Le fil d’Ariane - Eva Massai - E-Book

Le fil d’Ariane E-Book

Eva Massai

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Beschreibung

La rencontre avec un père idéalisé pendant cinq décennies se transforme en une aventure profondément déroutante. L’impossibilité d’établir un véritable lien s’accompagne d’un mystère autour d’une connexion énigmatique avec Ariane, une enfant décédée dans un accident de la route. Ce lien mystérieux pousse à interroger l’héritage génétique et l’épigénétique, cette science qui explore comment les mémoires invisibles et les transmissions secrètes façonnent les vies, les identités et les destins. Une quête émouvante sur ces fils invisibles qui unissent les êtres, bien au-delà de ce que l’œil peut percevoir.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Eva Massai a choisi l’Australie, cette terre lointaine, comme refuge pour se retrouver. Par l’écriture, elle a entamé un dialogue intérieur profond, particulièrement durant ses moments de grande solitude. Cet ouvrage témoigne que, malgré les épreuves de l’existence, il est toujours possible de renaître et de se relever.

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Seitenzahl: 292

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Eva Massai

Le fil d’Ariane

© Lys Bleu Éditions – Eva Massai

ISBN : 979-10-422-6791-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Préface

Lettre d’Oriane à l’auteure

Chère Maman,

Malgré une enfance dramatique, et des moments remplis d’incertitudes, tu m’as montré que nous avons le pouvoir de choisir notre chemin. De ne jamais abandonner nos rêves, car tout est possible. Je souhaite à tes lecteurs, qui ont vécu comme toi des liens familiaux conflictuels, qu’ils s’interrogent sur l’unique vérité qui anime leur âme, c’est-à-dire l’amour.

Je suis reconnaissante envers ces belles personnes qui ont croisé ta vie. Elles t’ont aidée à devenir cette Maman exceptionnelle. J’espère que d’autres découvriront ce que je vois de si beau en toi et que tu deviendras leur source d’inspiration. Qu’ils comprendront que nos origines n’ont pas une grande importance, ce qui compte, c’est qui nous sommes. Ignorer d’où tu venais t’a forcée à puiser ce qu’il y avait de meilleur en toi.

Ton manuscrit m’a donné l’opportunité de me recueillir sur la vie de nos ancêtres, ceux qui ont vécu des histoires bouleversantes, des guerres, de la pauvreté, de la honte… Ce sont des personnages qui, en dépit des épreuves de leurs vies, ont réussi à assurer leur descendance. J’irai puiser en moi cette force de tout surmonter afin qu’à mon tour, j’aide mes enfants à offrir au monde une belle empreinte de leur passage sur terre.

Ma maman, tu as délicatement rompu la douleur de ces nœuds familiaux pour ne laisser qu’un fil qui nous relie.

Ta fille, Oriane

Je me suis demandé quel impact notre héritage génétique ainsi qu’épigénétique avait pu influencer notre personnalité versus notre inné ? J’ai partagé cette question avec mon compagnon Émile, qui de son point de vue scientifique, m’a répondu ceci : le progrès de la biologie complique nos recherches, particulièrement avec l’épigénétique, cette discipline qui étudie les relations entre les gènes eux-mêmes et la manière dont ils s’expriment.

Outre ce dont nous héritons des parents et de leurs propres modifications épigénétiques intervenues lors de leur existence, les modifications épigénétiques déclenchées par nos expériences vécues pendant l’enfance peuvent affecter notre comportement…

Voici ce qui m’est arrivé…

Chapitre 1

L’année de mes 26 ans, je me prélassais sur mon transat à la plage de Ramatuelle, lorsqu’une ombre vint perturber mon bain de soleil. Aveuglée par le rayonnement de la lumière, je clignai d’un œil afin de découvrir l’intrus au-dessus de moi. Un jeune homme aux allures de baroudeur me tendit une glace à la vanille. Agréablement surprise par son geste, je me relevai pour le remercier :

— C’est très gentil, merci !
— You are welcome, me répondit-il.
— Vous venez d’où ? l’interrogeais-je.
— Je suis Australian, je m’appelle Antony.
— Enchantée, je m’appelle Eva.

Nous échangeâmes quelques mots accompagnés de larges sourires, la barrière linguistique n’entravait en rien notre envie de faire connaissance. Le soir même, nous nous donnâmes rendez-vous chez Sénéquier pour un apéro sur le port de Saint-Tropez.

Antony avait pour projet de parcourir l’Europe à vélo durant toute une année, et je devais repartir à Paris quelques jours plus tard. Nous profitâmes de ce peu de temps pour lier une amitié sans lendemain.

