, de loin, laissant à la femme la félicité, la force, la gloire ou la mort. Les femmes se regardent, harponnées par le geste d’Elle à la lune et viennent une à une s’agenouiller autour de la jeune accouchée rayonnante sous la lumière blanche. Une mélopée douce, lugubre, la somme des vibrations de chaque gorge de femme, l’accumulation dans la mémoire des vies et des morts, cherche à toucher la lune, monte dans la nuit vibrante des couleurs astrales.
Les femmes viennent de saisir dans le chant improvisé, la vie et la mort ensemble dans le ciel inaccessible. Elles partagent l’indicible, elles le savent sans mots. La lune grossit, enfle et se vide. Les premières idées surgissent, Elle pense, Elle est la première femme. Les signifiants ne mentent pas. Je suis comme la lune, je suis une partie de lune. L’Homme advient, la métaphore et la métonymie ensemble forment le langage. Le premier feu de la première forge, le feu des corps de femmes qui ordonnent la vie. Une vie qui les déborde, toujours. Elle tente de saisir par les mots ce qui lui échappera toujours, Elle saisit la vie qu’elle ne tiendra jamais dans ses bras, elle ne peut en tenir qu’une partie, ce petit être vagissant au cœur palpitant. Tout échappe à jamais. L’Homme, en l’occurrence une femme, saisit son impuissance par l’intelligence d’une pensée. Et c’est Elle qui initie ce geste. Tout mouvement initié par un humain se propage à une vitesse impressionnante. Lui, le chef de la caverne se retourne sur sa couche. Lui entend les femmes, il ne cherche pas à savoir, elles font ce qu’elles ont à faire.
Bien, bien avant les années 2000, le sacré et les femmes se tenaient par la main.
Des millénaires plus tard, bien avant les années 2000, le radeau des êtres humains continuait sa longue dérive, empruntant les méandres formés par les collines et les ravins. Les eaux labouraient les alluvions, s’élargissaient dans de grands lacs ou se précipitaient dans de dangereuses cascades. Certains radeaux sombrèrent, d’autres ont tenu la mer.
Sur le radeau des hommes, une mutinerie éclata à l’occasion d’un chavirage inattendu. Il fallut rééquilibrer l’embarcation. Le radeau, qui filait dans la puissance des courants, se transforma en navire, conduit par les hommes. La part sacrée des Hommes qui s’adressait à la lune ou à la montagne, aux forces de l’animal, aux totems et à la terre se trouva prise par les hommes pour s’adresser à un Dieu à leur image. Tout fut bouleversé. Les passions, l’amour et la haine, à partir de ce moment, ce fut le bon Dieu qui s’en chargea. Il fallut créer de nouveaux mots, l’amour de Dieu, son immense Gloire, le jugement dernier, les péchés et le rachat des fautes. Voilà que ce Dieu se répandît aussi vivement que la peste. Un nœud tenait fermement toute l’humanité. Y compris cette part qui n’était pas tout à l’image du Dieu-Homme. Tirer sur le nœud ne faisait qu’étrangler plus fermement les fous, les enfants, les arbres, les rivières et les oiseaux, les rêveurs et les criminels.
Avant les années 2000, on était ce que l’on était et c’était plié. Grand, petit, homme, femme, gros ou maigre, vif ou apathique, maladif ou bien portant, c’était plié. Dans l’enfance, les fillettes et les garçons passaient à la taille régulière et à l’élagage. Les règles du jeu, il fallait faire avec. Vaincre la paresse un jour et le lendemain surnager dans l’ennui, apprendre des pages de poésie et calculer l’heure de croisement des trains, les enfants étaient des héros. Du moins, avaient-ils la possibilité de l’être. Il fallait tout traverser sans trop broncher. On ne dit pas,je veux, mais je voudrais, c’était dur. Les plus résistants rêvaient tout bas de crier ce je veux puissant, déjà les plus fins avaient des compétences d’analyste. Je veux est au plus secret de mon corps et je voudrais est une politesse envers les autres, pour ne pas les blesser. On savait que les hommes pouvaient se blesser durement, le dimanche on voyait Jésus cloué sur la croix. Avant ces années 2000, il y avait des forts et des faibles, des puissants et des impuissants. On avait beau désirer l’égalité, rien ne s’égalisait jamais. Nom de Dieu, non, rien ne s’égalisait. Les humains toujours aussi irréguliers, singuliers, d’une bêtise aberrante ou d’une intelligence trop vive. Il fallait un grand vase pour contenir tous ces échantillons, toujours plus nombreux, impossibles à classer.
