Le district des oubliés - Morgane Keller Tarnaud - E-Book

Le district des oubliés E-Book

Morgane Keller Tarnaud

0,0

Beschreibung

An 2232. Elisabeth, âgée de dix-huit ans, mène une existence tranquille et ordonnée. Avec sa réussite aux examens de niveau 4, elle anticipe une carrière prometteuse dans le bloc 2, une perspective qui lui tient à cœur puisqu’elle se sentira enfin utile à sa communauté. À vingt-cinq ans, un époux lui sera désigné, et ensemble, ils contribueront à la prospérité de leur district. Cette idée, qui réjouit à la fois ses parents et les dirigeants, est sa plus grande source de bonheur. Toutefois, un mensonge vient bouleverser son existence, l’entraînant hors des limites des règles rigides de son monde. Face à une réalité imprévue, pleine d’épreuves et de défis, Elisabeth est plongée dans un environnement inconnu. Devant faire des choix cruciaux, elle se lance dans une quête de vérité et de liberté. Son combat influencera-t-il le destin de tous ou sera-t-elle vaincue par les forces cherchant à la garder dans l’ombre ?


À PROPOS DE L'AUTRICE



Morgane Keller Tarnaud, passionnée de littérature depuis toujours, s’intéresse particulièrement aux ouvrages décrivant des mondes utopiques. Son rêve est de plonger les lecteurs dans des récits dystopiques captivants. Sa fascination pour les sociétés oppressives la pousse à créer un univers futuriste où les individus luttent contre un régime totalitaire. Son objectif est de transporter les lecteurs au cœur de ces mondes dystopiques, les confrontant ainsi aux conséquences de nos choix et aux dangers de notre réalité actuelle. À travers ses récits, elle offre parfois des réflexions percutantes sur l’avenir incertain de notre société.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 330

Veröffentlichungsjahr: 2024

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Morgane Keller Tarnaud

Le district des oubliés

Roman

© Lys Bleu Éditions – Morgane Keller Tarnaud

ISBN : 979-10-422-1064-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Prologue

Hiver de l’année 2213

— Tu crois qu’il a pu voir quelque chose ?

— Je ne pense pas, lui répondit d’une voix nerveuse l’homme devant elle.

L’air inquiet, la jeune femme réfugiée derrière les larges épaules de son mari retourna à ses occupations. Elle savait bien qu’ils prenaient un risque, un gros. Malgré ça, ils étaient allés trop loin, et maintenant, ils ne pouvaient plus revenir en arrière.

Son mari, Tom, suivit ses pas.

Il voyait bien que tout cela rendait sa femme fébrile. Sous ses grands yeux bleus, on apercevait distinctement les cernes que laissaient les nuits difficiles.

Il se rapprocha d’elle, plongeant ses yeux dans les siens. Il retira la petite mèche brune qui tombait sur sa joue, puis la serra contre lui.

— Ne t’en fais pas, tout ira bien.

Chapitre I

Dix-huit années plus tard – Année 2232

14 h sonna la fin des leçons. Elisabeth aimait être ici, pourtant aujourd’hui, elle avait hâte de rentrer chez elle.

Elle glissa rapidement ses affaires dans son sac à dos, puis détacha ses cheveux châtains qui, jusque-là étaient réunis dans une queue-de-cheval. Elle prit ensuite la direction de la porte. Elle longea le long couloir blanc et sortit du bâtiment par la grande porte en vitre.

Ici, les hauts toits dégageaient une lumière plus vive et faisaient ressortir ses yeux gris. Marchant d’un pas décidé, elle se dirigea vers la navette.

La voix féminine retentit :

« OUVERTURE DES PORTES – ZONE E »

La jeune fille pénétra dans la navette 2-R02 en direction des blocs de catégorie 2. À leur mariage, ses parents avaient été affectés à ces blocs. Cette assignation était en lien direct avec leurs professions. Ils travaillaient dans une catégorie 2, alors ils vivaient dans les blocs 2.

Dans son groupe de leçon, ils étaient quatre à venir de ce bloc.

Le trajet fut court, quelques minutes durant lesquelles elle resta sagement assise sur le fauteuil gris métallique et inconfortable. Les autres places étaient principalement vides. D’ordinaire, elle prenait la navette suivante avec son amie Rebecca. La machine ralentit, puis s’immobilisa.

« OUVERTURE DES PORTES – BLOC 2 »

Elle descendit de la rame, prit le chemin en pavé et se dirigea vers cette autre grande porte vitrée. Elle passa ensuite sa main sur le boîtier accoté à la porte.

« ELISABETH 2214 – ACCÈS AUTORISÉ »

Quelques étages plus hauts, elle poussa enfin la porte de chez elle.

— Bethy, c’est toi ? retentit une voix douce du fond de l’appartement.

C’était la raison pour laquelle, aujourd’hui, elle était rentrée plus vite. En arrivant dans la grande pièce de vie, elle trouva sa mère debout, les bras tendus, prête à lui donner le plus long câlin qu’elle pourrait, avant que sa fille ne finisse par lui dire qu’elle l’étouffait.

— Maman ! Je suis contente que tu sois rentrée ! Comment était ton voyage ? s’empressa de lui répondre sa fille.

— Fatigant ! Mais nous avons pu partager et avancer sur nos recherches !