Le mois de septembre qui suivit cette rencontre, je recroisai Antony à Saint-Germain-des-Prés. Heureux de ce hasard, nous allâmes nous installer à la terrasse des Deux Magots. Devant mon café, je lui expliquai mon désir de quitter la France. Je pensais qu’une expérience aux États-Unis me serait utile pour étudier l’anglais. Il me coupa instantanément, et me convainquit avec enthousiasme de partir à la découverte de son pays, l’Australie. Il m’écrivit sur un bout de papier les coordonnées de ses parents à Melbourne et insista pour que je leur rende visite de sa part. Il me parla avec une grande douceur de sa mère, Natalie, et était persuadé que nous allions bien nous entendre. Nous nous quittâmes sans savoir si un jour nous nous reverrions.

L’Australie était un pays qui me paraissait inaccessible. Mais ma jeunesse m’autorisait à surmonter les obstacles de cette folie. Je mis tout en œuvre pour réaliser ce long voyage, loin d’imaginer les surprises que ce vieux continent allait me réserver.

Quelques semaines plus tard, j’étais confortablement installée dans mon siège, ma ceinture attachée, ma tête s’appuyait contre le hublot. Je regardais le sol défiler à toute vitesse. Mes yeux se remplissaient de larmes. Je repensais à l’indifférence de ma famille. Je m’envolais à l’autre bout du monde, laissant derrière moi ma terre natale. Je quittais cette France que j’aimais tant, mes amours, mes amis, ma grand-mère et ma tante qui m’avaient élevée.

Par pudeur, je gardais la tête tournée vers les nuages, je ne voulais pas que mon voisin s’aperçoive de mes sanglots. Mes amis m’avaient dit que j’avais un courage fou de partir comme ça, de tout lâcher, mais en réalité je fuyais le vide que j’éprouvais.

Ma mère, qui ne m’avait pas élevée, m’avoua lors de mon adolescence qu’elle avait des doutes sur qui était mon géniteur. C’est à partir de ce moment où j’appris que l’homme que je pensais être mon père ne l’était peut-être pas, que j’ai commencé à puiser ma force dans ce mystère de ne pas savoir. Ne connaissant rien de lui, cela me donna la liberté d’inventer un personnage extraordinaire. J’imaginai un héros, courageux, intelligent, invincible. Je me persuadai que j’avais hérité de ses talents, et que rien ne pouvait m’arrêter.

Malgré tout, les années d’absence de mes parents, leur manque d’amour, le rejet, tout cela m’affectait au point de ne plus supporter l’étrange regard que ma famille portait sur moi. Je ressentis comme une évidence de m’éloigner d’eux. Il fallait que je me découvre, que je trouve une paix intérieure.

Après trente heures de voyage, j’aperçus enfin le reflet des baies de Sydney sous l’aile de l’avion. Mon corps, endolori, désespérait de retrouver sa liberté de mouvement. Je descendis dans un hôtel bon marché du centre-ville dont la salle de bain était commune. Dès ma première nuit, les voitures de pompiers et de police n’avaient cessé de s’affoler sous mes fenêtres. Le concert tonitruant des sirènes m’avait gardée éveillée. Quelle horreur, j’étais épuisée !

Le matin, les yeux gonflés, je descendis prendre mon petit déjeuner. Après m’être versé une tasse de thé, je choisis par curiosité, dans la corbeille des confitures, une barquette qui me semblait être comme du Nutella. Je tartinai généreusement ma tranche de pain de mie de cette crème chocolat. Je recrachai aussitôt ma première bouchée, dégoûtée par ce goût trop salé et fermenté de cette matière que les Australiens appellent la Vegemite.

Je remontai dans mon dortoir, préparer mon sac à dos, impatiente de découvrir Sydney. Je m’étais faite à l’idée qu’il faisait chaud toute l’année en Australie, mais je fus surprise par le vent glacé qui s’engouffrait entre les gratte-ciel. Le bruit infernal des marteaux piqueurs, le va-et-vient des poids lourds chargés de gravats, la poussière me dérangeaient. Il y avait d’impressionnants trous béants en raison des travaux pharaoniques d’un centre en plein développement. Je marchai des kilomètres et des kilomètres dans cette ville surdimensionnée sans vraiment m’attendrir sur sa beauté. À midi, le soleil sortit enfin. Je me mis à chercher une terrasse de café, impossible d’en trouver. Je finis par rentrer dans un pub où une odeur de vieille moquette humide m’accueillit. Je commandai une salade, le mot était le même qu’en français. On me servit une laitue qui ressemblait plutôt à du chou non assaisonné. Je demandai une vinaigrette, sans succès, d’ailleurs je n’avais aucune idée comment dire vinaigrette en anglais. Le café était du jus de chaussette tenu au chaud dans sa bouilloire depuis le matin. Bon sang, nous étions en 1989, et il n’y avait pas de machine à expresso !

