Le Christianisme Ésotérique - Annie Besant - E-Book

Le Christianisme Ésotérique E-Book

Annie Besant

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  • Herausgeber: Ligaran
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2015
Beschreibung

Extrait : "Beaucoup—la plupart même, peut-être—des personnes qui liront le titre de cet ouvrage l'accuseront immédiatement d'impliquer une idée fausse et nieront qu'il existe rien de précieux ayant droit au nom de Christianisme Ésotérique..."

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En abordant la contemplation des Mystères de la Connaissance, nous nous conformerons à la règle traditionnelle, fameuse et vénérable : nous commencerons par l’origine de l’Univers, déterminant les points, propres à la contemplation physique, qu’il est nécessaire d’établir tout d’abord, et faisant disparaître tout ce qui pourrait être un obstacle sur notre route : de telle façon que l’oreille soit préparée à recevoir la tradition de la Gnose, le terrain nettoyé des mauvaises herbes et prêt à recevoir la vigne ; car il y a une lutte avant la lutte, des mystères avant les Mystères.

SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

*
**

Que cet exemple suffise à ceux qui ont des oreilles. Car il n’est pas nécessaire de dévoiler les Mystères, mais seulement d’indiquer ce qui est suffisant.

Ibid.

*
**

Que celui qui a des oreilles pour ouïr, entende.

SAINT MATHIEU.

Avant-propos

Ce livre a pour objet d’appeler l’attention sur les vérités profondes qui sont la base du Christianisme – vérités généralement méconnues et trop souvent niées. Le désir généreux de partager avec tous ce qui est précieux, de répandre à pleines mains des vérités inestimables, de ne priver personne des lumières de la connaissance vraie, a eu pour résultat un zèle inconsidéré qui a vulgarisé le Christianisme et présenté ses enseignements sous une forme souvent rebutante pour le cœur et impossible à accepter par l’intelligence. Le commandement : Prêchez l’Évangile à toute créature est d’une authenticité douteuse, c’est là un point admis, et pourtant on a voulu y voir la défense d’enseigner la Gnose à des privilégiés. Ce commandement semble donc avoir fait oublier cette autre parole, moins populaire, du même Grand Maître : Ne donnez point les choses saintes aux chiens. Cette sentimentalité de mauvais aloi – qui refuse d’admettre les inégalités évidentes dans le domaine intellectuel et moral et, par là, fixe l’enseignement donné aux personnes hautement développées au niveau que peuvent atteindre les moins évoluées, en sacrifiant ainsi le supérieur à l’inférieur d’une manière préjudiciable à tous deux – cette sentimentalité, le bon sens viril des premiers chrétiens ne la connaissait point. Saint Clément d’Alexandrie écrit, en propres termes, après avoir fait allusion aux Mystères : « Aujourd’hui encore je crains, comme il est dit, de jeter des perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds et, se tournant, ne nous déchirent. Car il est difficile de parler de la vraie lumière, en termes tout à fait clairs et limpides, à des auditeurs mal préparés et d’une nature porcine. »

Si la vraie connaissance – la Gnose – doit former de nouveau partie des enseignements Chrétiens, ce ne peut être qu’avec les restrictions anciennes et à la condition d’abandonner définitivement l’idée de tout ramener au niveau des intelligences les moins développées. L’enseignement hors de portée des moins évolués peut seul préparer le retour des connaissances occultes, et l’étude des Mystères Mineurs doit précéder celle des Grands Mystères. Ceux-ci ne seront jamais divulgués par l’impression : ils ne peuvent se transmettre que de Maître à disciple, « de la bouche à l’oreille ». Quant aux Mystères Mineurs, qui dévoilent partiellement de profondes vérités, ils peuvent aujourd’hui encore être rétablis ; un ouvrage comme celui-ci est destiné à en donner une esquisse et à indiquer la nature des enseignements dont l’étude s’impose. Quand l’auteur s’exprime à mots couverts, les vérités qu’il donne à entendre peuvent être rendues visibles, dans leurs grandes lignes, par une calme méditation : une méditation prolongée, par la lumière plus vive qui en résulte, les mettra graduellement plus en relief. La méditation tranquillise le mental inférieur sans cesse occupé des objets du dehors, et un mental tranquille peut seul être illuminé par l’Esprit. C’est ainsi que doit s’obtenir la connaissance des vérités spirituelles ; elle doit venir du dedans et non du dehors, de l’Esprit divin dont nous sommes le temple et non d’un Maître extérieur. Ces vérités, l’Esprit divin, qui est en nous la pensée du Christ dont parle le grand Apôtre, en juge spirituellement, et cette lumière intérieure se répand sur le mental inférieur.

Ainsi procède la Sagesse divine, la véritable THÉOSOPHIE. Elle n’est pas, comme on le croit quelquefois, une adaptation diluée d’Hindouisme, de Bouddhisme, de Taoïsme ou d’aucune autre religion particulière : elle est aussi bien le Christianisme Ésotérique que le Bouddhisme Ésotérique. Elle appartient également à toutes les religions, sans aucune exception. Telle est la source où ont été puisées les vérités exposées dans ce petit volume, la véritable Lumière qui éclaire tous les hommes en venant au monde, bien que la plupart, n’ayant pas les yeux ouverts, ne puissent encore la voir. Ce livre n’apporte pas la Lumière : il dit simplement : « Voici la Lumière ! » car elle ne vient pas de nous ; il ne fait appel qu’à la minorité que ne peuvent plus rassasier les enseignements exotériques ; aux personnes pleinement satisfaites par les enseignements exotériques il n’est point destiné. À quoi bon forcer ceux qui n’ont pas faim à recevoir du pain ? Pour les affamés, puisse ce livre être du pain et non une pierre.

