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Région Bordelaise, début du vingtième siècle, un riche châtelain nommé Resansac règne en maître absolu sur un domaine de 300 hectares. Cet homme dur en affaire est néanmoins un épicurien. Il croise le chemin de Constance Chabot qui, sous l’apparence d’une sainte, s’avère être une véritable Messaline. Sa beauté n’ayant d’égale que sa perfidie, elle déploiera toute sa science de l’amour pour mener à bien son entreprise : s’approprier la fortune du châtelain. Sur fond de chronique paysanne, entre drames et passions, joies et peines, laissez-vous transporter dans l’univers des Resansac.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Michel Lataste réside en Aquitaine dans une cité médiévale du XIVe siècle. Passionné de botanique et d’histoire, poète et amoureux de la nature, il se dirige tout naturellement vers la profession de paysagiste. Dans son répertoire classé en romans noirs du terroir début XXe, il s’inspire de personnages qu’il a connus et prend plaisir à conter certaines des histoires vraies habilement transformées en fiction.
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Seitenzahl: 378
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Michel Lataste
Le château des Resansac
Roman
© Lys Bleu Éditions – Michel Lataste
ISBN : 979-10-377-5287-1
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Du même auteur
La ferme des Benoit
, 2020, Le Lys Bleu Éditions ;
Le moulin de Casserouge,
2020, Le Lys Bleu Éditions ;
Les oubliées de Cadillac
, 2021, Le Lys Bleu Éditions.
Sur les terres de cette propriété se dressait une bâtisse Napoléon III, située au cœur d’un vignoble bordelais, dans le triangle que forme le plateau de l’Entre-deux-Mers, entre Garonne et Dordogne.
Elle était composée d’une maison de maître de 1871, fort imposante de par sa façade quelque peu austère, ainsi que par ces nombreuses dépendances qui l’entouraient pour former un massif corps de ferme. Constituée pour un tiers d’un vignoble, un autre tiers de cultures diverses, prairies et bois clôturaient environ les 300 hectares de cette somptueuse demeure.
Situé sur la commune de Saint-Jean de Cormes, ce petit village de 500 habitants était perché à 110 mètres d’altitude sur les hauteurs surplombant la Garonne. Le château offrait une superbe vue sur la ville de Bordeaux.
Régnait en maître absolu, un châtelain et son épouse, couple d’une cinquantaine d’années, sans enfant, sauf un qui était mort peu de temps après sa naissance. La rumeur disait que c’était de la faute du maître qui l’avait secoué un petit peu trop fort, ne supportant pas les cris de son propre enfant. Monsieur voulant un fils, une fille n’avait pas été la bienvenue.
Par la suite son épouse étant arrivée à un âge où avoir des enfants était devenu incertain, l’ambiance au château avait complètement changé. Monsieur était devenu aigri, injuste, dur et sans cœur. Madame, elle, ne parlait presque plus, ne sortait que très rarement. Parfois, on pouvait l’apercevoir, ombrelle à la main, dans la roseraie, perdue dans ses massifs de roses et leurs doux parfums, tout comme les lilas ou les citronnelles parfumant ce jardin d’Éden. Toutes ces fleurs, judicieusement disposées, embellissaient un parc d’agrément d’un hectare. Ce parc, composé de feuillus tels que les tilleuls, les charmes, chênes, hêtres ou frênes ainsi que deux gigantesques cèdres bleus, offrait aux hôtes une invitation à la balade pour flâner dans les allées. Au détour d’un sentier, se dressait une très vieille glycine, dont l’énorme tronc noueux et torturé faisait si peur aux enfants dès la nuit tombée, par sa forme de diable les bras levés, pourtant si magnifique dès que les premières grappes de fleurs parfumées s’accrochant à ses rameaux, aux premiers rayons de soleil printanier.
Cette bâtisse fut reconstruite sur les ruines d’une ancienne maison de maître, brûlée sous le directoire vers 1795, où déjà courait la rumeur selon laquelle un premier trésor pharaonique serait enfoui dans des souterrains. Rumeur ou pas rumeur, ce souterrain existait bel et bien, car j’en avais découvert l’accès.
Il me faut vous préciser que mon grand-père, mon père et moi-même avons été les jardiniers de ce château, mais pas en même temps, curieuse histoire que j’allais vous conter. Il y eut trois générations de jardiniers issus de notre famille et trois générations de châtelains différents, et quelques décès plus ou moins douteux et contestables…
Les pierres cachent parfois un trésor mais renferment souvent des secrets et des histoires qui franchissent rarement les murs d’enceinte.
Voici le début de l’histoire que m’a contée maintes fois mon grand-père.
Nous sommes en 1900, mon grand-père, Jean-Camille Laporte, a l’opportunité de trouver une place de jardinier dans ce château du Bordelais, vers lequel il se rend. Les deux châtelains, monsieur et madame Resansac, sont issus de l’ancienne bourgeoisie bordelaise. Un reste d’aristocratie se dégage de leurs manières d’être et de leurs tenues vestimentaires. Un couple richissime qui impose le respect en faisant régner l’autorité.
