Le corps astral de mon amour - Marie-Céline Chottin - E-Book

Le corps astral de mon amour E-Book

Marie-Céline Chottin

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Beschreibung

Laurent et Jacqueline, trentenaires parisiens, s’aventurent pas à pas dans l’étrange et fascinant univers du paranormal. Porté par un amour profond, Laurent tente de raviver, à travers lui, la mémoire d’Antoine, un professeur disparu depuis plusieurs années et jadis l’objet des sentiments de Jacqueline. Contre toute attente, il y parvient, donnant naissance à une troublante et inédite dynamique où trois présences se mêlent au cœur d’une relation hors du commun. En parallèle, leurs proches et eux-mêmes découvrent les mystères du voyage astral, maîtrisant peu à peu l’art de se mouvoir entre les dimensions. Cependant, à quel prix y arrivent-ils ? Et quelles forces éveillent-ils en jouant avec ce qui devrait rester enfoui ?

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Marie-Céline Chottin, écrivaine au talent protéiforme, transcende les souvenirs de son enfance pour tisser des récits où l’imaginaire règne en maître. Dans son sixième roman, "Le corps astral de mon amour", elle explore les mystères d’un ésotérisme foisonnant. Alliant audace narrative et finesse stylistique, elle invite ses lecteurs à une expérience littéraire où le merveilleux et l’inattendu s’entrelacent harmonieusement.

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Seitenzahl: 185

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Marie-Céline Chottin

Le corps astral de mon amour

Roman

© Lys Bleu Éditions – Marie-Céline Chottin

ISBN : 979-10-422-5473-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Morgane,

À Marion,

À Gilles,

À Mathis,

À Julie,

À Dominique,

À Florence,

À Jocelyne,

À Patrick,

À Gabriel,

À Verdi,

À Goldy,

À Christine,

À Mireille,

À Nelly,

À Cathy,

À Marie-Ange,

À Monique,

À Ange,

À Paule,

À Michèle,

À Anne,

À Jonathan,

À Christophe,

À Jackie,

À Jean-Noël,

À Philippe,

À Lorenzo.

Et à tous ceux pour qui j’écris,

Hommes et femmes universels,

Qui aiment, qui souffrent,

Mais l’amour est si beau qu’il en vaut la peine !

Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.

J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Victor Hugo

Première partie

Chapitre 1

Laurent était mathématicien. Il était donc pragmatique, précis. Il ne croyait pas à n’importe quoi. Comme Saint-Thomas qui avait glissé la main dans le flanc de Jésus, Laurent avait besoin de preuves.

Sa compagne, Jacqueline, était radicalement différente. Médium, tireuse de carte professionnelle, elle aimait relier l’au-delà au monde réel et voir les jalonnements qui sillonnent la route, les interpréter, les analyser.

Pendant que Laurent naviguait au pays des équations, des théorèmes, des démonstrations, Jacqueline lisait dans le marc de café et devinait la moindre chose, ses antennes invisibles sans cesse en alerte, s’orientant vers les nombreux signes du destin que le commun des mortels refuse de voir.

C’est pourquoi ce couple de trentenaires s’entendait à merveille. Le cartésien Laurent et la rêveuse Jacqueline étaient suffisamment différents pour s’enchanter l’un l’autre chaque jour. Laurent savait ramener à la raison Jacqueline lorsque ses projets tenaient à l’impossible. Jacqueline boostait le chercheur et rallumait tous les cierges de sa prière lorsque celui-ci, dubitatif, craignait de ne rien trouver.

Ils vivaient dans un coquet appartement du 14e arrondissement à Paris. Celui-ci disposait d’un jardin entouré de hauts murs sur deux côtés. Ce havre de verdure apportait de la fraîcheur à leur faux premier étage. On devait monter pour entrer dans cet appartement atypique. Le séjour, la cuisine et la chambre parentale donnaient sur une terrasse de laquelle il fallait remonter quelques marches pour entrer dans le jardin. Des arbres fruitiers, des fleurs, un jardin de curé, une tonnelle. Ce poumon d’oxygène avait des allures de jungle organisée. Aux beaux jours, le couple prenait tous ses repas dans ce merveilleux îlot de verdure, insoupçonnable en entrant dans l’immeuble.

