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« À l’âge de 33 ans, en 1993, un pronostic vital de trois mois m’a été donné après un diagnostic de cancer. Mais grâce au soutien de mon épouse, de mes proches et du corps médical, j’ai pu puiser dans mes ressources intérieures pour combattre la maladie et me reconstruire. Trente ans plus tard, propulsé par la pandémie de COVID-19, une envie inexplicable de partager mon histoire m’a saisi. Cette impulsion d’écrire, qui m’était étrangère jusqu’alors, a marqué le début d’une aventure littéraire. Ce récit témoigne de mon combat contre le cancer, avec l’espoir d’apporter courage et moins de peur à ceux qui traversent des épreuves similaires. »
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Seitenzahl: 259
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Gilles Pujol
Le jour où j’ai posé le pied sur la lune
© Lys Bleu Éditions – Gilles Pujol
ISBN : 979-10-422-6773-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le récit de mon combat contre le cancer
pour aider les autres à avoir moins peur
Cet ouvrage est l’histoire d’un miracle, d’un homme atteint d’un cancer bronchique métastatique et qui guérira, et ce, à l’encontre les analyses statistiques les plus pointues de l’époque (les années 90).
Les statistiques et probabilités, donc, sont une branche importante des mathématiques, elles sont présentes dans des domaines majeurs de la physique comme la thermodynamique et la mécanique quantique (la physique de l’infiniment petit). Elles interviennent dans notre quotidien par le biais des sondages d’opinion, des études marketing et l’interprétation des mégadonnées (big data en français…).
Leur rôle est fondamental en recherche médicale et, par-dessus tout, en recherche clinique où l’on compare le destin de groupes de patients soumis à tel ou tel traitement ou affrontant telle ou telle maladie. Aucun article du domaine n’est publiable sans une analyse statistique fouillée et incontestable.
La présentation graphique de ces études prend parfois l’aspect d’un nuage de points de forme grossièrement patatoïde, mais dont on peut après interpolation et calcul déduire des droites de régression et autres corrélations elles-mêmes prédictives de résultats et de choix thérapeutiques.
À y bien regarder cependant, tous les points de notre nuage n’adoptent pas un comportement grégaire. Il en est qui stationnent loin de la séquence principale, un peu comme une étoile qui aurait décidé de s’arracher à l’attraction gravitationnelle de sa galaxie. Ces points que l’on qualifie souvent d’aberrants sont peu nombreux et n’influent pas sur le résultat global de l’étude, on a donc fortement tendance à les négliger voire sous divers prétextes à les sortir de l’analyse.
Ces individualistes méritent mieux à mon sens, leur destin doit stimuler notre curiosité : Pourquoi échappent-ils à la loi commune ? S’agit-il d’une erreur de données ou y a-t-il un mécanisme intime qui confère à ce malade (assez parlé de points) sa particularité ? Et si oui, comment le découvrir ?
Cet ouvrage raconte l’histoire d’un tel destin. Notre auteur en effet est entré en 1993 dans le cancer au stade métastatique (dit stade IV) stade ou, selon les toutes puissantes statistiques, la guérison (c’est-à-dire l’absence totale de manifestation de la maladie pendant une durée d’au moins cinq ans) était inenvisageable.
Gilles Pujol aurait dû en toute obéissance bénéficier (terme volontiers employé par les docteurs, les malades, eux, disent plutôt subir) d’une chimiothérapie et non pas un traitement chirurgical et aurait dû mourir dans les 8 à 36 mois suivant le diagnostic. Bref, le livre que vous avez entre les mains n’aurait jamais été publié.
Or notre auteur a bien été opéré et il a survécu et il a guéri en dépit des pratiques alors en vigueur.
Que nous montre cette histoire, apparemment hors normes ? C’est tout simplement que les catégories ou nous rangions nos patients étaient et sont encore trop vastes, qu’il existe des variables cachées, que la maladie cancéreuse n’est pas une et indivisible. Il y a des spécificités d’organe, un cancer cutané ne se comporte pas forcément comme un glioblastome cérébral et des spécificités individuelles. Il est clair que le cancer de notre auteur quoiqu’ayant métastasé n’était heureusement pour lui, pas des plus virulents.
