Le livre de Girart de Nevers et de la belle Euriant s'amye - Gerbert de Montreuil - E-Book

Le livre de Girart de Nevers et de la belle Euriant s'amye E-Book

Gerbert de Montreuil

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Beschreibung

Treshault et puissant prince et mon tresredoubté seigneur monseigneur Charles conte de Nevers et de Retel, baron de Donzy ; moy qui tous les temps de ma vie, des le commencement de vostre plus florie jeunesse, ay esté et suis vostre treshumble et obeyssant serviteur pour la tressinguliere amour que j’ay tousjours eu, et ay, et vueil avoir toute ma vie ; comme tenu suis de vous servir, complaire et obeir en toutes choses, mesmement en celles que  je sentiroye vous estre plaisantes et agreables comme ung serviteur est tenu et obligié de faire a son seigneur et maistre, et aussi pour ce que je vous sens estre enclin a prendre plaisir a veoir et oyr lire les plaisantes et gracieuses hystoires des fais des nobles et vaillans princes

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Le livre de Girart de Nevers et de la belle Euriant s’amye

Gerbert de Montreuil

 

© 2023 Librorium Editions

 

ISBN : 9782385743499

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le livre de Girart de Nevers et de la belle Euriant s’amye

Cy commence de Girart conte de Nevers et de la grant court que tinst le roy Loys le gros.

De la gaigure que Girart de Nevers fist a l’encontre de Liziart conte de Forest.

Comment Liziart conte de Forest vinst a Nevers et comment il parla a la belle Euriant et de la faulce vielle qui traïst sa maistresse.

Comment la faulce vielle traïst sa maistresse et comment elle fist ung pertuis en la paroit de la chambre affin que le conte de Forest vist l’enseigne que la belle Euriant avoit sur sa dextre mamelle.

Comment Liziart prinst congié de la damoiselle et de la vielle et s’en retourna a la court.

Comment Girart envoya querre s’amye par ung sien escuier et parent.

Comment la belle Euriant vinst a court et comment Liziart lui imposa qu’elle avoit couchié avec lui et fait sa volenté d’elle.

Comment Girart se partist de la court moult desplaisant et Euriant s’amye sans autre compaignie.

Comment Girart volt copper la teste a Euriant s’amie en la forest d’Orliens, du serpent qui lui vinst corir sus, et comment il la laissa toute seule en ladicte forest.

Comment Girart se mist a genoulx rendant graces a Dieu de ce qu’il estoit eschappé et qu’il avoit tué le serpent et comment il laissa Euriant seule.

Comment le duc de Metz ariva en la forest ou il trouva la belle Euriant.

Comment le duc de Metz emmena Euriant, voulsist elle ou non.

Comment Girart vinst a Nevers la viole au col ou il chanta devant Liziart.

Comment Girart se chaffoit derriere le conte ou il oyst par la vielle la maniere comment elle avoit traÿe Euriant.

Comment Girart de Nevers arriva en ung chastel en Ardenne.

Comment Galerant vinst a grant puissance devant le chastel de la damoiselle.

Comment Girart combatist le chevalier et le desconfist vaillamment et a grant force.

Comment la damoiselle vinst a Girart qui estoit moult fort navré et l’ayda a porter a l’ostel.

Comment Girart se partist du chastel de la damoiselle et vinst a Chalon en Champaigne ou il fust long temps malade.

Comment la pucelle fille de l’oste dona a Girart ung esprivier a prendre congié d’elle.

Comment Girart vinst a Couloigne et comment il y fist de merveilleusement beaux fais d’armes contre les saines.

De la grant bataille qui fut devant Couloingne ou Girart fist merveilles.

Comment le duc Milon de Coulongne gaigna la bataille sur les saines par les grans proesses de Girart de Nevers et de la grant gloire qui lui fut faicte quant il rentra a Couloingne.