Je repartis après ce repas frugal en direction de la baie, où j’espérais faire une croisière. Tout en me promenant, j’observais les gens dans la rue, leur look était différent. Les hommes d’affaires étaient habillés d’un style identique avec leur costume foncé, les femmes n’étaient pas aussi coquettes que les Parisiennes, il y avait des jeunes qui marchaient pieds nus, mais surtout, j’étais déçue de n’apercevoir aucun Aborigène.

J’arrivai aux abords des quais. Le pont de Sydney, le visage du Luna Park au fond, les voiles blanches de l’Opéra, l’eau transparente m’offraient une vue éblouissante. Je ressentis ma première joie. J’étais là, seule, au bout du monde, j’avais osé ce voyage.

En fin de journée, j’avais lu dans mon guide du routard que Kings Cross était le quartier qui bougeait le soir. Je décidai d’y aller faire un tour pour prendre un verre. Arrivée dans la rue principale, il y avait tout un tas de drogués, de prostituées, de clochards, de gens bizarres. Je trouvai l’endroit tellement glauque que, dépitée, je retournai aussitôt à mon hôtel.

Quelques jours plus tard, il fallait que je quitte cet endroit. Seule, ma valise à la main sur le bord du trottoir de Pitt Street, je sentis monter mes larmes. Et si c’était une grosse bêtise d’être partie si loin ? Mais qu’est-ce que je faisais ici ? Où aller ? Il fallait absolument que je me ressaisisse ! Jamais je n’oserais retourner en France après une semaine, j’étais trop fière. Je jouai alors ma dernière carte, et pris la décision d’aller à Melbourne rencontrer les parents de ce copain australien dont j’avais les coordonnées. Je me disais qu’au pire j’aurais visité un peu du pays, du coup j’entrepris d’y aller en train.

Nous étions loin du confort du TGV, ma banquette était en bois et le voyage allait durer treize heures. Treize heures durant lesquelles le paysage était quasiment le même, des forêts d’eucalyptus et des forêts d’eucalyptus, pas un kangourou à l’horizon. J’avais l’impression d’être comme dans une autre époque. Vers l’heure du déjeuner, je réussis dans mon anglais plus que médiocre à demander que l’on m’indique la voiture-restaurant, car je n’avais prévu ni eau ni nourriture et la soif commençait à se faire ressentir.

— Excuse me, please, where is the bar/restaurant wagon ?
— Sorry, but there is no restaurant or bar in this train.

Je n’en revenais pas ! Personne ne m’avait renseigné avant d’embarquer. À l’heure du repas, les passagers autour de moi déballèrent leur sandwich, je les regardai du coin de l’œil, et me demandai comment j’allais tenir jusqu’au soir. Je farfouillai dans mon sac à dos, ô miracle ! J’y trouvai une barre de céréales. J’osai quand même mendier un peu d’eau pour tenir les heures restantes. Désaltérée, je sortis mon discman CD player afin d’écouter un peu de musique. Je me mis à rêver en compagnie de Chris Isaak, hypnotisée par ce paysage ponctué de collines blondes.

Tard dans la soirée, le train arriva enfin au terminus de Flinders Street station. La famille d’Antony, les Woodley, prévenus de ma visite, étaient venus me chercher. Je fus accueillie chaleureusement dans leur grande maison de style victorien. Je me sentis à l’aise tout de suite. Le décor des peintures aux cadres dorés, les meubles, l’espace des pièces, tout cela me rappelait le château de mon enfance.

Je fus installée dans une des belles chambres à l’étage, je remarquai avec tendresse un petit bouquet de roses posé sur ma table de nuit. De ma fenêtre, j’avais vu sur une cour fleurie et les toits des alentours. Lorsqu’on m’adressait la parole, je communiquais avec des sourires et répondais au hasard avec des yes ou des no. C’est surtout avec Natalie que nous nous sommes bien entendues, son fils avait eu raison lorsqu’il m’en avait parlé. Je fus séduite par sa personnalité plutôt excentrique, ses yeux turquoise, sa démarche à la Brigitte Bardot qu’elle avait gardée de ses années de mannequinat, son humour. Elle fumait, et était toujours accompagnée de son petit chien, un papillon noir et blanc qu’elle appelait « Beau ». Elle adorait la mode et semblait prendre la vie avec une légèreté déconcertante. Elle était passionnée par la France, mais surtout par la politique de son pays, elle gardait en permanence sa radio allumée.

