Le codex de Jude & L’émiettement de l’espace-temps - Pierre Léon Daniel - E-Book

Le codex de Jude & L’émiettement de l’espace-temps E-Book

Pierre Léon Daniel

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Beschreibung

Le codex de Jude & L’émiettement de l’espace-temps met en parallèle deux œuvres audacieusement délicates qui défient des idées acceptées. L’une, une fiction inspirée des évangiles, propose une nouvelle vision de Jude, le traître emblématique. L’autre, plus technique, questionne l’incontestable loi de l’attraction universelle de Newton.

Deux remises en question osées, mais pas révolutionnaires. Sommes-nous prêts à redéfinir nos vérités ?


À PROPOS DE L'AUTEUR

Ancien professeur de mathématiques à la retraite, Pierre Léon Daniel a écrit Le codex de Jude et L’émiettement de l’espace et du temps séparément sans envisager leur publication. Cependant, encouragé par son fils enseignant de lettres et un ami éminent mathématicien, il a rassemblé ses textes en un volume afin d’en révéler l’essence profonde. Le codex de Jude & L’émiettement de l’espace-temps est son premier ouvrage publié.

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Seitenzahl: 109

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Pierre Léon Daniel

Le codex de Jude

&

L’émiettement de l’espace-temps

Essai

© Lys Bleu Éditions – Pierre Léon Daniel

ISBN : 979-10-377-9657-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Le codex de Jude

Quelle idée d’avoir avancé mon siège plus près de la porte d’entrée !

Habituellement, je me tiens en retrait, dans la pénombre du couloir.

Mais il m’a vu, s’est arrêté, m’a regardé droit dans les yeux, et une émotion brûlante m’a envahi de la tête jusqu’aux pieds.

Il est reparti aussitôt, comme il était venu, en courant.

J’ai encore l’oreille fine. J’entends les pas des passants avant de les apercevoir un instant, dans l’espace de l’ouverture de ma porte. Je peux même prévoir qui c’est, rien qu’à l’allure de son pas et sa façon de frapper le sol. Ainsi, un ralentissement à l’approche de ma porte, une hésitation dans la démarche, et je suis sûr que c’est un client potentiel.

Mais là, c’est un gamin, un garçon de dix, onze ans, pas plus. Je connais son allure : la course. Jamais jusqu’ici il ne s’est arrêté, ne serait-ce qu’un court instant qui m’aurait permis de le dévisager. Pour le coup, c’est chose faite ! Et c’est lui qui m’a dévisagé de belle et drôle de façon. J’ai senti que son regard me pénétrait jusqu’au plus profond. Pourquoi cette brusquerie ? Aurait-il un pouvoir particulier ? Certains pensent que parmi nous se tiennent des anges qui se révèlent en des occasions exceptionnelles. Serait-il venu m’espionner ?

Je laisserai donc mon siège à sa position habituelle.

Mais demain je l’entendrai monter la rue et je l’interpellerai, car je veux une explication.

Curieux à l’excès, farceur ou mal élevé ?

Le jour va baisser.

La plupart des clients viennent le soir, juste après le coucher du Soleil.

***

Eh ! Gamin. Eh, gamin !

J’ai dû me lever jusqu’à la porte, car il était déjà passé courant vers le haut de la rue.

Il ne s’est pas arrêté.

Sans doute, mon appel n’était pas assez fort, pour couvrir le bruit du chariot sur les pavés.

Eh ! Garçon, garçon !

Cette fois, il a entendu.

« C’est bien toi qui t’es arrêté hier devant cette porte pour me regarder d’un air bizarre ? »

« Je voulais voir comment c’était un papou. »

« Je ne suis pas un papou, je suis Papou, c’est ainsi que tous ceux qui me connaissent m’appellent. »

« Et pourquoi voulais-tu voir un papou ? »

« C’est maman Mariem qui m’a dit : “Tu m’agaces à toujours me demander qui est ton grand-père. Si tu veux voir un papou, va dans la Grande Rue et demande où il est”. »

« Donc ta maman ne veut pas te dire qui est ton papou, et pourquoi ? »

« Elle ne veut pas non plus me dire qui est mon papa. Tous mes copains en ont un, pas moi. »

« Elle a sûrement de bonnes raisons de ne rien te dire. Attends d’être plus grand, alors elle te le dira. »

« Mais je suis “déjà grand”. Je fais les courses pour toutes mes mamans et je gagne des sous. »

« Où habites-tu ? Ne serait-ce pas dans la rue de la traverse, qui débouche sur le port ? »

« Oui, la maison avec un étage. »

« Bon. Tu dois terminer ta course. »

***

Il y a quelques années, mon médecin m’a conseillé d’écrire pour contrer ma déprime périodique.