Son enthousiasme prouvait qu’elle avait apprécié son déplacement vers un autre district. Où exactement, sa fille ne le savait pas.

En réalité, elle ne s’intéressait pas vraiment à la science botanique et elle n’était pas curieuse d’en apprendre plus. Mais elle était très contente de retrouver sa mère après plusieurs semaines de séparation. Elle n’a jamais pu l’accompagner, les voyages entre districts étant interdits. Dans de rares cas, comme dans le cadre des recherches de sa mère, ils sont cependant autorisés, ou alors pour les personnes de la catégorie 0. Celle-ci était celle des Dirigeants et ils n’étaient pas très nombreux. D’après son père, c’était mieux ainsi.

Pourquoi ? Ça aussi, elle l’ignorait.

— Comment se sont passées tes leçons ? continua sa mère.

— Très bien, déclara gaiement la jeune fille. Nous avons commencé l’histoire du cataclysme. Enfin ! J’étais si impatiente d’avoir enfin l’âge requis !

— Qu’as-tu appris ?

— Nous avons commencé par le pré-cataclysme. Comment nos ancêtres, par leurs erreurs, avaient détruit la surface. Tu sais, ils auraient vraiment pu faire mieux s’ils avaient suivi les conseils des Dirigeants. On nous a expliqué qu’à cette époque des gens dormaient dehors, pendant que d’autres avaient plusieurs blocs, juste pour eux. Des familles étaient si nombreuses que le partage des ressources n’était plus possible. Et puis tous leurs mauvais choix, qui ont entraîné les changements de climat. Je suis si reconnaissante d’avoir la chance de vivre dans le Nouveau Monde maman ! Grâce aux Dirigeants, nous avons l’opportunité de faire mieux !

— Oui, les dirigeants sont nos rédempteurs, confirma solennellement sa mère.

Élisabeth approuva d’un hochement de la tête. Et sur cette phrase, chacune d’elles partit à d’autres occupations. Plus tard, son père rentra à son tour.

En fin d’après-midi, l’APT leur livra les aliments nécessaires pour la réalisation du dernier repas, ainsi que celui du premier. Elle adorait, chaque soir, préparer la boîte du souper avec son père. C’était leur moment à eux qu’ils partageaient depuis aussi longtemps qu’elle pouvait s’en souvenir.

Après leur repas, Elisabeth se rendit dans sa chambre. C’était une pièce de taille moyenne aux murs blancs, identique à celle de tous ses camarades de leçon. Sur le mur du fond, on pouvait apercevoir une large fenêtre par laquelle elle observait les cinq autres tours du bloc 2.

Ces dernières étaient toutes similaires, quinze étages de parois vitrées. Son père lui avait expliqué que cela permettait de refléter la lumière que produisaient les grands panneaux lumineux au-dessus de leurs têtes.

Sous cette fenêtre se trouvait son lit, simple, fait de métal noir. À gauche, un bureau, et posé dessus, un petit cadre affichant une photo de sa famille. Sa mère, son père et elle. Sur cette photo, on remarquait ses légères boucles brunes, les mêmes que sa mère, et ses petites pommettes rebondies qui rendaient son visage aux traits fins joyeux. 

Elisabeth s’approcha des grandes portes coulissantes se trouvant sur sa droite. 

Puis dit à voix haute :

— Tenue de sommeil.

Les portes coulissèrent et une tige métallique en sortit, accrochée à celle-ci, un tee-shirt blanc et un pantalon en coton gris. La jeune femme prit les affaires, puis enleva celles qu’elle portait aujourd’hui. Pour les jours de leçons, il s’agissait d’une chemise rouge avec sur le côté droit un écusson en forme de quadrilatère bleu marine au sein duquel était cousue, en blanc, son appartenance BLOC 2. Son pantalon, ni trop serré ni trop large, était fait de matière synthétique et dans le même bleu que celui de son écusson.

Elle déposa ensuite sur la tige les vêtements qu’elle venait de retirer, puis la porte se referma.

La lumière extérieure se tamisa, il était l’heure pour elle de se coucher. Après être allée embrasser ses parents, Elisabeth se glissa dans les draps de coton rose, qu’elle avait elle-même choisis avec sa mère lors de son passage aux leçons supérieures. Puis elle ferma les yeux. Demain, c’était le premier jour du mois, et celui-ci était toujours une journée spéciale pour la communauté.

La lumière jaillit de la grande fenêtre, et réveilla Elisabeth instantanément. Elle ouvrit doucement les yeux, puis repoussa la couverture. Pleine d’enthousiasme, elle se leva rapidement. Elle prit le temps de replacer les draps, puis se dirigea vers les portes coulissantes, comme la veille.

— Tenue de cérémonie de renouvellement, lança-t-elle gaiement.

Puis comme le soir précédent, elle changea ses vêtements. Cette fois-ci, c’étaient ceux qu’elle préférait. La longue robe bleu pâle lui couvrait les jambes en intégralité. Ce qu’elle adorait dans cette robe, c’était l’élégante dentelle florale qui partait des hanches en s’évasant et remontait joliment jusqu’à son cou. Les petites bretelles, posées sur ses épaules fines, étaient, elles aussi en dentelle.

