Le hasard ou le destin - Youri Martini - E-Book

Le hasard ou le destin E-Book

Youri Martini

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Beschreibung

"Le hasard ou le destin" plonge le lecteur dans l’épopée d’Ilario Bucci, un homme dont la vie s’étend des collines ensoleillées de Toscane aux paysages apaisants de Provence. Il grandit bercé par les récits inspirants de son père érudit et le labeur des champs, où il apprend à apprécier la force indomptable de la terre. Cependant, la guerre vient brutalement briser cette harmonie. Arraché à son innocence, il est immergé dans l’horreur des tranchées où il affronte la cruauté humaine tout en forgeant une résilience à toute épreuve. À son retour, un autre combat l’attend : celui de l’exil, de la pauvreté et du poids d’un passé alourdi par la douleur. Pourtant, Ilario puise dans l’amour des siens et dans la quête d’un avenir meilleur pour trouver la force de se relever. Cet ouvrage, à la fois intime et universel, explore avec une prose poétique l’endurance face à l’adversité, l’importance des racines et la puissance des liens humains.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Détenteur d’une double licence en histoire et en sciences religieuses, Youri Martini est fils d’une mère française et enseignant dans une école secondaire italienne. Il se distingue par la richesse de ses réflexions sur le passé et les enjeux identitaires. À travers ses écrits, il interroge des thématiques universelles telles que le déracinement, la mémoire et le passage du temps.

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Seitenzahl: 137

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Youri Martini

Le hasard ou le destin

© Lys Bleu Éditions – Youri Martini

ISBN : 979-10-422-6029-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À « Pugno Grosso »,

qui me faisait tellement rire quand j’étais petit

Hic sitiendum est, alibi saginabimur.

Sanctus Augustinus Hipponensis

Préface

En découvrant Le hasard ou le destin, j’ai été profondément touchée par la sincérité et l’intensité qui imprègnent chaque page de ce récit. Youri Martini nous emmène au cœur d’une époque marquée par l’exil et l’incertitude, mais aussi par une formidable résilience et un amour inébranlable pour la vie.

À travers une prose sobre mais évocatrice, l’auteur nous invite à suivre un parcours à la fois individuel et universel, celui de ceux qui, à travers les siècles, ont dû quitter leur terre natale dans l’espoir de trouver une existence meilleure ailleurs. En tant qu’enseignante de langue française, j’ai particulièrement apprécié la manière dont le texte éclaire les liens entre langue, identité et mémoire. Les mots choisis avec soin par l’auteur reflètent les tiraillements intérieurs des protagonistes, partagés entre deux cultures, deux mondes.

Ce livre n’est pas seulement un hommage à une histoire familiale : c’est aussi une réflexion sur l’humanité, ses forces et ses fragilités. Je ne peux qu’encourager chaque lecteur à plonger dans cet ouvrage, à se laisser émouvoir par les luttes et les victoires qu’il dépeint. Il s’agit d’un texte qui, tout en étant ancré dans un contexte historique précis, trouve des échos universels et intemporels.

Le hasard ou le destin est une invitation à comprendre et à ressentir, une œuvre qui mérite amplement d’être découverte et partagée.

Elena Feretti

Enseignante de langue française

Préface de l’auteur

Dans ce récit profondément humain, je me suis inspiré de l’histoire de mon grand-père, un homme dont la vie fut marquée par l’exil, les épreuves et les vicissitudes de l’immigration. Né dans un petit hameau de Toscane, dans une Italie encore meurtrie par les cicatrices de la guerre, il a dû quitter sa terre natale pour fuir l’oppression fasciste et tenter de construire un avenir meilleur en France.

Mais l’exil n’a jamais été un simple déplacement géographique. C’était pour lui un véritable voyage intérieur, une lutte quotidienne pour préserver sa dignité et trouver sa place dans un monde où le déracinement ne laissait aucun répit. À travers ses yeux, j’ai voulu raconter ce qu’il a vécu : la violence des préjugés, la rudesse des travaux agricoles dans les champs provençaux, mais aussi la puissance de l’amour et de l’espoir, ces forces qui lui ont permis de continuer à avancer malgré les obstacles.