Ce matin-là donc, ils déjeunaient sur la terrasse ensoleillée. Située nord-est, leur jardin merveilleux ne souffrait jamais de la sécheresse. Vert et frais, il ne connaissait pas le vent ; profondément niché dans un ensemble d’immeubles, mais sans presque aucun vis-à-vis.

Laurent et Jacqueline l’avaient baptisé l’Eden. C’est Laurent qui plantait fleurs et herbes aromatiques. Jacqueline nettoyait les feuilles mortes et prenait soin de la terrasse.

— C’est étonnant, remarqua Jacqueline : j’ai trouvé sur ta table de nuit une photo.

— Ah bon ?

— Oui ! Il n’y a plus aucune photo chez nous ! Tu as tout scanné et conservé sur des DVD, des clés USB, des disques durs. À part le portrait de ton père enfant, qui est dans la chambre, il n’y a plus aucune photo de famille dans l’appartement. Les originaux sont rangés dans le grenier dans des boîtes répertoriées, nous les avons conservés en nous disant qu’il s’agissait tout de même de souvenirs d’une autre époque, difficilement jetables. Quelque chose nous a empêchés de les brûler.

— Je peux voir cette photo ?

— Je vais la chercher.

Elle revint et tendit l’objet à son compagnon. Il regarda la vieille photo aux couleurs passées. Elle n’était pas très grande. Ses rebords étaient dentelés. On distinguait cinq personnages. Une femme, un enfant, un homme, et deux autres personnes à droite qui, visiblement, n’avaient pas posé, car ils tournaient pratiquement le dos au photographe.

Laurent blêmit.

— Que t’arrive-t-il, s’inquiéta Jacqueline ?

— Je ne comprends pas… J’ai fait un rêve cette nuit. J’étais avec des amis de jeunesse. L’un d’entre eux m’a donné cette photo.

— Quoi ? Dans le rêve ?

— Oui !

— Tu es sûr de ne pas l’avoir rencontré hier soir ? Il t’aurait donné la photo en souvenir.

— Non, je ne l’ai pas rencontré réellement. J’ai rêvé de lui. Il y avait sa famille. On a parlé un moment, et il m’a donné cette photo ! Je ne confonds pas le rêve et la réalité ! Et je ne bois pas !

— Et tu n’es pas fou non plus !

— Peut-être que je perds la tête ? Tu crois ?

— Mais non ! Sûrement pas ! Je ne vois qu’une seule explication !

— Oui ? Laquelle ?

— Tu as connaissance d’un pont entre le monde onirique et le monde réel ! Tu es capable de rapporter des objets venant du monde des rêves !

— Jacqueline ! Il faut que je t’avoue un truc.

— Quoi ?

— Ce n’est pas la première fois ! J’ai déjà ramené un objet. Mais c’était moins flagrant. Il pouvait venir de n’importe où ! Alors je l’ai rangé dans un tiroir.

— Un autre objet ? Lequel ?

— C’est une médaille ayant appartenu à mon père. J’ai cru que j’avais simplement remis la main dessus quand la femme de ménage a nettoyé toutes les étagères. Mais non ! J’avais rêvé de mon père et il m’avait donné la médaille en me recommandant de la conserver précieusement. Je l’ai rangée dans le bureau, l’ai glissée dans une jolie boîte.

— Je connais cette décoration, tu me l’as montrée. Pourquoi ne m’as-tu pas dit la vérité ?

— Parce que je n’y croyais pas moi-même… À présent, je réalise que je ne maîtrise rien, j’ai besoin de ton aide. Crois-tu que je fasse un « burn-out » ?

