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Citadine ambitieuse, Floriane voit son existence chamboulée lorsqu’elle hérite d’une vaste maison historique avec un rucher dans un petit village morvandeau, suite à un legs inattendu d’un parent éloigné. En découvrant les ravages des défoliants et insecticides sur les abeilles, elle se trouve confrontée à la réalité alarmante de l’agriculture moderne. Décidant de changer de cap, elle se lance dans l’apiculture biologique, un choix qui la mettra à l’épreuve, tant sur le plan de l’installation que sur celui des défis familiaux. Parviendra-t-elle à surmonter ces obstacles et à s’épanouir dans sa nouvelle vie ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bourguignon d’adoption,
Jean-Marc Eulbry s’est fixé dans l’Avallonnais-Vézelien et a reçu plusieurs distinctions littéraires. En 1988, il obtient le Grand Prix du CIPAF qui couronnait ses nouvelles intitulées Au temps des villageois. Ensuite, en 1991 il gagne le Grand Prix National Marie Noël (L’Etrave) pour son ouvrage poétique, "L’Offrande de lumière". Puis il remporte le deuxième Prix spécial 2010 de la SPAF pour son recueil de nouvelles, "L’Oiselier du Lac Morvan". Il est également admis Sociétaire à la Société Des Gens De Lettres.
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Seitenzahl: 308
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Jean-Marc Eulbry
Le défi des abeilles
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean-Marc Eulbry
ISBN : 979-10-422-2012-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Poésie
– Souvenirs et rêveries poétiques, édition épuisée, 1957 ;
– Les amours de la mer, Ediprim, 1988, Prix d’Excellence du Vimeu 1989 ;
– L’offrande de lumière, la Nouvelle Pléiade, 1992, Grand Prix National Marie-Noël, 1991.
Nouvelles
– Au temps des villageois, la Nouvelle Hermine, 1987 ; Grand Prix du CIPAF, 1988 ;
– L’oiselier du lac Morvan, Édilivre, 2008, Second Prix Spécial de la SPAF.
Anthologie
– Gens de bourgogne, L’Amitié par le Livre, 1993.
Romans
– La louve des Eruats, L’Amitié par le livre, 2002, Médaille d’Argent de l’Académie Internationale de Lutèce.
– Au miroir des âges, Édilivre, 2017.
Le hasard survenant, souvent, nous fait connaître aux autres, mais peut-être plus encore à soi-même ! Aussi, sur les chemins qui allaient conduire Floriane vers ce petit village morvandeau, sans le savoir, aurait-elle pu s’en laisser imprégner de pensées profondes. Elle ignorait tout de ce qui l’attendait ; toutefois elle savait qu’elle venait de faire un héritage rural, mais de quoi exactement ? Elle n’en avait qu’un aperçu, décrit par le notaire d’Avallon, de la place des Capucins, tout à sa recherche. Celui-ci étant très élogieux sur ce qu’elle venait d’acquérir, par le testament de ce parent éloigné, son grand-oncle, qu’elle n’avait rencontré que très jeune, au temps de l’insouciance : alors qu’il entretenait aussi des abeilles ! lui avait-il dit également.
Elle ne se souvenait guère de lui, si grand et déjà établi, alors qu’elle ne connaissait rien encore des choses de la vie. Mais il avait gardé d’elle peut-être une image erronée d’enfant très proche de la nature, comme celle d’un bien inné restant toujours acquis. Certes les fleurs, les papillons et tout ce qui gravite dans les champs, prés et garennes, l’enchantaient beaucoup. Et, à cette époque-là, elle en donnait manifestement une joyeuse démonstration. Mais le temps faisant, n’avait-il pas érodé lentement en elle, toutes ces belles dispositions… Quoi qu’il en fût, bien que demeuré lointainement oublié, il avait fait d’elle sa légataire universelle !
Le taxi l’avait conduit jusque-là, près de la mairie, comme elle le lui avait demandé.
Et, après avoir reçu le paiement de sa course, de s’exclamer :
Eh bien ! Vous voilà rendue à la commune d’Island, vous pourrez demander en face, les bureaux semblent bien ouverts.
Puis, il repartit vivement, ainsi qu’arrivé.
Floriane, sur le coup, un peu désemparée, seule en plein milieu de cette localité toute campagnarde, vit justement du lieu sortir quelqu’un.
Et tout de suite, s’empressa de l’interpeller :
Monsieur, s’il vous plaît, pourriez-vous me dire, dans ce village, où se trouve la maison de Monsieur Théo… comme m’a précisé le notaire d’Avallon d’où je viens, ainsi appelé par ici avec le raccourci de son prénom qui est, Théophile.
Ah, peut-être seriez-vous l’héritière qui doit venir ?
Tout à fait, Monsieur.
C’est qu’ici, on vous attendait… mais pour la maison, pas encore rendue !
Pourquoi donc ?
Parce que cette maison n’est pas ici dans le bourg communal, mais au Grand-Island, un hameau du pays, qui se trouve à quelques kilomètres plus haut…
Et moi qui ai renvoyé le taxi !