Cela me paraissait presque incroyable. Je me retrouvais à travers cette femme qui vivait à l’autre bout de la planète, elle aimait ce que j’aimais, je fumais aussi à l’époque, et j’avais un petit chien blanc. Cela m’avait brisé le cœur de laisser Loustic à Paris, mais je savais que mon ex-fiancé, Marc, s’en occupait bien. Il était impossible qu’il m’accompagne, la quarantaine pour les animaux était de six mois.

Je passais toutes mes journées en compagnie de Natalie, elle me faisait découvrir son monde, ses petits plaisirs de tarte au citron, ses roses jaunes, les boutiques aux bonnes affaires. Elle s’efforçait de m’apprendre l’anglais, elle prenait l’accent français en roulant les r, nous étions devenues inséparables. Moi qui n’avais jamais connu une telle attention de la part de ma mère, j’étais aux anges. Alan, son mari, avait gardé son allure sportive de grande star du football australien. Il avait joué dans les années 70 au club d’Hawthorn qui l’accueillait toujours comme un champion, ses amis l’avaient surnommé « le colonel ». Il parlait avec un accent très prononcé, je ne comprenais pas un mot de ce qu’il disait. Malgré tout, il réussissait à abattre les barrières du langage en s’exprimant à l’aide de mimiques comiques qui le rendaient bien sympathique. Leur fille, Caroline, m’invitait à toutes les soirées de Melbourne, elle me présentait à ses amis. Elle s’occupait de moi comme une sœur.

En treize heures, tout avait basculé. Je me faisais chouchouter par des parents adoptifs qui m’avaient reçue à bras ouverts. Les semaines qui avaient suivi, j’avais réussi à trouver un travail de directrice dans une boutique de prêt-à-porter de luxe pour hommes. J’apprenais par cœur des listes de vocabulaire afin de me sauver de bien des embarras. Je m’amusais, je rencontrais un tas de nouveaux amis. L’accueil et la générosité de toutes ces personnes me touchaient profondément. Je découvrais une société où personne ne paraissait juger. Je m’étonnais lorsqu’ils me disaient qu’une Parisienne à Melbourne était exotique, et me réjouissais de leur attention. Je me sentis enveloppée par une liberté folle, le bout du monde m’ouvrait ses portes derrière lesquelles se cachait un bonheur inattendu.

Malgré tout, je prenais du temps pour méditer sur ma vie, mes malheurs, mes joies, mes succès, mes échecs. Bien évidemment, je pensais à la relation avec ma mère, à cette immense souffrance que son rejet m’avait causée. Pourquoi n’avait-elle pas réussi à m’aimer ? Je n’arrivais toujours pas à trouver les réponses. Je cherchais à me soulager du poids d’une existence encombrée d’injustices. Alors, je me décidai à lui écrire pour la pardonner de m’avoir abandonnée. J’espérais qu’à travers ce pardon, j’engendrerais son soulagement et qu’elle deviendrait plus sensible à son amour maternel tant refoulé.

Ma chère Maman,

Me voici dans cette belle ville de Melbourne que l’on appelle the « garden state », car l’on peut la traverser d’un bout à l’autre en ne marchant que dans des parcs joliment entretenus. Depuis mon arrivée, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes adorables qui prennent grand soin de moi. Après être restée plus d’un mois chez ce couple d’Australiens (tu te souviens, les parents de mon ami Antony), je viens de trouver un logement dans une jolie maison en colocation avec deux charmants garçons, un Suisse, Éric et un Anglais, John. Je travaille comme responsable dans un magasin de luxe pour hommes, ce qui me permet de bien gagner ma vie. Je visite le pays et ses grands espaces dès que j’ai un peu de temps libre.

Et toi, comment vas-tu ? Que fais-tu de tes journées depuis que tu as arrêté de travailler ? Je pense souvent à toi, à nous. Je voulais t’exprimer dans cette lettre l’amour que j’ai pour toi, tu es et seras toujours ma mère. Mais surtout, je voulais te dire que je te pardonnais de m’avoir abandonnée. Sache que je ne juge pas la vie que tu as eue, mais j’aimerais que tu sois en paix avec tes actes du passé non seulement vis-à-vis de moi, mais aussi de mes frères. Je suis sincère dans ce que je t’écris et garde mon cœur ouvert pour recevoir ton amour lorsque tu seras prête.

J’espère que Flora réussit bien dans ses études et que Jean-Claude se porte bien, embrasse-les de ma part.

Tu m’as tellement manqué et tu me manques toujours…

Gros bisous,

Eva

Malheureusement, quelques semaines plus tard, je reçus une réponse brève et cinglante.

Ma chère Éva,

Merci de ne plus m’écrire si c’est pour exprimer ta malveillance. Tu n’as qu’à rester en Australie puisque tu as trouvé des personnes qui savent si bien s’occuper de toi.