Ce sont ces spécificités qu’il faut dénicher. Pour paraphraser Knock, nous avons devant nous des cancers indéterminés, notre rôle à nous, c’est de les déterminer, de les faire entrer dans la thérapeutique personnalisée. Pour cela il faut pénétrer dans l’intimité de la cellule cancéreuse, disséquer son génome, scruter son comportement vis-à-vis de son entourage.
C’est la voie suivie depuis plus de 20 ans avec d’indéniables progrès qu’on en juge par les exemples ci-dessous :
De nos jours un patient dont le cancer est accessible à la chirurgie et qui ne présente qu’une (ou deux) métastases est d’abord proposé pour un traitement local et, si ce dernier semble efficace n’est pas forcément soumis à une chimiothérapie.
Si vous avez un cancer bronchique (ce que je ne vous souhaite pas) que vous êtes une femme, asiatique et non fumeuse, les cellules de votre tumeur ont de grandes chances d’exhiber une mutation qui les rend hyper sensibles à un traitement oral, non efficace en l’absence de ladite mutation.
Vous avez probablement entendu parler de l’immunothérapie comme d’un traitement efficace et novateur, sachez cependant qu’elle ne fonctionne que si les cellules cancéreuses portent à leur surface une quantité critique d’une molécule appelée PDL1.
Donc le démembrement des cancers continue et notre but, asymptotique peut-être, est que chaque malade puisse se voir proposer un traitement personnalisé adapté rigoureusement à SON cas personnel. C’est l’objet des réunions dites de concertation multidisciplinaire obligatoires dorénavant dans la prose en charge de cette maladie.
Verrons-nous un jour la maîtrise complète du cancer ? Nous sommes encore bien loin de la prédiction de Richard Nixon (célèbre pour d’autres faits) qui voyait cet objectif atteint à l’horizon des années 2000, mais rien n’interdit de penser qu’à l’instar du SIDA nous pourrons proposer à nos patients une survie de plusieurs dizaines d’années dans des conditions de vie – hors psychologiques pour certains, bien évidemment – quasi normales ou du moins fort acceptables.
Il faut rendre à César ce qui lui appartient, et je voudrais, ici, rendre hommage au sens clinique de l’épouse de notre auteur. Comment sur un fait minuscule (un changement de comportement alimentaire) a-t-elle soupçonné un problème neurologique puis organisé un scanner et sauvé la vie de son mari ? C’est du flair ou je ne m’y connais pas. L’exercice de la médecine dite générale, loin des facilités hospitalières, est difficile et repose essentiellement sur les yeux, les oreilles, les mains des praticiens, mais surtout sur leur capacité de raisonner et d’intégrer les informations données par leurs patients. Nos collègues en ville sont seuls dans leur pratique avec peu de possibilités de recourir rapidement (c’est-à-dire dans l’heure) à un second avis ou un examen complémentaire et l’exercice mental, consistant à trier les informations pertinentes, n’est pas facile, loin de là. Je me rappelle bien, ayant accueilli les protagonistes de notre histoire dans mon service, avoir été proprement ébahi par tant de finesse. Certes, pour notre auteur, l’amour a secouru l’intuition, mais tout de même, chapeau bas, Madame !
Troisième point développé dans cet ouvrage : l’accueil que nous réservons, dans les hôpitaux, aux femmes et hommes qui nous sont confiés. L’auteur a expérimenté, si l’on peut dire, deux approches, selon lui diamétralement opposées.