Une fois habillée, elle sortit de sa chambre. Elle longea le petit couloir blanc et arriva dans la pièce de vie. C’était une salle bien plus grande que sa chambre. Elle y retrouva son père, tout aussi élégant dans ses vêtements. Il portait une chemise dans la même teinte que celle de sa robe. On y retrouvait la fine dentelle sur une poche cousue sur la partie haute, à droite. Cette couleur faisait ressortir ses yeux gris, les mêmes qu’Elisabeth. Contrairement à sa femme et sa fille, Tom avait les cheveux blonds, très clairs. Il était de corpulence moyenne, pourtant ses épaules étaient étrangement larges, cela donnait une impression de disproportion avec le bas de son corps. Un pantalon en nylon blanc finissait très bien cette tenue. Elisabeth arrivait à présent juste en dessous du menton de son père. Elle avait longtemps espéré parvenir à sa taille, mais maintenant qu’elle allait avoir 18 ans, il était peu probable que cela arrive un jour.

Elle s’assit autour de la table ronde, sur sa chaise, et commença son premier repas, qui leur avait été fourni la veille. Les Dirigeants étant soucieux d’une bonne nutrition, le premier repas était toujours constitué d’un fruit, de protéine, de céréales et d’un laitage.

Enfin, sa mère sortit de sa chambre. Elle aussi portait la robe de cérémonie. Elisabeth avait toujours trouvé sa mère incroyablement belle, mais elle l’était encore plus dans cette tenue. Elle avait les mêmes cheveux bruns que sa fille, mais ils étaient bien plus longs. En réalité, Elisabeth ressemblait énormément à sa mère. 

Une fois le repas terminé, ils se dirigèrent vers les navettes, comme toutes les familles du district.

« OUVERTURE DES PORTES – BLOC 2 »

La même voix féminine que d’habitude s’éleva dans l’air et ils montèrent à bord. Cette fois-ci, la navette était pleine, comme à chaque cérémonie de renouvellement. Il était proscrit de louper cet événement. Mais de toute façon, la jeune brune n’en aurait jamais manqué une pour quoi que ce soit.

« OUVERTURE DES PORTES – GRANDE SALLE »

Ils descendirent du transport métallique. La grande salle était réservée aux cérémonies. C’était comme son nom l’indique, une salle immensément grande, remplie de gradins et de sièges rouges. Tout le monde y avait une place assise. Les murs étaient peints dans un rouge sombre et à l’avant se dressait une grosse estrade haute, en bois. Au plafond étaient suspendus de grands lustres ronds en or. C’était une belle pièce, spacieuse, forte en caractère, qui correspondait parfaitement aux cérémonies qui s’y déroulaient.

Elisabeth prit place, puis fit silence jusqu’à ce que tout le monde soit installé. La lumière des lustres s’éteignit, et l’estrade s’illumina. On ne voyait plus que la scène. Ainsi la cérémonie débuta.

— Mes très chers amis ! commença le Dirigeant qui se trouvait maintenant au centre de l’estrade. Je suis très heureux de vous retrouver aujourd’hui pour ce renouvellement. 

Puis il continua, le même texte qu’il prononçait à chaque fois, dans un élan de grande déclaration. 

— Nous sommes ici pour poursuivre notre rituel, afin de prolonger chaque jour notre prospérité. Par notre rassemblement, nous les saluons avec respect, nous proclamons hautement leur valeur et leur mérite. Nous clamons notre gratitude.

Il marqua une pause. Dans la salle, les applaudissements retentirent. La première rangée composée de douze sièges s’éclaira. La première personne de la rangée, un homme, se leva. Il eut un regard plein de tendresse pour la femme assise à côté de lui, son épouse. Puis il alla rejoindre le Dirigeant.

Sous ses cheveux gris et son visage recouvert de rides, on voyait ses yeux bruns emplis de reconnaissance. D’où elle se tenait, Elisabeth pouvait distinctement voir ses mains fripées, mais malgré les signes visibles du temps, l’homme marchait le dos droit, d’un pas assuré.

— Jacob 2172, désigna le Dirigeant.

Une fois l’homme, arrivé à ses côtés, il continua :

— Par ma voix, je vous remercie au nom de tous. Vous avez contribué avec succès à notre durabilité, à celle de nos enfants, et ceux qui suivront. Vous avez fourni avec ardeur un travail utile pour toute notre communauté. Vous avez élevé avec cœur Gabriel 2202. Et grâce à votre dévouement, Gabriel va lui aussi avoir la joie de prendre soin de notre avenir, grâce à vous il accueillera aujourd’hui un enfant. Pour tout ça, merci. 

Les deux hommes se serrèrent la main. Les yeux mouillés, Jacob semblait très ému. Le dirigeant prenait toujours le temps de remercier individuellement chaque homme et femme qui partait pour la séparation. De nouveau, les applaudissements résonnèrent. L’homme aux cheveux gris disparut derrière le grand rideau noir en arrière de l’estrade.

Elisabeth remercia en silence cet homme puis se concentra à nouveau sur la scène, prête à remercier et applaudir au suivant. Elle savait que ces personnes, après soixante années à servir pour le bien de la population, profiteraient d’une retraite bien méritée dans un autre district réservé à cela. Pour beaucoup de monde, c’était la seule fois où l’on quittait son district.