Tu as raison, je ne suis pas une bonne mère, j’ai agi de mon mieux en vous plaçant dans le Sud-Ouest chez la grand-mère, n’oublie pas que vous auriez pu finir à l’assistance publique. Si j’avais eu le choix, je ne vous aurais jamais eu. D’ailleurs, j’ai essayé d’avorter de toi, je regrette que cela n’ait pas marché. Flora me donne beaucoup d’amour, je suis comblée, je n’ai pas besoin d’une autre fille.

Profite bien,

Annick

Je fus bouleversée que ma mère n’ait pas capturé mon message. J’en parlai à Natalie qui sut trouver les mots justes pour me consoler de mon chagrin.

Malheureusement, mon visa de six mois expira, je dus repartir en France, j’étais très triste de quitter l’Australie, mais surtout Natalie avec qui j’avais lié une forte amitié. Elle s’était prêtée au jeu du rôle de mère adoptive, allant jusqu’à me présenter comme : My French daughter.

De retour à Paris, Marc, mon ex-fiancé, me supplia de revenir vivre ensemble. Je l’aimais toujours, mais notre relation n’allait pas fort. Ma famille était toujours aussi indifférente, mes quelques mois d’absence n’avaient rien changé à leur attitude.

Je rendais à ma visite à ma mère de temps en temps, puis un jour nous avons parlé de ma lettre. Elle me regarda avec un air sévère et me dit :

— Tu sais, je n’ai pas apprécié ta lettre.
— S’il te plaît, je te demande de la relire, et tu verras que cela est une lettre d’amour et non de haine, si tu arrives à en comprendre correctement le sens, tu te sentiras soulagée, j’en suis sûre.

Je ne pense pas que ma mère ait relu cette lettre aussitôt. Les quatre années qui suivirent mon retour en France n’avaient pas vraiment amélioré notre relation. Elle me voyait vite fait, ne m’invitait pour aucun Noël, et partait en vacances sans jamais me proposer de l’accompagner. Je n’arrivais toujours pas à comprendre cette distance qu’elle m’imposait. J’avais l’impression qu’elle était fâchée contre moi pour je ne sais quelle raison. J’essayais de me faire accepter par tous les moyens, je lui offrais des fleurs, des cadeaux, mais rien de moi ne l’attendrissait. Je n’osais plus lui parler de cet amour maternel qui m’avait tant manqué, de qui était vraiment mon père. J’acceptais, le cœur serré, de n’avoir pas été son enfant bien aimé.

L’idée de repartir en Australie me hantait. L’affection de Natalie me manquait et ma situation professionnelle s’aggravait, une crise économique avait frappé la France, et mon emploi de chef de Pub était menacé. Cela paraissait le bon moment de repartir, mais j’hésitais à m’éloigner de nouveau de la France, de mes amis que j’affectionnais tout particulièrement.

Chapitre 2

Depuis toute petite, j’étais fascinée par l’art. Certainement grâce à mon père Donatello qui fut un artiste brillant, ses tableaux ornaient chaque mur du château de ses parents où je vivais enfant. J’essayais de percevoir à travers son coup de pinceau, ses sujets, qui était cet homme que je ne n’avais jamais connu, mais qui m’avait donné son nom.

Mon premier voyage en Australie m’avait procuré l’opportunité d’approcher la culture aborigène. Je trouvais leurs peintures puissantes, uniques et grandioses. Je ressentais une énergie inexplicable en les observant. Ce peuple qui avait vécu isolé dans son milieu naturel plus de 60 000 ans avait peut-être des choses à m’apprendre. Je fus prise d’un désir irrésistible de découvrir leur ressenti sur le monde. Afin de réaliser ce rêve, je devais m’immerger au sein d’une communauté, ce que je fis plus tard au nord de Darwin à Melville Island. Dans cette ancienne culture, il n’y avait pas de chef, les décisions étaient communes, l’initiation se résumait à quelques règles essentielles : il fallait acquérir l’équilibre de soi, s’adapter à son environnement en toute harmonie, puis se nourrir dans le respect des lois de la nature.

Étant toujours à Paris, je me rendais le plus souvent possible, les week-ends, au musée de la Porte Dorée qui exposait une section sur la culture des arts océanique. Je flânais dans les allées en imaginant la beauté de ces pays du bout du monde.

Un beau matin, je reçus une invitation pour le mariage de mon ami Antony. Ce fut l’élément déclencheur pour activer mon départ vers Melbourne. Cette fois-ci, je pensais partir pour une période plus longue, peut-être un an ou deux ?

Je parlai à ma mère de mon projet de retourner en Australie, elle me répondit :

— N’hésite pas à partir, la France n’a rien de bien à t’offrir, si j’étais jeune je partirais aussi.
— Mais on ne se verra plus beaucoup, insistais-je.
— Ne pense pas à moi, vis ta vie et pars !