Mais ne vous inquiétez pas, ici même j’ai ma voiture et comme également je devais m’y rendre pour un relevé d’eau de distribution, ainsi je pourrais vous y conduire, proposa ce monsieur : également, tout en se déclarant premier adjoint en mairie de la commune.
Bien volontiers, et vous en remercie !
Avançant en chemin, ils firent aussi un peu plus connaissance, et ce fut ainsi que Floriane, en confiance avec son généreux convoyeur, lui fit savoir d’emblée qu’elle était venue, depuis le matin même d’Argenteuil, où elle demeure près de Paris, par le train, sur rendez-vous afin de rencontrer le notaire à Avallon, pour les signatures. Qu’elle n’était en possession que d’un titre provisoire de propriété, en attendant l’acte définitif authentique, et également de la carte grise rayée d’un véhicule Ford qui faisait partie aussi de l’héritage…
Comme ça vous aurez de quoi circuler, si vous avez le permis de conduire ? fit remarquer son accompagnateur.
Tout à fait, et compte bien rentrer avec sur Paris, n’ayant pris qu’un billet d’aller, pour cela, compléta Floriane d’un air engagé.
Puis après avoir parcouru une route sinueuse et montueuse, tracée d’abord à travers le bois, depuis le lavoir communal, ensuite parmi d’agréables prairies bocagères ; au détour d’un virage, tout à coup ils entrèrent dans le hameau – celui-là même du Grand-Island – constitué d’une seule grande rue qui se prolonge tout en longueur. En premier laissant apparaître, à droite et à gauche, de belles habitations même éventuellement avec un haut perron, ce qui d’emblée surpris intérieurement Floriane. Laquelle, par cette élégance reconnue, ne s’attendait pas à un semblable spectacle – si loin, éloigné du monde ! Ensuite tout continuait, d’un côté comme de l’autre, en des constructions plus ordinaires, de celles d’une localité rurale. Pour terminer dans ce sens, ils passèrent près d’une belle autre demeure ; puis vint celle de son héritage, si longue, imposante et racée, comme bien enclose.
Se stoppant juste devant, son pilote servant, de lui annoncer :
Eh bien, voici votre maison !
Mais qu’elle est grande, on dirait presque un petit collège !
Justement c’est qu’à l’origine ainsi en avait-il été, dit-on, mais plus exactement un pensionnat votif pour jeunes filles, tout de suite devait-il compléter.
Pensionnat ?
Oui, mais au dix-neuvième siècle, d’avant l’enseignement obligatoire, Maison dite de Sainte-Thérèse ou encore la « Thérèse », un peu précouvent de formation… Puis, je crois, par la suite, refuge pour religieuses d’âge canonique ou autres veuves, une sorte de « béguinage », enfin rachetée par des particuliers, dont votre oncle Théo en dernier…
Ah, c’est ce que le notaire voulait m’expliquer, mais que je ne comprenais pas très bien sur le moment, reprit Floriane évasivement.
Mais pressée d’entrer, bien vite, elle sortit de sa sacoche la clé de la porte extérieure donnant sur le jardinet, afin en premier de l’ouvrir. C’était une porte tout encadrée de pierres du pays, celui du granit, et surmontée d’une belle croix également de pierres, mais blanches d’un calcaire plutôt voisin. Laquelle qui, bien fichée dessus un socle volumineux, apparaissait à demi encapuchonnée sous un lierre grimpant hardiment tout d’un côté. Cette porte imposante d’aspect s’inclut au beau milieu du mur d’enceinte. Tandis qu’à l’extrémité de la maison tout étirée d’une construction sur étage à fenêtres multiples et mansardées, s’ouvre un portail de bois, à deux battants ajourés, sur la partie restante des communs.
Tout en tournant la clé dans la serrure, d’un regard acéré, elle contempla ce dernier, pensant sûrement qu’elle n’en avait pas présentement la clé, dans son trousseau pour l’ouvrir, et que c’était par là où devait sortir la voiture ? Puis ce fut la porte d’entrée de la maison elle-même qu’il fallut franchir, toujours fidèlement suivie de son accompagnateur, lui-même dans l’intérêt for intérieur de cette visite improvisée. Lui qui, en curieux depuis longtemps, voulut alors percer le mystère interne de cette maison au gigantisme légendaire !
Mais tout de suite, il fallut trouver le compteur électrique pour plus de clarté ambiante recherchée, sur les volets ombrageux partout clos. Qu’il convint par nécessité, mais aussi par endroits d’ouvrir, au plus rapidement. Puis ils traversèrent l’un et l’autre, des pièces en enfilade, dont l’une, très vaste, parut à Floriane avoir été antérieurement un réfectoire. Pour, un peu plus loin, arriver aux communs qui avait dû être un préau ou autrement un espace d’enseignement ; mais qui, depuis séparé, renfermait le laboratoire à miel de son oncle, avec une grande table et des étagères remplies de bocaux et autres instruments d’affinement. Et plus au fond, le garage, où se tenait la voiture, un Ford Ranger superbe de couleur bleue, bien sagement et silencieusement remisé.