Comment Aglentine fille du duc et Florentine eurent grosses paroles ensemble pour amour de Girart duquel elles estoient amoreuses.

Comment Girart de Nevers vinst a court ou il fut bien receu et comment Aglentine parla a lui et de leurs devises.

Comment les deux damoiselles par jalousie tencerent l’une a l’autre et comment la vielle fist la poisson.

Comment Girart beust la poison que la vielle avoit faicte pour le decevoir.

Comment Girart fut feru de l’amour d’Aglentine apres ce qu’il fut empoisonné et comment il prinst congié d’elle.

Comment Girart se departist de la court et comment le lendemain ilz alerent assigier ung chastel que le duc prinst par le moyen de Girart.

Comment Euriant perdist son anel d’or que Girart lui avoit donné par l’aloe qui l’emporta, elle estant avec la seur du duc de Metz.

Comment Meliatir le desloyal chevalier cuida enforcier Euriant et de la male adventure qu’il lui pourchassa.

Comment Meliatir murdrist piteusement Ysmaine cuidant avoir occis la belle Euriant.

Comment Girart et Aglentine se amerent tant que le duc en volt faire le mariage.

Comment Girart ala vouler es champs ou il prinst l’aloe qui avoit a son col l’anel qu’il avoit autreffois donné a Euriant parquoy il delaissa Aglentine pour Euriant.

Comment Girart prist congié de son hoste et lui bailla son esprivier pour porter a Aglentine.

Comment Girart trouva ung chevalier soubz ung arbre a qui on avoit ostee sa femme et comment Girart lui ramena.

Comment Girart combatist le chevalier de Langarde et l’ocist et osta la damoiselle de la fontaine, laquelle le vouloit depuis faire murdrir en dormant.

Comment Girart s’endormist ou geron de la damoiselle et comment il fut esveillié par ung escuier.

Comment Girart rencontra ung escuier en une lande et de leurs devises.

Comment Girart rencontra ung chevalier qui menoit avec lui sa femme et sa fille en demenant grant dueil.

Comment Girart combatist le geant et le tua et rescouist les sept freres et la damoiselle leur seur, et de la grant chiere que leur pere lui fist.

Comment Girart prinst congié du chevalier et de la dame, et du grant dueil que demena la damoiselle quant elle veist partir Girart.

Comment Girart vinst a Metz et trouva en son chemin gens qui y venoient et lui dirent comment par une femme estrange la seur du duc avoit esté murdrie par quoy ilz venoient pour la jugier.

Comment les barons estoient au conseil pour jugier la belle Euriant a mort, et comment Girart emprinst a combatre a l’encontre du chevalier qui l’avoit accusee a tort et sans cause.

Comment Girart desconfist Meliatir et lui fist cougnoistre la mauvaise traÿson qu’il avoit commise.

Cy parle du grant honneur que le duc de Metz et les barons firent a Girart et a s’amye Euriant et des recougnoissances qu’ilz firent.

Comment Girart vinst au tournoy a Montargis et es monstres.

Comment Girart de Nevers gaigna le pris du tournois a Montargis.

Comment le roy et ses barons convoyerent Girart de Nevers jusques en son logis.

Comment Girart de Nevers vinst a la court et comment il appella Liziart en champ et getta son gaige.

Comment Girart de Nevers desconfist Liziart conte de Forest et lui fist congnoistre et confesser la traÿson qu’il avoit commis a l’encontre de Girart et Euriant s’amye dont il fut trayné au gibet de Montargis.

Comment le roy Loys donna a Girart la conté de Forest et lui rendist sa conté de Nevers, et comment Girart prinst a mariage Euriant s’amye, et de la grant qu’ilz firent.

Comment la faulce vielle Gondree fut arce et brulee en ung feu d’espines.