En écrivant, j’ai essayé de restituer la vie des immigrés italiens dans l’entre-deux-guerres, avec tout ce qu’elle comportait de sacrifices, d’injustices, mais aussi de moments de bonheur simple et de liens familiaux précieux. Les personnages de cette histoire incarnent la réalité de millions d’hommes et de femmes qui ont dû tout abandonner pour bâtir un nouveau foyer dans un pays étranger.

Ce récit est avant tout une ode à la résilience, à la capacité humaine de transcender la souffrance pour donner un sens à l’existence. Il ne s’agit pas simplement d’une chronique d’épreuves, mais d’un hommage à ceux qui, comme mon grand-père, ont su trouver en eux la force de continuer à avancer, malgré tout.

Préambule

La condition humaine se révèle être un drame perpétuel, suspendu entre la quête de sens et l’imprévisibilité intrinsèque de l’existence. Dès les premières lueurs de conscience, nous nous trouvons immergés dans une réalité qui semble échapper à notre contrôle. Nous sommes jetés dans le monde sans carte, sans guide infaillible pour nous indiquer la raison de notre présence et notre but. Ainsi, nous construisons des systèmes de pensée, des religions, des philosophies, dans le but d’imposer un ordre rassurant au chaos qui nous entoure.

Pourtant, la vie, dans son essence, demeure insaisissable. Chaque jour nous réserve des surprises, parfois sublimes, parfois tragiques, nous obligeant à faire face à notre vulnérabilité. Même lorsque nous planifions, lorsque nous cherchons à contrôler, nous nous heurtons à l’évidence que l’univers suit ses propres lois, que la fortune, le hasard ou le destin – selon nos convictions – jouent un rôle déterminant.

Ce drame se manifeste dans les choix que nous sommes appelés à faire, souvent en ignorant leurs conséquences, et dans l’acceptation que la vie peut basculer en un instant.

Près de Pise

Je suis né à Staffoli, près de Pise, le 13 octobre 1899, un hameau paisible qui semblait exister en dehors du temps, un univers miniature niché au creux des collines toscanes. Ce paysage vallonné, ondulant et verdoyant tel une mer apaisée après la tempête, formait la frontière naturelle d’un monde qui, pour moi, représentait alors la totalité de l’existence. Staffoli, avec ses chemins de terre battue serpentant entre les maisons, ses demeures de pierre aux toits de tuiles rouges patinées par les ans, et son beffroi s’élançant vers le ciel tel un doigt pointé vers l’infini, était un lieu où le temps passait avec lenteur, rythmé par le tintement des cloches qui résonnaient dans la vallée comme un appel ancestral, et par la cadence des saisons qui peignaient les champs de couleurs sans cesse renouvelées : le jaune éclatant du blé mûr en été, le rouge ardent des coquelicots au printemps, le brun brûlé des feuilles mortes en automne, et le blanc immaculé de la neige en hiver, qui métamorphosait le paysage en un tableau féerique.

Ce monde empreint de quiétude et de simplicité était tout ce que je connaissais, et je ne pouvais concevoir qu’il existât autre chose. Les journées s’écoulaient selon une routine régulière et apaisante, tissée de gestes antiques et de traditions immuables. Au matin, j’entendais les voix des paysans qui se levaient tôt pour travailler aux champs, le chant du coq saluant l’aube, le grincement des charrettes sur les chemins de terre, le caquètement des poules dans les cours des maisons, et le bêlement des brebis qui paissaient dans les prés. Le soleil, lorsqu’il se hissait au-dessus des collines, inondait le décor d’une lumière chaude et dorée, transformant les gouttes de rosée en perles scintillantes, et moi, avec mes yeux d’enfant, je ne voyais que beauté. C’était aussi l’univers de mon frère cadet Luigi, dont la joie et l’enthousiasme animaient nos jeux et rendaient chaque journée encore plus lumineuse. La vie à Staffoli avançait placidement, au gré des travaux agricoles, des fêtes religieuses et des veillées au coin du feu, où les aînés racontaient des histoires et des légendes transmises de génération en génération. Il me semblait que rien ne pourrait jamais troubler cette harmonie, que ce monde idyllique durerait éternellement.