CHAPITRE ILe côté caché des religions

Beaucoup – la plupart même, peut-être – des personnes qui liront le titre de cet ouvrage l’accuseront immédiatement d’impliquer une idée fausse et nieront qu’il existe rien de précieux ayant droit au nom de « Christianisme Ésotérique ». Suivant une opinion très répandue et, par suite, populaire, le Christianisme ne présente rien qui puisse être appelé « enseignement occulte » ; quant aux « Mystères », les Grands comme les Mineurs, c’était une institution essentiellement païenne. Le nom même des « Mystères de Jésus », si familier aux Chrétiens des premiers siècles, surprendrait fort leurs successeurs modernes, et l’opinion qui verrait dans ces Mystères une institution spéciale et définie provoquerait des sourires d’incrédulité. Que dis-je ! Il a été affirmé avec orgueil que le Christianisme n’avait pas de secrets – que ce qu’il avait à dire et à enseigner, il le disait et l’enseignait à tous. Ses vérités passent pour être d’une simplicité telle, que « le premier venu – même borné – les comprendra sans peine » et que « la simplicité de l’Évangile » est devenue une expression banale.

Il est donc nécessaire de prouver clairement que – tout au moins dans l’Église primitive – le Christianisme ne le cédait en rien à d’autres grandes religions possédant un « côté caché » et qu’il gardait, comme un trésor inestimable, les secrets révélés à l’élite dans ses Mystères. Mais, avant d’entreprendre cette tâche, il sera bon de considérer dans son ensemble la question de ce côté caché des religions et d’examiner pourquoi un côté semblable est, pour une religion, la condition même de sa force et de sa stabilité. La présence de cet élément dans le Christianisme s’en trouvera prouvée du même coup, et les passages où les Pères de l’Église y font allusion paraîtront faciles à interpréter et naturels, au lieu d’être surprenants et inintelligibles. L’existence de cet ésotérisme est un fait historique – nous pouvons le prouver – mais il est possible de démontrer aussi qu’elle est une nécessité d’ordre intellectuel.

Quel est le but des religions ? C’est la première question qui se pose. Les religions sont données au monde par des hommes plus sages que les masses qui les reçoivent ; elles sont destinées à hâter l’évolution humaine, et leur action, pour être effective, doit atteindre et influencer individuellement les hommes. Or, tous les hommes ne sont pas arrivés au même degré d’évolution. L’évolution peut, au contraire, se représenter comme une rampe ascendante dont chaque point est occupé par un homme. Les plus évolués sont, intellectuellement et moralement, bien au-dessus des moins avancés. À chaque degré, la faculté de comprendre et d’agir se modifie. Il est donc inutile de donner à tous le même enseignement religieux. Ce qui serait une aide pour l’homme intellectuel resterait tout à fait incompréhensible pour l’homme borné ; ce qui mettrait en extase le saint ne ferait aucune impression sur le criminel. Si, d’autre part, l’enseignement est de nature à aider les inintelligents, il est, pour le philosophe, insuffisant et vide ; est-il de nature à relever le criminel, il est complètement inutile au saint. Et pourtant, toutes les catégories humaines ont besoin de religions, afin de pouvoir tendre vers une vie supérieure à leur existence actuelle. En même temps, aucune catégorie, aucune classe ne doit être sacrifiée à une autre. La religion doit être aussi graduée que l’évolution elle-même ; autrement elle n’atteint pas son but.

Comment les religions – nous demanderons-nous ensuite – doivent-elles chercher à hâter l’évolution humaine ? Les religions tendent à former les natures morale et intellectuelle et à seconder le développement de la nature spirituelle. Regardant l’homme comme un être complexe, elles cherchent à l’atteindre dans chacun des éléments qui le composent – en s’adressant, par conséquent, à chacun par des enseignements appropriés aux besoins les plus variés. Ces leçons doivent donc s’adapter à chacune des intelligences, à chacun des cœurs auxquels elles s’adressent. Si une religion n’atteint et ne subjugue pas l’intelligence – si elle ne purifie et n’élève pas les émotions – elle a manqué son but, en ce qui concerne la personne à qui elle s’adresse.

La religion ne s’applique pas seulement ainsi à l’intelligence et aux émotions – elle cherche encore, comme nous l’avons dit, à stimuler le développement de la nature spirituelle. Elle répond à cette impulsion intérieure qui existe dans l’homme et ne cesse de pousser la race en avant. Car, au fond du cœur de chacun – souvent entravée par des conditions transitoires, souvent submergée par des préoccupations et des intérêts absorbants – il existe une aspiration continuelle vers Dieu. Comme un cerf brame après des eaux courantes, ainsi soupire l’humanité après Dieu. Cette recherche présente des moments d’arrêt, où l’aspiration semble disparaître. La civilisation et la pensée présentent des phases où ce cri, vers le Divin, de l’Esprit humain cherchant sa source – comme l’eau cherche à reprendre son niveau, suivant l’expression de Giordano Bruno – où cette aspiration passionnée de l’Esprit humain vers ce qui est de même nature que lui, dans l’univers – de la partie vers le tout – semble muette, semble évanouie. Mais bientôt elle se réveille, et le même cri poussé par l’Esprit se fait entendre. Cet instinct peut être momentanément aboli et périr en apparence, mais il se relève sans cesse – malgré l’opposition qui le réduit au silence – et prouve ainsi qu’il est une tendance inhérente à la nature humaine et fait avec elle un tout inséparable. Ceux qui s’écrient, triomphants : « Voyez ! Il n’est plus ! » le retrouvent devant eux, toujours aussi vivant. Ceux qui bâtissent sans en tenir compte voient leurs édifices bien construits lézardés comme par un tremblement de terre. Ceux qui déclarent qu’il a fait son temps voient les superstitions les plus extravagantes résulter de leur dédain. Il est si bien une partie intégrante de l’humanité, que l’homme exige une réponse à ses questions et préfère au silence une réponse fausse. L’homme ne parvient-il pas à découvrir la vérité religieuse, il choisira l’erreur religieuse plutôt que de rester sans religion ; il acceptera l’idéal le plus vide et le plus faux, mais refusera d’admettre que l’idéal n’existe pas.