Treshault et puissant prince et mon tresredoubté seigneur monseigneur Charles conte de Nevers et de Retel, baron de Donzy ; moy qui tous les temps de ma vie, des le commencement de vostre plus florie jeunesse, ay esté et suis vostre treshumble et obeyssant serviteur pour la tressinguliere amour que j’ay tousjours eu, et ay, et vueil avoir toute ma vie ; comme tenu suis de vous servir, complaire et obeir en toutes choses, mesmement en celles que je sentiroye vous estre plaisantes et agreables comme ung serviteur est tenu et obligié de faire a son seigneur et maistre, et aussi pour ce que je vous sens estre enclin a prendre plaisir a veoir et oyr lire les plaisantes et gracieuses hystoires des fais des nobles et vaillans princes, jadis voz predecesseurs, et mesmement de tous autres nobles hommes qui parcydevant par leurs proesses et vaillances au confort a l’ayde de leur noble chevalerie ont fait leurs conquestes, dont depuis ilz ont tenu et possessé leurs terres et seigneuries et par ce aquis honneur gloire et recommandacion de proesse, et tant que leurs fais ont esté et sont encores prins pour bon exemple, miroir et fondacion es nobles et vaillans hommes qui depuis eulx ont regné et regnent sur terre, et dont la memoire des hommes vivans seroit estainte et faillie, ce n’estoit que leurs dis et fais fussent mis et redigez par escript en lengaige aourné et plaisant selon le petit entendement de ceulx qui a ce faire labeurent :

Je a ceste cause me suis ingeré et avancié de moy traveillier et appliquier mon petit sens et entendement a mettre et redigir par escript ce petit livret, lequel par avant estoit en lengaige provençal et moult difficile a entendre. Lequel je vous donne et presente en vous suppliant treshumblement icellui prendre benignement en gré et non pas prendre garde au don ne a l’euvre mais au bon vouloir et couraige qui me meut a ce faire. Suppliant de rechief a tous nobles qui liront ou orront lire ce present livre que, se perfluité ou trop habondance de lengaige y est trouvé, il leur plaise supplier mon ignorance et regarder a l’entendement de l’istoire plus que a l’ordonnance et façon de mon ouvrage. Et se en ce vous comprenez ou trouvez chose qui puist tourner et proffiter a l’emplificacion de la vaillance et recommendacion de vostre noble personne, il vous plaise retenir a la louenge du souverain roy de gloire et memoire de moy vostre humble et petit serviteur.

Cy finist le prologe de ce present livre.

Cy commence de Girart conte de Nevers et de la grant court que tinst le roy Loys le gros.

Pour le temps que l’on contoit l’an de l’incarnacion de nostre seigneur Jhesucrist mil cent et dix, regna en France le tresvertueux roy nommé Loys le gros, qui en son temps eust moult d’affaires a l’encontre de pluseurs princes et autres rebelles de son royaume, lesquelz par pluseurs batailles les vainquist et submist en son obeyssance et lui firent homaige ; pluseurs de leurs villes et chasteaulx fist abatir et demollir, puis apres, lui veant son royaume en paix, pour faire exerciter sa chevalerie affin de non cheoir en huiseuse fist par tout publier joustes et tournois ou de pluseurs contrees venoient en grant nombre, c’estassavoir ducs, contes et barons, chevaliers, dames et damoiselles.

Si advint que a ung jour de Penthecoste le roy Loys estoit venu au pont de l’arche ou il tinst grant feste et plus grande que on n’avoit long temps veu.

Les barons chevaliers et dames qui la vindrent receust en moult grant reverance et les festia haultement comme bien le savoit faire et furent tous et toutes trescontents de lui, et aussi fist pareillement la royne.

Plus beau prince ne plus belle dame long temps par avant eulx ne s’estoient veuz en France. Avec la beaulté dont nostre seigneur les avoit si largement partis leur avoit fait ceste grace que de toutes bonnes vertus, tant d’umilité, de sens et de courtoisie, estoient tellement garnis que se en ce temps les vertus eussent esté pardues en eulx eussent esté recouvrees.