Mon père, Giuseppe Bucci, était le maître d’école du village, une figure vénérée pour son savoir et sa droiture. Il n’était pas un agriculteur comme la plupart des autres, courbés sur la terre du matin au soir, mais un homme de livres et de mots, un passeur de savoir qui ouvrait les esprits à la connaissance. Je me souviens de ses mains, calleuses et marquées par l’écriture, qui tournaient avec précaution les pages jaunies de ses ouvrages, comme s’il caressait d’antiques secrets. Je l’entendais souvent murmurer des vers de Dante et de Pétrarque ou des citations latines, comme si elles faisaient partie intégrante de sa pensée, une mélodie constante accompagnant son existence. Sa bibliothèque, regorgeant de livres anciens et modernes, était mon refuge favori, un sanctuaire où je m’évadais dans des contrées lointaines et des époques révolues. J’aimais m’y perdre parmi les rayonnages, humer l’odeur du papier et me laisser transporter dans des mondes lointains, peuplés de héros, de philosophes et de poètes. Dans mes lectures, je voyageais avec Marco Polo sur la Route de la Soie, contemplais les étoiles aux côtés de Galilée et de sa lunette, admirais Michel-Ange donnant vie au David, et rêvais avec Léonard de Vinci de machines s’envolant vers le ciel. Chaque livre était une fenêtre ouverte sur un univers différent, une invitation à dépasser les limites de mon petit monde, à nourrir mes rêves d’ailleurs et d’absolu.

« Ilario, me disait mon père, levant les yeux de ses livres, son regard pétillant derrière ses épaisses besicles, le savoir est la seule véritable richesse que nul ne pourra jamais te ravir. C’est un trésor qui te suivra toute ta vie, t’ouvrant des portes que d’autres ne soupçonnent même pas. »

Ces paroles se sont ancrées en moi, comme des graines semées dans un sol fertile. Chaque fois que je l’observais, le regard plongé dans une page ou les mains traçant des lignes ordonnées sur un tableau noir dans l’école du village, je sentais que mon père vivait véritablement dans deux mondes : celui du concret et celui des idées, des mots. C’était une vie en équilibre entre la terre et la pensée et j’en étais fasciné.

De mon père, j’ai toujours admiré le calme, sa capacité à affronter chaque situation avec quiétude et raison, même lorsque le monde autour de lui semblait s’effondrer. Chaque matin, il quittait la maison d’un pas mesuré, ses lunettes sur le nez et un livre sous le bras, tel un chevalier se préparant au combat, armé seulement de son intelligence. Je le suivais des yeux tandis qu’il traversait la place, saluant d’un signe de tête les villageois qu’il croisait en chemin. Le boucher avec son tablier ensanglanté, le boulanger, les mains couvertes de farine, le curé vêtu de sa soutane noire : tous s’arrêtaient pour échanger quelques mots avec lui, reconnaissant son autorité morale, son rôle de guide intellectuel de la communauté. Il était un repère pour tous, un homme capable de prodiguer sagesse et conseils, de résoudre les querelles et d’apaiser les conflits.

Le soir, assis près du poêle, le feu crépitant dans la cheminée et projetant des ombres dansantes sur les murs, il nous racontait des histoires d’un monde que, enfant, je ne pouvais imaginer. Il parlait de batailles, décrivant avec force détails les affrontements entre armées, le fracas des épées, le hennissement des chevaux, l’odeur âcre de la poudre à canon ; de voyages, évoquant des images de mondes inconnus, de déserts brûlants où le soleil frappait impitoyablement le sable, de jungles luxuriantes peuplées d’animaux exotiques et de tribus mystérieuses, de cités majestueuses ornées de palais et de monuments imposants ; de héros de la Rome antique, racontés avec une telle passion qu’ils semblaient prendre vie, être présents dans la pièce avec nous. Jules César, avec son ambition et son génie militaire ; Cicéron, avec son éloquence et sa défense de la liberté ; Virgile, avec sa poésie chantant les exploits d’Énée et la fondation de Rome. J’écoutais, captivé, imaginant des légions de soldats marchant au son des trompettes, des navires fendant les mers déchaînées, des gladiateurs combattant dans l’arène. Ses paroles me transportaient dans des ères révolues, me faisant rêver d’aventures épiques et d’exploits glorieux. Mais ma vie restait ici, entre les champs et les collines de Staffoli, un monde petit mais infini, un microcosme où se déroulait mon propre voyage de découverte.