Ainsi, la religion s’adresse à cet impérieux besoin, et, s’emparant dans la nature humaine du principe qui lui donne naissance, elle forme ce principe, le fortifie, le purifie et le guide vers le but qui l’attend – l’union de l’Esprit humain avec l’Esprit Divin – afin que Dieu soit tout en tous.

Une troisième question se pose : Quelle est l’origine des religions ? – Cette question a reçu, dans les temps modernes, deux réponses : celle des Mythologies comparées et celle des Religions comparées. Ces deux sciences donnent, pour base commune à leurs réponses, les faits établis. Les recherches ont démontré d’une manière indiscutable que les différentes religions se ressemblent par leurs grands enseignements ; par leurs Fondateurs, qui manifestent tous des facultés surhumaines et une élévation morale extraordinaire ; par leurs préceptes éthiques ; par les méthodes qu’elles emploient pour entrer en relation avec les mondes invisibles ; enfin, par les symboles exprimant leurs croyances principales. Ces ressemblances, qui vont parfois jusqu’à l’identité, prouvent – à en croire les deux écoles que nous avons nommées – une origine commune.

Les deux partis diffèrent cependant dans leur manière de définir la nature de cette origine. La Mythologie comparée affirme que l’origine commune est une ignorance commune et que les religions les plus transcendantes sont simplement l’expression raffinée des naïves et barbares suppositions de sauvages – d’hommes primitifs – concernant leur propre existence et le monde qui les entoure. L’animisme, le fétichisme, le culte de la nature, le culte du soleil : telle est la boue d’où émerge le lis splendide des religions. Un Krishna, un Bouddha, un Lao-tze, un Jésus sont les descendants, hautement civilisés mais pourtant directs, de « l’homme-médecine » qui se contorsionne devant des sauvages, Dieu est une photographie « composite » des innombrables dieux qui personnifient les forces de la nature. Et ainsi de suite. Tout se résume dans cette phrase : les religions sont les branches d’un tronc commun – l’ignorance humaine.

Par contre – d’après la science des Religions comparées – toutes les religions ont leur origine dans les enseignements d’hommes divins qui révèlent, de temps à autre, aux différentes nations, les fragments des vérités religieuses fondamentales qu’elles sont susceptibles de comprendre ; la morale enseignée est toujours la même, les moyens inculqués sont semblables, les symboles identiques dans leur signification. Les religions sauvages – l’animisme et toutes les autres – sont des dégénérescences, les résultats d’une décadence, les descendants difformes et rapetissés de croyances religieuses véritables. Le culte du soleil et les formes pures du culte de la nature étaient, à leur époque, des religions élevées, extrêmement allégoriques, mais présentant des vérités et des connaissances profondes. Les grands Fondateurs – c’est l’opinion des Hindous, des Bouddhistes et d’un certain nombre de personnes s’occupant de religions comparées, telles que les Théosophes – forment une Fraternité permanente d’hommes ayant dépassé le niveau de l’humanité. Ils se montrent, à certains moments, pour éclairer le monde et sont les protecteurs spirituels de la race humaine. Cette thèse peut être ainsi résumée : « Les religions sont les branches d’un tronc commun – la Sagesse Divine.

Cette Sagesse Divine s’est appelée la Sagesse, la Gnose, la Théosophie et quelques esprits à différentes époques de l’histoire du monde, dans leur désir de mieux proclamer leur croyance dans cette unité des religions, ont préféré le nom éclectique de Théosophes à toute autre désignation d’un sens plus restreint.

La valeur relative des affirmations des deux écoles opposées doit être jugée par la valeur des preuves invoquées. Une forme dégénérée d’une grande idée peut présenter une ressemblance étroite avec le produit raffiné d’une idée grossière. Le seul moyen de reconnaître s’il y a dégénérescence ou évolution serait – s’il était possible – d’examiner ce qu’étaient nos ancêtres, plus ou moins reculés et ceux des époques primitives. Les arguments présentés par ceux d’entre nous qui croient à l’existence de la Sagesse sont de cette nature. Suivant leurs allégations, les Fondateurs des religions, tels que nous les montrent leurs enseignements, dépassaient infiniment le niveau de l’humanité ordinaire ; les Écritures sacrées contiennent des préceptes moraux, un idéal sublime, des envolées de poésie, des affirmations profondément philosophiques, dont la grandeur et la beauté restent inapprochées dans les écrits plus modernes offerts par les mêmes religions. En d’autres termes, l’ancien l’emporte sur le récent et non le récent sur l’ancien. Il est impossible de citer un seul exemple du raffinement et du perfectionnement graduels auxquels les religions, en général, devraient leur origine. On peut, au contraire, citer des cas nombreux de purs enseignements dégénérés. Même chez les sauvages, on peut découvrir, en étudiant de près leurs religions, des traces nombreuses d’idées élevées que les sauvages ont évidemment été incapables de concevoir par eux-mêmes.