La première dans le service de neurochirurgie, où, après avoir été opéré (sûrement très bien) il a le sentiment, d’être considéré comme un objet au sens philosophique du terme, il apprend la nature maligne de sa tumeur à travers une conversation qui ne lui est pas destinée, il ne voit quasiment personne, il sort sans savoir ce qu’il va devenir ; qui pis est, sa femme pourtant médecin ne reçoit aucune information sur la conduite à tenir. Bref, nous, on a fait le job, maintenant, débrouillez-vous.
Il faut, avoir le triomphe modeste, cependant, il me semble que l’accueil reçu par nos héros, dans l’institution ou j’ai eu le privilège de servir pendant plus de 30 ans a été radicalement différent de leur expérience précédente, ils ont été reçus avec le sourire, on leur a expliqué le pourquoi des choses et ce qui allait leur advenir et, par-dessus tout, on leur a rendu l’espoir. Une fois l’opération faite, ils ont vu un médecin chaque jour (en l’occurrence votre serviteur, mais cela aurait été la même chose avec Jacques Cerrina, mon collègue et ami) qui les a informés de la situation et du projet thérapeutique. En résumé on s’est certes occupé de la maladie, mais aussi d’eux, comme disait Philippe Dartevelle, leur chirurgien : « il ne faut pas regarder les malades par le petit bout de la lorgnette ».
S’agit-il d’une heureuse conjonction stellaire ? En fait non, car, cet accueil courtois et respectueux de nos patients est le fruit d’une politique de l’établissement et, chose encourageante, tous les nouveaux arrivants s’y sont conformés sans difficulté, ce qui prouve bien que cela est possible ailleurs, c’est comme l’œuf de Colomb, il suffit d’y penser.
En résumé, mes chers collègues, ce n’est pas difficile ; pensez que les personnes qui viennent chez nous ne sont pas forcément heureuses d’y être, inutile d’être désagréable en plus.
Sur ce, je vous laisse avec notre miraculé, bonne lecture.
Dr François Le Roy Ladurie
Pneumologue,
Ancien interne et chef de Clinique des hôpitaux de Paris
Tout a basculé en septembre 1993 avec l’apparition des premiers symptômes.
En décembre, on ne me donnait plus que trois mois à vivre.
En mai 1994, 6 mois plus tard, après deux grosses interventions, des rayonnements, de la chimiothérapie et tout un tas de trucs, j’étais devenu une loque, sans aucune force… mais en vie !
La mort était passée si près que cette renaissance… était une deuxième naissance.
Je voulais voir la naissance de Mathilde, notre deuxième fille. Elle est née en juin 1994, en même temps que je revenais à la vie.
Je suis né en même temps que notre fille.
Il m’a fallu deux ans pour me reconstruire…
Cette déconstruction et reconstruction a consommé plus de deux ans de ma vie, de notre vie, car c’est Christiane, ma douce, mon amour, qui m’a donné la force, l’énergie de ne pas avoir laissé tomber.
Ces deux ans ont été un moment incroyablement riche pour construire le nouvel homme que je suis devenu.
Personne n’est équipé pour ce combat contre la mort ou pour ce combat pour la vie, car je ne trouve pas d’autre mot que celui de combat tellement il est intense, il est fort et il est violent.
Combat contre la mort, car c’est l’issue que la médecine vous a signifiée et que se battre n’est pas une évidence, d’autant plus que, même si vous êtes bien accompagné dans cette bataille, vous êtes seul, tout seul avec votre corps et avec votre esprit.
Cela fait désormais plus de trente ans que cela s’est passé et depuis tout ce temps, il ne peut pas se passer une journée sans que je repense à un moment de cette période.
J’ai aussi compris en rencontrant de nombreux autres malades et avec mon implication auprès de la LIGUE CONTRE LE CANCER que chaque expérience est unique et différente des autres.
Par contre, ce qui relie toutes les personnes ayant touchées dans leur chair est d’avoir traversé une forme de parcours initiatique jonché d’épreuves et d’en être sorti vivant… désormais différents des autres, avec un truc en plus et surtout… grandi !
Depuis longtemps, je voulais raconter mon aventure et ce qu’elle m’a appris, sur moi, sur la vie, sur ma vie et surtout que mon expérience puisse être un message d’espoir.