Apres les festes de Pentecoste avint que ung jour apres disner le roy et la royne, pour festier ceulx et celles qui estoient venus, commanda faire dancier et esbatre.

Alors chascun a son povoir se aquita au mieulx qu’il peust. Chevaliers, dames et damoiselles y chantoient pluseurs chançons.

La contesse de Besançon qui en ce tens estoit moult belle dame se prinst a chanter. Apres ce que elle eust achevee sa chançon madame Aelis duchesse de Bourgoingne commença a chanter tenant son amy par la main et lui dist : « Amy, chantez. » Il lui respondist moult humblement que pour eulx deux elle se voulsist acquiter. Lors a voix basse et serie moult doulcement commença a chanter. Quant la duchesse eust finee sa chanson, une moult belle damoisselle seur du conte de Blois se prinst a chanter et dist que ja ne se maryroit mais toute sa vie vouloit estre amoreuse.

Apres commença a chanter une damoiselle nommee Ysabel seur du conte de Saint Pol qui moult estoit belle et gente. Apres que elle eust finee sa chançon, pluseurs dames et damoiselles, comme la fille au seigneur de Couchy, la chastellaine de Saint Omer, puis la chastellaine de Dijon et assés d’autres pluseurs.

Mais tant vous puis dire que si bien se acquiterent que a les avoir oy le roy et la royne et les grans princes et princesses s’en resjoyrent tous ; et eulx la estans, les jeunes chevaliers, dames et damoiselles en eulx tenans par les mains, actendans que de nouvel venist aucun pour recommencier la feste, le roy Loys se leva en piés, en regardant par le palais, choysist ung jeusne escuier soy permenant et tenant ung esprivier sur son poing. Le roy l’appella et lui dist : « Girart il vous fault venir dancer ; mettez jus vostre esprivier et le bailliez a ung de voz gens. » « Sire, se dist Girart, je suis prest de faire vostre vouloir, ja soit ce que de chanter me sçay assés peu entremettre ; mais par vostre commandement, lequel ne vouldroye trespasser, en feray mon povoir. »

Icellui Girart estoit filz du conte de Nevers, lequel de nouvel estoit trespassé, et n’avoit icellui Girart que dix sept ans.

Mais tant vous ose dire que pour cellui jour le pareil en beauté ne en force on ne trouvast en terre chrestienne. Dieu et nature n’avoient riens oblié a le former : se la beauté, sens, courtoisie, humilité, hardiesse et proesse qui en lui estoient vous vouloye raconter au long je vous pouroye anuyer. Et avec ce estoit le mieulx chantant et le mieulx denssant qui pour lors se trouvast en France. Quant il fust venu a la feste il n’y eust dames ne damoiselles qui ne fussent esbaÿes et ne changessent couleur de la beauté et des belles et nobles vertus qu’elles virent estre en la personne de Girart ; et pareillement estoit s’amye, laquelle passoit en beauté toutes les autres qui la estoient et estoit la plus loyale en amours envers son amy que oncques on veist. Le jouvencel se approucha de la feste et prinst la chastellaine de Dijon par la main, laquelle moult courtoisement lui pria qu’il voulsist dire une chançon.

« Madamoiselle, dist il, voz prieres me soient commandemens ; ja Dieu ne plaise que le vous refuse. »

Lors Girart de Nevers se prinst a chanter. Apres ce ledit Girart, a qui gaires ne chaloit des envieux, eust dicte sa chançon, il se arresta et dist que bien avoit raison de chanter et mener joye, quant il amoit et estoit amé de la plus belle et plus assouvye qui fust en France, et que ce vouloit maintenir et prouver a l’encontre de tous ceulx qui le contraire vouldroient dire ; puis dist que en mer n’estoit mie sans mast, mais cellui estoit sans mast ou en tel lieu avoit son cuer mis ou il ne scet s’il est amé. « Et pour ce puis je bien dire et affermer que pas ne suis cellui qui ayme sans partie. Car d’elle suis amé plus que dire ne vous sauroye. Et pour ce que d’elle me suis venté pour amour d’elle diray une chançon. » Lors Girart se prinst a chanter si bien et si doulcement et tant bien lui seoit que le roy et la royne et les dames et damoiselles y prenoient le plus grant plaisir du monde.