Après les années 2020, les hommes étaient ce qu’ils étaient, mais c’était loin d’être plié. Ils se relevèrent et revendiquèrent la liberté d’être ce qu’ils souhaitaient. Comme à chaque fois, l’ouverture d’un espace nouveau créait un courant fort et puissant dans lequel s’engouffraient les nombreux. Ça n’allait pas, ça ne convenait pas ! On pouvait choisir les couleurs du ciel, on pouvait s’autoféconder pour une deuxième chance de création. C’était merveilleux. Une poignée d’humains se précipita dans cette nouvelle voie. Pouvoir lever les déterminations encombrantes, se libérer du carcan. Enfin être libre d’être celui ou celle qu’il se sentait confusément être ! L’homme reprenait le pouvoir sur sa nature et son histoire propre. Aucune prédétermination ne décidera plus ni du nom ni de la place. Jusqu’à l’ultime possibilité d’occuper toute la place, ne faire aucun choix, être homme et femme, accéder à la puissance suprême. Pouvoir aimer tous les hommes, vraiment tous les hommes et occuper tout le champ de l’Humanité.
Je regarde la ville et ses couleurs de nuit, tout est calme dans le grand corps de la Cité. Les rues organisent en une parfaite géométrie les quartiers et les parcs. De grandes tranchées bitumées scintillent sous les réverbères, séparent et ordonnent ce monde en miniature. La Cité, pensais-je, une entité, une découpe à la lame tranchée, une enclave où la vie s’étale tant bien que mal en suivant une topographie bien déterminée. Chaque matin me force à la vie, pris dans une tristesse des profondeurs, une âpre mélancolie et je suis assis là, comme un pantin, posé devant les caméras de surveillance. Hors corps, hors là. Encore un jour, encore ces heures d’un nouveau jour qui va finir par tomber à l’eau comme les autres, dans l’obscurité de la nuit. Répéter hier encore. Sans jamais répéter mieux. Aucune alternative, faire face aux écrans. Je reste fasciné par la vie se vivant devant mes yeux vides et voraces. Je regarde, je cherche, je renifle, hume, les lèvres retroussées et les narines dilatées à la recherche de la moindre trace humaine. Je saigne, les plaies invisibles, les douleurs profondes, une marque insigne de mon amour envolé. Ma dévotion à cette peine fondamentale ne cesse de se rejouer, ne cesse de s’écrire sans jamais s’essouffler.
La Cité est un grand corps, les parties nobles sont protégées, jamais à court de lumière. La tête et tout le système d’influence jouissent d’un espace vaste, clair et propre. Au cœur de la Cité, les quartiers riches étalent leurs richesses sur des façades ordonnées et sobrement décorées. Les taudis des quartiers pauvres, de la même façon, étalent leur misère sur des murs décrépis, tagués et fissurés. Les égouts de la Cité se répandent dans des quartiers sombres aux lois féodales. C’est le lieu de la digestion et de l’épuration de ce grand corps.
À travers les écrans, je promène mon regard sur la ville, je descends le long des ruelles oubliées, j’observe les coins les plus noirs, les impasses les plus sombres. Les formes se détachent et se modifient sous les premières lueurs de l’aube. Les bâtiments alignés forment des murs et serpentent à l’intérieur des quartiers, longues lignes noires comme tracées au fusain le plus charbonneux. Des trous de lumière ici et là, ça vit, ça vit à l’intérieur, ça grouille, comme dans une immense termitière. Bientôt les ombres des réverbères se dissolvent, la nuit s’éteint. La lumière blanche du petit matin prend le dessus, chaque nuit révèle un nouveau jour.
Les corps qui avaient déambulé dans les recoins les plus sombres à la recherche d’aventures, bien cachés sous la couverture épaisse de la nuit, rentrent au petit matin dans leurs espaces privés, réintègrent la magnifique Cité. Je maudis ce monde, tenu par mon immense chagrin, prisonnier d’une place impossible.