— Pas du tout ! Mais c’est bizarre que cela t’arrive à toi, si cartésien ! Je me demande pourquoi je n’ai pas cette chance.

— Cette chance ! Parce que tu appelles ça, une chance !

— Mais oui ! Est-ce que tu t’en rends compte ? Personne avant toi n’avait rapporté d’objets du monde des rêves !

— Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Cela veut dire que tu vas en récolter encore d’autres.

— Que ferai-je de ces reliques ? Qui croira d’où elles viennent ?

— Moi. Moi seule je te croirai. Surtout, n’en parle à personne d’autre.

— Que ferons-nous de cette récolte ?

— Nous l’analyserons. Nous ferons comme toi : nous chercherons la formule !

— Tu vas m’aider ?

— Bien sûr que je vais t’aider ! C’est tellement passionnant ! Nous allons chercher ensemble comment et pour quelle raison tu possèdes ce don magique. Et ensuite, tu accompliras ton destin.

— Ah bon ?

Laurent était novice en ésotérisme comme en magie. Mais il faisait entièrement confiance en sa femme. Elle le guiderait. Il résoudrait l’équation de sa vie : la matérialisation du rêve ! C’était fabuleux.

Tous les deux, ils en avaient le frisson ! Les larmes leur montaient aux yeux. Ils plongèrent leurs regards dans un mariage visuel à la fois sentimental et orgasmique. L’espace d’un instant, ils partagèrent une émotion intense qu’ils n’avaient encore jamais ressentie ni l’un ni l’autre.

C’est ainsi qu’ils scellèrent une sorte de pacte. Ils garderaient secrète leur expérience. Ils donnèrent un nom à celle-ci : « la pêche ». Ils convinrent d’utiliser l’expression : « pêcher un poisson » pour remplacer « rapporter un objet », ceci afin de préserver leur secret. Dans le cas où d’éventuels curieux les questionneraient à ce sujet, ils expliqueraient que cette locution désigne une découverte mathématique. Tout le monde trouverait la métaphore évidente et leur quête clandestine resterait méconnue.

La journée du couple fut différente des précédentes : voici qu’ils étaient deux à être impliqués dans un phénomène paranormal sans équivalent. Ils avaient l’impression, chacun de son côté, de marcher sur un petit nuage. Marcher sans poser les pieds à terre. Glisser sur le bitume. Sans Over-Board. Sans trottinette.

Chapitre 2

— Eurêka ! J’ai trouvé le fil conducteur de ma recherche ! s’écria Laurent.

Jacqueline, plongée dans une lecture, sursauta. Il continua :

— Si les objets saisis en rêve peuvent se matérialiser pour réapparaître dans le réel, cela veut dire que nos corps eux-mêmes subissent le même sort en pénétrant dans le monde onirique et en réintégrant le monde réel.

— Ça, c’est déjà connu, on parle du corps astral ; les croyants appellent cela l’âme, réajusta Jacqueline.

— Oui, mais ce n’est pas fini ! Car si je peux me saisir d’un objet dans le monde onirique et le rapporter, alors cela signifie qu’il existe une matérialité reconstructible. En effet, si je suis capable de rapporter un objet disparu à jamais, je redonnerai la vie à une relique perdue, un trésor disparu, ou à un livre méconnu.

— C’est génial ! s’exclama Jacqueline. Mais peux-tu ordonner à ton subconscient d’aller à la pêche d’un objet précis ? Cela va être difficile !

— Ce challenge me plaît. Certes, je ne ramènerai pas un sous-marin ni un avion sous mon bras ! Mais qui sait ? Un bijou inca, un outil préhistorique, le vêtement d’un homme illustre ?

— Ne ramène pas une culotte en dentelle, je soupçonnerais une trahison !

Laurent se mit à rire et prit Jacqueline dans ses bras :

— Tu sais que je suis un homme fidèle ! On ne commande pas à ses rêves et je suis à la merci d’un rêve érotique ! Mais j’essaierai de ne pas revenir avec n’importe quoi.