Lors de ses leçons, elle avait appris qu’avant le cataclysme, les gens mourraient de ce qu’on appelait des maladies, et parfois même très jeunes. Tout en écoutant le Dirigeant, elle se sentit une fois de plus reconnaissante que ce ne fut plus le cas aujourd’hui.

La dernière femme de la rangée venait de disparaître derrière le rideau. Il était donc temps de passer à la seconde partie du renouvellement.

Après de énièmes applaudissements, le Dirigeant reprit la parole :

— À présent, je suis enchanté de vous présenter nos nouveaux venus ! dit-il avec un large sourire.

Derrière lui apparut une Dirigeante, Lisa 2162. Elisabeth la connaissait un petit peu, puisque son père était en lien direct avec elle par son travail. Elle tenait dans ses bras, avec douceur, un bébé endormi.

— Gêrome 2202 et Laura 2202, appela le dirigeant.

Les jeunes gens, âgés de trente ans, comme le veut la loi, se levèrent et avancèrent. Les larmes aux yeux, ils approchèrent des deux Dirigeants.

— Je vous présente Charlotte 2232, en acceptant de vous occuper d’elle, vous vous engagez à lui transmettre nos valeurs, à faire d’elle une adulte responsable, dévouée à son peuple. Vous garantissez qu’elle recevra tout ce qui lui est nécessaire dans sa construction, en passant de l’amour à des besoins plus fondamentaux.

Lisa mit Charlotte dans les bras de sa mère et ensemble, les nouveaux parents déclarèrent solennellement :

— Nous acceptons notre rôle.

Le bruit des acclamations se fit entendre. Lisa emmena un nouveau nourrisson. Elisabeth resta attentive à chacune des douze nouvelles familles. Toujours émue pour chacun des bébés, qui se trouvaient tous à présent dans les bras de leurs parents.

La cérémonie touchait à sa fin. Le Dirigeant donna son mot de fin, puis les deux Dirigeants disparurent à leur tour derrière le grand rideau.

Les personnes présentes, dans le calme et rangées par rangées, sortirent de la salle en direction des navettes. Elisabeth leur emboîta le pas, encore animée par la cérémonie, elle se déplaçait par petits bonds joyeux.

Une fois qu’elle aurait pris son second repas chez elle et qu’elle se serait changée, elle pourrait retrouver ses amis.

L’après-midi suivant la cérémonie était toujours un temps libre, pendant lequel elle était ravie de rejoindre ses compagnons dans le Parc vert. 

— Bonjour les amis ! s’écria joyeusement Elisabeth en sortant de la navette.

— Bonjour ! lui répondit à l’unisson le petit groupe.

Elle rejoignit ses camarades par le court chemin de pavés qui les séparait. Tous portaient la même tenue. Un haut en coton de couleur vert émeraude, ainsi qu’un pantalon mi-court blanc. Leurs chaussures, des derbies, se trouvaient être blanches, puisqu’elles devaient pouvoir accompagner plusieurs de leurs uniformes. Les trois amis étaient installés sur la première table de pierre. Elisabeth prit place entre Rebecca et Nathan. Le parc vert était un de ses endroits préférés du district. Elle adorait se promener sur le petit sentier de dalles, et parcourir du regard chaque fleur plantée qui le suivait. Sur tous les bords, il y avait de l’herbe, toujours soigneusement coupée. Les tables de pierre carrées étaient toutes installées ici, et autour de chacune d’elles, quatre sièges de pierre beige sculptée en cylindre. Plus loin dans le chemin, on trouvait un étang entouré d’arbres.

— La cérémonie de ce matin était belle, encore une fois ! entama Rebecca.

— Oui, comme toujours, affirma Nathan.

Par un signe de tête, les trois amis approuvèrent.

— Ta mère est-elle bien rentrée ? continua Rebecca, la seule rousse de la bande.

— Oui, je suis si contente de la retrouver, lui répondit Elisabeth. Je craignais qu’elle ne soit pas là pour notre fin d’éducation de niveau 4.

— Ça aurait été tellement dommage qu’elle loupe la cérémonie de Passage ! commenta Ethan.

Nathan, tout en passant ses mains sur son visage arrondi, rétorqua :

— Il nous reste encore 2 mois !

— Oui, mais elle s’absente parfois longtemps, se vexa Elisabeth.

Malgré sa contrariété, Elisabeth savait que Nathan avait raison. Il avait été rare les fois où sa mère s’était absentée plus de huit mois comme cette fois-ci.

— J’ai hâte de découvrir l’apprentissage, fit Rebecca, forçant son amie à sortir de ses pensées.

— Les leçons sur le cataclysme sont très intéressantes pourtant, lui répondit le garçon légèrement dodu.

Et les adolescents passèrent ainsi, plusieurs heures à débattre sur leurs nouvelles connaissances en ce qui concernait le cataclysme. Soudain, les haut-parleurs du parc se mirent à grésiller, mettant fin à leur conversation.

« Temps libre terminé. Merci de regagner vos blocs respectifs »

Dans les enceintes, ce n’était pas la même voix féminine que celle des transports. Cette fois-ci, il s’agissait de celle d’un Dirigeant. Les amis, sans attendre, se dirigèrent vers les navettes.

Ce n’est que le lendemain que les jeunes gens eurent le plaisir de se retrouver. Naturellement, les bavardages étaient exclus lors des leçons, mais ils étaient tout de même contents de partager ces moments ensemble. Le groupe, composé de douze adolescents, écoutait attentivement leur éducateur.