Ayant sollicité une entrevue pour un emploi, mon grand-père se rend au château et franchit avec une certaine angoisse le portail gigantesque. Le maître des lieux semble l’attendre sur le perron. Son épouse, en retrait, tête droite et poitrine gonflée, le regard pincé et l’air hautain, semble elle aussi attendre. Mon grand-père accélère le pas.
Jean-Camille se décoiffe, tenant et froissant sa casquette, il ose à peine lever les yeux pour affronter le regard de son futur employeur, et face à lui se dresse un colosse de 140 kg pour 1,90 mètres.
Monsieur Resansac écoute bafouiller ce jeune domestique, le détaille du regard mais sans dire mot, puis, d’une voix grave et ferme, lui annonce solennellement :
— Bon, jeune homme, tu ne m’as pas l’air d’être un mauvais bougre et ça me plaît ! T’es embauché. Tâche de ne jamais me décevoir, sinon, tu dégages et sans gages, dit-il en souriant ! Tu seras chargé de t’occuper du potager et des fleurs, surtout des roses, mon épouse aime les roses. Pour le coucher et le reste, tu verras Bertrand mon régisseur.
Jean-Camille était heureux d’avoir obtenu cet emploi. Par ce petit matin du mois de mai, le brouillard commençait à se dissiper, les premiers rayons du soleil lui caressaient les épaules et la nuque. Le doux parfum des lilas et de la charmille en fleur, qu’il venait de traverser, avait un avant-goût du bonheur. Passant devant l’écurie, même l’odeur du crottin lui était agréable. Il était tout simplement heureux et s’en allait d’un pas hardi rejoindre le bien nommé Bertrand, régisseur de son état, qui l’attendait en retrait sous les cèdres.
C’est ainsi qu’il fut embauché au château des Resansac et logé à la jardinerie, une construction attenante aux dépendances. Composée d’une grande pièce à vivre, d’une grande cheminée et même si le sol était en terre battue, c’était pour lui un palais, avec une chambre à l’étage. Adossée à cette jardinerie, une superbe serre, composée d’une ossature métallique recouverte de verre cathédrale et ombrée d’une toile. Cette serre reposait sur un muret de pierre. Exposée sud-ouest elle captait les bienfaits du soleil. Il avait entendu parler de ce genre de serre, et celle-ci était pour lui.
C’est lors de ce premier contact que les deux hommes tissèrent leur amitié. Il y avait au total quatre familles qui dépendaient des châtelains, plus le personnel et les saisonniers qui parfois venaient prêter main-forte. Soit environ quarante personnes qui formaient cette communauté. La propriété comptait vingt-six vaches, la jument pour la calèche du maître, deux mules et le percheron pour les travaux de force, la basse-cour composée d’une centaine de volailles en tout genre, la porcherie et ses huit cochons, les brebis, environ une centaine et quelques chèvres enchaînées. Le bétail, les volailles étaient le garde-manger du domaine. Vivant en autarcie, tout était prétexte à faire des fêtes ; la tue-cochons, la gerbe-baude, cette fête de la fin des vendanges, la fête des moissons, la fête de la Saint-Jean… toutes ces fêtes permettaient de se rencontrer, de boire, rire, échanger et de nouer de nouvelles histoires d’amour, parfois d’adultère…
Il en a toujours été ainsi, et c’est ainsi que tourne le monde. Les anciens disant « Moi de mon temps, il y avait plus de retenue ! » Sachant qu’il n’y avait pas de téléviseur, on ne peut que supposer comment nos anciens occupaient les longues soirées d’été à l’odeur de foin coupé et aux interminables couchers de soleil qui caressent les cœurs et chauffent les corps.
Libre à chacun de penser qu’en vieillissant la mémoire s’évapore…
Le domaine était un lieu où il faisait bon vivre malgré le travail harassant de dix à douze heures au quotidien et six, voire sept jours par semaine. La vie y était dure, mais tout le monde était heureux dans le château des Resansac. À l’heure où beaucoup de miséreux ne mangeaient pas toujours à leur faim dans les grandes métropoles, ici les gens ne manquaient de rien. Je crois que mon grand-père avait raison lorsqu’il disait qu’avant la vie était plus saine et que ce progrès qui amena l’électricité dans les campagnes vers les années 1920, les premiers tracteurs qui remplacèrent les chevaux pour labourer la terre, les automobiles pétaradantes avec lesquelles se déplaçaient les gens pour aller toujours plus vite… ce progrès contribua à ce que la vie des hommes soit moins authentique. Mon grand-père regrettait sa vie d’avant, mais était conscient que chacun, d’entre nous, ne fait que regretter sa jeunesse, tout simplement… Le temps qui a marqué notre enfance à l’âge où tout semblait déjà nous appartenir.