Éros se lève. La musique aussi. Éros coiffe ses longs cheveux noirs, il se regarde. Je le laisse se regarder, il lui faut du temps, il s’actualise dans son reflet. Quelques secondes sont nécessaires pour vérifier l’intégrité de son image, pour se reconnaître, pensais-je. Parfois, d’une main, il tâte la surface de sa peau. De l’autre, il dessine les contours du visage sur l’image, tend le cou pour étirer encore la ligne. Et il se reconnaît, chaque matin, il se reconnaît. Chaque matin, il se retrouve avec la joie, l’étonnement d’une première rencontre. Je suis saisi par son application, ces gestes répétés qui n’aboutissent pas. Maussade, je marmonne, perdu dans l’étroitesse de mon réduit.
Il coiffe ses cheveux, il vérifie leur tenue, leur éclat, puis les attache en une longue queue de cheval qui coule dans le dos. Il les a si longtemps attendus ces longs cheveux ! Depuis sa plus triste enfance, ses rêves étaient saturés de chevelures longues, souples, s’envolant dans les yeux des passants. L’enfant tournait, virevoltait et se faisait fouetter avec volupté par ces attributs féminins. Aujourd’hui il a réussi, ses cheveux sont splendides. Je ricasse en regardant le monde sombrer dans la folie. Plus rien ne me retient à la vie, alors je maudis, je désenchante le monde.
Éros se sert une tasse de café, les volets s’ouvrent pour donner à voir le minuscule jardin et le ciel. Son visage s’éclaire et il entonne une mélodie à haute voix, il chante que le ciel est blanc et le soleil ennuagé. Puis la voix s’évanouit, il semble être entièrement tendu vers cette lumière blanche. Je sais pour l’avoir surveillé plusieurs semaines qu’il va rester cinq minutes dans cette tension que je suppose bienveillante et d’une bêtise effrayante… à défaut de la comprendre. Il ne regarde que le ciel. Le ciel, pensais-je, que voit-il ? Moi, je vois son beau visage, clair et tranquille, celui d’un homme de trente ans. Rien ne semble troubler l’image. Mais tout me semble opaque. Je me sens exclu du monde dans lequel il flotte doucement et tranquille. Les yeux bleus perdus dans un autre lieu, sans limites, il disparaît… Puis passe sa main sur son visage d’un geste vif pour faire réapparaître le monde et se remet en mouvement. Devant le grand miroir de la salle de bain, il maquille légèrement ses yeux, il va partir pour son travail. Il faut encore consulter ses messages, les images se superposent, des textes courts et incisifs, des flashs visuels, de petites vidéos qu’il évacue rapidement d’un coup d’œil. Je suis le témoin de cette rencontre sans cesse renouvelée. Éros envoie un message à Psyché pour confirmer le déjeuner et pose un casque sur ses oreilles. Alors plein de sa musique, le bout des doigts à peine agité d’un rythme vital, il se prépare.
Je reste là, figé dans mon fauteuil. Éros prend son sac, l’ajuste en bandoulière, il vérifie sa mise, se tourne devant le grand miroir avant d’aller dans le monde. Sa voiture est propre, ses ongles courts, mais manucurés éclairent l’extrémité des doigts qui se posent sur le volant. Le bruit du moteur électrique à peine perceptible, il conduit avec aisance la minuscule voiture : la nouvelle MyOne, une seule place, mais modulable à l’envie. Il recule et sort du parking. Sur le chemin, il regarde les passants dans la rue, les conducteurs dans les voitures, les publicités sur les murs. Il est heureux, attentif aux reflets des vitrines. Il regarde les passants dans les mouvements de la vie, les fleurs et les herbes folles exubérantes qui se moquent du bitume. Sans trou, sans vide, sans risque d’être emporté par quelques puissances, balayé par des tempêtes, secoué par des désirs ou des haines bien trop sexuels qui le laisseraient abîmé et flétri, il traverse la ville. Quelle misère, ne puis-je m’empêcher de penser. Il laisse sa MyOne aux mains du gardien du parking. Tiens ! Je saisis son étonnement, d’un mouvement d’œil, un léger plissement, il s’attarde sur le nouveau gardien qui, d’un geste assuré, encastre la voiturette dans une longue file qui tourne sur un tapis roulant.
