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Après plus de trois décennies derrière les barreaux, un homme recouvre enfin la liberté qu’il avait tant espérée, mais son seul désir est de retrouver ses enfants, qu’il n’a pas vus depuis des années. Cependant, cette liberté s’accompagne de révélations cruelles et d’un désenchantement profond. Confronté à une réalité où la liberté se transforme en une condamnation intérieure, comment trouver la force nécessaire pour reconstruire les liens perdus et faire face à cette nouvelle forme d’emprisonnement ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Fort de son parcours et de ses nombreuses lectures,
Romual Tchouta signe "Le condamné", une œuvre qui s’élève comme un cri de révolte mêlé d’espoir. Il se distingue à la fois comme une réalisation littéraire et un témoignage poignant, offrant un miroir des luttes intérieures et des leçons profondes apprises au fil de la vie.
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Seitenzahl: 94
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Romual Tchouta
Le condamné
© Lys Bleu Éditions – Romual Tchouta
ISBN : 979-10-422-4794-2
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À Ngahane Laurent Paul
Je vois déjà apparaître les premières lueurs du jour, assis au fond de ma cellule, sur la vieille chaise en bois, écrivant dans le vieux cahier posé sur la vieille table toujours en bois qui s’y trouve. Cette table et cette chaise sont si âgées et fragiles qu’elles dandinent. Un geste trop brusque, et elles ne serviront plus que de bois pour le feu. Mon lit tout nu, du béton coulé dans le mur et surmonté à environ trente centimètres au-dessus du sol, est juste derrière moi.
Ma cellule est encore assez sombre. Seule la lumière de la bougie posée sur la table et qui va bientôt finir m’éclaire encore suffisamment pour écrire. J’en ai reçu ainsi trois du gardien de mon secteur de la prison, étant donné que dans la nuit toutes les lumières dans toutes les cellules de la prison sont éteintes. Il est bon, ce gardien. C’est toujours lui qui m’a offert ce vieux cahier, aux pages vierges et aux bords froissés, dans lequel j’écris en ce moment même, ainsi que ce stylo. Je l’ai supplié de me les offrir car je veux laisser un message.
Cette nuit m’aura coûté ces trois bougies. Elles ont coulé l’une après l’autre, m’éclairant de leurs flammes, et moi essayant d’écrire. Ce n’est qu’à la troisième bougie, celle qui va bientôt s’éteindre après une nuit d’efforts, que j’ai enfin trouvé la manière qui me convient pour commencer à écrire ce que je tiens tant à exprimer. Et déjà, le jour se lève. Elle aura été bien courte, cette nuit.
À ma droite, il y a un mur, c’est le lavabo de la cellule. Il mesure un mètre carré environ, et en face de cet espace étroit, un autre de même dimension avec quelques centimètres de marge. C’est ce que j’appellerais la toilette. Elle est collée au chevet de mon lit. Il y a un couloir formé par ces deux pièces. Et ce couloir d’un mètre débouche sur le mur arrière de ma cellule. En haut sur ce mur, il y a une ouverture avec des barres métalliques verticales. Par-là circule le vent, et quelques fois il s’y faufile des rayons de soleil ou de lumière.
À ma gauche, il y a la grille de ma cellule. Une grille faite de longues barres en fer verticales où à quelques endroits, des barres horizontales interrompent leurs interstices. Deux mètres après cette grille, c’est la fin du balcon de mon étage, le deuxième. Il donne une vue sur la cour principale de la prison, ainsi que sur l’horizon – car en face, le bâtiment des officiers n’a qu’un rez-de-chaussée –, sur le ciel.
Au pied de mon lit, le long des quelques centimètres, je dirais une cinquantaine, qui va de celui-ci jusqu’au mur de ma cellule où se trouve sa grille, il est une espèce d’armoire en béton. Ce sont des cubes ouverts sur une face, comme se prolongeant du mur, et assez profond et large pour contenir des livres. Elle a été ainsi faite pour durer aussi longtemps que possible. Elle a été ainsi pensée pour supporter des peines à perpétuité. Les concepteurs eux-mêmes le savaient : vivre dans une prison, dans un tel milieu, est certes la correction que la loi applique aux récalcitrants de la société, mais c’est aussi une torture pour quiconque la vit. Innocent ou coupable, mais je dirais, c’est encore plus difficile pour un innocent, tel que moi. Pourtant voilà maintenant plus de trente ans que je côtoie cette pièce d’un peu plus de sept mètres carrés. Je me suis habitué à elle, je n’ai pas eu le choix. Cette torture ne représente donc pour moi presque plus rien.
Cette armoire au pied de mon lit est remplie de livres. Des romans, toujours des romans. Je les ai tous lus. Il me faut bien un moyen de m’évader, ne serait-ce que par la pensée, même si cela ne dure que quelques heures qui, pour moi, semblent des années, loin de cette prison impitoyable. Chaque résident d’une telle cellule en a besoin. Les concepteurs de ces cubes l’avaient bien compris en les créant.
Voilà trente ans jour pour jour, quelle belle coïncidence, que j’ai été condamné à la prison à vie. Trente ans jour pour jour, sans compter la première année de détention avant que le verdict final du juge ne soit rendu, que je purge une peine pour une faute que je n’ai pas commise. Trente ans que je paye le prix pour un autre.
Je me souviens encore, comme si c’était hier, de la scène du jugement dernier. Je me souviens que j’étais dans la salle, grelottant, paralysé par la peur à me demander ce qu’il allait advenir de moi, et surtout par le fait que, par cette pensée que j’avais et qui était juste, je savais que j’étais innocent, totalement innocent.