Voulait-elle dire qu’elle n’avait rien à m’offrir elle-même ? Serait-elle soulagée de m’éloigner à l’autre bout de la planète ? « Loin des yeux… loin du cœur. »

Alors, je repartis au pays des kangourous et des grands espaces sans douleur, avec un projet pour lancer une petite société. J’eus la chance d’obtenir mon visa permanent grâce à cette affaire d’importation d’accessoires de luxe français. Natalie fut d’une aide précieuse en devenant officiellement directrice de notre société, ainsi elle devint mon sponsor. Pour elle, il s’agissait d’une forme d’adoption qui me permettait de rester auprès d’elle.

Je me mis à découvrir l’Australie en voyageant du sud au nord. À Darwin, je pris place dans un petit avion, mon sac de voyage sur les genoux. Le pilote assis à mes côtés avait des allures de Crocodile Dundee. Son bras accoudé sur le rebord de la fenêtre entrouverte, il incarnait l’aventurier par excellence. Nous nous élançâmes au-dessus du golf du Beagle à basse altitude. Empêchée par le vent qui soufflait dans mes oreilles, j’avais du mal à saisir ses explications, mais je compris qu’en bas il y avait des animaux marins peu sympathiques. Une demi-heure plus tard, il me déposa au bout d’une minuscule piste. Je venais d’arriver sur l’île de Bathurst, au pays des Tiwis. De là, je pris un bateau qui navigua jusqu’à l’île de Melville.

Je fus accueillie par les regards curieux de ce peuple joyeux. Je visitai leur communauté avec le plus grand intérêt. J’entrai dans une église aux murs bariolés d’incroyables peintures aborigènes. Derrière l’autel, une immense croix de bois dominait le lieu. Je croisai un peu plus loin dans le village, un missionnaire caché derrière sa longue barbe, il se tenait debout devant l’une des maisonnettes de bois, construites sur pilotis. Je le saluai timidement au passage.

Dans l’après-midi, un minibus passa me prendre pour atteindre l’autre bout de l’île. Un camp avait été dressé durant la saison sèche. Nous n’étions que dix touristes autorisés à séjourner ensemble. Arrivée sur place, nous fûmes accueillis par un Aborigène au visage peint. Il brûlait des plantes dans une écorce d’eucalyptus recourbée. L’épaisse fumée nous enveloppa, puis il tournoya autour de nous dans une sorte de danse. Ce n’est que plus tard que je compris le sens de cette cérémonie à effet de purification.

Je fus accompagnée jusqu’à ma tente, plantée sur les hauteurs de la berge. Je m’extasiai devant la magie de cette incroyable nature. La terre d’un dégradé de rouges vifs contrastait avec le sable d’un blanc immaculé, la mer d’une eau cristalline s’étendait jusqu’à l’horizon. Mes yeux ne pouvaient se rassasier de cet étonnant mélange de couleurs, je ressentis un immense bien-être envahir mon âme, cette fois-ci, je venais d’arriver au bout du monde.

L’on me conseilla de ne pas me promener après le coucher du soleil sur la plage juste en dessous. Les crocodiles marins sortaient à ce moment-là pour chasser.

À la nuit tombante, une allée de flambeaux nous guidait de nos tentes vers le feu de camp où un repas de poissons grillés nous attendait. Nous restions un long moment à contempler un ciel d’une pureté absolue, des milliards d’étoiles se mirent à scintiller, je me laissai aller au rêve, attirée par ces lumières et leur mystère.

Aux premières lueurs du jour, un frêle Aborigène, appelé Jarrah, vint me chercher. Nous partîmes pour une partie de pêche sur une barque d’aluminium. Armé de nos lances, il sauta en premier dans l’eau translucide du lagon, afin de m’expliquer sa technique. Inquiète, je lui demandai si cela n’était pas dangereux avec les crocodiles. Il me répondit qu’à cette heure ils dormaient à l’ombre des rochers. Rassurée, je suivis mon nouvel ami. L’eau au-dessus des genoux, j’avançai doucement. Soudain, une raie Manta apparut, je frémis, puis je perçus une ombre derrière elle.

— What is it ? demandais-je à mon Aborigène.

Il se retourna, un crabe se débattait au bout de sa lance, il me cria :

— Quick, quick in the boat ! crocodile !

Une poussée d’adrénaline me précipita vers le bateau qui se trouvait à quelques mètres de là, je réussis à monter à bord, j’étais tremblante. Jarrah me rejoignit en un éclair. Il démarra le moteur et se mit à poursuivre le crocodile. Il trouvait amusant de taquiner l’animal de la pointe de son arme.