Il m’a fallu tout ce temps pour en trouver les mots justes à poser.
J’ai toujours habité dans la même ville de Sainte-Geneviève des bois et j’y ai fait toute ma scolarité.
Dans les années 66 j’ai quitté la maternelle et je suis passé à la grande école, je me souviens de cette période et j’étais très fier de me construire avec mes copains.
À cette époque, tous les enfants scolarisés devaient apprendre à nager.
Par contre il n’y avait pas encore de piscines dans toutes les villes et aller à la piscine avec une classe complète de l’école primaire était toute une aventure.
Cela se passait à la fin de la journée d’école et dans ma mémoire, il faisait toujours nuit.
C’était, chaque semaine, le petit car bleu et blanc de la ville qui nous attendait devant l’école à la fin de la journée.
Nous avions tous notre petit sac qui contenait, notre maillot de bain, notre serviette et notre goûter pour après la piscine.
C’était déjà toute une aventure, car la piscine était celle de Corbeil Essonne et il fallait plus d’une demi-heure pour s’y rendre.
L’excitation dans le car était palpable et notre instituteur en l’accompagnant avait du mal à faire régner l’ordre.
Nous n’étions pas à armes égales, car certains savaient déjà nager, plonger et faire tout un tas de trucs dans l’eau, ce qui m’était complètement étranger.
Le rituel était toujours le même et l’arrivée à la pistoche sonnait son démarrage.
Les filles d’un côté et les garçons de l’autre, les consignes, les cabines de déshabillage, les pédiluves et la douche préalable.
Ensuite tout le monde sur les plages de la piscine, les débutants à droite et les autres à gauche et j’étais coté des débutants.
Les débutants comme moi allaient apprendre la brasse.
Pour la première fois, je me trouvais en contact avec ce lieu et cet élément que je ne connaissais pas du tout et je n’en menais pas large… j’étais carrément terrifié !
La maître nageuse me faisait peur, car je n’avais jamais vu de maître-nageur auparavant, car nous passions toutes nos vacances à la montagne et jamais nous n’avions mis les pieds dans une piscine.
Un homme dont je ne connaissais pas la fonction, dont le costume était un maillot de bain, qui portait un tee-shirt, qui avait pour chaussures, des tongs, comme celles que maman nous achetait pour les vacances d’été, et surtout, surtout, il tenait un grand bâton en aluminium gigantesque, en forme de lance, beaucoup plus grand que lui et qu’il tenait comme la lance d’un chevalier !
C’est ce grand chevalier avec sa lance qui avait pris la place de notre instituteur et qui allait nous apprendre à nous déplacer sur l’eau… pour moi, c’était un chevalier magicien.
À l’opposé de notre instituteur, sa pédagogie était très différente et pour nous apprendre des choses, lui, il criait !
Il criait et ça résonnait dans toute la piscine, j’avais l’impression d’être enfermé dans une grotte et j’étais encore plus impressionné.
Il nous demanda de nous mettre dans le petit bassin, où l’on avait pied et il commença à nous donner les premières consignes des mouvements de la brasse.
Nous avions autour de la taille une espèce de ceinture avec des blocs de liège fixés tout autour et qui devait nous empêcher de couler sous l’eau… je n’y croyais pas et je ne l’ai jamais testé.
Tout en restant le long du bord de la piscine il nous suivait un à un dans nos premiers essais de brasse et c’est là que je compris à quoi servait sa grande lance de chevalier, elle servait à nous guider et à nous raccrocher au cas où…
Il nous apprit aussi très vite une autre technique que nous devions maîtriser et qui allait devenir ma hantise !
Mettre la tête sous l’eau !
Il nous apprit le fait de se boucher le nez préalablement et de mettre la tête sous l’eau.
C’était pour moi, un truc impossible, une peur panique de mourir et il m’a fallu des semaines avant d’y arriver… mais jamais et de toute ma vie, je n’ai réussi à ouvrir les yeux sous l’eau !