Ce jour-là, Elisabeth apprit plus de détails concernant le cataclysme. La surpopulation avait accéléré le réchauffement climatique déjà commencé. Les Dirigeants, forcés de constater que les gouvernements qui existaient alors en ce temps-là ne réagissaient pas, prirent les choses en main. L’éducateur passa plusieurs heures à leur expliquer le fonctionnement monétaire qui régnait alors sur le monde. C’était un principe qu’Elisabeth eut beaucoup de mal à comprendre. Cela avait son importance, car s’ils en avaient été dépourvus, les Dirigeants n’auraient jamais pu préserver l’espèce humaine, et même toute forme de vie sur terre. Grâce à la fabrication des districts, partout dans le monde, beaucoup de gens avaient été sauvés.

La leçon touchait à sa fin. L’éducateur prit la parole en fouillant sur la pile de papiers désordonnés de son bureau :

— Aujourd’hui, je vais vous remettre la liste des professions qui peuvent vous être attribuées. Regardez-la attentivement, et prenez le temps de choisir. Il est tout à fait normal que votre liste ne soit pas composée uniquement de travail dans les mêmes catégories que vos parents. Les cinq choix qui vous sont offerts ont été spécialement réfléchis pour chacun d’entre vous.

Toujours dans le silence, il distribua les documents. Elisabeth regarda rapidement la sienne. Il y en avait deux dans la même catégorie de ses parents. Le premier dans l’embryologie et le second, dans la recherche génétique. Le suivant se trouvait dans la catégorie 1, soins dans la pouponnière. Le quatrième, dans l’éducation, soit dans la 7e catégorie, et le dernier, catégorie 8, évènement culturel pour l’éducation de niveau 2. Tous ces choix lui plaisaient. Malgré tout, elle ne comprenait pas pourquoi le dernier spécifiait uniquement l’éducation de niveau 2, qui comprenait uniquement les enfants de 5 à 10 ans. Si elle s’orientait vers cette option, elle aurait aimé avoir le choix.

— Alors, il y a quoi sur ta liste à toi ? demanda enfin Elisabeth à son amie Rebecca une fois dans la navette.

— La plupart sont dans le bloc 9, répondit-elle, le regard perplexe.
— Ça n’a pas l’air de te faire plaisir, constata Elisabeth.
— Tu en as toi, au bloc 9 ?
— Non.
— Je m’en doutais. J’aurais aimé qu’on puisse toujours être amie.
— Oh Becca, voyons ! Bien sûr que nous serons toujours des amies ! Tu es la meilleure amie que j’ai depuis toujours !

La jeune rousse plongea son regard bleu pâle dans celui de sa camarde.

— Toi aussi, tu es ma meilleure amie, sourit-elle.

Elisabeth avait connu Rebecca au centre d’éducation du niveau 2, c’est à ce moment que les enfants sont regroupés selon leur mois de naissances, peu importe de quel bloc ils provenaient.

La navette ralentie, les trajets étaient toujours trop courts lorsqu’elles les faisaient avec Becca. Elles se levèrent. Dans le calme et chacun à leur tour, les étudiants du Bloc 2 descendirent. Elisabeth se leva, prête à les suivre.

— On se voit demain, la salua Rebecca.
— Oui, à demain !

Après avoir fait quelques pas, elle se trouva en bas de son immeuble. Elle passa son badge et monta deux à deux les marches qui la menaient au sixième étage.

— Papa, maman ! cria Elisabeth en déboulant surexcitée dans l’appartement.

Ses deux parents la regardèrent avec perplexité. Elle reprit avec la même énergie :

— J’ai reçu ma liste d’attribution !

— Ah ! Montre-nous ça, s’enthousiasma son père.

Tous les trois examinèrent la liste avec attention. Son père lui fit savoir qu’il était très fier qu’on lui propose le même poste que lui. Tous savaient déjà que la botanique ne ferait pas partie de la liste, ainsi sa mère n’en fut pas attristée.

Après de longues heures de discussions, il était clair qu’Elisabeth n’arrivait pas à faire un choix. Son père lui proposa alors une solution :

— Demain, je demanderais une audience avec la Dirigeante Lisa. Je lui ferais savoir que ton choix est difficile et lui demanderais la permission pour que tu puisses venir voir exactement en quoi consiste mon activité.

— Ça me paraît être une excellente idée, approuva sa mère, qu’en penses-tu Bethy ?

— Oui, j’aimerais beaucoup ça !

— J’espère que ma requête sera acceptée, souhaita l’homme aux cheveux blonds. Mais malheureusement, je ne pourrais te montrer le reste de ta liste.

— Oui, je comprends, lui répondit sa fille.

Et c’était vrai, elle comprenait très bien qu’il ne pouvait pas agir dans les autres activités et encore moins dans celles qui n’étaient même pas dans sa catégorie.

Ce soir-là, Elisabeth eut beaucoup de mal à trouver le sommeil. Tous ces choix, son avenir qui se profilait… Bientôt, elle commencerait son instruction au travail, et enfin, elle serait considérée comme une adulte utile au développement de son district.

Trois jours plus tard, son père entra dans le logement, le sourire aux lèvres. Il apprit à Elisabeth que leur demande avait été acceptée. La jeune fille en fut ravie. Demain, après sa leçon, elle pourrait donc rejoindre son père.