Zéphir a vingt-cinq ans, il a terminé ses études de lettres qui ne l’ont mené à rien et a dû accepter ce job de gérant de parking. Il conduit doucement les voiturettes à leur place. Lui aussi est sous mon œil vigilant, je suis le pauvre tout voyant.
Toute la journée, Zéphir circule dans le labyrinthe sous-terrain. Je saisis le regard d’Éros, un mouvement furtif pour voir ce Zéphir, une beauté mal peignée témoin d’une liberté démodée. Un coup d’œil aussitôt réprimé et il prend l’air dégagé de celui qui n’a pas vu. Je souris à l’enfance qui persiste et s’infiltre dans les minuscules vacuités. L’image de Zéphir s’est imprimée sur la rétine d’Éros. Immédiatement cette idée me saisit comme une évidence. Pourquoi ? Qu’a-t-il perçu ? Qu’est-ce qui le bouscule de cette manière si entière ? ne puis-je m’empêcher de penser. Éros va, comme de rien, prendre sa place au guichet d’une banque prestigieuse. Il se prépare déjà aux lumières, aux pas feutrés du palais de la finance. L’argent ne se voit pas, l’argent est comme un dieu-soleil qui inonde de ses bienfaits le lieu bâtit pour son culte. Mais quelque chose a bougé, imperceptiblement. Éros se sent agité par une petite image persistante. Ça crée de l’agitation dans le grand calme intérieur. Au comptoir, il répond aux demandes d’argent, de virement, de retrait. Il sourit, vire, retire, montre un visage lisse. Beau de cette beauté sans limite. Être beau est important, les clients ont majoritairement plus confiance en une belle personne, dit le gestionnaire des ressources humaines. Être grand aussi et les talons discrets le rehaussent.
Je suis celui qui voit tout. Maintenant vous le savez.
À midi Éros vérifie sa chemise parfaitement ajustée, pas de trace sous les bras. Les aisselles sont nettes, aucune sueur, le maintien du caleçon en maille d’argent antibactérien est parfait. Le pantalon au tombé parfait glisse sur les jambes fines et musclées en créant des volutes et du mouvement qui attirent les regards. Ses envies de se trouver une place dans le monde dataient de l’enfance. Comme un anneau de Saturne, il lui semblait ne jamais pouvoir se stabiliser. Il tournait toujours sur lui m’aime. L’autre restait inabordable, aucune accroche possible. Il n’en finissait pas de tourner et le monde passait devant lui, ne faisait que passer. Il se cherchait et s’enfonçait inexorablement. Il peinait à devenir. Seul à jamais, mais jusqu’où ? Sa première assertion fut une négation, ce monde n’est pas fait pour moi. Le constat le plus terrible qui puisse arriver à un être humain et l’exigence d’un impossible lien, d’une séparation irréductible. Aurait-il voulu être un petit oiseau ? Au grand loto de l’univers, il lui semblait avoir tiré le mauvais numéro. Pourquoi je vis, pourquoi je meurs, des questions inaccessibles, cachées derrière la seule disponible à son catalogue : comment me glisser dans un monde que je ne comprends pas ?
Question d’un serpent qui se mord la queue, nous dit l’auteur de ce conte à dormir debout.
J’en ai tellement vu de ces gens perdus, errants tranquilles dans une disponibilité totale. J’ai envie de les déchirer pour y faire entrer le monde. Les faire souffrir pour qu’ils deviennent humains. J’ai cherché à connaître leurs histoires. Toujours du vide au centre, des absents sans mots. Des bulles spéculatives, sans rapport avec le vivant. La mort dans l’âme, je les suis avec leur mystère béant et je ressens une immense colère. La mort dans l’âme… cette saloperie, je la reconnais ! Je me sers mon premier verre.
Toujours derrière mes écrans, je traîne dans les faubourgs, me fraye une place dans la banalité des nuits d’amour, dans leur sauvagerie, le corps fendu des femmes, les tremblements de la chair vive. Voir les hommes et les femmes mis à nu se tendre vers des désirs jamais assouvis. Mon bic devient volcan, se répand en éclaboussure. Entouré de cadavres de bouteilles, je finis par tout abandonner. Le lendemain, le réveil est difficile. Je me lève dans des couinements articulaires et maudissant mes faiblesses. Je suis l’essence de la misère humaine, la misère la plus rêche, la plus sèche. Déjà sec, je suis prêt à la consumation. J’attends la flamme.