J’ai beaucoup lutté contre cette phobie, mais je n’ai jamais réussi de toute ma vie à ouvrir les yeux sous l’eau et surtout à les rouvrir en sortant de l’eau sans me les frotter pour enlever l’eau, ce qui est un grand handicap.
Les semaines avançaient et du petit bassin, nous sommes passés au grand bassin pour continuer l’apprentissage de la brasse.
Pour commencer, nous descendions dans le bassin par les escaliers et nous poursuivions notre formation… sans avoir pied.
C’est une deuxième panique qui m’envahissait à chaque fois de ne pas avoir pied et de ne pas voir ce qui se passait sous mes pieds.
Et, mettre la tête sous l’eau sans avoir pied devenait un troisième niveau de panique pour moi.
Les séances de piscine s’enchaînaient et je commençais à maîtriser la brasse, par contre le maître-nageur ajoutât une nouvelle difficulté et comme nous n’avions presque plus besoin de notre ceinture avec des blocs de liège, ni de sa lance de chevalier, il nous demanda… de sauter dans l’eau…
Mais quelle idée totalement idiote de sauter dans l’eau, alors que les escaliers sont faits pour cela… Un quatrième étage à ma phobie…
Et puis, je commençais à ne plus supporter, la pédagogie de ce maître-nageur qui ne voulait pas comprendre mes phobies et mes paniques et qui criait de plus en plus fort, car je pense que c’était son seul bagage pédagogique !
Lorsque je racontais mes peurs paniques à ma maman le soir, je n’avais pas non plus une écoute attentive de sa part et je restais tout seul.
Tout seul face à mon problème…
À l’époque, elle ne savait pas encore nager elle-même et je pense qu’elle ne voulait pas entendre que ce puisse être une difficulté pour ses propres enfants.
Alors sans oreille attentive, je restais seul avec mes angoisses de la dernière séance et jusqu’à la prochaine séance.
J’avais vraiment l’impression que j’étais tout seul de mon groupe à être terrifié par l’eau, car tous mes copains avaient déjà dû être des poissons dans des vies antérieures, mais vraiment pas moi !
À chaque nouvelle séance, les choses se complexifiaient et le maître-nageur inventait de nouvelles tortures.
La dernière torture qu’il avait inventée était un concept que mon esprit n’avait même pas pu imaginer… sauter dans l’eau… la tête la première !
Tous mes copains savaient le faire et je trouvais ça beau, mais c’était totalement et irrémédiablement impossible pour moi.
Il avait beau crier et me harceler, mais il ne pouvait pas concevoir que je ne pouvais physiologiquement pas !
Je ne sais pas si les méthodes pédagogiques ont évolué dans le domaine de la piscine publique, mais je pense que ce maître-nageur avait eu une dispense pour ce sujet-là pour son diplôme.
Je commençais à maîtriser la brasse et désormais, je me déplaçais tout seul et sans artifice de flottage sur le plan d’eau de la piscine et dans le grand bassin !
La piscine de Corbeil était le fleuron nautique du département et comptait un grand bassin de 50 mètres, extérieur qui me donnait des sueurs froides tellement il était gigantesque.
Heureusement qu’il était extérieur et que nous n’y sommes jamais allés…
Par contre, en tant que fleuron nautique, il y avait un autre lieu de torture : « La fosse à plonger ».
C’était un tout petit bassin carré, mais avec plus de 4 mètres de profondeur et le maître-nageur se délectait de nous vanter cette profondeur, il ne s’imaginait sûrement pas que pour moi, 4 mètres d’eau sous mes pieds représentaient une mort certaine !
Mais, dans le qualificatif de « fosse à plonger », il y a aussi le verbe impossible « plonger »… et ce petit bassin, s’appelait aussi « fosse » et il était surmonté d’un engin appelé « plongeoir » et cet objet était comme un arbre à oiseaux, avec des promontoires à divers étages.