La journée du lendemain lui parut interminable. Quand il fût enfin 14 h, elle bondit de sa chaise, et en un temps record, se retrouva devant la navette 2-R15. Le trajet était plus long que celui pour rentrer chez elle. Il fallait traverser plusieurs blocs, dont le 4, le 6, le 9 et le 13, le dernier des blocs. Rares étaient les fois où elle était passée par là. Malgré ça, elle ne fut pas perdue, tous les blocs se ressemblaient.

« SECTEUR ACTIVITÉ 2 »

C’était là qu’elle descendait. Son père l’attendait juste là, sur le pavé gris donnant accès aux navettes. Il approcha la main près du lecteur.

« TOM 2184 – ACCÈS AUTORISÉ »

Ils entrèrent dans un grand bâtiment. Très différent cette fois-ci des tours qui composaient les blocs. Sa forme rectangulaire aux angles arrondis et ses couleurs argentées et noires donnaient une forte élégance à la bâtisse. Tom et sa fille prirent un long couloir comportant de nombreuses portes. Tout au bout se tenait une dernière porte, grosse, lourde et métallique, donnant accès aux étages. Après en avoir monté plusieurs, ils arrivèrent dans un couloir similaire au premier, et enfin, après quelques pas encore, ils accédèrent au bureau de recherche de son père.

Tout du long, la jeune fille suivit son père silencieusement, et regarda avec attention tout ce qu’il entreprenait.

Puis vint le moment d’aller dans le laboratoire. Ils quittèrent le bureau et entrèrent par la porte située en face. Cette pièce était très sombre, si sombre qu’Elisabeth ne put distinguer clairement ce qu’il s’y trouvait. Son père lui expliqua dans un murmure :

— Ici, nous sommes dans la pièce des incubations. C’est ici que nous procédons au développement des futurs nourrissons.

Puis, tendant le bras vers le fond de la pièce, il continua :

— Là-bas, il s’agit des fœtus. Lorsqu’ils auront atteint un stade plus avancé, ils seront transférés dans les autres incubateurs, qui se trouvent justes à notre droite.

Elisabeth était fascinée par ce qu’elle voyait. Sous ses yeux se tenaient l’avenir du district, les futurs bébés qui seraient bientôt présentés à leur famille lors de la cérémonie de renouvellement.

— Papa, ton travail est incroyable !

Il lui répondit par un large sourire que sa fille eut du mal à distinguer dans la pénombre. Ils se rapprochèrent des incubateurs du fond. L’adolescente, cherchant à en voir plus, colla son visage sur la paroi teintée, et n’y vit… rien. Son père lui expliqua qu’à ce stade, les embryons devaient être complètement plongés dans un liquide pour leur bon développement.

— Et comment retiens-tu à qui sont destinés les nouveau-nés ? demanda-t-elle alors.

— Oh, c’est très simple ! Lors du prélèvement génétique, nous donnons à chaque couple un numéro qui reste indiqué sur chacune des étapes. Puis, quelques jours avant que les bébés soient prêts, un dirigeant vient accoler une étiquette, juste à côté du numéro, informant de son prénom. 

— Je vois, dit-elle très concentrée. C’est vraiment incroyable, répéta-t-elle.

Après cette journée, Elisabeth en était sûre, elle ferait exactement comme son père. Elle transmit son choix le soir même à son éducateur.

Le lendemain, Elisabeth retrouva Becca pour leur balade journalière de maintien en forme.

Elles effectuaient toujours cette tâche dans le parc vert, c’était un des lieux autorisés pour la marche, et surtout un endroit où elles avaient le droit de se trouver toutes les deux. C’était pour la même raison que c’était ici qu’elle retrouvait ses amis après chaque cérémonie.

— Tu ne devineras jamais ce que j’ai fait hier ! commença Bethy à l’intention de Rebecca

— Dans ce cas, raconte-moi !

— J’ai pu accompagner mon père au secteur 2, dans les laboratoires, c’était incroyable !

— Bethy, doucement, chuchota Rebecca.

— Pardon, se calma Elisabeth qui ne s’était pas rendu compte du volume de sa voix tant elle était encore surexcitée.

— Les Dirigeants ne seraient pas fiers de ton comportement.

— Tu as raison, je dois me reprendre, excuse-moi.

— Ce n’est pas grave, je comprends, lui sourit-elle.

— J’ai transmis mon souhait hier. J’espère que mon choix sera accordé ! Tu as pris ta décision, toi ?

— Non, il me reste encore un peu de temps, j’hésite. Je crois que je vais laisser la décision aux Dirigeants, ils ne peuvent pas se tromper, eux.

— Oui, si tu as des doutes, c’est la solution la plus préférable.

— Merci.

— Nos balades vont me manquer.

— À moi aussi, répondit Rebecca, les traits soudainement plus tristes. Mais peut-être qu’on trouvera quand même le temps d’en faire, de temps en temps ?

— Oui, je l’espère.

Elisabeth s’arrêta brusquement. Rebecca fit un pas en arrière pour retourner au niveau de son amie.

— Quelque chose ne va pas ?

— Je te fais la promesse, que même si on se voit plus que rarement, tu resteras toujours ma meilleure amie ! déclara-t-elle solennellement.