Ce dernier argument a été développé par M. Andrew Lang. À le juger d’après son livre, The Making of Religion, cet auteur semble appartenir plutôt au camp des Religions comparées qu’à celui des Mythologies comparées. Il montre l’existence d’une tradition commune que les sauvages n’ont pu développer pour eux-mêmes, leurs croyances habituelles étant des plus primitives et leur intelligence faible. Sous ces croyances grossières et ces idées dégradées, Lang découvre des traditions d’un caractère sublime, concernant la nature de l’Être divin et ses relations avec l’humanité. Si les divinités adorées sont, pour la plupart, de véritables démons, derrière elles, plus haut qu’elles, se dresse une vague mais glorieuse Présence, rarement ou jamais nommée ; on en parle tout bas comme d’une puissance pleine d’amour et de bonté, trop tendre pour inspirer la terreur, trop bonne pour qu’on lui adresse des supplications. Des notions semblables, les sauvages parmi lesquels on les trouve n’ont évidemment pu les concevoir ; elles demeurent les témoins éloquents des révélations de quelque grand Instructeur, dont la tradition nébuleuse peut généralement se découvrir aussi – d’un Fils de la Sagesse dont certains enseignements furent donnés dans un âge infiniment lointain.

Il est facile de comprendre la raison et, à vrai dire, la justification de l’opinion soutenue par la science des Mythologies comparées. Partout, parmi les tribus sauvages, elle voit les croyances religieuses revêtir des formes abjectes et coïncider avec un manque de civilisation absolu. Or les hommes civilisés descendant, par évolution, des hommes non-civilisés, quoi de plus naturel que de regarder les religions civilisées comme le résultat de l’évolution des non-civilisées ? C’est la première idée qui vient à l’esprit. Une étude nouvelle et plus attentive peut seule montrer que les sauvages d’aujourd’hui ne représentent pas nos ancêtres, mais qu’ils sont les descendants dégénérés de grandes races civilisées d’autrefois ; que, dans son développement, l’homme primitif n’a pas été laissé sans direction, mais qu’il a été surveillé, formé, par ses aînés dont il a reçu à la fois ses premières leçons de religion et de civilisation. Cette manière de voir se trouve corroborée par les faits dont parle Lang, et tout à l’heure se posera le problème : « Qui étaient ces aînés dont la tradition subsiste partout ? »

Poursuivant notre enquête, nous arrivons maintenant à cette question : « À quels peuples ont été données les religions ? » Ici se présente immédiatement la difficulté que tout Fondateur de religion est appelé à résoudre ; elle est inhérente, comme nous l’avons vu, au but essentiel de la religion – l’accélération de l’évolution – et à son corollaire, la nécessité de tenir compte de tous les degrés d’évolution individuelle. Les hommes appartiennent aux stages évolutifs les plus divers ; certains d’entre eux présentent une extrême intelligence, mais d’autres une mentalité naissante ; ici une civilisation d’un développement et d’une complexité remarquables, là une organisation rudimentaire et naïve. Même dans les limites d’une civilisation donnée, nous trouvons les types les plus variés, les plus ignorants et les plus instruits, les plus réfléchis et les plus insouciants, les plus spirituellement doués et les plus brutaux. Il faut pourtant atteindre chacune de ces catégories d’êtres et les aider là où elles sont. Si l’évolution existe, cette difficulté est inévitable ; l’Instructeur divin doit l’aborder et la vaincre ; autrement Son œuvre n’aboutira point. Si l’homme, comme tout ce qui l’entoure, est soumis à l’évolution, ces différences de développement, ces degrés d’intelligence variés, doivent partout caractériser l’humanité, et partout les religions de ce monde doivent en tenir compte.

Ceci nous oblige à reconnaître qu’un seul et même enseignement religieux ne saurait suffire à une même nation ; bien moins encore au monde entier. S’il n’en existait qu’un, beaucoup de ceux auxquels il s’adresse échapperaient totalement à son influence. L’enseignement est-il approprié aux hommes d’intelligence bornée, de moralité rudimentaire, de sens obtus, de telle façon qu’il les aide, les forme et favorise ainsi leur évolution, cette religion ne conviendra en rien aux hommes appartenant à la même nation, faisant partie de la même civilisation, présentant une nature morale vive et impressionnable, une intelligence brillante et subtile, une spiritualité grandissante. Mais si, d’autre part, cette dernière classe doit être aidée, si l’intelligence doit recevoir une philosophie qu’elle puisse admirer ; si la délicatesse des perceptions morales doit être plus affinée encore ; si la nature spirituelle naissante doit pouvoir, un jour, atteindre sa plénitude lumineuse, la religion devra réunir une spiritualité, une intellectualité et une moralité telles que sa prédication ne touchera ni la raison, ni le cœur des hommes dont j’ai parlé d’abord ; elle ne représentera, pour eux, qu’une suite de phrases sans signification, incapables d’éveiller leur intelligence engourdie ou de leur présenter aucun mobile qui leur permette de s’élever à des notions morales plus pures.