Mais je ne comprenais pas que l’on puisse imaginer un tel concept… sauf que le Maître-nageur l’avait imaginé et surtout il avait décidé de nous le faire tester.
Mon angoisse était à son comble !
Il nous mit à la queue leu leu et nous montions, un à un les marches de l’escalier vers le premier niveau de plongeoir.
Il fallait sauter et se remettre dans la queue pour le deuxième saut.
Lorsque ce fut mon tour, dans mon souvenir, je n’étais vraiment pas bien et je pleurais.
Je montais les marches en essayant de ne pas regarder en bas et en retardant mon arrivée sur le plateau vers l’endroit où se jeter dans le vide.
Je me souviens aussi de mes copains qui se moquaient tous de moi, car ils avaient bien vu que ces séances à la piscine de Corbeil n’étaient pas du tout un plaisir pour moi, et alors, comme tous les gamins… ils se moquaient de moi…
Cette situation ne changeait rien à l’absence totale de compassion du maître-nageur et je le haïssais de plus en plus à chaque fois.
Arrivé sur l’endroit d’où j’allais sauter, mes copains criaient et je me mis au bord.
J’avais l’impression d’être à une hauteur incroyable et en bas le bassin était tout petit et j’étais sûr qu’à cause de la profondeur, il allait m’engloutir, comme une bouche béante d’un gigantesque animal marin.
Je voyais les bords de ce bassin carré et je me disais qu’il ne fallait pas que je saute au milieu comme l’ont fait les autres, mais le plus près possible du bord et de l’escalier pour ressortir le plus vite possible.
Mais le maître-nageur ne le voyait pas comme ça et il me montrait sa lance de chevalier qu’il mettait vers le centre du bassin, car il se doutait bien que c’était pour moi une forme de salut de viser cet ascenseur potentiel de sortie de l’eau.
Comme je ne sautais pas, mes copains commençaient à se moquer de moi en criant et je ne pouvais pas faire marche arrière, car les autres attendaient pour pouvoir sauter.
Et là… j’ai sauté !
Les pieds en avant, car lui, même si lui, il voulait que l’on saute la tête en avant…
J’ai eu l’impression que ma chute avait duré de très longues minutes et mon contact avec l’élément liquide a été très violent, autant par le choc sous mes pieds que l’impact psychologique dans ma tête.
Je rentrais dans la bouche du monstre et il fallait que je tente d’en sortir au plus vite.
C’était une nouvelle sensation, car au contact de l’eau, mes yeux s’étaient immédiatement fermés et je ne savais plus du tout où j’étais, par contre du fait de la hauteur du saut, je descendais encore plus profond sous l’eau et ce fut une nouvelle angoisse de ne pas pouvoir remonter.
Je me souviens avoir une nouvelle fois paniqué et fait des mouvements désordonnés pour essayer de remonter au plus vite et ces mouvements n’étaient, bien sûr, pas efficaces et cette remontée a été vraiment interminable…
Lorsque j’ai enfin touché la surface, j’ai engouffré une grande quantité d’air et commencé à me stabiliser, car il fallait que je sois stable, car comme je suis incapable de rouvrir les yeux sans les avoir frottés pour enlever toute trace d’eau.
À ce moment, je me suis aperçu que je ne regardais pas du tout où je pensais être et surtout que le maître-nageur avait enlevé sa lance et qu’il fallait que je me débrouille pour que je rejoigne le bord.
Une nouvelle peur s’était emparée de moi et j’avais totalement oublié les mouvements de la brasse et j’ai rejoint le bord sous les quolibets de mes copains qui se délectaient de mes aventures paniques.
Tous ces moments sont gravés dans ma mémoire et ces angoisses m’ont, en quelque sorte… construit.
La cerise sur le gâteau sur mes angoisses fut les dernières séances de l’année scolaire et l’obtention du diplôme des 25 mètres…
Et pour l’obtention de ce diplôme, il fallait nager tout seul les 25 mètres de la longueur du grand bassin en brasse et au milieu de la piscine, pas à côté du bord.