Dans la semaine qui s’écoulait, tous vinrent pour faire connaissance avec le nouveau jardinier qui allait leur planter des tomates et autres légumes qui avaient une part importante dans la nourriture quotidienne, et partout il se devait de trinquer à la santé d’on ne sait plus qui, mais il fallait trinquer, c’était l’habitude. Il avait fait la connaissance de tous les gens du château, sauf à la ferme des vignerons située plus loin dans les vignes, car Clément, le palefrenier, l’avait mis en garde :
Tout se passa très bien avec les Labourdette, sauf avec Marie, la fille avec qui il n’avait pas été fichu d’aligner trois mots correctement. Entre eux, quelque chose s’était produit, il ressentait quelques sentiments, mais trop réservé qu’il était, il devait se concentrer sur son nouveau travail. Prenant celui-ci à cœur, il travailla sans cesse, du matin au soir, du soir au matin et comme ça tous les jours de la sainte semaine. Trois mois plus tard, cela fut gratifiant, déjà les premières tomates mûrissaient sous un soleil de plomb.
Le précédent jardinier avait cessé de vivre au mois d’avril, peu avant que Jean-Camille arrive. Tous disaient de lui qu’il avait été un homme bon, vaillant et généreux. Il finit sa vie, boitant, le dos plié, se déplaçant avec une canne, mais toujours le mot plaisant, jusqu’à la fin de sa vie, il œuvra pour le bien de tous.
Le travail de la terre n’épargne pas son homme.
Bertrand, le régisseur, avec émoi, disait de lui : « Un brave homme, qui aura donné tout ce qu’il pouvait, il en a nourri du monde, ce brave Edouard, qu’il repose en paix. »
Les années s’écoulaient paisiblement, entrecoupées de joies et de peines, Jean-Camille donnait pleine satisfaction à monsieur Resansac et madame retrouvait, peu à peu, le goût de vivre grâce aux innombrables roses qu’il avait multipliées. Tout d’abord, il s’était servi de la multiplication la plus simple qu’est le bouturage, puis très vite, il pratiqua la greffe sur églantier qu’il s’en allait chercher dans la nature environnante, mais comme ce fut trop long à chercher, il fit lui-même ses semis de porte-greffe, greffant tour à tour des rosiers demi-tiges, des rosiers tiges et de nombreux rosiers pleureurs. Constituant ainsi la plus belle roseraie de la région. Dès le printemps, c’était un véritable feu d’artifice de couleurs et de senteurs dans ce parc, où les nombreux amis des Resansac se succédaient. Jean-Camille, se devant être discret, observait de loin, tout ce beau monde, où les femmes se déplaçaient avec de belles robes longues aux couleurs chatoyantes, ombrelle à la main, admirant cette profusion de roses qui lui faisaient honneur.
C’était également un défilé quotidien de calèches rutilantes, les unes plus belles que les autres, qui occupaient Clément, le palefrenier, un homme au grand cœur. Il avait toujours les cheveux en bataille, poussiéreux de paille, vêtu souvent de guenilles et malheureusement boitait. Une jument qui avait refusé de se laisser atteler un soir d’orage et de pleine lune, là où même les hommes sont bien énervés sans trop en connaître la raison, il reçut un coup de sabot. Clément, toujours avec humour, remerciait la jument de l’avoir épargné, en précisant que par chance la jambe du milieu était saine et sauve.
Sept années s’étaient écoulées. Mon grand-père Jean-Camille s’était marié depuis quelques mois avec la fille du père Mathieu Labourdette. Le vigneron de la ferme ayant consenti à donner la main de sa fille. Cette ferme était située au sud, environ à trois cents mètres de la jardinerie. Mon grand-père était visiblement et à l’entendre, un grand séducteur, et pourtant il m’avait dit qu’il avait éprouvé toutes les difficultés du monde à essayer d’avouer à cette Marie l’amour qu’il ressentait pour elle. Maintenant je crois comprendre ce qu’il pouvait ressentir.
La seule façon qu’il imagina fut quelque peu romantique. Comme Marie Labourdette s’occupait de nourrir les innombrables pigeons du pigeonnier que Monsieur Resansac avait fait bâtir, signe extérieur de richesse, mais aussi signe de bonnes nourritures, mon grand-père captura un de ces petits pigeons. Il l’habitua en le nourrissant quotidiennement, puis ainsi ce pigeon blanc de l’amour servit de pigeon voyageur entre les deux tourtereaux, faisant les allers et retours de la jardinerie au pigeonnier avec un billet doux à la patte, puis un jour elle fit réponse. Elle mit un petit mot doux qu’elle noua avec une mèche de ses cheveux, deux ans plus tard elle cédait à ses avances. Amour quand tu nous tiens ! Toutefois, pendant ces deux longues années, jamais les pigeons n’avaient été aussi bien soignés et le pigeonnier de la ferme aussi propre.