— Parce que tu fais des rêves érotiques ?

— Oui, de temps en temps. Pas toi ?

— Oui, cela m’arrive, je le reconnais, avoua Jacqueline en baissant la tête comme une petite fille surprise en faute.

Laurent était brun, le regard légèrement ténébreux. Un mètre quatre-vingts de muscles et de finesse. Le mathématicien aimait le sport. Natation, gymnastique, équitation, aviron…

Jacqueline, plus petite, 1m70, était mince et blonde. Cheveux fins, raides, méchés naturellement, reflétant le soleil. Allure féline et souplesse innée. Elle aimait pratiquer des sports collectifs comme le handball, le volley. Mais elle adorait le karaté et la capoeira. Elle avait obtenu des coupes en compétition et les conservait dans une vitrine.

Depuis le confinement, Laurent avait centré ses activités à la maison. Cependant, il travaillait déjà à domicile la plupart du temps ; cela n’avait donc pas changé grand-chose. Néanmoins, il avait pris l’habitude de s’assoupir un quart d’heure après le repas de midi. Cette habitude lui avait fait prendre un peu d’embonpoint autour de la taille mais surtout, elle avait permis au chercheur du CNRS de rêver l’après-midi, en plein jour, en pleine lumière.

Jacqueline lui expliqua que souvent, le corps astral, lorsqu’il vagabonde le jour, se permet quelques petites fantaisies : ainsi il arrive que des personnes reconnaissent le rêveur, même si elles savent pertinemment qu’il se trouve à des kilomètres d’elles. L’alangui peut se déplacer très loin, être aperçu, et lui-même peut reconnaître des amis. Mais la plupart du temps, les vivants et le rêveur n’arrivent pas à communiquer. Ils se hèlent, s’interpellent, se poursuivent, sans réussir à s’atteindre.

Jacqueline possédait un savoir immense de par sa profession exercée à domicile. Un métier souvent décrié, mais ô combien utile depuis la nuit des temps : voyante extralucide.

La propagation du coronavirus avait fait baisser son chiffre d’affaires, mais, ouverte aux technologies, Jacqueline pratiquait désormais en ligne directe, en visioconférence. Elle sut donc expliquer à Laurent tout ce qu’il découvrait aujourd’hui, lui l’incrédule, le sceptique. Il reprit la conversation après avoir bu la tasse de thé que Jacqueline lui avait apportée.

— Crois-tu que je puisse me conditionner pour aller pêcher un poisson particulier, demanda Laurent ?

— Tu peux toujours essayer, répondit sa belle, mais ne t’impose pas de barrière. Rapporte ce que tu peux.

— J’ai envie de rebaptiser le monde des rêves : « la grande farfouille ».

— C’est amusant, acquiesça Jacqueline, et si on nous entend, personne ne saura de quoi nous parlons ! Adjugé !

— Et le monde des vivants ?

— Moi je l’appellerais « chez nous ».

— Cela peut porter à confusion, non ?

— Pas pour nous. Nous saurons faire le distinguo. Alors ?

— Alors vendu aussi !

Laurent et Jacqueline avaient un code pour de nombreux objets, lieux, et événements.

Paris, c’était Lulu, à cause de Lutèce.

La salle de bain, c’était Mama, à cause du hammam. Ils disaient : je vais chez « Mama ». Heureusement, personne ne les écoutait !

Chapitre 3

Nous étions au mois de mai et le réchauffement climatique se faisait sentir. Ce vendredi après-midi, le mercure montait à 30°. Installés sur des chaises longues dans l’Eden, Laurent et Jacqueline revinrent sur le sujet :

— Tu n’as rien rapporté de la grande farfouille ?

— Non, que dalle. Et je n’ai aucun souvenir de mon rêve. Si, vaguement… Une inondation dans la maison familiale…

— Attention ! L’eau annonce le feu ! Prudence…

— Que pourrais-je faire pour rapporter plus vite des objets ?