— Ramène-moi au camp, j’ai peur ! lui criais-je.
— Si toi tu as peur, le crocodile aussi. Les accidents sont rares, tu as plus de chance de te faire renverser par une voiture que de te faire attaquer par un crocodile, me répondit-il, amusé.

Nous finîmes par rentrer au camp. Les femmes préparaient les coquillages et les œufs de tortues qu’elles venaient de récolter sur la plage. Elles firent un trou dans le sol qu’elles tapissèrent d’écorces, les hommes y rajoutèrent des braises ardentes. Notre repas enveloppé dans des feuilles fut jeté dessus avant d’être totalement recouvert de sable. Quelques minutes plus tard, nous dégustions, assis en cercle, notre délicieux déjeuner.

Je suis restée deux semaines auprès des Tiwis. Je pleurais mon départ, laissant derrière moi ce peuple adorable. Je ne m’étais pas trompée, j’ai trouvé chez ces personnes une beauté d’âme, une simplicité, une pureté qui m’aidèrent à me réconcilier avec l’espèce humaine qui m’avait fait tant souffrir.

Je voyageai quelques semaines de plus, j’explorai Kakadu National Park, puis Uluru, Cairns, Cape Tribulation pour enfin revenir sur Melbourne. Je trouvais que cette ville offrait un style de vie presque parfait avec ses restaurants, ses expositions, ses belles demeures d’architecture victorienne, son jardin botanique exceptionnel, la rivière qui me rappelait celle de mon enfance.

Tant que ma vie me plaisait, j’étais déterminée à rester sur ce vieux continent. Cependant, après cinq années merveilleuses, je décidai de quitter Melbourne pour Sydney, j’avais en tête d’y vivre quelques mois avant de retourner en France. Je voulais que mon expérience australienne ne soit pas limitée à une seule ville.

Chapitre 3

À peine installée à Sydney, tout alla très vite. Je rencontrai Simon, nous nous mariâmes l’année suivante et je donnai naissance à notre fille, Oriane, onze mois plus tard. Malheureusement, nous avons divorcé lorsque la petite avait quatre ans. Je ne voulus pas éloigner mon enfant de son père, moi qui n’avais pas connu le mien. Du coup, je suis restée dans cette ville, et j’oubliai mon projet de rentrer en France.

Devenue mère célibataire, je commençai à travailler avec une société française qui fabriquait des vêtements de luxe pour enfants. C’était le travail idéal, je pouvais ainsi rentrer tous les six mois en France pour découvrir les collections. J’en profitais pour rendre visite à mes amis, ma famille du Sud-Ouest, mais surtout voir ma mère.

Avec le temps et la distance, notre relation s’était doucement améliorée. Mais ce fut surtout à la naissance de ma fille qu’un vrai déclic se produisit chez ma mère. Peut-être avait-elle relu ma lettre et en avait-elle compris le sens, mais elle ne m’en reparla plus jamais. Elle se mit à venir me chercher à l’aéroport deux fois par an lors de mes visites. Arrivée chez elle, elle me préparait un petit déjeuner accompagné de chouquettes que je dévorais par gourmandise. Dans l’après-midi, nous partions dans Boulogne repérer les belles boutiques. Je refaisais ma garde-robe, avisée de ses conseils. Enfin ! J’avais réussi à trouver une connexion. Je savourais chaque instant avec elle. Elle semblait heureuse de passer ces quelques heures ensemble. Mais parfois, je sentais un malaise nous effleurer, comme si le fantôme de vieilles émotions venait nous narguer. Nous nous forcions à lutter contre ce mal-être. Ces rares moments de vie ensemble étaient précieux, alors nous gardions la bonne humeur. J’ai savouré cette complicité les dix années qui ont suivi, puis la mort nous a séparées de nouveau.

La dernière fois que je vis ma mère, c’était après un court séjour en Suisse, je venais d’arriver à la gare de Lyon en compagnie de ma fille Oriane. Je fis signe à un taxi de s’arrêter, il ouvrit son coffre, mais je dus moi-même y déposer nos valises. Une fois installées à l’arrière, je baissai nos fenêtres, je voulus profiter de la tiédeur de cette fin d’après-midi.

— Boulogne Billancourt, le pont de Sèvres s’il vous plaît !

J’insistai auprès du chauffeur pour passer sur les bords de la Seine. J’adorais admirer les vieux ponts, des tas de souvenirs resurgissaient, cette ville m’éblouissait inlassablement.

— Regarde Oriane, comme Paris est magnifique !

Je pointai du doigt la Conciergerie, et ajoutai :

— Tiens, tu vois ce château ? La reine Marie Antoinette fut emprisonnée avec ses enfants.