Toutefois à sa première vue, elle ne put s’empêcher de se récrier :
Regardez cette carrosserie ! Plus encore que commerciale avec un arrière ouvert et tout en longueur, presque une camionnette…
Bien sûr, mais c’est avec cette voiture qu’il allait livrer ou faire ses marchés !
Peut-être, mais je n’peux rentrer avec à Argenteuil.
Pourquoi donc ?
Eh bien, en ville ! Avec cette carrosserie, j’aurais l’air ridicule, avec beaucoup de difficultés pour le garer… Non, non, je vais m’en défaire, la vendre pour en racheter une autre ! Pour l’instant, il ne me reste plus qu’à repartir par le train ?
Et ça, vous n’aviez pas prévu ? Parce que désormais vous n’aurez un train repartant sur Paris que demain dans la matinée, à la gare d’Avallon…
Ne me restant plus qu’à coucher ici, forcée… Avant de vendre tout, voiture en tête ! … s’insurgea Floriane, un peu sous le coup de cette inattendue déconvenue.
Repassant, de ce fait, par la vaste cuisine et cherchant un peu dans les placards, elle y découvrit plusieurs conserves non périmées, et autres gâteaux secs, comme partout du miel : ainsi de quoi faire même une gentille dînette jusqu’à attendre le lendemain matin – mais il me manquera du pain, déclara-t-elle désobligée ?
Ce n’est rien, je vous amènerai à la maison, et ma femme va bien vous trouver cet appoint qui vous fait défaut, lui proposa son accompagnateur… Toutefois il nous reste à finir notre visite des lieux… Et même le rucher !
D’abord d’un même pas, ils montèrent par un bel escalier tout en bois de chêne clair et grinçant par endroits, jusqu’à l’étage supérieur pour y découvrir de chaque côté d’un long couloir central les chambres individuelles apparemment, au nombre de seize. Cela devait constituer à l’origine, le pensionnat même de l’institution. Et avec tout au bout les commodités. Puis ils se rendirent dans le jardin potager qui se trouvait derrière cette vaste maison, totalement clos par de hauts murs, restant encore bien entretenus, et partout à fleurir, ainsi que bien arboré. Avec en son centre, à la croisée d’allées, une superbe gloriette, semblant tout établie pour les plus beaux accueils et quiets repos.
Par-delà ces murs, loin d’eux, s’étendait une élégante et vaste prairie qui complétait la propriété jusqu’aux limites de bois voisins. Et très au-delà de ce point de vue, s’aperçoit confondu tout en bas le val profond où se devine la rivière du Cousin qui secrètement serpente de son flot agile. Comme encore plus après, s’étale moutonnante la forêt morvandelle, toujours en recommencement. Mais les ruches au nombre d’une bonne cinquantaine tout de suite à droite et à gauche au sortir de la porte du jardin, déjà franchie par eux, se trouvaient bien alignées sur un rang et protégées derrière leur beau mur. Ainsi que judicieusement orientées vers le sud, jusqu’à l’effacement continuel des derniers regards du jour.
L’un et l’autre, chacun de son côté, se penchèrent alors, sur ce qui pouvait être considéré comme le trésor de cette grande demeure. Mais tous ces logis de butineuses, sur le moment, leur parurent bien calme et claustrés. Aussi n’était-on pas encore que vers la fin de l’hiver ! Floriane les parcourut en avançant tout leur long, sans mot dire, d’un regard hâtif, mais réellement curieux à chacun de ses passages, comme une nouveauté à examiner et qu’on viendrait de lui proposer. Marquant même, par expressions du visage, une réelle surprise devant leur bonne tenue, tout extérieure d’aspect.
À s’exprimer aussitôt :
Mais c’est qu’elles sont bien belles ces ruches !
Tout à fait, mais depuis l’hospitalisation de Théo, voilà déjà quelques mois, la municipalité a fait appel à un apiculteur voisin, ou plutôt une apicultrice, je crois bien, pour qu’elle entretienne son rucher bénévolement en attendant, mais avec partage proportionnel des productions, bien sûr…
Sur connaissance ?
Pas exactement, plutôt sur indication du Syndicat des apiculteurs du département…
Alors je pourrais poursuivre, peut-être même en vue de vendre tout !
Parce que vous en êtes déjà sûre ! Je ne voudrais pas vous décourager, mais vous verrez avec une aussi grande maison, vous aurez beaucoup de mal à trouver acheteur… Ici ce sont les retraités qui recherchent beaucoup, mais pas si vaste !
Et à réitérer :
Ainsi, vous en êtes sûre ?
Tout à fait !
Mais il commence à se faire tard, et il faut que je vous mène jusqu’à la maison pour voir, avec ma femme, ce qu’il vous manque, pour ce soir… Tout avant, il faut que je fasse mon relevé d’eau !