Monsieur Resansac avait depuis peu recueilli une soi-disant nièce, répondant au doux prénom de Constance, car son épouse arrivant à la soixantaine, il était courant de voir des gens de la haute société présenter leur maîtresse comme leur nièce, de trente ans leur cadette. Malgré tout, son épouse, madame Resansac, devait faire contre mauvaise fortune bon cœur, personne n’était dupe mais tout le monde y trouvait son compte.
Le châtelain avait à nouveau retrouvé le sourire. Son épouse, par vengeance, sortait de plus en plus souvent à la ville de Bordeaux pour y faire des emplettes et cette nouvelle liberté lui convenait fort bien, car la bagatelle ne l’intéressait plus guère, en contrepartie, c’est avec une certaine frivolité qu’elle s’offrait de beaux vêtements qui font tant plaisir à ces dames et qui les embellissent si bien.
Cela laissait au châtelain tout loisir de se divertir avec sa « nièce », un petit bout de femme aux yeux coquins et un sourire ravageur qui en disait long sur sa personne, en clair on devinait fort bien qu’elle lui voulait du bien, mais surtout qu’elle en voulait à son bien !
Tout le monde ignore comment les fortunes se font et se défont, mais une chose est sûre, les Resansac devaient avoir de nombreux francs or pour avoir pu faire reconstruire cette bâtisse. D’ailleurs, en parlant d’argent, une question se pose : combien pouvait être rémunéré mon grand-père sachant qu’il était logé et nourri ? Mais de toute façon, il n’aurait guère eu de temps libre pour dépenser de l’argent. Toujours est-il que le châtelain Monsieur Resansac avait des affaires plus que florissantes car, chaque jour, partaient du château des barriques de vins et autres chargements en direction des quais du port de la Lune de Bordeaux, où des gabares attendaient leur futur chargement.
Le maître des lieux vendait tout ce qui pouvait se vendre, piquets d’acacia pour la vigne, du bois de charme pour le chauffage, du bois de chêne pour la construction de barriques, des feuilles de tabac, des céréales, il ne laissait rien perdre et comme la plupart des gens riches, il donnait peu, ou s’il donnait quelques biens, il attendait un retour sur investissement. Il fallait bien rentrer de l’argent pour faire vivre tous ces gens qui dépendaient de lui.
Néanmoins, une question revenait sans cesse et ne se répétait qu’à voix basse : où le vieux mettait-il son magot ? Les ragots allaient bon train « Il doit avoir des centaines de kilos d’or », certains avaient entendu dire qu’il aurait plus de deux millions de francs or d’autres disaient que c’était deux millions de pièces qu’il cachait et cela faisait donc quarante millions de francs or. À d’autres de rajouter : « Vous êtes loin du compte, il a au moins dix fois plus ! ».
Bertrand, le régisseur, savait mettre fin à ce genre de conversation, car il savait très bien que la convoitise n’amenait rien de bien, et qu’il n’était jamais bon de s’intéresser aux affaires des autres.
Le maître aimait se promener dans son immense propriété, cravache à la main, bien en selle sur son percheron, un étalon gris de 1,75 m au garrot et pesant la tonne, suivi de trois ou quatre de ses chiens, qui le craignaient tellement que, chaque fois qu’il les sifflait, ils accouraient la queue entre les jambes et la tête baissées. Même son personnel, le voyant arriver au détour d’un sentier, avait toujours l’impression d’avoir commis quelque chose de mal. En clair, le châtelain, monsieur Resansac, imposait le respect mais surtout était craint de tout son personnel.
La crainte forçait le respect !
Année1912 et déjà douze ans que Jean-Camille était au service de monsieur Resansac. Les années étaient passées et une fille était née, deux ans auparavant, de cette union avec Marie. Méditant sur son sort, il se revoyait au tout premier jour face à ce châtelain qui l’impressionnait toujours autant. Il se sentait amplement heureux et il avait plaisir à produire de beaux légumes dans ce potager qui alimentait plus de cinquante personnes.
C’était la meilleure terre de la région, une terre d’alluvion. Le sol, composé en partie d’argile, de sédiments et de sable, peu calcaire et surtout enrichi de nombreux tombereaux de fumier, ainsi que de toutes les cendres de bois des nombreuses cheminées. Jean-Camille organisait ses cultures avec amour et un certain savoir-faire. Le plus gros souci restant l’arrosage, il avait installé de nombreuses barriques pour récupérer les eaux de pluie, car les trois mois d’été étaient impitoyables pour le jardin potager. Combien de fois s’était-il arraché la peau des mains à remonter l’eau du puits, arrosant souvent le jardin jusque tard dans la nuit ? Mais cela fut pour lui la plus belle période de sa vie, il était devenu « le Jardinier du Château des Resansac » convoité par les amies de ses employeurs pour les productions de massifs de roses.