De la gaigure que Girart de Nevers fist a l’encontre de Liziart conte de Forest.

Quant Girart eust finé sa chançon, fut loé et prisié de pluseurs chevaliers dames et damoiselles. Mais assez en y eust d’autres qui par envye commencerent a murmurer sur lui, dont il en y eust ung entre les autres nommé Liziart conte de Forest, lui esmeu par une tresmauvaise envie si grande que a peu qu’il ne crevoit, car tant estoit felon et plain de mauvais art que oncques en Guenelon n’en eust austant. Grant homs estoit, maigre et sec, hardy et aigre estoit en armes. Et ainsi comme par fierté et desdaing se trouva vers aucuns chevaliers qu’il sentoit estre de sa part et leur dist : « Comment donques entre vous tous n’avez oy ce vassal oultrecuidié a qui il semble que nul de nous se doye comparer a lui ? N’avez oy ses ventanses, comment il va louant s’amye qui croire le vouldroit de pareille n’auroit au monde ! Je sçay bien le contraire de ce qu’il a dit, car il n’est pas tant amé d’elle comme il cuide. Mais se je ne cuidoye troubler le roy ne dire chose qui lui despleust je gaigeroye ma terre a l’encontre de lui qui ainsi s’est venté devant nous tous ; pourveu qu’il en soit content et qu’il ne face point savoir a s’amye la gaigure deans huit jours que je feray ma volenté d’elle sans ce que elle me refuse. Et se ainsi ne le fais comme je vous dis, je lui donne ma terre et seignorie de Forest et de Beaujolois. D’autre part se d’elle je fais mon plaisir, laquelle chose je ne doubte point que je ne face, il me baillera pareillement sa terre et seignorie de Nevers. » Quant le jeusne conte de Nevers Girart oyst ainsi parler Liziart, soy confiant en la loyaulté de s’amye, la belle Euriant, se leva sur piés et dist a haulte voix que de chascun fust entendu, et dist : « Sire Leziart, de la gaigure que voulez faire ne serez escondis. Je vous donne ma conté de Nevers ou cas que vous puissiés venir a chief de l’emprinse que voulés faire, et avec ce vous prometz que par nul homme vivant ne le feray savoir a m’amye en quelque maniere que ce soit. »

Le roy qui la estoit present, oyant la gaigure des deux vassaulx, appella Liziart et lui dist que de ceste gaigure se povoit assés deporter, et que a l’un ou a l’autre porroit venir a trop grant damage.

« Sire, dit Liziart, pour riens ne m’en vouldroye deporter. » Quant il oyst ces paroles il lui dist qu’il se gardast bien qu’il feroit car se il ne venoit a chief de son emprise, ce seroit pour perdre sa terre et que en grant folye se mettoit, que pour honnir et deshonnorer autruy il se mettoit en aventure de perdre tout.

« A sire, dist Girat, je vous supplie humblement que de ceste chose vous vueilliez deporter de plus en parler a Liziart. Car de certain je cuide que avant ce qu’il en peust venir a chief a mon advis il auroit plus tost conquis les Alemaignes. » Quant le roy vist que de ceste fole emprise ne les porroit en riens destourber leur dist que pour asseurer la chose vouloit que chascun d’eulx baillast plaige souffisant pour la gaigeure entretenir. Lors Leziart bailla plaiges et le roy respondist pour Girart de Nevers, apres que les plaiges furent livrez. Leziart a qui il tardoit de son emprinse mettre a fin au plus tost qu’il peust se partist de la court du roy, lui .vi.e de chevaliers vestuz et abilliez en maniere de pelerins, et tant exploita de chevauchier que a ung soir bien tart il ariva a Primery qui est a cinq lieuues de Nevers. Apres ce qu’ilz eurent souppé, alerent dormir, mais Liziart ne peust prendre ung seul somme tant avoit paour de perdre sa gaigure. Quant vinst au bien matin ilz se partirent de Primery et vindrent a Nevers droit a l’eure que la belle Euriant revenoit de l’eglise.