Et ainsi les voilà repartis en voiture, en chemin inverse, vers le bourg du village, après s’être arrêté qu’un instant afin de procéder, auprès d’un poste de distribution communale, à l’opération envisagée.
Ce ne fut qu’une entrevue assez rapide que Floriane devait effectuer auprès de la dame annoncée. Là où elle fut accueillie très chaleureusement, comme déjà concitoyenne du pays, à expliquer, avec l’assistance de son mari, brièvement, sa situation présente et recevoir l’en-cas souhaité. Mais avec la promesse de se revoir plus tard et longuement, en toute sympathie.
Au moment de se séparer après l’avoir raccompagnée jusqu’à sa maison d’héritage, celui-là devait lui confirmer :
Comme promis je viendrai vous chercher demain matin à neuf heures pétantes, pour le train du matin à Avallon… Aussi ici, que je vous dise, on s’appelle par le prénom et le mien est : Armand, ou monsieur Armand pour vous… revenant demain je vous donnerai mes références pour contacts ultérieurs…
Moi également, et vous pourrez m’appeler madame Floriane, ou même Floriane tout court…
Se séparant ainsi avec semblable empathie.
Sur place, la nuit désormais tombée, elle put aisément se composer un petit repas avec tout ce qu’elle avait pu appréhender autour d’elle, en conserves d’aliments et ustensiles de cuisine pour réchauffer. Comme à découvrir, une cuisinière ainsi que des placards sur le haut, pour toute nécessité. Mais d’abord elle s’obligea à prévenir chez elle, avec son portable, sa mère Béatrix, qu’elle ne rentrerait pas le soir même, mais que le lendemain.
Ainsi gentiment restaurée, elle s’introduisit dans ce qui lui semblait bien être le bureau du maître de maison, et elle y passa de longs moments à regarder tout ce qui y restait exposé : photos, magazines, anciens journaux et livres en rayonnages, tout ce qui semblait n’avoir pas bougé depuis le départ de leur détenteur.
Par cette incursion improvisée parmi les objets personnels de son oncle, restés là, intacts et comme s’offrant volontiers aux regards ou aux touchés : elle avait subitement comme l’impression d’entrer dans l’intimité d’une personne bien lointaine pour elle. Mais dont elle venait d’hériter, et avait tout à apprendre – comme d’une tentation de vouloir atteindre et même appréhender cet autre passé bien humain –.
Le bureau ou le meuble lui-même, se formait d’une table à rebords et pieds ouvragés, était constitué d’un bois bien veiné, apparemment pour Floriane certainement de noyer clair, qui s’élevait léger au milieu de cette belle pièce, bienséant et rustiquement stylé. Avec, sur le dessus côté droit, une lampe haute s’imposait à ample abat-jour décoré, et large piètement pour l’éclairage. Ainsi que pour occuper discrètement sa surface, un sous-main tout de cuir, deux étuis à stylos et une belle règle métallique jaune de laiton. À l’un de ses pieds sur sa gauche en entrant, se tenait un caisson à tiroirs tout d’un même bois que la table, fermé d’un volet à serrure, mais dont la clé était restée accrochée dessus. Ainsi facilement, et par vive curiosité, après ouverture elle pouvait en tirer, l’un après l’autre, chacun de ses tiroirs.
Alors, s’installant confortablement dans le vaste fauteuil pivotant en service et posé là, comme cherchant à s’éclairer bien, ce fut à quoi elle s’employa premièrement. À fouiller. Mais d’abord les photos l’intéressaient quand elles se présentaient parmi nombre de notes de service anciennes venant de l’Office National des Forêts. Et ces photos ne le représentaient pas toujours lui-même seul, mais souvent en groupe sur des lieux déterminés, boisés ou coupés, ainsi qu’avec des arbres séculaires malheureusement abattus. Aussi poursuivant ses lectures hâtives, rapidement elle comprit que son oncle avait dû être un forestier de métier.
Continuant ainsi sa quête un peu plus vers le bas, dans un autre tiroir elle découvrit tout un ensemble de feuillets écrits, certainement de sa main, comme la première matière d’un mémorandum sur les abeilles, lui semblait-elle, car en exergue il avait inscrit : Le monde mystérieux des abeilles. Et qu’un peu après elle pût lire comme épigraphe cette déclaration « Le jour où l’espèce des abeilles viendrait à disparaître, ce serait aussi celle des humains qui sombrerait avec elle, car l’une est à l’image de l’autre » – belle pensée, bien que plutôt sentencieuse, quand même, convint-elle généreusement, in petto !
Mais ce fut tout bassement, dans le dernier tiroir, parmi toute une réserve de crayons à mine ou à bille, gommes et autres, que Floriane découvrit vraiment l’album photos de sa recherche. Et tout de suite de se mettre à le compulser hâtivement. Y découvrant celles qui assurément étaient de son grand-oncle Théo, tout au fil de sa vie, dont elle avait beaucoup à apprendre. Quant aux autres, certaines le représentaient accompagné d’une présence féminine, ou celle-ci seule comme en effigie, devant concerner sa femme ou plutôt grand-tante, dont elle ignorait tout jusqu’à son prénom. Puis pour compléter venaient d’autres personnes paraissant familières, parentes ou amis très proches, qui y figuraient un peu partout, mais dont Floriane n’avait eu nullement connaissance.