En examinant ces faits, en considérant le but de la religion, son mode d’action, son origine, la nature et les besoins variés des hommes à qui elle s’adresse, en constatant l’évolution, dans l’homme, de facultés spirituelles, intellectuelles et morales et le besoin, pour chacun, d’une éducation appropriée à son degré d’évolution, nous nous trouvons amenés à reconnaître la nécessité absolue d’enseignements religieux variés et gradués qui satisfassent ces besoins différents et puissent aider chaque homme individuellement.

Pour une autre raison encore, l’enseignement doit rester ésotérique, en ce qui concerne certaines vérités auxquelles s’applique essentiellement la maxime : « Savoir c’est pouvoir. » La promulgation d’une philosophie profondément intellectuelle, capable de développer des esprits déjà hors de pair et de recevoir l’adhésion des hautes individualités, ne peut nuire à personne. Cette philosophie peut être répandue sans hésitation, car elle n’attire pas les ignorants qui s’en détournent, la trouvant aride, difficile et sans intérêt. Mais il y a des enseignements relatifs à l’organisation de la matière, qui expliquent des lois cachées et éclairent des opérations occultes dont la connaissance donne la clef de certaines énergies naturelles et permet de faire servir ces énergies à des fins déterminées, comme le fait un chimiste avec le produit de ses combinaisons. De semblables connaissances peuvent être d’une grande utilité pour des hommes très avancés et leur permettre de servir beaucoup plus utilement l’humanité. Mais si ces connaissances étaient vulgarisées, elles pourraient être, et seraient, mal employées, comme la connaissance de poisons subtils le fut au Moyen Âge, entre autres par les Borgia ; elles passeraient à des hommes d’intelligence puissante, mais de désirs effrénés, à des hommes animés d’instincts séparatifs, cherchant leur bien personnel et indifférents au bien commun ; ces hommes, séduits par l’idée d’obtenir un pouvoir dont la possession les élèverait au-dessus du niveau général et mettrait l’humanité à leur merci, s’empresseraient d’acquérir des connaissances qui haussent leur possesseur à un rang surhumain ; les possédant, ils n’en deviendraient que plus égoïstes et plus confirmés dans leur séparativité, plus orgueilleux et plus repliés sur eux-mêmes et se trouveraient ainsi forcément poussés dans la route qui mène au diabolisme, ce sentier de la Main Gauche dont le terme est l’isolement et non pas l’union ; non seulement ils en souffriraient dans leur nature intérieure, mais encore ils deviendraient un danger pour la société, qui a déjà suffisamment à souffrir de la part des hommes dont l’intelligence est plus développée que la conscience. D’où la nécessité de mettre certains enseignements hors de portée de ceux qui, moralement, sont encore inaptes à les recevoir ; elle s’impose à tout Instructeur disposant de ces connaissances. L’Instructeur désire transmettre à ceux qui les feront servir au bien général et à l’accélération de l’évolution humaine les pouvoirs qu’elles confèrent ; mais en même temps Il se refuse à en faire profiter les hommes qui, au détriment de leurs semblables, les appliqueraient à leur avantage personnel.

Ce ne sont pas là de simples théories, nous disent les Annales Occultes, dans le récit détaillé des évènements mentionnés dans la Genèse, chapitre VI et suivants. L’enseignement était donné, dans ces temps reculés et sur le continent Atlante, sans que les gages de l’élévation morale, de la pureté et de l’altruisme fussent rigoureusement exigés des postulants. L’instruction était donnée à ceux dont l’intelligence était suffisante, exactement comme de nos jours est enseignée la science ordinaire. La publicité qu’on réclame si fort aujourd’hui existait alors ; elle porta ses fruits, et les hommes devinrent non seulement des géants intellectuels, mais aussi des géants d’iniquité, jusqu’au moment où la terre gémit sous leur oppression et où le cri d’une humanité tyrannisée retentit à travers les mondes. Alors eut lieu la destruction d’Atlantis la submersion de cet immense continent sous les eaux de l’océan. Le récit du déluge de Noé, dans les Écritures Hébraïques, l’histoire de Vaisvata Manou racontée par les Écritures Hindoues, dans l’Extrême-Orient, donnent quelques détails sur cet évènement.

Il y avait donc danger à laisser des mains impures s’emparer d’un savoir qui donne la puissance et, depuis lors, les grands Instructeurs ont imposé des conditions rigoureuses, exigeant la pureté, l’altruisme et l’empire sur soi-même de toute personne demandant à être instruite dans ces matières. Ils se refusent nettement à communiquer des connaissances de ce genre à qui refuse de se soumettre à une discipline étroite, destinée à éliminer des sentiments et des intérêts les tendances séparatives. Ils attachent plus d’importance à la force morale du candidat qu’à son développement intellectuel, car l’enseignement lui-même développera l’intellect, tout en mettant à l’épreuve la nature morale. Il est infiniment préférable, pour les Grands Êtres, d’être accusés d’égoïsme par les ignorants parce qu’Ils ne divulguent pas leurs connaissances, que de précipiter le monde dans une nouvelle catastrophe Atlante.