Ma petite fille dévorait des yeux le paysage qui défilait doucement à sa fenêtre tout en écoutant mes commentaires.

Arrivées en bas de l’immeuble de chez ma mère, une fois sorties du taxi, je m’emparai de ma grosse valise à roulettes que je laissai bruyamment traîner sur le trottoir. Essoufflée, Oriane suivait mes pas. Je sentis mon cœur battre jusque dans ma gorge devant la porte de chez ma mère. Je pressai d’un petit coup la sonnette. Aussitôt, j’entendis le cliquetis métallique des multiples serrures qui libèrent l’accès à l’appartement, puis la porte s’ouvrit doucement. Quel choc ! Annick était si pâle, la maladie se lisait autour de ses yeux noircis par la fatigue.

— Bonjour Maman, enfin nous voici !

Annick était tellement heureuse de nous voir. Elle était seule, son mari, Jean-Claude, avait eu un accident en glissant dans les escaliers et se reposait dans une maison spécialisée, ma demi-sœur, Flora, vivait une histoire d’amour avec un nouveau fiancé.

On s’embrassa sans dire un mot, puis dans un élan d’affection, on se serra dans les bras l’une de l’autre. Spontanément, mon adorable petite fille nous imita en attrapant nos hanches.

Je retins au fond de moi les larmes qui noyaient mon cœur. Soudain, je me sentis frappée par la gravité de la maladie qui si vite avait envahi ma mère.

— Rentrez les filles, vas-y, mets ta valise dans la chambre directement. Vous voulez boire quelque chose ?

Du fond du couloir, je lui répondis à haute voix :

— Oui avec plaisir, un verre d’eau suffira, merci.

Je lâchai ma valise sur le sol, jetai mon manteau sur le lit, puis courus m’installer sur le canapé du salon où ma mère m’attendait en compagnie d’Oriane.

— Alors la Suisse, ça s’est bien passé ?
— Oui, on a adoré, c’est un pays magnifique, c’est un peu la Nouvelle-Zélande de l’Europe. Mais toi, comment te sens-tu ?
— Oh ! Tu sais, j’en ai vraiment assez, je ne crois pas que je vais m’en sortir, de toute façon il n’y a plus rien qui me retient ici, je n’aime plus ma vie et cela depuis un moment déjà !
— Quelle tristesse ! pensai-je. Je restai songeuse quelques secondes, il fallait vraiment parler d’autre chose.
— Tu veux que je nous prépare un petit souper, qu’est-ce qui te ferait plaisir ?
— Je ne mange plus beaucoup, car tout a un goût de carton, mais allons voir ce qu’il y a dans le frigo.

Oriane resta dans le salon et se mit à jouer sur sa tablette pendant que nous parlions tout en préparant le dîner.

Une fois le repas terminé, je mis ma fille au lit, et revins discuter avec ma mère qui m’attendait, assise à la table de la cuisine.

Je plaçais les assiettes dans le lave-vaisselle, je croisai le regard pénétrant d’Annick, ses doigts s’entrelaçaient, son visage était sérieux, je me dépêchais de finir de ranger, avant de la rejoindre, et lui proposai :

— Tu veux un autre verre d’eau ?
— Oui avec plaisir, merci ma fille.

Je m’approchai intriguée, le verre à la main, que je posai sur la table fraîchement nettoyée. Je dégageai la chaise en face d’elle afin de m’y glisser. Après un court silence, elle leva la tête vers moi, elle était sereine, le ton de sa voix venait de changer :

— Écoute, je voudrais te dire quelque chose, ce n’est pas facile, on en a déjà vaguement parlé, mais tu pars demain ! Voilà, j’ai eu une histoire romantique avec un jeune homme qui était étudiant, nous étions comme les meilleurs amis, puis il a décidé de partir en Amérique. Je ne me souviens plus trop de ce qu’il étudiait, mais il était très intelligent et surtout gentil. Je pense que c’est important que tu saches que cet homme est vraiment ton père, d’ailleurs ta fille lui ressemble.

Je ne m’attendais pas à ce qu’elle aborde ce sujet, les mots me manquaient. Dans le passé, elle m’avait vaguement parlé de doutes qu’elle avait sur l’identité de mon père, mais je n’avais jamais voulu en reparler, j’avais craint d’aborder le sujet, comme si au fond de moi je ne voulais pas savoir. Je portais le nom d’un père que je n’avais presque jamais vu, son absence ou celle d’un autre revenait au même. Une partie de moi s’était construite autour de ce mystère dans lequel je piochais ce qui m’arrangeait.

Il y eut un silence et mon cœur se mit à battre plus fort, une peur m’envahit suivit d’une tristesse.

Cela change tout ! pensai-je soudainement.