Alors relevant la tête, elle s’aperçut que, bien encoigné et dans la pénombre de la pièce, se tenait un poste informatique installé sur un secrétaire à étagères. Vivement elle s’en approcha pour examiner l’ensemble qui lui parut très complet d’un ordinateur portable professionnel avec imprimante et scan. Le tout relié à une boîte téléphonique qui paraissait tout à fait active. Sur la tablette également se tenaient de gauche à droite une pendulette radio de bureau avec portrait plutôt méconnaissable, déjà passé, et deux coupelles recevant gommes, feutres et crayons de toutes sortes. Elle tira bien, un à un les tiroirs qui se présentaient, à n’y découvrir que papier de tirage ou accessoires divers d’écriture. Aussi renonçant plus avant dans sa quête, Floriane revint vers le bureau central de la pièce et à se réinstaller dans le fauteuil.
Ainsi elle s’obligea de revenir à tout ce qui pouvait lui permettre de pénétrer un peu plus en avant la personnalité de son grand-oncle et bienfaiteur. En premier, revenir sur ce qui semblait bien être ses écrits vers le second tiroir du dessus. Les ressortant même de leur emplacement pour les déposer sur le sous-main du bureau, et ainsi mieux pouvoir les feuilleter. Mais très vite, à les compulser, elle comprit que sur ces feuilles n’étaient couchées que de brèves ou plus longues réflexions que seulement reliées entre elles. Qui certainement avaient été retenues en vue de fournir matière à une composition plus élaborée : comme un essai sur l’apiculture et les abeilles. Néanmoins même qu’ainsi brièvement rédigées, Floriane porta le meilleur intérêt à leur lecture, celle-ci pouvant lui révéler un certain visage de l’état d’esprit de l’auteur ainsi qu’une parcelle de sa psychologie. Et pour le moment semblant bien s’en satisfaire pleinement dans son for intérieur, elle reposa ces papiers dans leur emplacement d’origine, et songea à s’organiser pour dormir.
La nuit s’était déjà bien avancée et si elle voulait être de bonne heure debout le lendemain matin, il lui convenait de trouver où se reposer ! Et en cherchant entre les chambres du bas, elle se décida pour celle que devait occuper son oncle, par son mobilier qui la composait avec tout son décor intime de dessins, lithographies et portraits d’inconnus accrochés aux murs. Mais ne voulant pas, par une certaine pudeur, tout de suite prendre le grand lit haut tout en chêne, celui de toute évidence qui était habituellement le sien, elle se résolut pour un autre, plus petit et certainement d’appoint, qui se trouvait à côté. Ainsi que rechercher tout près un chauffage par convecteur électrique, car la pièce inoccupée depuis longtemps s’était laissée envahir par un froid insidieux – juste le nécessaire d’un réchauffement ambiant pour se défaire un peu et se coucher –.
§
§ §
Réveillée de bon matin par la lumière déjà presque printanière et filtrante des volets, Floriane voulut tout de suite connaître l’heure, à la recherche de sa montre-bracelet déposée sur une chaise en tête de son lit. Eh bien, elle marquait six heures trente ! De quoi se lever tout de suite, pour être à l’heure pour le train ! pensa-t-elle.
Après de vives ablutions dans la salle de bain voisine, qu’elle apprit ainsi à connaître par toutes les belles commodités pouvant y renfermer. Et toute pimpante bien sur pieds, elle devait passer à la collation du matin. Sans trop avoir à chercher dans les placards, elle avait déjà sous la main tout ce qu’il lui fallait : café, lait en poudre et miel en grande abondance pour remplacement du sucre, avec pain et biscottes. Mais sans s’installer dans la cuisine pour ce faire, elle décida de se transporter dans la grande salle du salon, ou l’ancienne salle du réfectoire. Qui d’ailleurs comportait encore ses deux grandes tables d’origine, afin ainsi de mieux prendre connaissance de ces lieux qui désormais lui revenaient, elle-même dominée d’un côté d’une imposante tenture murale.
Sous la main pour prendre son petit déjeuner, elle avait force miel, bien sûr, en divers pots, comme du café Nescafé moulu qu’elle appréciait fort bien, ainsi que tout ce qu’elle avait déjà recueilli en cuisine. Alors elle ramassa tout cela pour les porter sur le devant droit de la première des grandes tables, et s’y installer. Mais auparavant, elle était venue près des deux premières fenêtres, pour les ouvrir grandes afin d’y recevoir pleinement tout l’air et lumière déployés déjà à ce lever matinal. Se réinstallant, et à peine avait-elle commencé à manger, que d’un vrombissement sonore deux abeilles vinrent se poser un peu au-devant d’elle sur la table. Se retournant l’une en face de l’autre, engageant comme un pas de danse à sauter gaiement, tandis que stupéfaite devant cette mini-scène insolite, Floriane continuait tranquillement à se restaurer. Puis se rapprochant, elles se courbèrent comme d’un salut d’artiste, à se retirer tout d’un coup ainsi que venues. À la laisser encore tout émerveillée de ce qu’elle venait de voir, tout en finissant ensuite sa collation du moment.