Liziart, qui des honneurs mondains savoit assés, descendit incontinent de son mulet emblant et pareillement ses gens. La noble damoiselle veant les chevaliers descendus, pour venir saluer Liziart se arresta elle et ses damoiselles. Liziart, veant ce, vint a elle et la salua humblement et baisa en la bouche et apres ses damoiselles.

La belle Euriant qui bien le cognoissoit lui dist moult courtoisement que de sa venue estoit moult joyeuse.

« Belle, dit Liziart, par moy Girart vous mande salut, auquel a mon partement avoye promis de non passer sans vous veoir. » « Sire, dit Euriant, il soffiroit bien de moindre message que vous, et s’il vous plaist vous viendrez prendre la pacience au disner au l’ostel de telz biens qui y sont. »

« Ma damoiselle, dist il, je suis prest de faire tout ce qu’il vous plaira. » Adoncques la belle Euriant prinst congié de lui et s’en vinst ou chastel de Nevers, qui alors estoit pres de l’eglise, et commanda a son maistre d’ostel qu’il feist avancier le disner. Ce pendant Liziart partist de son logis et rencontra le chastellain, duquel il estoit bien accointé, et lui pria chierement qu’il le voulsist logier en sa maison.

Le chastellain, qui en nul mal ne pensoit, lui dist que bien fust il venu et que grant honneur lui feroit de y logier. « Mon amy, dit Liziart, je vous mercie chierement. » Puis Liziart ala en l’ostel du chastellain et fut moult bien receu, et le mena le chastellain en une belle chambre bien paree et bien mise a point comme il appartenoit, et la se desabila Leziart et prinst nouveaulx habis et se mist bien en point pour mieulx cuidier complaire a celle pour laquelle decevoir s’estoit mis en aventure de perdre sa terre. Quant il fust habillié et mis sur le bon bout, lui .iii.e partist de son logis et s’en vinst ou chastel ou il trouva pluseurs gentilz qui vindrent au devant de lui, disans que bien fust il venu, et le emmenerent en la sale. Euriant le receust trescourtoisement et deviserent ung peu. Le disné fust prest, ilz laverent et puis se assirent. La noble damoiselle, qui nul mal ne pensoit, le festia haultement et lui fist tresbonne chiere comme s’il eut esté son frere. Des metz dont ilz furent servis je m’en passe pour cause de briefté.

Quant ilz eurent disné et que tous furent levez de table, Liziart, desirant de parler a la damoiselle, la prinst par la main et lui dist : « Belle, je vous ay ung message a faire ; se vostre plaisir estoit de moy oyr, grant desir ay de le vous dire, car chargié en suis de le vous dire de par ung que assés cognoissés. » La belle Euriant, non riens saichant de la grant malice qui lui pourchassoit et a Girart son amy, vint avec Liziart a une fenestre ou eulx deux ensemble se appuyerent. Liziart, a qui il tardoit moult de son emprise accomplir, commença de penser et puis s’approucha ung peu pres d’elle et lui dist : « Ma dame, du tout me metz a vostre mercy ; tant ay oy parler de vous et de vostre beauté, et courtoisie et du bien que chascun dist de vous, que de vostre amour suis si surpris que par force mon cuer m’a contraint de vous venir veoir. Ja pour chose qui avenir me doye ne vous laray a dire la peine et le tourment que nuyt et jour sueffre pour vostre amour ; en moy n’est le vous dire le grief mal que jusques a ores ay souffert ; pour Dieu vous prie que de moy ayez mercy, ou autrement je ne puis appercevoir que la mort ne me soit prouchaine. »

Comment Liziart conte de Forest vinst a Nevers et comment il parla a la belle Euriant et de la faulce vielle qui traïst sa maistresse.