Les années glorieuses de monsieur Resansac allaient devoir bientôt appartenir au passé. 1913 venait de frapper à la porte de sa vie. À vouloir trop jouer au séducteur et à surestimer ses capacités amoureuses, ce dernier avait subi quelques petits malaises de son cœur quelque peu trop enrobé. Le dernier en date, le docteur du village se précipita en toute urgence au château.
Monsieur Resansac gisait, nu et inconscient, transpirant et le souffle court, à l’étage de la métairie où le foin et la paille étaient entreposés au-dessus de l’étable. Dans l’urgence, Florentine, complice occasionnelle, l’épouse de son métayer, avait refermé son chemisier, laissant apparaître sans le vouloir, un brin de paille coincé dans sa généreuse poitrine qui laissait rêveur plus d’un homme dont le regard s’y perdait.
Le pouvoir et l’argent donnaient-ils encore en ce début de siècle le droit de cuissage ? En tout cas, monsieur Resansac en était persuadé, son personnel était sa propriété. Considérant que tout lui était permis, des plus jeunes aux plus âgées, il tentait l’affaire, n’hésitant pas à forcer la main.
Le docteur diagnostiqua un malaise dû à un coup de chaud faisant suite à un excès de bonne chère. Une élégante manière de sauver l’honneur de Florentine et de son patient. Mais dès que monsieur Resansac reprit ses esprits, tentant de se rhabiller tout en mettant sa culotte à l’envers, ce bon docteur lui glissa à l’oreille le conseil suivant.
La rumeur aidant, cette scène mettait mal à l’aise tous les couples demeurant sur les terres du château, surtout certaines des femmes. Chacune ne voulant être considérée comme une gourgandine, même si certaines avaient été un peu contraintes de garder le silence. Je devine que même mon grand-père dut également se poser des questions sur celle qu’il aimait tant.
Début 1914, des rumeurs sur une hypothétique guerre commençaient à se propager. On parlait de l’Allemagne qui encore faisait des siennes, mais la Prusse, c’était à l’autre bout de la France ! Alors ici aucun risque de voir un casque Prussien. Bertrand le régisseur dit à mon grand-père.
Pensif, tête basse, il partit vers sa roseraie. Imaginant les pires choses qu’une nouvelle guerre apporterait. En mémoire lui revint ce que son père lui avait expliqué de cette guerre franco-allemande de 1870 qui fut un conflit qui opposa de jusqu’en janvier 1871, la France à une coalition d’États allemands dirigés par la Prusse et ses 21 autres États membres.
Arrivant dans sa roseraie, son esprit s’apaisa en observant les bourgeons des rosiers greffés qui commençaient timidement à pousser. Fragiles petites pousses qui donneraient naissance à de nouvelles roses.
Ce mois de mai était magnifique. Ayant eu un hiver particulièrement doux qui s’était arrêté net au 15 mars, les 300 pieds de tomates étaient couverts de fleurs, les premières salades étaient bonnes à déguster et déjà les prairies fleurissaient. Toutes ces odeurs qu’il respirait lui rappelaient son premier jour au château, un certain mois de mai 1900. Quatorze années venaient de s’écouler, et ce jour, assis sur une pierre lui servant de banc, tout en se roulant une cigarette, un mauvais pressentiment soudain l’envahit. La vie lui ayant appris que rien ne dure, que rien n’est jamais acquis, alors inquiet, il pensait à Marie et à Justine sa fille. Un rouge-gorge, venant à sa rencontre, le sortit de son hébétude. Jetant son mégot à terre, il entreprit l’arrosage.
Monsieur Resansac était parti ce jour avec Constance. Elle, tout sourire s’était laissé passer la main aux fesses, avant de monter dans la calèche. Clément, le palefrenier, à qui cela n’avait pas échappé, avait attelé cette calèche avec la nouvelle jument, une superbe pouliche de race andalouse, que le maître avait fait venir d’Espagne, une véritable fortune. Clément, homme discret, avait toujours une oreille qui traînait, car qui se méfiait du boiteux ? Boiteux, mais pas sourd ! Et ce jour il avait bien entendu que le maître et Constance partaient tous deux chez le notaire à Bordeaux pour mettre les affaires de la petite en règle.
Il était donc facile de comprendre que cette petite souris de Constance protégeait ses arrières, financièrement, comme il se doit de comprendre.
Les deux cuisinières, mère et fille, au service des Resansac, ne se plaignaient pas de monsieur mais plutôt de madame très exigeante sur tout, que ce soit sur le service, la cuisson… Rien n’allait jamais bien, chaque jour apportait un flot de reproches. Ce jour-là, Marie-Rose dit à sa fille Anne Marie.
La femme de chambre, toujours à l’écoute du moindre propos, sortit de l’entrebâillement de la cuisine.