Pour moi, c’était tout bon et j’étais pas mal fier de ce que je maîtrisais.
Par contre et je ne sais pas pourquoi, car bien que ce n’était pas obligatoire pour ce brevet de 25 mètres, ils avaient inventé une nouvelle torture !
Le maître-nageur, toujours lui ! jetais un objet rond au fond de l’eau à plus de deux mètres de profondeur et il fallait plonger, aller le récupérer et le sortir de l’eau…
Impossible de faire marche arrière.
J’étais physiquement dans cette piscine de Corbeil et le sort avait mis devant moi ce challenge obligatoire et ce chevalier avec sa lance comme maître du jeu.
Ce challenge était la somme de ce que je n’avais jamais réussi à faire et la somme de tout ce qui me paralysait d’angoisse.
J’ai pourtant essayé de ne pas aller à la piscine, mais ma mère ne voulait pas que je ne sois pas à la hauteur de ce foutu brevet des 25 mètres.
Le gong avait sonné et j’étais sur le bord du bassin de 25 mètres, à la piscine de Corbeil, ridicule dans mon maillot de bain et je devais affronter ma peur, mes peurs devant cette étendue d’eau, d’où l’on ne voyait pas le fond troublé par les remous constants dus aux différents nageurs qui s’affrontaient sur tout le pourtour des plages.
Le temps tournait inexorablement et presque tous mes copains tentaient avec plus ou moins de bonheur de s’exécuter face à ce challenge. Certains plongeaient la tête la première et magistralement descendaient vers le fond de la piscine et de l’objet à récupérer et remontaient fièrement avec lui pour le donner au Maître-nageur.
J’avoue que les gestes étaient beaux et leur challenge, réussi… mais inexorablement le maître-nageur relançait l’objet dans l’eau avec une nonchalance qui frisait le dédain.
Et puis, ce que je ne voulais pas qu’il puisse arriver arriva… ce fut mon tour…
Pujol ! à toi ! cria le chevalier mon cul !
Je sortais de mes pensées où mon seul objectif était de trouver la manière de ne pas y aller et comme je n’avais pas trouvé la solution à mon problème…
J’étais face à mon destin et je devais y aller, rien ne pouvait m’en détourner.
Je voyais mes copains et ceux que je ne connaissais pas se moquer et rire de mon angoisse que je devais porter dans tout mon être.
Je ne les entendais plus, je n’entendais plus le maître-nageur et j’étais tout seul face à cette étendue gigantesque d’eau qui n’était pas mon amie et que je devais affronter pour survivre.
Je ne pouvais plus m’en échapper et j’étais face à mon destin tout seul.
J’étais seul à pouvoir prendre la décision d’y aller et pour la première fois de ma vie j’avais à prendre les rênes de mon futur.
Plus rien ne venait me polluer le cerveau, plus aucun lien avec l’extérieur, tous mes sens étaient uniquement regroupés face à cet objectif.
Je me rapprochai du bord, comme si en étant plus près de l’eau il y aurait moins de distance à parcourir.
Mes yeux cherchaient sous la surface trouble, la localisation de l’objet au fond de l’eau, et le contact fut établi, j’avais vu de mes yeux ce qui était l’objectif complètement utopique que j’avais à atteindre.
Je n’avais jamais imaginé que j’allais à avoir à faire ça et je m’aperçus, les pieds sur le bord de la piscine, que je ne savais même pas comment faire ce que j’avais à faire… mais comment aller au contact de cet objet, comment l’attraper et comment remonter avec lui ?
Une nouvelle peur panique tomba sur mes épaules de gamin et le temps jouait contre moi.
Je pris une décision, je pris la décision de sauter dans l’eau les pieds en avant et d’essayer d’attraper l’objet avec mes pieds et de remonter avec !
Rien dans ce qui avait été présenté par le maître-nageur ne rendait cette solution impossible et inenvisageable.