Le restaurant est plein quand Éros pénètre la grande salle. Psyché est déjà installée. Elle le suit du regard. Éros ne rentre pas par la porte, il ne pose pas son manteau au vestiaire et ne sourit pas au serveur, non. Éros pénètre la grande salle, le regard plein. Il foule le sol, il se donne totalement, et en retour, il reste seul. Il aperçoit Psyché cachée derrière de grandes lunettes vertes. Elle boit un jus d’agrumes et de légumes orange. Lui aussi commande la boisson à la mode. Être toujours à la pointe de la mode, dans un équilibre flou, des images ostentatoires présentées au monde. Le duo Psyché-Éros forme cette double pointe à laquelle rien n’échappe. La mode est pour eux une modalité d’être. Savez-vous planter les choux à la mode, à la mode, savez-vous planter les choux à la mode de chez nous ? eh bien, qu’allons-nous faire de tous ces choux ?
On a perdu le raconteur, faut dire que suivre ces héros n’est pas une mince affaire ! Comment venir en aide à notre pauvre conteur perdu dans un monde d’image ?
Je tente de m’installer plus profondément dans mon fauteuil et je fais sauter la capsule d’une première bière. Sale fauteuil d’un bureau anonyme du service de surveillance, pris au piège par le ministère de l’Intérieur, je suis les yeux d’un horrible système. Je joue avec les caméras, me fais tourbillonner la tête, tout en avalant une longue gorgée de bière. Voltigeur aérien fictif, looping sans risque… la bière fraîche coule dans ma gorge, déborde sur mon cou. Et me fait retrouver mon corps.
Je reviens à ma surveillance et observe notre duo de charme dans le restaurant en haut d’une tour. La salle s’ouvre sur l’espace infini du ciel à travers de grandes baies vitrées. Même l’horizon a disparu. La terre pleine de rivières et de montagnes, de ravins, de collines et de déserts s’efface. Les mots sont oubliés. Être dans la plénitude du ciel est devenu le nouveau credo. Une bouffée me saisit au creux du ventre et m’étreint, me serre la gorge, une bouffée de détestation et d’orgueil. La haine prend racine dans le même terreau généreux d’où montait le désir. Quand je désirais, ça venait de là ! Elle, où est-elle ?
Comme un pilote de jet, je survole la Cité, je tente de prendre de la hauteur. De nouveaux quartiers fleurissent sur d’anciennes décharges. Tout le territoire est occupé, l’espace est saturé et plus rien ne bouge. Chacun s’enracine là où il tombe, à moins qu’un oiseau ne l’entraîne ailleurs. Les jolis petits oiseaux arboricoles, les rouges-gorges, les mésanges bleues ont déserté ; ne reste que les gros merles, les pies voleuses et leurs horribles piaillements. Je passe au-dessus du palais de La Candela et je survole le jardin. Tout ce vert soudain au milieu des habitations grises ! Un jardin et de grands arbres, des fleurs, un petit étang et une immense serre où sont conservées quelques espèces d’oiseaux. Les jardins du palais sont ouverts pour tous. Chaque citoyen a le droit d’y passer une journée en famille ou entre amis. La Candela, à la tête de la Cité, prenait grand soin des habitants. Il y a maintenant dix ans que le repli de la Cité avait été décidé et les portes de la ville s’étaient refermées.
C’était une période troublée, la peur avait figé les esprits qui se réfugiaient auprès de ceux qui montraient leur force. La majorité des citoyens avait vécu la fermeture des portes avec un immense soulagement. Nos efforts, nos marches de protestation, rien n’avait pu arrêter la machine en place. Le monde extérieur porteur de virus était un danger sanitaire depuis trop longtemps, il était temps d’agir, proclamait la foule. Peu de gens avaient anticipé la dérive lente et inéluctable de la prise de pouvoir de La Candela, proclamée par les siens et actée par voie référendaire, élue pour dix ans. Par référendum, tout passe, puisque le peuple de la Cité est avec moi, affirmait-elle, tout sourire. Et elle tuait dans l’œuf, toute opposition ! Nous avions lutté. Et avions été battus.