Tels sont les arguments théoriques sur lesquels nous basons la nécessité de l’existence, dans toute religion, d’un côté caché. Si de la théorie nous passons aux faits, nous sommes naturellement amenés à demander : Ce côté caché a-t-il existé dans le passé, a-t-il fait partie des religions de ce monde ? La réponse doit être immédiatement et franchement affirmative. Toutes les grandes religions ont déclaré qu’elles disposaient d’un enseignement secret et qu’elles conservaient le dépôt, non seulement de connaissances mystiques théoriques, mais encore de connaissances mystiques pratiques ou sciences occultes. L’interprétation mystique des enseignements populaires était ouvertement donnée ; elle en montrait le caractère allégorique et rendait ainsi à des affirmations et à des récits étranges et peu rationnels un sens intellectuellement acceptable. Derrière l’enseignement populaire, le mysticisme théorique ; derrière le mysticisme théorique, le mysticisme pratique, enseignement spirituel caché qui n’était donné que sous des conditions expresses, ouvertement communiquées et obligatoires pour tout candidat. Clément d’Alexandrie mentionne cette division des Mystères. À la purification, dit-il, « succèdent les Mystères Mineurs ; ils constituent une base d’instruction et de préparation pour le degré suivant ; puis les Grands Mystères, dans lesquels il ne reste plus rien à apprendre sur l’univers ; mais seulement à contempler et à comprendre la nature et les choses. »

En ce qui concerne les religions de l’antiquité, cette affirmation ne saurait être accusée d’inexactitude. Les Mystères de l’Égypte étaient la gloire de cette terre vénérable, et les plus grands fils de la Grèce, tel que Platon, se rendirent à Saïs et à Thèbes pour y être initiés par des Égyptiens, Instructeurs de la Sagesse. En Perse, les Mystères de Mithras, en Grèce les Mystères d’Orphée et de Bacchus et plus tard les semi-Mystères d’Éleusis – les Mystères de Samothrace, de la Scythie, de la Chaldée sont connus de tous, au moins de nom ; même sous la forme extrêmement dégénérée des Mystères d’Éleusis, les hommes les plus éminents de la Grèce, tels que Pindare, Sophocle, Isocrate, Plutarque et Platon en ont la plus haute opinion. On attachait aux Mystères une importance spéciale au point de vue de l’existence d’outre-tombe – l’Initié acquérant les connaissances qui assuraient son bonheur à venir. Sopater affirme, de plus, que l’Initiation établissait une alliance entre l’âme et la Nature divine et, dans l’hymne exotérique à Déméter, nous trouvons des allusions voilées au saint enfant, Iacchus, à sa mort et à sa résurrection enseignées dans les Mystères.

De Jamblique, le grand théurge des troisième et quatrième siècles après Jésus-Christ, il y a beaucoup à apprendre concernant le but des Mystères. La théurgie était la magie, « la partie la plus avancée de la science sacerdotale » ; elle était pratiquée dans les Grands Mystères, pour évoquer l’apparition d’Êtres supérieurs. Résumée en quelques mots, la théorie servant de base à ces Mystères est la suivante. D’abord l’UNIQUE, antérieur à tous les êtres, immobile, retiré dans la solitude de Sa propre unité. De CELA émane le Dieu Suprême, engendré de Lui-même, le Bien, la Source de toutes choses, la Racine, le Dieu des Dieux, la Cause Première, dont la manifestation est Lumière. De Lui naît le Monde Intelligible ou univers idéal, le Mental Universel, le Nous, dont dépendent les Dieux incorporels ou intelligibles. Du Nous procède l’Âme du Monde, à laquelle appartiennent les « formes divines intellectuelles qui accompagnent les corps visibles des dieux ». Puis viennent différentes hiérarchies d’êtres surhumains, les Archanges, les Archontes (gouverneurs) ou Cosmocratores, les Anges, les Daïmôns, etc. L’homme constitue un ordre moins élevé, mais d’une nature analogue à la leur ; il peut arriver à les connaître ; l’expérience en était faite dans les Mystères et conduisait à l’union avec Dieu.

Suivant les doctrines communiquées dans les Mystères, « toutes choses procèdent de l’Unique et y retournent » ; « l’Unique est supérieur à tout ». De plus, ces différents Êtres étaient évoqués et apparaissaient tantôt pour instruire, tantôt pour édifier et purifier par leur seule présence. « Les dieux bienveillants et miséricordieux, dit Jamblique, versent libéralement la lumière aux théurges, ils appellent à eux les âmes de ceux-ci, ils les unissent à eux et les habituent, bien que liées à des Corps, à se séparer des corps et à évoluer autour de leur cause éternelle et intelligible. » – Car « l’âme ayant une double vie, l’une avec le corps, l’autre distincte de tout corps », il est indispensable d’apprendre à séparer l’âme du corps, afin qu’elle puisse s’unir aux dieux par sa partie intellectuelle et divine et apprendre, avec les vrais principes de la connaissance, les vérités du monde intelligible. « La présence des dieux nous donne la santé du corps, la vertu de l’âme, la pureté de l’intelligence et, en un mot, la régression de tout ce qui est en nous aux causes propres… Ce qui n’est pas corps, elle le représente comme corps aux yeux de l’âme par l’intermédiaire des yeux du corps. » « Dans les épiphanies des dieux, elles (les âmes) reçoivent la perfection extraordinaire et extrême, l’acte le meilleur absolument, et elles participent à l’amour divin et à la joie indicible, » Par là nous obtenons une vie divine et devenons, en réalité, divins.

Le point culminant des Mystères était la transformation de l’Initié en Dieu, soit par l’union avec un Être divin extérieur à lui-même, soit en ayant les yeux ouverts à l’existence en lui du Soi divin. Cet état portait le nom d’extase ; un Yogi Hindou l’appellerait le Samâdhi supérieur – le corps grossier étant en léthargie et l’âme libérée effectuant sa propre union avec le Grand Être. Cette « extase n’est pas, à proprement parler, une faculté ; c’est un état de l’âme qui la transforme de telle façon qu’elle perçoit ce qui, jusqu’alors, était caché pour elle. Tant que notre union avec Dieu ne sera pas irrévocable, cet état ne sera pas permanent ; ici, dans notre vie terrestre, l’extase n’est qu’un éclair… L’homme peut cesser d’être homme et devenir Dieu, mais il ne peut être à la fois Dieu et homme. » Plotin dit qu’il n’avait encore atteint cet état « que trois fois ».