C’était ma décision, à moi tout seul, face à mon destin que je ne sais pas qui m’avait tracé !
Tout ceci n’a pas dû durer longtemps et une fois ma décision prise, je n’avais plus qu’à la mettre en œuvre.
Je venais de voir la masse sombre au fond du bassin et je me positionnais à l’endroit qui me semblait le meilleur, à l’époque je n’avais pas encore suivi de cours d’optique et je ne savais pas encore que la véritable position n’était pas celle que je voyais du bord du bassin.
Je décidai d’y aller et après avoir pris une gigantesque bouffée d’air, je me suis laissé tomber debout dans l’eau. Immédiatement, je perdis la jouissance de deux autres de mes sens et je n’entendais plus rien, ou plutôt je n’entendais que les bruits d’une piscine sous l’eau et je perdis la vue.
J’étais dans l’eau, j’étais sous l’eau et je n’avais pas touché le fond et mon instinct de survie me poussa à sortir la tête de l’eau sans avoir une seule seconde essayé d’atteindre l’objectif que j’avais totalement oublié.
D’un seul coup, les bruits extérieurs me remplissaient les oreilles et j’entendais mes copains rire aux éclats de ma piètre manifestation.
Je réussis à me passer les mains sur les yeux et à les ouvrir.
En fait, je regardais à l’opposé de mon groupe et du chef et je reprenais mon souffle sous les quolibets de tout le monde.
Je me retournais, je n’arrivais pas à reprendre un souffle normal et je vis le maître-nageur debout avec sa lance vers moi et qui criait des mots que je ne comprenais pas et je voyais les autres rires et leurs rires couvrir ses mots.
Je compris que je n’allais pas m’en tirer à si bon compte et que le destin qu’avait choisi le maître-nageur, pour moi, n’était pas atteint.
Je n’avais pas réussi à trouver mon souffle et je savais que je devais retourner vers cette quête stupide.
Je repris mes esprits et j’essayais de visualiser la masse au fond du bassin avec le même objectif d’aller tenter de le récupérer avec les pieds.
J’avais enfin localisé la masse sombre et j’entrepris de me laisser descendre vers l’objectif.
Mais on ne descend pas naturellement dans l’eau et je le compris à ce moment et pour la première fois.
Mes yeux étaient déjà couverts d’eau et je ne pouvais plus les ouvrir, mes mouvements étaient totalement désordonnés, car je ne savais faire que la brasse et encore à l’horizontale, pas à la verticale et en plus, je n’étais pas dans le sens de la marche. Mes mouvements n’étaient pas efficaces et mon souffle commençait à me manquer.
Je n’avais plus qu’un objectif qui était de toucher le fond avec un de mes pieds, je savais que celui de remonter l’objet serait plus le fruit du hasard.
J’avais cet objectif, car je pensais que de là-haut, le maître-nageur pourrait voir mon obstination et faire preuve d’un peu de compassion face à mon effort.
Je me démenais comme un beau diable pour essayer sous l’eau de me propulser vers ce fond que je ne voulais plus atteindre, le toucher et remonter pour enfin respirer, car pour l’instant mon énergie de mon désespoir était de tenter les deux et je n’avais plus d’air.
Je tentai une dernière fois la propulsion vers le bas du bassin et mon pied frôla le sol ou l’engin, mais frotta quelque chose !
J’avais gagné et je pouvais enfin remonter, rejoindre la surface et respirer !
Je sortais de l’eau en vainqueur !
J’avais réussi un truc que je n’imaginais pas possible, j’avais vaincu mes peurs, j’avais pris mes propres décisions et, certes, je n’avais pas atteint cet objectif idiot et sans valeur qui m’avait été rendu obligatoire par un maître-nageur idiot et imbécile, mais j’avais réussi le MIEN !
Je sortis la tête de l’eau une nouvelle fois sous les quolibets de mes copains, et les cris stupides du maître-nageur.