— Rien. Lâche prise. N’y pense pas. Tu vas déclencher un blocage. Montre-moi plutôt la fameuse photo. Connais-tu les personnes ?

Laurent alla chercher le vieux cliché qu’il avait pris soin de ranger avec la médaille de son père, dans la grosse boîte en fer, gardée de son enfance : une boîte à gâteaux. (Il avait hâte de remplir celle-ci avec sa récolte quasi magique !)

— Tiens, la voilà ! dit-il à Jacqueline en lui tendant le tirage épais, dentelé. Voici une loupe pour examiner les personnages, car elle est petite !

Aussitôt, Jacqueline scruta l’image. La femme et l’homme étaient assis sur un banc, dans un jardin. L’enfant était à califourchon sur un camion. L’endroit ressemblait à un parc. Les deux personnages à droite étaient dans le champ de la photo par hasard. Debout, ils conversaient en tournant le dos à l’objectif.

— Tu les connais ? demanda Jacqueline. Qui sont-ils ?

— Ce sont les parents d’un ami. Le petit garçon, c’est lui.

— Mais, dans le rêve, ton ami d’enfance, il t’a donné la photo pour quelle raison, en fait ?

— C’est un peu vague. Je crois qu’il m’a demandé de chercher. Mais quoi ? Je ne sais plus.

— L’homme et la femme sur le banc ont l’air d’être ensemble : regarde, ils se tiennent par la main.

— Oui, c’est vrai.

— Fais un effort, cet ami, tu le fréquentes encore ? Est-il encore en vie ?

— Non, je ne le vois plus depuis longtemps. Mais je pourrais le retrouver sur les réseaux sociaux. Je ne crois pas qu’il soit décédé. Je n’en sais rien.

— Attelle-toi à retrouver sa trace. Tu dois savoir pourquoi tu possèdes à présent cette photo. Te rappelles-tu s’il avait ses deux parents ?

— Il me semble que non. Je crois bien qu’il était orphelin.

— Alors voilà ! Il faut que tu le retrouves ! Tu dois lui restituer ce souvenir issu de la grande farfouille ! Je suis sûre qu’il n’a aucune photo de ses parents !

— Mais je serai obligé de lui dire…

— Non ! Tu lui diras que tu l’as retrouvée dans un carton au grenier !

— Oui, vu comme ça !

Laurent se leva.

— Je vais scanner la photo. Comme ça, on pourra l’agrandir sur l’écran.

— Bonne idée ! acquiesça Jacqueline. De mon côté, je vais faire des recherches sur les moteurs et les réseaux ; rappelle-moi son nom.

— Il s’appelle Pierre Gilet.

— Comme un gilet ?

— Oui.

Une tourterelle couvait son œuf. Elle avait fait son nid dans le panier où ils rangeaient les gants de jardin. Il était suspendu à l’érable japonais. Laurent jeta un œil dans le panier. L’oiseau lui parla en levant la tête. Sans doute, la traduction était :

— Non, il n’est pas encore sorti de l’œuf.

C’était la veille de l’ascension. Après une vague de chaleur, la température s’était radoucie. Ils avaient programmé un repas de croisière de deux heures sur un bateau-mouche, pour le jour férié.

Jacqueline ouvrit son PC portatif, un modèle puissant malgré sa petitesse. Elle ne mit pas longtemps à trouver Pierre Gilet. Mais il n’y en avait pas qu’un ! La liste était longue.

Laurent était en train de réexaminer la photo sur son PC à lui.

Ils avaient installé dans le séjour un bureau double où ils pouvaient travailler chacun de son côté, tout en pouvant échanger des impressions.

— Il est né en quelle année ?

— Heu… 93, si je ne m’abuse.

— À quel endroit ?

— À Buenos Aires. Ça, je m’en souviens bien. Cela m’avait interpellé et je l’avais questionné sur l’Argentine. Ses parents étaient diplomates. Ils sont rentrés en France quand il avait cinq ans. Il n’avait guère de souvenirs que ceux rapportés par eux.