« Écrivez sur vos promenades le long du fleuve, sur les chants des oiseaux qui vous y accompagnent, sur les bateaux qui arrivent au port ou en repartent. Développez votre imagination, et partez avec elle vers des ailleurs que vous inventerez… Remuez-vous, que diable ! »

Dans mon coffre, une pile d’écrits sans âme, sans inspiration, qui ne seront jamais relus. Cette fois-ci, ce garçon m’offre sur un plateau un sujet tout à fait nouveau et qui va occuper mon calame un bon moment.

Je ne lui ai même pas demandé son nom.

C’est une drôle de situation pour un enfant de vivre dans une maison de prostituées.

Il a l’air de bien se débrouiller. Il est actif. Il fait les courses. Il se fait de l’argent de poche.

Mais il est en marge de la vie ordinaire, un peu comme moi d’ailleurs. Je constate donc qu’il me plaît, ce petit « déjà grand ».

Pourquoi ai-je pensé que j’étais « en marge » ? Je me suis parfaitement implanté dans cette ville. J’y connais maintenant un tas de gens, mais ce sont des clients, pas des amis. Et c’était ma décision en arrivant ici : ne pas succomber à la sympathie que je pourrais ressentir pour qui que ce soit : surtout ne plus me faire d’amis.

Ferais-je une exception pour un enfant ?

Oui, j’ai choisi cette ville et je compte bien y passer le reste de mes jours. On voit que le grand Alexandre est passé par là. Le tracé des rues, leur pavement, leur orientation pour l’écoulement des eaux vers le grand fleuve, les places et leurs monuments, tout cela m’a plu. J’ai senti que je devais m’y arrêter, ne plus fuir. Elle m’était accueillante et me semblait capable de me guérir. Je me sentais enfin libre de vivre en liberté.

***

« Bonjour, mon garçon. Donc tu t’es encore arrêté devant ma maison. Mais il ne faudrait pas abuser. Tu fais beaucoup de courses à ce que je vois. Aujourd’hui qu’as-tu à me dire ? »

« Je sais que tu prêtes de l’argent à ceux qui en ont besoin, c’est ce que m’a dit maman Mariem. »

« Et que t’a-t-elle dit encore ? »

« Elle a dit que tu étais gentil et qu’elle te connaissait depuis longtemps. »

« À propos, mon petit garçon, il faudrait peut-être dire bonjour quand tu arrives. Dis-le maintenant. »

« Bonjour. »

« Bonjour qui ? »

« Bonjour, monsieur Papou. »

« “Bonjour Papou”, ça me suffit. Allez, va finir ta course… »

***

Comment sa maman me connaît-elle ? Et depuis longtemps ?

Je connais cette maison à étage. Je l’ai visitée lors de mon arrivée dans cette ville, il y a une quinzaine d’années. Trop grande pour moi. Elle a été achetée l’année suivante dans le but que l’on sait. Jamais je n’y ai remis les pieds. Alors, comment me connaît-elle ? La seule possibilité est qu’elle ait été ma cliente. Elle doit se trouver dans mes premiers rouleaux de comptes.

Cette recherche d’une maison me prit toute une semaine. Si j’ai peu de sympathie pour les gens, j’en ai énormément pour ma maison. Elle m’a plu immédiatement. Et, après les avoir déchargés, il a fallu me séparer de mes compagnons de voyage, des mulets qui, de caravane en caravane, m’ont amené jusqu’ici.

Maintenant je me rappelle. Nul besoin de sortir les rouleaux de leurs étuis. Une jeune fille est venue me voir, enceinte et jetée à la rue par sa famille. Seule solution : se prostituer. Mais le tenancier de la maison demandait une avance sur loyer. Serait-ce l’une des mamans du garçon ? Sans doute Mariem. Je vérifierai.

***

« Bonjour, Papou. »

« Bonjour, toi. Il faudrait peut-être me dire ton nom. Alors… »

« Je m’appelle Jude, mais tous me disent Juju. »

« Eh bien, Juju, sais-tu écrire ton nom ? »

« Je ne sais pas écrire mon nom, mais je sais le lire. »

« Qui t’a appris à le lire ? »

« C’est maman Mariem, sur un grand rouleau, c’est un monsieur, un étranger, qui le lui a donné avant de partir loin, loin. »

« C’est donc Mariem ta vraie maman ? »

« Je crois que oui. Elle m’aime plus que les deux autres. »

« Eh bien, Juju, va la rejoindre. »

***

Ne jamais me laisser envahir par de la sympathie pour qui que ce soit ! C’est ce que m’a appris ma vie passée. Mais ce petit est en train de me bouleverser complètement. Qu’est-ce qui m’arrive ?