— Dans ce cas, je le promets aussi ! répondit Becca en souriant à pleine dent.

Dans le silence, les deux amies fières de leur engagement reprirent leur chemin. Dans cette vie qui allait bientôt changer, savoir qu’elle aurait toujours cette amie, rassurait Elisabeth. Bien sûr, elle avait hâte de passer à cette étape, d’être enfin une apprentie, mais modifier ses habitudes apportait quand même une dose de stress.

C’était enfin le jour tant attendu. La cérémonie de passage. Un jour très important pour Elisabeth, ainsi que ses douze camarades nés le deuxième mois de l’année 2214.

Cette cérémonie avait toujours lieu dix jours exactement après la cérémonie de renouvellement. En revanche, seules les familles proches étaient conviées.

Pour l’occasion, Elisabeth reçut ce matin-là, une nouvelle tenue. Celle qui remplacerait maintenant la tenue de leçons. L’uniforme d’apprentis. Il était constitué d’une chemise beige, toujours avec un écusson, et d’un pantalon similaire à l’ancien, bleu foncé.

Une fois prête et le repas avalé, elle se mit en route avec ses parents.

« OUVERTURE DES PORTES – GRANDE SALLE »

En arrivant devant la grande salle, Elisabeth trépignait d’impatience. Elle s’installa vite, mais eut bien du mal à se calmer.

Les lumières s’éteignirent. Le Dirigeant se plaça sur la scène puis débuta son discours :

— Bonjour à tous ! Aujourd’hui est un jour très spécial pour nos jeunes. Ils vont enfin entamer leur apprentissage. Grâce à tous leurs efforts, à leur persévérance lors des leçons, ils vont commencer à contribuer pleinement au bon fonctionnement de notre communauté. Je suis très fier de vous tous.

Les parents se mirent à applaudir, puis il reprit :

— Elisabeth 2214.

Elisabeth se leva, fébrile. C’était son tour, son tour à elle ! Elle allait recevoir des félicitations, et même pouvoir serrer la main du Dirigeant. Elle était dans un tel état d’excitation, qu’elle était proche d’entrer en transe.

— Vous comblez mes attentes ainsi que celle de tous les autres dirigeants. Toutes nos félicitations. À compter d’aujourd’hui et pendant les cinq prochaines années, vous serez sous la tutelle de Joshua 2177. Il vous apprendra tout ce que vous devez savoir. À la fin de cet apprentissage, vous prendrez officiellement la place de Joshua, en tant qu’embryologiste.

— Merci, répondit la jeune fille intimidée.

Puis, sous les applaudissements, et surtout ceux de ses parents, elle retourna à sa place. Ses camarades passèrent les uns après les autres. Rebecca passa la dernière, Elisabeth regarda son amie serrer la main du Dirigeant avec autant d’émotions que pour son passage. Elle était si heureuse pour elle. Quand tout le monde eut reçu ses félicitations, le Dirigeant ajouta une dernière chose :

— Comme vous l’avez constaté, vous n’avez pas tous le même temps d’apprentissage. Cependant, je tiens à vous informer que vous allez avoir la chance de vous retrouver pour une dernière session de formation. Le septième et huitième mois de l’année 2238, quelques mois avant votre 25e anniversaire, pour les leçons de vie familiale. Merci à tous. La cérémonie est terminée.

En sortant de la grande salle, Elisabeth eut le sentiment que sa vie commençait, pour de vrai.

Elisabeth débuta sa toute première journée. Dans la navette, elle était très fière de montrer à tous sa nouvelle tenue. Mais ce qui la rendit encore heureuse fut lorsqu’elle passa sa main devant le boîtier à l’entrée du bâtiment 15-2, et qu’elle entendit : 

« ELISABETH 2214 – ACCÈS AUTORISÉ »

Cette journée lui sembla passée en un éclair. Après de brèves présentations, ils se mirent au travail. Joshua était un homme grisonnant. Sa barbe, elle, était entièrement recouverte de blanc. Il était à peine plus grand que la jeune fille. Contrairement à Elisabeth, il portait la tenue d’activité. Un jean bleu et une chemise lilas, avec bien sûr, toujours l’écusson d’appartenance. La petite brune avait suivi Joshua dans ses moindres faits et gestes et l’avait regardé avec attention.

À peine la journée terminée, elle avait déjà hâte d’être à demain. Elle rentra chez elle, encore enjouée.

Quand elle passa la porte d’entrée, pourtant, quelque chose la força à se calmer. Une tension dans l’air, si forte, qu’elle avait envie d’opérer un demi-tour, sans même savoir pourquoi.

Doucement, elle pénétra dans le couloir. Elle entendit ses parents dans une conversation mouvementée. C’était la première fois qu’elle percevait cette inquiétude dans leurs voix. Elle tendit l’oreille :

— Tu ne comprends pas ! Je ne pouvais pas accepter sa demande ! entendit-elle de son père.

— La vie de notre fille est donc moins importante que quelques principes moraux ? se fâcha alors sa mère.

— Julie ! Tu ne m’écoutes pas ! Je l’aurais fait si j’en avais eu la capacité ! Mais cette fois-ci, c’était impossible…

Elisabeth sentit son cœur battre dans sa poitrine. Un sentiment qu’elle n’avait alors jamais ressenti l’envahit. SA vie ? Elle fit irruption dans la pièce :

— Ma vie quoi ?