Les trois femmes partirent dans une crise de fou rire qui semblait ne plus vouloir s’arrêter, tout en guettant que madame Resansac n’entende pas.
Elles ignoraient que le malheur était déjà aux portes du château.
Trois mois plus tard, le 04 août 1914 alors qu’Anne-Marie accouchait d’une petite fille de trois kilos s’appelant Marie-Anne, ce même jour, la France, l’Angleterre entraient en guerre contre l’Allemagne et c’est au total sept jeunes du château qui furent mobilisés pour partir vers le front. Mon grand-père faisait partie des appelés, mais aussi le jeune papa de Marie-Anne, qui n’aura eu le privilège de tenir son enfant que quelques heures dans ses bras.
Tous ceux qui allaient partir la fleur au fusil et à la boutonnière, néanmoins, partaient la peur au ventre car ils devinaient qu’ils pouvaient ne jamais revenir. Le départ se faisait dans les pleurs et les déchirements, entre parents proches ou amis. Tous espéraient que cela ne durerait pas, car la France était une nation forte et avait renforcé son armement. Le progrès avait motorisé l’armée. Alors, tous se remontaient le moral en se disant :
Juste avant que mon grand-père ne quitte le château, une main se posa lourdement sur son épaule. Réunis dans la cour pour le départ. Bertrand, l’œil humide, d’une voix grave lui dit :
Dans la jardinerie, Marie était effondrée de voir son amour partir et l’abandonner. Justine, du haut de ses quatre ans, pleurait également de voir ses parents pleurer. Ils restèrent enlacés de longues minutes, Marie ne pouvait plus se détacher de cette étreinte. Jean-Camille essaya de les rassurer en plaisantant, mais ce ne fut pas de gaieté de cœur qu’il se résigna à prendre le chemin pour la guerre.
Cette journée de déchirement vit le château se vider de sept de ses hommes et ce ne fut que silence après leur départ, la tristesse avait envahi le cœur de tous ses occupants. Une étrange sensation régnait dans le parc qui semblait être devenu funeste. Accompagnant d’un regard attristé les sept hommes quittant le domaine, tous, y compris le couple de Châtelain, s’étaient réunis devant le portail et dans un ultime adieu, agitaient les bras en signe d’au revoir.
Madame Resansac, au-delà de ses convenances, pleurait aussi.
Les jours qui suivirent ne furent que grisaille. Pour rajouter à ce macabre départ le ciel déversa des trombes de pluies, accompagnées d’orages et de vents violents, la foudre tomba sur un immense tulipier qui fut décimé et fendu jusqu’à la base. Certains y virent le fait d’une malédiction, se rajoutant à la tristesse générale. Les journées reprirent, les tâches réparties, le tout dans la morosité générale.
Quelques semaines plus tard, le châtelain honorait pour la dernière fois sa petite souris de Constance. Resansac venait de mourir d’un arrêt cardiaque. Constance, elle, faillit bien mourir étouffée sous le poids des 140 kilos. Ne pouvant crier, la tête coincée dans la poitrine sous son amant, tentant en vain de se dégager, elle se résigna et fit appel. Constance, allongée dans un lit baldaquin, les bras, les jambes écartées comme une étoile de mer, gisait ligotée et bâillonnée. Le poids était tel qu’il fallut trois hommes pour la libérer.
La scène bien que dégradante, vit Constance, enfin libérée, se lever et afficher sa vergogne sa nudité dans la chambre. Les trois hommes, les yeux pétillants, ne perdirent pas une miette du spectacle. Les fesses rondes, les seins pointant vers le ciel, elle affichait sa beauté avec orgueil tout comme sa toison dorée, sans aucune pudeur.
Après au moins trois semaines d’un deuil, à moitié masqué, madame Resansac ne cachait plus sa liaison avec Victor, dit le gringalet, qu’elle rejoignait parfois dans son logement. On l’appelait ainsi car Victor n’avait pas le physique de son emploi. Sec comme un piquet de vigne, il était le bûcheron le plus efficace de la région rien ne lui faisait peur. Il n’était pas très loquace, voire un peu sauvage.
Le personnel comprenait mieux les longues promenades dans les bois en solitaire de madame, dont Victor ne s’était pas glorifié.
La petite souris de Constance avait bien ficelé son affaire, elle avait réussi à se faire adopter par monsieur Resansac et avait donc le droit de vivre au domaine tout en percevant un capital, plus une rente annuelle de six mille francs or, qu’un notaire de Bordeaux, lui verserait à condition qu’elle demeure au château et s’occupe de la défunte.
Les premières nouvelles du front arrivaient, tous étaient partis pour la contre-offensive sur Verdun. Les soldats envoyaient des courriers rassurants du front, car les Allemands avaient reculé derrière leurs lignes, et il n’y avait eu que peu de soldats morts à déplorer.