Et l’idée m’est venue de lui apprendre à écrire ! Je le crois très intelligent. C’est aussi une qualité dont il faut se méfier. Chez un adulte, oui. Mais chez un enfant…

***

« Bonjour, Papou. Est-ce que je peux visiter ta maison ? »

Quelle idée ! Il est rapide ce petit. Ce sera bien la première fois que je laisse quelqu’un visiter ma maison.

« Pourquoi veux-tu la visiter ? Aurais-tu l’intention de l’acheter ? »

« J’ai envie de la visiter, Papou, c’est tout. »

« Eh bien, vas-y. Je ne t’accompagne pas. »

Ouh là ! On me visite !

C’est la deuxième fois depuis ma construction. Veut-il vendre ? Je croyais qu’il m’aimait bien.

Mais c’est un enfant qui m’ausculte ! Je le sens. Il me regarde de partout. Que veut-il ?

Ouh là là !

Me voilà tout entière dans sa tête, comme à mon origine dans la tête ce celui qui m’a conçue.

J’en suis toute secouée de ma base jusqu’à ma toiture.

« Alors, tu es satisfait ? Comment trouves-tu ma maison ? Elle te plaît ? »

« Oui. Beaucoup. »

« Combien de pièces ? »

« Il y a le bureau, la bibliothèque, deux chambres ensuite une grande pièce avec la cuisine et le fourneau, une grande cour pavée avec tout autour une allée couverte, et un puits près de la cuisine. Le toit est très beau avec ses tuiles qui brillent. J’ai vu de très beaux coffres dans chaque pièce. »

« C’est vrai, mon garçon. Dans cette ville, il y a de bons artisans sculpteurs sur bois. Ils me sont très utiles, ces coffres. »

« Papou, j’ai vu une porte au fond de la cour. »

« Oui, cette porte donne sur la rue de derrière, plus pentue que celle de devant, et en dessous passe le cloaque qui se jette dans le Fleuve. »

« Mais, est-ce que le puits donne de la bonne eau ? »

« Oui, car il est maçonné en brique d’argile, et profond jusqu’à la nappe d’eau souterraine qui vient du fleuve. C’est donc une eau filtrée par le sable. Oui, ce puits me donne une eau bien fraîche et de bon goût. Mais qu’as-tu aimé le plus dans cette maison ?

« Les nombres. »

« Quoi, les nombres ? »

« Eh bien, les beaux nombres rectangles. »

« Explique-moi, car je ne comprends pas ce que tu veux dire. »

« C’est l’ami de Mariem qui me les a expliqués à moi. Pour que quelque chose soit beau, il faut y trouver les beaux nombres rectangles. Un beau rectangle, c’est quand on lui enlève un carré et qu’il reste encore un beau rectangle. Dans la façade de ta maison il y a deux beaux nombres rectangles, car, ça se voit, leur longueur et leur hauteur donnent un beau nombre rectangle. »

« Bon, je veux bien te croire. Et c’est pour ça que tu voulais la visiter ? »

« Oui, pour voir si à l’intérieur il y avait d’autres beaux nombres rectangles. Il y en a plein, même dans les coffres ! »

« Juju, c’est très possible, car moi aussi je la trouve très belle, cette maison. Mais parle-moi de l’ami de Mariem qui t’apprend à reconnaître ce qui est beau. »

« Il vient tous les ans. Il vient acheter dans la ville des tissus qui viennent de très loin, du Levant, pour les vendre dans son pays, loin, loin. C’est lui qui apporte des rouleaux pour la bibliothèque de Mariem. Elle a plus de rouleaux que la tienne. D’ailleurs, il va venir bientôt. Maman Mariem a reçu une lettre. »

« Bon. Et maintenant, file. Tu as sûrement une course à terminer, je vois que tu as ta bauge. »

« Oui, il faut que je porte un courrier aux clients de mes mamans. Il ne faut pas qu’ils viennent à la maison de toute la semaine prochaine. »

***

Étonnant, ce petit !

Il vient de me rappeler un chapitre du livre d’Euclide ! Et il a un excellent coup d’œil pour évaluer un rectangle ! Époustouflant…

Mais, chaque fois qu’il me quitte, j’ai une question en suspens. Cet ami de Juju, qui est-il vraiment ?

C’est un marchand, un négociant, sans doute en soieries. C’est un bon filon. Ça demande de bonnes connaissances dans le métier et surtout de bonnes relations dans cette ville. Et pourtant je ne le connais pas ! Je devine pourquoi la maison de Mariem doit être réservée. La négociation pour l’achat des produits, puis le recrutement d’une caravane pour le retour demande plus qu’une semaine, sauf s’il a un fournisseur attitré en qui il a toute confiance, et ça doit être le cas.