La mémoire, ce vaste territoire, une littérature infinie, un champ labouré à perte de vue. Au plus ancien de ce territoire, les premières articulations malhabiles, les premiers mots se libèrent de l’étang archaïque sonore, dans la chaude lumière de quelques autres. La mémoire enferme les couleurs précieuses, éclatantes, préserve le feu des premiers humains. Être responsable de la boîte à feu, ne jamais laisser les flammes mourir. Souffler les mots qui réaniment l’âme ! Je souffle, je souffle, parfois la peur me saisit. Je souffle les mots sur mes cahiers défraîchis. Et si mon cœur ne suffisait pas ? Si le froid et la pluie me laissaient seul dans la steppe hostile ? Me manquent les quelques autres. Je termine ma bière, mon souffle est un peu moins puissant, ma douleur s’estompe.
Je ne peux courber l’échine, faire un dernier grand trou et m’y allonger. Je continue à regarder le monde perdu.
Psyché et Éros, face à face, mangent et discutent, ils font le point sur les événements à venir. L’expo photo dans deux jours et la semaine prochaine, la fête de la musique, ils ont une place VIP dans la grande Sphère de Lumière. Un moment exceptionnel, des rencontres et des contrats possibles, dit Psyché, tout en répondant aux messages de son téléphone. Éros laisse Psyché s’occuper de la communication, ça lui échappe radicalement. L’agenda pousse le temps, le futur voile le présent et les entraîne dans une danse frénétique. En pleine conscience, toujours, pensais-je, ironique, plein de rancœur nauséabonde. Je descends en chute libre le long du gratte-ciel, je tombe sur la chaussée indemne. Je suis, comme ce monde détesté, fait de fausses émotions. Deux hommes travaillent sur la chaussée, ils ont ouvert un trou d’environ cinq mètres sur trois et ils s’activent, de gros câbles de toutes les couleurs dans les mains. L’homme le plus âgé porte à la ceinture de sa combinaison de travail des outils qui battent le long de sa cuisse à chaque pas. Son visage est terne, il semble fatigué. Je regarde mieux et je rectifie : plutôt, il semble vide. Un visage oublié, inexpressif, solitaire. Il ressemble à ces hommes sous traitement. À la place de la souffrance, le vide. Et les battements des outils sur sa cuisse donnent le tempo, mais aucune mélodie ne vient l’habiter. L’homme le plus jeune est à la manœuvre, c’est lui qui dirige le vieil homme. Il va et vient, donne des consignes, il est dans la vie sans en voir les limites. Il travaille et je vois la force de son corps. Le temps glisse et je me laisse aller dans la ville, sans destination.
Je suis le conteur, le raconteur, le ressasseur, le caché, l’impuissant. Seul et sans témoin, le déchiré du monde. Le malade qui s’épuise, l’infirme dans un fauteuil, un voyeur souffrant de voyeurisme. Je suis celui qui panse les images par un semblant de racontar, par une logorrhée salvatrice qui me laisse vivant, à peine vivant. Je lève mon verre, je crie à tue-tête, Santé, à ce pauvre conte !
Le Chœur se rassemble autour d’Elle et chantonne doucement. Lie, lie, lie, chante le Chœur, lie, lie, lie… À peine articulés, les mots se glissent les uns contre les autres, et tiennent ensemble toutes les vérités et tous les mensonges des hommes.
Elle, se tient droite, le visage confiant, Elle regarde ses enfants tombés, Elle les relève de son œil attentif. Elle, sans crainte et sans attente, est là. Par sa présence éternelle, Elle soutient le monde des Hommes.
Zéphir, après avoir pris soin de tous les véhicules de la compagnie, les avoir écoutés ronronner, les avoir bichonnés, avoir graissé les modules d’accouplement des véhicules, y avoir pensé et en avoir ri, s’effondre sur le canapé. Il se sent abandonné par la littérature. Les mots lui manquent, les mots laissent des traces ineffables. Impossible à combler. Il s’installe au creux des coussins. Il s’est lavé les mains longuement et minutieusement, mais les traces de graisse sont tenaces et Aphrodite le sait. Elle se love contre lui, elle caresse le dos puissant de Zéphir qui fait onduler doucement le corps d’Aphrodite. Ses mains font s’envoler les longs cheveux, il souffle un vent que seuls les pauvres humains connaissent. Un vent aux couleurs intenses, un vent d’un bleu profond océanique, un alizé aux joues roses, brillant de transpiration ! L’amour fait des prouesses pour nous éblouir. Le cœur d’Aphrodite soutient l’amour de Zéphir, tandis que son corps courbe et infléchit le temps, engrosse l’espace à sa manière, celle d’une femme, créatrice d’un lieu infini dans le geste sublime, mêlé de luxuriance et de luxure. C’est le geste d’Elle, ancré dans la fantaisie, à même la source, le mouvement poétique en bourgeon.