Mais en ce jour de Noël 1914, monsieur le maire en personne se rendit au château, à pied, la plupart des chevaux et des mulets ayant été réquisitionnés. Il venait en ce jour de fête annoncer la première mauvaise nouvelle. La veille du réveillon, il se rendit directement aux cuisines et annonça la mort du papa de la petite Marie-Anne. Ce Noël fut le pire de tous les Noëls, les festivités furent annulées, et tous allèrent se recueillir dans la petite chapelle du château.
Dans les quatre années qui suivirent, monsieur le Maire revint quatre fois pour annoncer quatre décès supplémentaires de jeunes partis pour la guerre. Un voile noir endeuillait le château. Car en 1917, tous étaient partis sur le Chemin des Dames, le pire des lieux dans cette atroce guerre, qui faucha la vie de sept cent mille jeunes hommes dans les deux camps. Cette même année, se déclarait la grippe dite Espagnole, qui allait tuer en silence des millions de personnes supplémentaires. Si les balles ou les éclats d’obus ne déchiquetaient pas les corps, le virus s’en chargeait avec voracité.
La mort avait étendu son voile funeste sur le monde entier.
Fin 1918, enfin sonnait la libération, et la fin de la pandémie, seuls deux hommes sur les sept revint de cette sale guerre, Jean-Camille et le fils de Florentine la femme du métayer. Ceux qui revenaient se sentaient presque coupables d’être en vie. Mais la vie n’était-elle pas une loterie en toute chose ? Plus rien ne pourrait être comme avant.
À peine franchies les grilles du château, Bertrand prit Jean-Camille dans ses bras et lui dit :
Bertrand, heureux de voir en vie son protégé, n’arrêtait pas de l’embrasser et de lui taper dans le dos. Submergé par l’émotion, Jean-Camille ne pouvait lui répondre. Il était revenu en entier, seul un obus lui avait salement amoché la jambe et l’épaule, mais il pouvait à nouveau enlacer ses deux amours, Marie et Justine, ses deux anges qui l’avaient aidé à surmonter ces quatre et longues années. Il était heureux d’être en vie, à nouveau parmi les siens et de retrouver ses fleurs si longtemps délaissées. Son jardin fut pour lui, la meilleure des médications, il s’immergeât à nouveau dans sa passion.
Il refusa d’expliquer quoi que ce soit sur les horreurs de cette guerre.
Le fils de Florentine, lui, était en proie à de terribles cauchemars, toujours les mêmes scènes de boucherie avec des obus qui pleuvaient de partout et les corps de ses camarades d’infortune déchiquetés. Les immondes tranchées remplies d’eau croupie et glacée, où même les rats dévoraient des morceaux de cadavre tout en passant sur les vivants. Il avait encore les images dans sa tête, de l’odeur de puanteur des corps en putréfaction. Le faisant vomir du sang, promesse d’un avenir périssable, de violentes contractions lui tordaient l’estomac.
De plus, même s’il était revenu vivant, il était mutilé du cerveau. Un placement dans l’asile psychiatrique de Picon ou Cadillac était prévu.
Toutes les nuits, sa mère, Florentine, allait à son chevet pour le prendre dans ses bras et le rassurer, mais rien n’y faisait, ses cauchemars revenaient le hanter sans cesse, il fuyait tout son entourage, parfois dans ses moments de crise, il n’hésitait pas à s’en prendre aux animaux, ces crises de démences le faisaient devenir agressif, sauf envers sa mère, qui se morfondait de voir la chair de sa chair, détruite par les atrocités de cette guerre. Et tous les soirs, à la nuit tombante, les cris de cet enfant déchiraient le silence et résonnaient dans la vallée de Saint-Jean de Cormes.
Quelques mois plus tard, à nouveau, la cloche sonnait le glas dans la vallée. Jean, le fils de Florentine, s’était pendu au fond du verger, à un pommier que son père Pierre-Jean avait planté pour le jour de sa naissance. Les parents Duchaussoy, malgré leur travail harassant, passèrent trois jours à veiller le corps de leur fils. Il avait juste eu 20 ans. Le malheur les avait lourdement frappés en leur prenant leur fils unique. L’enterrement se déroula au cimetière de la commune de Saint-Jean de Cormes, avec tous les honneurs, mais surtout avec le chagrin abyssal de ses parents.
Madame Resansac était aussi présente à l’église de Saint-Jean de Cormes, où elle fit un discours élogieux qui fit verser des larmes à plus d’un paroissien, mais cela n’enlevait pas la peine de ceux qui avaient perdu un fils, un parent proche, un être cher. Un cortège d’une centaine de personnes avait suivi le corbillard jusqu’à l’église, sur une distance de plus d’un kilomètre.