Il lui restait, encore sous le coup de cet intermède radieux, à regrouper ses affaires avant de repartir, bien que n’ayant guère à reprendre avec elle – mais néanmoins décidée à emporter, pour elle-même, deux ou trois bocaux du miel de la production maison, afin également de le faire goutter chez elle ! Le temps, pris pour ces quelques préparatifs, fit que bientôt Monsieur Armand était arrivé, et klaxonnant dehors avec sa voiture à l’heure prévue. Floriane d’un bond ferma vite les compteurs du logis et s’emparant de tout ce qu’elle avait préparé aussitôt fut dehors.
Et de s’écrier gaillardement :
Bonjour Monsieur Armand, déjà là…
Il le faut, et sans plus attendre, si vous ne voulez pas rater votre train.
Et ce fut qu’ainsi, Floriane, comme la veille, prit place dans la voiture qui démarra promptement.
Avez-vous passé, au moins, une bonne nuit dans votre nouvelle demeure ? s’inquiéta tout de suite son convoyeur.
Tout à fait, répliqua-t-elle sans ambages, dans la chambre même de mon oncle en bas, mais sans plus d’autres visites des lieux que celle effectuée ensemble. Mais après ma dînette j’ai passé de bons moments dans son bureau de bibliothèque à un peu tout examiner de ce qui s’y trouvait…
D’ailleurs vous avez dû le retrouver intact comme il l’avait laissé, car admis à l’hôpital il s’est éteint trop vite et n’a pu revenir chez lui…
Exactement, poursuivit Floriane, et avec tout ce que j’ai vu ou lu je crois bien que mon oncle était un forestier ?
Même mieux que cela, reprit affirmativement M. Armand, c’était un ingénieur principal des Eaux et forêts, je crois, chef d’un secteur, mais depuis à la retraite… Et croyez-moi, c’est qu’il le connaissait comme sa poche, son Morvan, avec toutes ses essences d’arbres, coins et recoins… et en plus un fieffé mycologue, pour lui les champignons n’avaient pas de secret.
Ça alors, retraité ! Mais comment les abeilles ? s’exclama-t-elle à demi songeuse.
Oui c’était sa passion, comme on dit maintenant son addiction, il n’en vivait pas, sa pension de retraite lui suffisant largement… Mais comment dire, il était devenu plutôt comme un apiculteur amateur, c’est-à-dire qui aime, qui affinait et vendait sa production quand même, voulant la faire connaître…
— Un peu comme un passe-temps ?
— Je crois mieux que ça, même comme d’un sacerdoce humaniste, entièrement voué à ses filles les abeilles.
— En voilà de belles choses relatées !
— C’était tout lui, tout Théo avec cette générosité à le rendre si sympathique… Et vous ? lança alors son convoyeur, presque par provocation.
— Vous voulez dire de moi, ainsi normalement son héritière pour tout… Eh bien, figurez-vous que ce matin, lors de mon petit déjeuner, j’ai été visité par deux abeilles, du rucher certainement, venues me saluer comme sur un pas de danse entremêlée, juste devant moi sur la table un instant à me distraire, puis sont reparties…
— Vous voyez comment elles vous ont déjà reconnue ! reprit-il aussitôt d’un ton quasi élogieux.
— Ah, plutôt belle coïncidence avec la réouverture inattendue de leur maison, peut-être tout simplement étaient-elles venues pour constater le retour de leur maître de couvées ! (Bien que sachant, en elle-même, que c’était à elle ouvertement qu’elles avaient bien fait la révérence, mais ne le laissant pas paraître)… répliqua-t-elle plus placidement.
— Certes… mais quand même ! laissa échapper M. Armand. Alors que déjà ils atteignaient, ayant bien roulé jusque-là le bourg des « Grandes Châtelaines » : tandis qu’un tracteur avec son attelage en travers de la chaussée, obstruait la circulation pour cause de déchargement. Obligeant ainsi à quelques moments d’attente.
Tandis que Floriane, de son côté dans l’impatience, tout à coup, se mit à exploser :
— Combien de temps ceux-ci vont-ils ainsi nous retenir ?
— Ne vous inquiétez pas, modéra aussitôt M. Armand, nous avons suffisamment de temps devant nous pour attraper votre train d’Avallon.
Quand subitement la route se dégagea, rendant libre la circulation dans les deux sens.
Et au conducteur de s’exclamer :
— Vous voyez, tout va pour le mieux, et nous pouvons repartir, toutefois un peu plus insidieux encore, de lui demander : votre train ainsi raté, cela aurait tellement d’importance pour vous ?