Les larmes sont aux yeux comme les sexes se rencontrent pour que règne l’amour jusqu’à la fin du jour. Ils vivent ensemble, ils dorment ensemble, se racontent des histoires, se racontent leurs histoires. Un couple d’amoureux sous le soleil qui fait l’ombre, avec le chagrin qui fait l’homme. Regardez-le bien ce couple, il est en voie d’extinction. Pour être juste, il s’est éteint pour moi. Zéphir et Aphrodite dorment d’un sommeil sans angoisse, sans peur après la dépense somptueuse de l’amour. Leurs sourires illuminent la ville, je les regarde et mon fauteuil me semble un instant moins lourd. Quand la lumière s’éteint au-dessus de leurs corps enlacés, je pleure. Je suis le conteur qui pleure la joie perdue, mon corps perdu au milieu des images que je surveille. Le sexe perdu, jeté au rebut. L’amour, dans ce qu’il a de plus charnel, de plus miraculeux, de plus douloureux, laissé là, sur le bord du chemin. Pourquoi ? L’amour et le sexe, des diamants, d’inestimables diamants offerts, dans les flots tumultueux et chauds, le grand luxe de l’homme sans peur. Pourquoi tant d’impuissance et de haine ? Ne me reste que surveiller, survoyant, surprenant, surhomme, juste, pour tout dire, en survie. Je suis le conteur qui regarde, celui qui pleure, attaché à son poste, derrière les écrans. Un post-il collé là, que l’on a déjà oublié, presque mort.
À l’autre bout de la Cité, dans son appartement neuf et parfaitement parfait, modèle incontournable de tous ses followers, Psyché regarde distraitement le jour se lever. Son téléphone ne cesse de vibrer, toute la nuit elle entend ce bruit sourd, cette vibration caverneuse, cette voix rauque inarticulée : « quelqu’un pense à moi, je suis regardée, on me regarde, on me suit ». Le profil de Psyché entraîne des chaînes d’images et de mots. Dans son sommeil, une jungle surgit, de grandes fougères se développent en une nuit, de longues tiges vertes armées d’un bourgeon turgescent et obscène s’arrachent du sol et se lovent le long des troncs en arabesque. De belles fleurs tanguent dans un mouvement hypnotique, la fixent de leurs yeux vides. De nombreux serpents chantent, « aie confiance, crois en moi… ». Au matin, Psyché secoue la tête pour s’arracher à cette jungle, étreinte étouffante, humidité troublante. Dans la salle de bain, elle regarde son profil, les miroirs se renvoient l’image du visage, elle fait varier les angles, rien n’échappe au jeu des glaces. Elle est belle, parfaite, lisse, blanche, mince, douce, désirable. Elle se regarde encore pour détruire les rêves de la nuit. Les messages sur son téléphone ne cessent de s’accumuler et deviennent une masse informe. Si elle pouvait, elle les tiendrait dans ses mains, elle jouerait comme elle jouait enfant avec les images collectionnées, découpées dans des revues au papier glacé, explique-t-elle à Chiron, son médecin-dactylologue. La nuit Psyché rêve. Toujours le même rêve qu’elle raconte à la bienveillance du docteur. Il écoute sa tristesse, pose les mains sur son corps pour l’envelopper de sa sagesse. Que puis-je pour vous ? demande-t-il à la femme en pleurs et en puissance. Psyché alors pleure, elle pleure longtemps. Elle raconte ce cauchemar insistant. Elle est ensevelie sous une énorme bulle noire. Une bulle gigantesque, sombre et vibrante, écrase son beau visage. Son nez se déforme, s’aplatit sous la masse bulleuse pour devenir monstrueux, camus, petit et raccourci. Les yeux s’étirent jusqu’à cacher la couleur de l’iris. Elle peine à respirer, elle a peur, immensément peur. Elle halète, s’essouffle, elle va mourir. La mort n’arrive pas. Seul, le réveil. Alors elle agit selon les recommandations du médecin, elle ouvre sa boîte mail, elle lit les messages, un à un, ils perdent leur capacité à faire masse, la terreur s’éloigne, et les mots redeviennent inoffensifs. Elle s’installe confortablement et répond aux messages, un par un, toujours. Chiron hoche la tête. C’est très bien ! Fermez les yeux maintenant, dit-il. Ses mains bordent le corps de Psyché, comme on emmaillote un nourrisson, avant de l’enduire d’un baume énergisant. Elle se laisse bercer dans les mains bienfaisantes du Dr Chiron.