Ses parents se tournèrent vers elle avec une expression surprise, mais surtout très confuse. Sa mère prit la parole :

— Oh chérie. Je suis désolée. Nous pensions être seuls… Nous devons te parler. Assieds-toi.

La jeune femme s’exécuta, sans discuter. Tom se racla la gorge, puis commença.

— Nous avons commis une erreur. Un secret que nous gardons depuis 18 ans. Malheureusement, quelqu’un l’a découvert. Et depuis, j’ai plusieurs fois enfreint la loi afin de satisfaire à son chantage.

Elisabeth était complètement dépassée. Secret, chantage, infraction. Sa vie basculait sans qu’elle n’y comprenne quoi que ce soit.

— Cette fois-ci, sa requête était impossible. Il va nous dénoncer. Elisabeth…

Il se mit à sangloter. Elisabeth ne l’avait jamais vu ainsi. Elle fut déstabilisée, et sans en savoir la raison, elle eut envie de pleurer à son tour.

— Il faut que tu fuies.

Chapitre II

— Il faut que je quoi ? répondit Elisabeth avec stupeur.

— Va dans ton garde-tenue. Demande ta tenue de sommeil, vite, s’affola sa mère.

La panique s’empara d’Elisabeth, et comme un pantin elle exécuta sa demande. Dans une confusion totale, elle mit sa tenue. Elle ressortit de sa chambre habillée de son haut blanc et de son pantalon gris. Machinalement, elle suivit ses parents. Ils sortirent de leur domicile et une fois sur les pavés gris, contrairement à leurs habitudes, ils se mirent en route à pied.

Ils ne firent qu’une centaine de pas, et arrivèrent sur un petit chemin de gravier. Personne ne se déplaçait à pied ici, c’était donc la première fois qu’Elisabeth voyait cette partie du district.

— Tu vas passer par ici, indiqua sa mère en tendant le bras vers ce qui semblait être une lourde plaque de métal ronde ancrée dans le sol.

Elisabeth ouvra la bouche, mais aucun son n’en sortit. Elle resta là, figée sur place. Sa mère l’attrapa par le bras :

— Je t’en supplie, ressaisis-toi. Il faut que tu sois forte.

Ses larmes se mirent à couler en un flot qu’elle ne pouvait contrôler, puis, dans un élan de furie, l’adolescente hurla :

— Je refuse de descendre là-dedans ! Je veux comprendre ce qu’il se passe !

Alors que son père tentait d’ouvrir la trappe, sa mère s’avança encore plus près d’elle, puis son front contre le sien, lui caressa doucement le visage :

— Ma petite Chérie… Je suis tellement désolée… chuchota-t-elle.

Dans un murmure, elle donna enfin à sa fille une explication :

— Il y a dix-huit ans, j’ai refusé de devenir mère comme il se doit, ici. Avec de l’aide, et bien sûr le soutien de ton père, nous t’avons donné naissance. Je t’ai portée en moi, j’ai senti tes petits coups et vu mon ventre se déformer. Ça a été si merveilleux ! J’ai vécu tout cela ailleurs, grâce à ton grand-père, qui a pu faire croire que j’étais alors partie pour de la recherche sur un autre district. Puis je suis revenue, quelques jours avant ta naissance. C’est là que nous avons échoué. Un homme est venu parler à ton père, chez nous, et il m’a aperçu. Tout ce temps, il a gardé notre secret en échange de certains services. Quand les Dirigeants l’apprendront… Ils n’accepteront jamais une telle désobéissance. Ta vie en dépend, tu dois partir.

Elisabeth eut un mouvement de recul. Une fois de plus, aucun mot ne sortit. Tout ça n’avait aucun sens. Pourquoi devrait-elle partir d’ici ? C’était chez elle. Elle ne connaissait rien d’autre. Les Dirigeants étaient des personnes sages, ils comprendraient. Ils lui pardonneraient. Et puis, elle n’avait rien fait, elle !

Dans un bruit sourd, la plaque de métal tomba sur le sol, juste à côté du trou qu’elle venait de dégager.

Cette fois, ce fut au tour de Tom de prendre la parole :

— Je t’en supplie Bethy, fais-nous confiance.

Ses yeux imploraient la jeune femme. Et parce qu’elle les aimait, parce qu’elle voulait croire en eux, elle se décida à faire ce qu’ils lui demandaient.

Elle se rapprocha du trou, puis, les jambes tremblantes, y descendit par les barres de métal. Une fois qu’elle eut atteint le sol en bas, son père lui tendit un sac en tissu, qu’elle n’avait pas remarqué dans la confusion.

— Tiens, attrape ça. Ce sont des provisions et de l’eau. Rationne-toi, et sois prudente. Je t’aime.

Et il s’écarta du puits de lumière.

— Mais, je fais quoi ? Je vais où ? Vous ne venez pas avec moi ? sanglota Elisabeth.

— Nous avons des choses à faire avant, s’excusa sa mère, quand nous le pourrons, nous te rejoindrons. Avec cette boussole, suis les galeries, toujours vers le nord. Tu vas y arriver. Tu es une femme forte.

Elle lui tendit l’objet et à son tour, sa mère s’éloigna. La plaque de métal se referma sur le passage. Elisabeth se retrouva alors seule dans le noir.