— Pas exactement puisque chez moi, avec le portable, j’ai pu prévenir de mon retour reporté… mais, parce que de la sorte… j’ai déjà raté un rendez-vous de formation en pédagogie… de ce jour…
— Ah, parce que vous êtes toujours en études ?
— Oui et non, il faut que je vous dise… actuellement j’ai un emploi dans l’Éducation nationale, au groupe scolaire Jules Ferry à Argenteuil où je demeure, comme Assistante d’Éducation ou AED dans le primaire…
— Alors emploi stable ?
— Pas du tout, c’est justement très précaire, CDD non renouvelable, comme on disait précédemment de celui de « pion » réservé plutôt aux étudiants en fin de parcours… ainsi moi j’ai repris des études en vue de concourir en interne pour devenir prof, mais alors pour la titularisation…
— Vaste programme ?
— D’autant que j’ai une petite fille Marie-Noël à élever… et si j’ai obtenu ce poste, c’est grâce à ma mère retraitée Professeur des Écoles, comme l’était aussi mon père, désormais décédé… ainsi de mon enfance bercée dans l’enseignement… m’est revenue aussi cette vocation…
— Je comprends, rétorqua modestement M. Armand.
Sur ces notes de confidence ainsi déflorées par Floriane se ressentant tout d’un coup en confiance, comme pour se décharger, un long silence s’établit plusieurs instants entre eux, alors qu’ils entraient dans la ville d’Avallon, prenant la direction de la gare. Car elle avait encore beaucoup à exposer sur sa vie du moment, sentimentale et familiale, mais qu’elle gardait pour elle en ces instants, par pudeur.
Quand approchant de leur destination, celui-là d’affirmer :
— Vous voilà arrivée, et regardez bien la pendule vous avez encore vingt bonnes minutes pour prendre votre billet, mais le train est déjà formé à quai, car je vais vous lâcher pour partir en ville faire des courses qui m’attendent.
— Merci beaucoup M. Armand, pour tout…
— Attendez avant de partir, voici ma carte pour m’appeler et vous mettre en rapport avec l’apicultrice qui s’occupera, bien désormais, de vos abeilles en lui renouvelant notre accord !
— Tout à fait de ces mignonnes petites bêtes… Vous savez Monsieur ce n’est pas que j’ai mépris pour cette vie campagnarde, avec toute son animalité, au contraire, mais vraiment je ne me sens pas faite pour ça désormais… Même si par mes grands-parents, j’étais originaire d’un village non loin d’ici, je crois bien !
— Je vous comprends ! Bon voyage et à bientôt, fit-il allégrement en redémarrant.
Avec ce très court séjour inopiné en campagne, même avec réelle surprise, Floriane n’en était pas complètement fâchée, et dans le train qui la ramenait sur Paris, toute sa pensée en restait largement imprégnée de l’événement. Certes ce fut presque par nécessité qu’elle avait dû passer cette nuit entière dans cette si grande maison dont elle venait d’hériter, bien loin de ses destinations habituelles – mais également par refus de sa part, de ne pas se servir obstinément du véhicule Ford que lui avait laissé aussi son grand-oncle, pour avec lequel, organiser éventuellement son retour – !
Cela était-il seulement dû que par pure coquetterie relativement à la carrosserie plus que commerciale de l’engin pour circuler ainsi en ville ? Ou également de ne savoir exactement où le garer, par manque d’espaces, surtout parmi les rues très étroites de son quartier du Moulin d’Orgemont, d’habitation à Argenteuil. Tout cela lui repassait en esprit, tandis que les arrêts en gares se succédèrent tout au long des localités desservies jusqu’à Auxerre. Puis ensuite l’omnibus devait laisser le tour au plus direct jusqu’à Paris-Bercy.
Là, une fois rendue, elle savait aisément se piloter, comme une habituée du Métro parisien pour atteindre la gare Saint-Lazare, puis de nouveau reprendre le train jusque dans sa banlieue. Pour enfin revenir en pays de connaissance, et par autobus rejoindre l’appartement qu’elle partage avec sa mère Béatrix, elle-même retraitée.
Aussitôt arrivée, cette dernière de lui demander :
— Alors ma fille bien heureuse de ton retour – tout en s’embrassant – dis-moi, et ton périple autour de cet héritage bourguignon ?
— Plutôt bien passé, malgré quelques imprévus… avec toutes surprises… enfin deux journées merveilleuses !
— Autant que ça ! Et cette maison de village ? insista la mère.
— Cette maison on pourrait plutôt dire ce bâtiment… Car tout en longueur et sur un étage !
— Tant que ça… montre-moi, tu dois bien avoir une photo ?
— Oui sur ma tablette, mais certainement pas entière, répondit Floriane tout en la sortant de son sac, et l’ouvrant.