Elle sort de la consultation et redevient l’égérie, le modèle, elle marque le pas à la tendance. L’influenceuse. Celle qui opère une inflexion douce pour le bienfait de celles et ceux qui la suivent. L’influence, le fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
Le soir est tendre pour Éros et Psyché, ils bavardent sur le chemin. Une fin de journée en douceur, ils vont ensemble vers la salle de méditation où va se déposer le surplus des émotions pour ne garder que le beau. La robe de Psyché vole et dévoile ses belles jambes fuselées. Tout semble léger, la vie s’écoule comme un bruissement d’eau dans un salon de massage. Éros est habillé d’une longue tunique et d’un pantalon moulant qui souligne sa grande taille. Un bonheur subtil et tranquille se dégage de ces deux-là, immédiatement partagé et transmis à leurs abonnés par la caméra que tient Psyché à l’extrémité de son bras. Chacun est invité à partager leur bonheur, chacun en prend sa part et tous l’ont en entier, ironise notre conteur malheureux. Le bonheur se réalise sous nos yeux, à travers leur don bienveillant sans cesse renouvelé. Éros et Psyché sont accueillis à l’entrée de la salle de méditation par une jeune femme souriante. Seul le mot sourire la décrit, son corps n’a d’utilité que pour donner place et forme à ce sourire accueillant.
L’immense salle est ouatée, les murs semblent épais, aucun bruit ne pénètre dans le temple de la Pleine Conscience. Les officiants sont facilement repérables, ils sont debout et portent une longue robe blanche, une toge dessinée pour un futur s’actualisant. La toge a perdu ses origines grecques, elle s’est déshabillée de toute pensée pour briller comme un tissu de lune. Les murs ne sont plus de pierre, ils sont forêt, terre, humus, petits animaux et grands arbres qui embrassent, font respirer. Les fougères, les chênes et les érables, les géants aux bois noirs et aux feuillages vifs, apportent les nutriments pour les corps fatigués. Bien sûr, la forêt est image de forêt, un programme virtuel projeté sur les murs. Mais les pensées ont déjà quitté les esprits et les méditants s’allongent sur les nattes de bambou. Les corps enfin se reposent de la journée de travail, ils sont alignés en une série de petits autels du sacrifice individuel des pensées négatives. La voix porte la liturgie de la parole et circule entre les corps déposés, elle psalmodie et les muscles se détendent, les articulations ne souffrent plus, les soucis disparaissent. Le ton est bienveillant, la voix est douce. Elle repose ceux qui ont été à la peine. Une vibration sonore caresse les peaux, tendues à la recherche de l’autre, du grand autre, celui qui prend soin de moi. Bienvenue aux novices qui rejoignent notre groupe. Au travail, continuez, persévérez ! Je vous souhaite à tous de parvenir à l’étape ultime et d’intégrer le cours de Bernard. La pratique régulière est la seule voie possible. Éros est allongé sur le dos, il regarde les lumières dans les feuillages, il entend le sous-bois, le bruit des feuilles et des branches qui dansent. Respirez, dit le pèlerin de Paix, sentez l’air qui pénètre dans votre nez, qui traverse la trachée. L’air résonne en vous, il est nourriture, regardez votre abdomen qui se gonfle… Je vois Éros. Et je vois Psyché, allongée elle aussi dans cette clairière obscure. Elle a caché sous sa main sa petite tablette, elle porte le dernier tricot du temple du bien-être, La Clairière, c’est elle qui a le contrat de publicité depuis l’ouverture de la salle.