— Ah ! ces précisions sont fort utiles. Je vais pouvoir affiner la recherche.

Le couple était concentré et, mine de rien, œuvrait pour la résolution d’une énigme qui était inscrite dans l’accomplissement de leur mission. Car le rêveur comme la pythonisse se doutaient un peu que l’aventure ne faisait que commencer. Ce n’est pas tous les jours qu’une porte s’ouvre entre « la grande farfouille » et « chez nous », et quand ça arrive, il n’y a plus qu’une seule chose à faire : s’infiltrer dans l’enquête la plus étrange du monde !

Dans l’Eden, la tourterelle gloussait de plaisir, réchauffant son œuf avec amour !

Chapitre 4

— Je me souviens ! s’exclama Laurent. Pierre habitait à Saint-Germain-en-Laye. Ce banc se trouve dans le parc du château. Regarde bien les arbres, ils sont taillés en forme rectangulaire. Pierre m’avait confié que ses parents l’emmenaient souvent dans cet endroit majestueux, reposant. Le seul témoin de sa petite enfance est ce cliché. Ils sont morts dans un accident de la route et il est allé vivre chez sa tante et son oncle qui n’avaient pas d’enfant. D’ailleurs, je ne sais pas vraiment si la photo montre ses parents ou son oncle et sa tante.

— Que veux-tu faire ? demanda Jacqueline.

— Nous allons enquêter à Saint-Germain-en-Laye. Ce sera l’occasion d’une promenade.

— Si tu veux ! Nous pourrons visiter l’exposition sur la préhistoire !

— Je pense que déjà, grâce à son nom, nous aurons des pistes !

Ils prirent donc le métro puis le RER à destination de cette ville bourgeoise jouxtant l’immense forêt domaniale dans laquelle de nombreuses personnes vont se promener le dimanche.

Dans le métro, un rasta parlait tout seul en incriminant les passagers. Il leur demandait de se taire alors que lui seul, de sa voix forte et agressive, remplissait l’espace sonore avec des propos violents et effrayants. Personne ne pipait mot, mais soudain il éleva la voix. Quelqu’un lui avait suggéré de parler moins fort. Et ce quelqu’un, c’était Laurent !

Jacqueline prit peur et appela son homme qui ne ressentait pas l’immense inquiétude de tous les voyageurs présents. Le rasta disait en boucle :

« Laissez-moi tranquille ! J’suis pas violent mais si j’étais calibré, j’vous mettrais une balle dans la tête ! Moi j’suis un ange, vous, vous êtes des démons. Et arrêtez de me casser les couilles avec Marilyn Manson ! Vous pouvez appeler les flics. Je m’en fous ! Avec ta pétasse de femme, je vous… censure… »

Heureusement, l’inquiétant personnage descendit à Bir-Hakeim et la paix revint.

Laurent et Jacqueline commencèrent par faire un tour avant d’aller se restaurer. Les souvenirs revinrent, il se rappela Pierre, adolescent, lui contant ses jeunes années. Il était fort ému, car il sentait que la photo rapportée de la grande farfouille le conduirait vers une recherche très importante pour la suite : ce qu’il allait découvrir le mènerait sur un chemin où les révélations s’imbriquent en chaîne. Il en était persuadé.

C’est pourquoi il fut très déçu de n’aboutir à aucun résultat en posant des questions de droite à gauche aux commerçants et aux habitants, les Saint-Germanois.

— Il est temps de faire la visite, Laurent.

À contrecœur, le détective débutant suivit sa dulcinée dans le château moyenâgeux. Les parquets crissaient. Dans des vitrines étaient exposés des ustensiles, des bijoux, des silex, des ossements. Des squelettes quasiment complets. De grands schémas expliquaient les différentes périodes de la préhistoire, la rencontre entre l’homo sapiens et l’homme de Néandertal.