Proclus, lui aussi, enseignait que l’unique salut de l’âme était le retour à sa forme intellectuelle ; l’âme se dérobait ainsi au « cercle de la génération et à toutes ses courses errantes » et atteignait l’existence véritable – « le retour à l’énergie toujours égale et simple de la période caractérisée par les différences ». Telle est la vie à laquelle aspiraient les candidats, initiés par Orphée dans les Mystères de Bacchus et de Proserpine ; tel est le résultat obtenu par la pratique des vertus purificatrices ou cathartiques.

Ces vertus étaient exigées pour les Grands Mystères, car elles exerçaient une action sur la purification du corps subtil dans lequel fonctionnait l’âme quand elle quittait le corps grossier. Les vertus politiques ou pratiques appartenaient à la vie journalière ; elles étaient exigées jusqu’à un certain point, avant qu’un homme pût se présenter à l’admission dans une école comme celles dont nous allons parler. Puis venaient les vertus cathartiques, purifiant le corps subtil, celui des émotions et du mental inférieur ; troisièmement les vertus intellectuelles, propres à l’Augoeides, ou côté lumineux de l’intelligence ; enfin, les vertus contemplatives ou paradigmatiques par lesquelles s’obtient l’union avec Dieu. Suivant Porphyre : « Celui qui exerce les vertus pratiques est un homme de bien ; mais celui qui exerce les vertus purificatrices est un homme angélique ou encore un bon daïmôn. Celui qui exerce les vertus intellectuelles seul est un Dieu, – mais celui qui exerce les vertus paradigmatiques est le Père des Dieux. »

Dans les Mystères, beaucoup d’enseignements venaient encore des hiérarchies angéliques et autres. Pythagore, le grand Instructeur, qui avait reçu l’initiation dans l’Inde et qui communiquait à ses disciples « la connaissance des choses qui sont », passe pour avoir été versé dans la science musicale au point de la faire servir à dompter les passions humaines les plus sauvages et à illuminer les intelligences. Jamblique en cite des exemples dans sa Vie de Pythagore. Il paraît probable que le nom de Théodidaktos donné à Ammonius Saccas, le maître de Plotin, se rapportait moins à la sublimité de ses enseignements qu’à l’instruction divine qui lui avait été donnée dans les Mystères.

Quelques-uns des symboles usités sont expliqués par Jamblique, qui exhorte Porphyre à oublier l’image de la chose symbolisée et d’en atteindre le sens intellectuel. Ainsi « la fange » représentait tout ce qui est corporel et matériel ; le « Dieu assis au-dessus du lotus » signifiait que Dieu est supérieur à la fange et à l’intellect symbolisé par le lotus et qu’Il est établi en Lui-même (étant représenté assis). Était-Il montré « sur un vaisseau en marche », le symbole indiquait qu’il régnait sur le monde. Et ainsi de suite. Proclus dit – à propos de cet usage d’employer des symboles – que « la méthode orphique avait pour but la révélation des choses divines à l’aide de symboles ; elle était commune à tous les auteurs traitant de la science divine ».

L’École Pythagoricienne de la Grande Grèce s’était fermée vers la fin du sixième siècle avant Jésus-Christ, à la suite des persécutions du pouvoir civil, mais il existait d’autres communautés gardant la tradition sacrée. Selon Mead, Platon la présenta sous une forme intellectuelle, afin qu’elle ne fût pas profanée davantage ; les rites d’Éleusis en gardèrent quelques formes sans en conserver l’esprit. Les Néo-Platoniciens furent les héritiers de Pythagore et de Platon ; il faut étudier leurs écrits pour se faire une idée de la majesté et de la beauté préservées, dans les Mystères, pour l’humanité.

Nous pouvons prendre l’École Pythagoricienne elle-même comme type de la discipline imposée aux disciples. Mead donne à ce sujet de nombreux et intéressants détails : « Les auteurs anciens, dit-il ensuite, sont d’accord pour déclarer que cette discipline était arrivée à former des modèles incomparables non seulement par la pureté parfaite de leurs mœurs et de leurs sentiments, mais encore par leur simplicité, leur délicatesse et leur goût extraordinaire pour les occupations sérieuses. Ceci est admis, même par les auteurs chrétiens. » – L’École avait des disciples au-dehors, qui menaient la vie familiale et sociale ; la citation qui précède s’applique à eux. L’École intérieure comprenait trois degrés successifs : les Auditeurs, qui travaillaient, sans parler, pendant deux années et assimilaient de leur mieux les enseignements ; les Mathématiciens, qui étudiaient, avec la géométrie et la musique, la nature des nombres, des formes, des couleurs et des sons ; enfin, les Physiciens, qui apprenaient la cosmogonie et la métaphysique. Ceci amenait aux Mystères proprement dits. Les personnes qui désiraient être admises dans l’École devaient jouir « d’une réputation irréprochable et avoir un caractère égal ».