Je me souviens encore de la scène, je me souviens que, de tout le verbiage qu’avait prononcé le juge, mon être n’avait retenu qu’une seule phrase : « condamnation à perpétuité ».
Il n’y avait pas eu d’appel. Mon avocat, un nouveau promu, que ma femme avait d’ailleurs eu du mal à trouver, faute de moyens, celle-ci ayant rassemblé toutes nos économies jusqu’au dernier sou, sans compter que nous venions d’avoir deux nouveau-nés, avait semblé avoir fait tout le possible. Mais je fus malheureusement condamné. Je fus condamné à perpétuité.
Je me souviens que ce jour, dans la salle, au tout début, mon esprit était serein comme s’il allait monter au ciel. Je voyais la salle et les juges, les voix de ceux-ci et parfois de la foule me parvenaient tel un son que je ne comprenais pas. En fait, j’entendais des bruits, mais je ne comprenais rien de ce qui se disait. Mon esprit était ailleurs. Il était loin à la plage, loin à la montagne, loin dans un champ de fleurs, loin où il se sentait apaisé. Je pensais à tout, sauf à ce qui me contraignait à être ce jour présent à cet endroit, à cet horrible endroit, et devant ces injustes personnages.
On m’a donné la parole à un moment donné, mais je n’ai rien pu dire. Mon avocat a parlé, je n’ai rien gardé de ce qu’il a pu dire.
Cela faisait une année déjà que je combattais et que je m’efforçais de garder espoir, si bien que, j’étais fatigué de me battre. Je m’étais résigné à accepter ce qui arriverait. Cependant une voix profondément enfouie en moi me fit espérer un miracle.
Je me souviens qu’à un moment, j’ai fermé les yeux, et il me semble que tout s’arrêtait autour de moi. Que le temps se figeait, que les bruits cessaient, j’avais l’impression d’être seul et que tout allait bien, vraiment bien, jusqu’à ce que la main de mon avocat sur mon épaule me réveille et me fasse revenir dans cet horrible endroit.
— Réveillez-vous, avait-il dit.
J’ouvris les yeux.
— Levez-vous, avait-il ajouté !
Le juge allait prononcer le verdict.
Toute la salle s’était levée, l’air d’avoir impatiemment attendu ce moment depuis qu’on parlait. Et c’est à partir de cet instant précis que je fus saisi d’une peur indescriptible qui me fit trembler de la tête aux pieds. Le juge avait prononcé quelques paroles, et de tout ce qu’il avait pu dire, une seule phrase m’a brisé : « Condamné à perpétuité ».
Aujourd’hui, cette phrase ne me terrifie plus autant comme ce jour. Trente ans maintenant que je vis avec elle, qu’elle hante mes nuits, qu’elle se retourne dans ma pensée et m’empêche de profiter de cette expérience unique nommée la vie. Je l’ai moi-même souvent répété, lors de mes journées, dans mon sommeil, inconsciemment : « condamné à perpétuité ».
Y a-t-il encore un quelconque espoir pour moi ! Y a-t-il encore une chance de m’en sortir !
C’est étrange, car aujourd’hui encore, c’est pratiquement comme au début, car quand je pense que je passerai le reste de ma vie, hormis la grande partie de celle-ci déjà passée ici, dans cette prison et dans cette cellule, derrière ces barres de fer qui ne laisseraient rien les rompre, et pourtant je suis innocent, je ressens comme une douleur dans la poitrine. Cette douleur est telle que je veux me révolter, crier, dire de toutes mes forces que je suis innocent et supplier qu’on me délivre enfin de cette torture. Oui, c’est encore une torture pour moi, même à cet instant, d’être encore en ce lieu. Je dois avouer que l’espoir n’est pas complètement mort en moi. Mais quand viendra la délivrance ? C’est la question qui me chagrine.
Si seulement, un jour, à une heure tardive de la nuit, l’un des gardes oubliait de refermer ma cellule, ainsi que toutes les autres portes métalliques – car tout ici n’est que métal – qui mènent à la sortie de la prison. Alors, je m’enfuirais sans la moindre hésitation.
Il y a des décennies de cela, j’étais un jeune homme plein d’avenir. J’avais un travail, un toit, une femme, un fils et une fille, deux nouveau-nés à cette époque. J’avais une vie. J’avais vingt-cinq ans, et la vie pour moi était aussi radieuse que le soleil de midi.
Mais un jour, tout a basculé. Et depuis lors, ce qu’il reste de ma vie, de moi, de mon présent, de mon avenir, de tous mes rêves, n’est plus que désespoir et lamentations. Toute ma vie s’est brisée, telle une vitre éclatée. Les morceaux se sont éparpillés, ici et là, à gauche et à droite, impossibles à rassembler.
Oh, ma fille et mon fils ! Mes enfants ! Voilà vingt-cinq ans que je ne vous ai pas vus. À quoi pouvez-vous bien ressembler aujourd’hui ? Avez-vous oublié votre père ? Je me souviens encore de la rapidité avec laquelle vous grandissiez, semaine après semaine, mois après mois, lorsque votre mère venait me rendre visite avec vous. Vos sourires, si innocents et lumineux, sont gravés dans ma mémoire.
Est-ce votre mère qui vous a empêché de venir me voir ? Et même si c’était le cas, cela fait maintenant vingt-cinq ans. Vous êtes grands à présent, assez grands pour chercher votre père, pour savoir s’il est toujours en vie, comment il se porte. Vous ne pouviez ignorer que votre père croupit derrière les barreaux. Un enfant retient tant de choses, même dès le plus jeune âge.