Ma mère, Rosa, était différente de mon père. Silencieuse et réservée telle une rivière coulante entre les rochers, elle travaillait sans relâche, toujours avec une sorte de tranquillité qui me semblait innée, une acceptation sereine de son rôle dans le monde. Elle avait des mains fortes, des mains qui connaissaient le travail, marquées par le temps et la fatigue, mais capables de créer beauté et nourriture. Elle pétrissait le pain avec des mouvements savants, transmis à travers les âges de femmes, transformant farine et eau en un aliment sacré, symbole de vie et de communion. Elle soignait le jardin avec dévouement, cultivant légumes et herbes aromatiques qui finiraient sur nos tables, apportant la saveur de la terre dans nos assiettes. Elle tissait au métier avec habileté, créant des étoffes robustes et colorées, qui nous protégeaient du froid et embellissaient notre maison.

Et elle avait un grand cœur, même si elle n’était pas une femme de grandes démonstrations d’affection ou de paroles tendres. Elle n’en avait pas besoin. C’est par ses gestes qu’elle manifestait son amour : dans une miche chaude sortie du four chaque matin, parfumé et doré, qui réunissait la famille autour de la table ; dans la façon dont elle s’assurait que mon frère et moi ayons toujours de quoi nous nourrir, même dans les périodes les plus difficiles, lorsque la terre était avare et les récoltes maigres ; dans son inquiétude lorsque l’un de nous tombait malade, veillant à notre chevet avec une tendre sollicitude, préparant des tisanes et des décoctions à base de plantes cueillies dans les champs, priant en silence pour notre guérison.

« Mange, Ilario, me disait-elle, en me servant une assiette fumante de pâtes, la sauce exhalant un parfum alléchant. Tu dois grandir fort et en bonne santé, pour affronter les défis que la vie te réserve. »

En grandissant, je croyais que mon destin serait différent de celui de mes camarades de jeu. Eux, fils de paysans, travailleraient la terre, comme leurs pères et leurs grands-pères avant eux, suivant le cycle immuable des saisons. Ils laboureraient les champs, sèmeraient le blé, moissonneraient les récoltes, élèveraient le bétail. Leur vie serait rythmée par la nature, ses caprices et ses bienfaits. Moi, en revanche, j’aurais l’opportunité d’apprendre, d’étudier, de suivre les traces de mon père, d’explorer le monde à travers les livres et les mots. Je pourrais devenir enseignant, avocat, médecin, écrivain, ou qui sait quoi d’autre. Les possibilités me semblaient infinies, et cela m’enthousiasmait autant que cela m’effrayait. Pourtant, je ne savais pas encore que ce que je pensais être mon chemin, presque tracé d’avance, allait bientôt être remis en question par des événements inattendus. Cependant, au fond de moi, j’avais l’intime conviction que je ne resterais pas prisonnier des limites de Staffoli. Quelque chose me poussait à croire que j’irais au-delà des frontières invisibles du village, qu’un jour, je dépasserais les « toxines » de cette terre, celles qui enchaînaient ses habitants à une existence prévisible et immuable. En même temps, je sentais que la terre d’où je venais, les racines profondes de ma famille m’accompagneraient toujours, où que j’aille.

Pourtant, il y avait toujours cette bêche, qui m’appelait d’une voix séduisante. Même si je passais des heures plongé dans les livres, immergé dans des mondes fantastiques et des connaissances fascinantes, je sentais en moi le lien avec les champs, avec cette activité concrète que mon père, malgré son érudition, respectait profondément. Il voyait dans la terre la source de la vie, la nourriture du corps et de l’âme, et il m’avait appris à l’honorer. Il m’avait montré comment planter une graine, comment la soigner, comment la protéger des intempéries et des parasites. Il m’avait expliqué la valeur du travail manuel, la dignité de celui qui gagne son pain par ses propres efforts.

Chaque été, je me retrouvais à œuvrer aux côtés des paysans, sous le soleil ardent qui frappait impitoyablement mon dos. J’aimais sentir la terre sous mes doigts, brute et fertile, la sueur coulant le long de mon front, la satisfaction de voir une tâche accomplie avec succès, un champ labouré avec précision, une gerbe de blé liée avec soin. Je m’appliquais avec ardeur, essayant d’égaler l’habileté et l’endurance de mes compagnons, qui me regardaient avec un mélange de curiosité et de respect. J’étais le fils du maître, destiné à une vie différente, mais je ne reculais pas devant l’effort. Au contraire, je trouvais en lui une sorte de libération, un moyen de me connecter à mes racines, à cette force tellurique qui animait tout être vivant.