Nous voici déjà en 1925, Joseph le mari de Marie-Rose la cuisinière, était l’homme à tout faire, indispensable dans la maison des maîtres et dans toute la propriété. Pouvant tout réparer, extrêmement doué, futé et rusé comme un renard. Tellement rusé, que lui seul devait savoir où monsieur Resansac cachait son magot, un coffre sûrement rempli de plusieurs kilos de pièces d’or. Car tout cet argent devait bien être entreposé quelque part. Joseph étant le seul à pouvoir circuler librement dans la maison, il devait forcément savoir où était caché ce pactole. D’autant plus que depuis son décès, Joseph était devenu l’homme de main de Madame Resansac. Celle-ci, vieillissante, de plus en plus menue, comme aspirée de l’intérieur, était devenue une fragile petite vieille vulnérable. La vie était curieuse, cette personne si droite, si froide, si hautaine et qui imposait le respect, n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle avait perdu toute autorité et c’est accrochée au bras de Bertrand qu’elle se rendit au boudoir afin d’y faire un peu de lecture. Il l’aida à s’installer confortablement dans un fauteuil bergère de style Louis XV. Assise sur le coussin moelleux, elle dévisagea en silence Bertrand, son regard en disait long. Bertrand, le régisseur, dépité de la voir ainsi, repartit besogner, mais apercevant Jean-Camille poussant une brouette, il sortit de la maison pour le rejoindre.
Jean-Camille regardait s’éloigner Bertrand qui avait depuis quelque temps la démarche d’un homme vieillissant. Méditant tout en poussant la brouette, il fut interrompu par un jeune chien de la propriété qui jappait après les oies, la réponse ne se fit pas attendre, le jars, criaillant, ailes écartées, cou tendu, vint pincer fermement la cuisse du jeune chien qui hurlant de douleur, partit en couinant.
Le calme revenu, arrivant au potager, Jean-Camille fixa l’horizon vers le sud-ouest, l’air chaud, le bruit du vent dans les arbres semblait annoncer des orages.
Et dans tout ça, que devenait donc notre petite souris de Constance ? Cette petite souris, elle, ne se souciait guère des affaires, ou de la santé de sa rivale, il ne lui suffisait plus qu’à attendre son heure, pour enfin hériter de la totalité des biens, elle aussi réfléchissait à l’emplacement du magot. On suppose qu’elle ne comptait pas le laisser bien évidemment !
Seulement, dans ce genre de situation, dès que les joueurs ont toutes les cartes en main, ils leur tardent bien sûr de pouvoir abaisser leur jeu, mais surtout d’encaisser leurs gains…
Pour Constance les années s’écoulaient et le dernier rempart qui l’empêchait d’accéder à sa fortune, n’en finissait pas de mourir. Et horreur dans l’horreur, Constance venait de s’apercevoir que de petites ridules apparaissaient au coin de ses yeux ; or elle comptait bien profiter pleinement de sa jeunesse et de sa fortune !
Ce printemps de mars 1926 tardait à pointer son nez, les gelées se succédaient, entrecoupées d’averses et mauvais temps, mais pendant tout l’hiver, Constance avait échafaudé un plan machiavélique pour éliminer madame Resansac. Cela se déroulerait en trois temps :
« Que les hommes sont faibles devant la tentation... » Et ça, Constance l’avait compris depuis fort longtemps !
Le deuxième homme qu’elle se devait de séduire impérativement, c’était Joseph, car lui seul devait savoir où se cachait le trésor, elle se doutait que là ce serait plus dur, alors elle utilisa les grands moyens. Il faut dire que cette petite souris de Constance était une très belle et très jolie jeune femme.
Ayant bien choisie son moment, alors qu’elle était à l’étage dans une chambre, et que Joseph était en train de réparer une serrure au rez-de-chaussée, profitant de l’absence de la femme et de la fille de Joseph, elle se mit à crier, hurlant au secours, celui-ci accourut, montant quatre à quatre les escaliers, et entra immédiatement dans la chambre.
Joseph s’exécuta. Il trouva Constance entièrement nue les deux pieds dans une bassine emplie d’eau, se masquant partiellement le corps avec les mains.
Joseph, gêné, presque interdit, osait à peine lever le regard pour la toucher, donc elle le devança, s’accrochant à lui, trébuchant, elle fit « malencontreusement » tomber la serviette à ses pieds. Avec grâce et lenteur, elle se pencha pour la saisir… La scène était délicieuse pour Joseph, qui pour la seconde fois se rinçait l’œil, comme pour le décès de monsieur Resansac où il avait participé à la dégager lorsqu’elle était coincée sous le corps de son amant. À ce moment-là, Constance savait qu’elle avait gagné ! Rapidement, elle lui déposa un baiser sur la bouche et partit se rhabiller en se dandinant, laissant Joseph pantois.
Pourtant elle n’en fit rien, estimant être au-dessus de tout soupçon, elle compterait sur sa prédisposition à la comédie.
Son plan machiavélique était enfin prêt, il allait falloir trouver le moment opportun.
Quelques jours plus tard, alors que la pleine lune l’avait tourmentée, elle décida que ce serait le jour de passer à l’acte.