L’étroite ressemblance existant entre les Méthodes employées et le but poursuivi dans ces différents Mystères, d’une part, et ceux du Yoga Indien, de l’autre, est évidente pour l’observateur le plus superficiel. Mais cela ne veut pas dire que les peuples de l’antiquité aient emprunté à l’Inde ; tous puisèrent à la source unique, – la Grande Loge de l’Asie Centrale, qui envoya partout ses Initiés. Ceux-ci enseignaient tous les mêmes doctrines et employaient les mêmes méthodes menant au même but. Les Initiés des différentes nations étaient en relations suivies. Ils employaient un langage et un symbolisme communs. C’est ainsi que Pythagore fit un voyage dans l’Inde et y reçut une haute Initiation et qu’Apollonius de Tyane y suivit, plus tard, ses pas. Plotin, mourant, prononça ces paroles, purement indiennes par les termes comme par la pensée : « Maintenant je cherche à ramener le Soi qui est en moi au Soi Universel. »

Parmi les Hindous, le devoir de n’enseigner les connaissances suprêmes qu’à ceux qui en étaient dignes était rigoureusement imposé. « Le mystère le plus profond de la connaissance finale… ne doit pas être dévoilé à celui qui n’est ni fils, ni disciple et dont le mental n’est point calme. » Ailleurs nous lisons, après une définition du Yoga : « Lève-toi ! Réveille-toi ! Tu as trouvé les Grands Êtres ; écoutes-Les ! La route est aussi difficile à suivre que le tranchant affilé d’un rasoir. Ainsi parlent les Sages ».

L’Instructeur est nécessaire car l’enseignement par écrit, seul, ne suffit point. La connaissance finale consiste à connaître Dieu et non pas seulement à L’adorer de loin. L’homme doit savoir que l’Existence Divine est réelle ; il doit savoir ensuite – (une foi et une espérance vagues ne suffiraient pas) – que, tout au fond, son propre Soi fait un avec Dieu et que le but de la vie est de réaliser cette unité. À moins de pouvoir guider l’homme vers cette réalisation, la religion n’est que comme l’airain qui résonne ou comme une cymbale qui retentit.

L’homme – enseignait-on également – devait apprendre à quitter son corps grossier : « Que l’homme doué de fermeté la sépare (l’âme) de son propre corps, comme un brin d’herbe de sa gaine. » Et il est dit ailleurs : « Dans la gaine d’or – la plus haute – demeure l’immaculé, l’invariable Brahman. C’est la Lumière des Lumières, rayonnante et blanche ; ceux qui connaissent le Soi La connaissent. » – « Quand le voyant contemple, dans Sa lumière d’or, le Créateur, le Seigneur, l’Esprit dont Brahman est la matrice – alors, ayant laissé là le mérite et le démérite, entièrement pur, le sage atteint l’union suprême. »

Les Hébreux possédaient, eux aussi, leur science secrète et leurs Écoles d’Initiation. L’assemblée des prophètes que présidait Samuel à Najoth, formait une École semblable dont l’enseignement oral fut transmis à leurs successeurs. Des Écoles analogues existaient à Béthel et à Jéricho, et nous trouvons dans la Concordance de Cruden cette note intéressante : « Les Écoles ou collèges de prophètes sont les premières (écoles) que nous trouvions mentionnées dans les Écritures. Les enfants des prophètes – c’est-à-dire leurs disciples – y consacraient leur temps aux exercices d’une vie retirée et austère, à l’étude, à la méditation et à la lecture de la loi de Dieu… Ces Écoles ou Sociétés des prophètes furent remplacées plus tard par les Synagogues. » La Kabbale, qui renferme les enseignements semi-publics, est, dans son état actuel, une compilation moderne due en partie au Rabbin Moïse de Léon, mort en 1305 après Jésus-Christ. Elle se compose de cinq livres – Bahur, Zohar, Sepher Sephiroth, Sepher Yetsirah et Asch Metzareth, – et passe pour avoir été transmise oralement depuis les temps les plus reculés, – historiquement parlant. Le docteur Wynn Westcott dit que « la tradition hébraïque fait remonter les parties les plus anciennes du Zohar à une époque antérieure à la construction du second Temple » ; – d’autre part, Rabbi Siméon ben Jochai passe pour en avoir écrit une partie dans le premier siècle de l’ère chrétienne.

Suivant Saadjah Gaon, mort en 940 après Jésus-Christ, le Sepher Yetzirah est un livre « très ancien ». Quelques fragments de l’ancien enseignement oral ont été introduits dans la Kabbale, telle qu’elle est aujourd’hui, mais la vraie sagesse archaïque des Hébreux reste sous la sauvegarde de quelques-uns des véritables fils d’Israël.

Cette esquisse est rapide mais suffira pour montrer, dans les religions autres que le Christianisme, l’existence d’un côté caché. Examinons maintenant si le Christianisme faisait exception à cette règle générale.

CHAPITRE IILe côté caché du Christianisme. Le témoignage des Écritures

Les religions du passé – nous venons de le constater – étaient unanimes pour déclarer qu’elles présentaient un côté caché et qu’elles possédaient des « Mystères » ; cette affirmation, les hommes les plus éminents en ont prouvé la valeur en recherchant eux-mêmes l’initiation. Il nous reste à nous assurer si le Christianisme est exclu de ce cercle des religions, s’il est seul privé d’une Gnose, s’il n’offre au monde qu’une foi élémentaire et non pas une science profonde. S’il en était ainsi, le fait serait triste et lamentable, car il indiquerait que le Christianisme n’est fait que pour une seule classe et non pour toutes les catégories humaines. Mais cela n’est pas : nous pouvons le prouver de manière à rendre impossible tout doute rationnel.