Contact établi, la photo quasiment entière de la maison apparut, tout à fait nette et de belles couleurs. Et se penchant bien, sur l’instant plus curieuse encore, la mère de Floriane aussitôt de s’exclamer :
— Bien sûr que je la connais, cette maison, je l’ai déjà vue dans mes jeunes années de Normale quand avec ton père nous venions en vacances tout près, à Pontaubert… nous passions par le haut parfois devant à bicyclette, pour nous rendre chez les grands-parents à Menades, eux-mêmes déjà retraités paysans encore à la ferme avec leur aîné, à suivre Théophile le dernier, pour finir ses études… Puis après la disparition des anciens, repris par des cousins, les années faisant, nous ne sommes plus revenus sur place, et perdus de vue… Ainsi depuis, il aurait racheté cette immense maison de caractère, presque un immeuble, continua-t-elle plutôt songeuse.
— Eh bien maman, pour sûr ! Puisqu’il m’en a fait son unique héritière, mais désormais que vais-je en faire, toute belle avec devant un gentil jardin d’agrément et derrière un grand potager…
— Tout à fait, que vas-tu en faire ?
— D’autant, maman, qu’il y a tout un élevage d’abeilles, c’est-à-dire un rucher déjà conséquent à entretenir, installé sur une vaste prairie qui donne derrière et qui fait partie de la propriété…
— Ça, alors l’oncle Théo retraité, s’adonnait ainsi à l’apiculture !
— Oui, mais par pur engagement plutôt philosophique, comme un théoricien à vocation et d’affection pour ce petit règne animal… et était connu dans son entourage comme tel !
— Une sorte d’observateur amateur et philanthrope, reprit interrogativement Béatrix, sur le moment.
— Un peu tout ça ! Mais ce qu’il y a surtout, c’est qu’il a rajouté un codicille à son testament justement au sujet de ses abeilles…
— Pourquoi donc ?
— Pour la conservation de son rucher actuel, et pour cela d’après le notaire, il m’offre la somme rondelette de vingt-cinq mille euros déposés, si je reprends ses abeilles et activités d’apicultrice en soins, sur place.
— Belle somme, alors qu’envisages-tu ?
— Que veux-tu maman, je ne connais rien de ce métier, car en fait, c’en est un ! … Et puis je ne me vois pas vivre toute l’année à la campagne, maintenant qu’ici j’ai d’autres projets, et puis il y a Marie-Noël ma fille à élever… non, non, je vends !
— Mais qu’adviendra-t-il alors de cet argent en dépôt ?
— D’après le notaire le pécule reviendrait à l’acheteur s’il reprend le tout compris maison et rucher, avec entretien, sans quoi cette somme serait allouée au Syndicat des apiculteurs du département pour distribution à leurs œuvres de soutien aux abeilles et informations publiques de reprise du petit cheptel… et tout cela dans un délai relativement court de deux années à l’issue desquelles il deviendrait cessionnaire du rucher, si aucune solution n’est trouvée sur place…
— Ce qui te laisse peu de temps pour agir.
— Exact, mais en attendant le rucher est entretenu par une apicultrice du secteur appelée par la mairie du village auprès du Syndicat départemental, avec qui je dois désormais prendre contact pour suite à donner…
— J’y pense subitement, on parle, on parle, toutes deux prises dans notre discussion… car tu n’as pas mangé et tu n’as pas faim, aussi j’avais de reste une petite paella pour toi réservée, dans la cuisine ?
— Bien sûr maman, je vais déposer mes affaires, et te faire goûter du miel de là-bas que j’ai ramené… puis reprendrons notre conversation tout en déjeunant, conclut Floriane sur le moment, comme ainsi proposé.
Les deux femmes, ainsi, mère et fille, restèrent encore un certain temps à discuter de cet héritage impromptu, de tout ce qui l’entoure en ses lieux et conditions, si particuliers pour elles. De toute façon Floriane n’était pas de service ce jour-là ; et la conférence qu’elle devait suivre pour formation de travail, en vue de concours interne envisagé, était du matin, ce qui la laissait libre pour le restant de la journée.
Mais pour elle tout cela n’était pas le plus profond de ses soucis du moment, cette occurrence imprévue aurait pu l’enchanter, bien que d’une opportunité, à son enseigne, plutôt aléatoire : ne lui apportant rien directement en numéraire, tout restait à être réalisé ! Ce qui la préoccupait le plus était sa situation intime, ainsi que domestique. Car dès lors, et depuis une bonne année, elle n’avait plus de nouvelles de son compagnon Karim parti en Extrême-Orient, Thaïlande ou Laos, plus qu’entiché, pour une formation « Muay Thaï » complète et initiatique en kickboxing. Comme lui-même disait !
Au départ il n’était convenu que d’un séjour court de trois semaines au plus, puis il l’avait recontacté en lui envoyant de l’argent – car ses premiers combats sur place lui rapportaient – pour lui signifier qu’il lui fallait encore trois semaines de plus et que de Bangkok il partait pour le Laos – et depuis plus de nouvelles ! – D’ailleurs, bien vite, leur conversation dévia sur ce dernier sujet et la personne désormais considérée absente.
— Voilà, je me demande si je ne reverrai jamais cet aventurier, vois-tu Maman ? soupira Floriane avec cette évocation.