Quant la damoiselle entendist Liziart, assés ne se peust esmerveillier et lui dist : « A sire mercy vous vueil prier : se ainsi est que par courtoisie je me sueffre vous dire, aucune laidure savoir m’en devez gré : car premiers que a vostre volenté me voulsisse consentir, vous auriés plus tost prinse et saisie la lune qui est ou ciel, que de moy incliner a donner mon amour a vous. Et pour ce se aucune besoingne avez autre part a faire se y alez, car besoing ne vous est ester icy pour ceste cause. Ja soit que pour chose que me ayez dit je ne suis pas si troublee que mon hostel et les biens qui y sont ne vous soient abandonnez. Mais je vous prie que ne me parlez plus de chose ou je puisse prendre aucun desplaisir, et que plus ne vous en avancez. » « Ha noble dame, dist Liziart, il m’est advis que vous avez grant tort : en vous gist ma mort ou ma vie. Car se mon mal ne vous puis monstrer la fin de ma vie vois apparoir prouchainne. Mais se la mort ou aucun tourment en devoye recevoir pourtant ne laray a vous dire tout ce qui sur le cuer me gist, car en moy n’est la force ne le povoir de moy en abstenir ; mal feu et male flamble puist ardoir le premier qui de vous me parla, ja soit ce que jamais ne eusse creu la tierce partie de vostre beauté, vostre nom, vostre humilité par qui suis en voye de morir. »

La damoiselle oyant Liziart tenir son propos lui respondist moult ireement et lui dist : « Sire, saichiés de la requeste que faicte m’avez et que encores faictes me vient a tresgrant desplaisir. Alez vous pourchassier ailleurs ; a moy avoir avez failly ; besoing ne vous est plus en parler ; mieulx ameroye estre arse et bruye que pour vostre gracieuse complainte qui est garnie de faulceté voulsisse faire vostre requeste. Saichiez que pas ne suis femme pour ce faire. Alez autre part querre amie a qui vous passiez voz deduis ; desormais vous tiendroye pour fol de moy plus parler de ceste matiere. » Lors la damoiselle se leva sans plus parler et laissa Liziart tout seul appuyé sur une fenestre, la main a sa maisselle, pensant a sa terre qui seroit perdue. La damoiselle commanda a mettre les tables puis se assirent et maingerent ; pluseurs metz de viandes y avoit mais oncques Liziart n’en menga tant estoit pensif et melencolieux et ne savoit quel maniere tenir. Ainsi comme le conte Liziart estoit a table pensif la maistresse de la damoiselle le prinst moult fort a regarder, laquelle se apperceust aucunement qu’il estoit amoreux de sa damoiselle. Elle qui estoit malicieuse et remplie de toute faulceté afferma en son couraige de aydier et secorir a son povoir Liziart et tant faire qu’il feroit sa volenté de sa damoiselle. Celle vielle estoit moult laide et refroignee et estoit native de la Charité sur Loire ; oncques en sa vie ung seul bien n’avoit fait, et savoit de sorceries austant ou plus que oncques avoit fait Astarot. Autreffois avoit eu deux enffans, lesquelz elle avoit murdry par nuyt. Celle vielle regardant tousjours le conte Liziart se pensa que elle lui feroit tel service que a tousjours il la tiendroit comme sa mere ou sa femme et espose. L’ardant couvoitise dont elle estoit plaine l’esmeust a traÿr sa maistresse par qui elle avoit eu moult de biens. Apres que les tables furent ostees et les graces dictes la damoiselle prinst congié de Liziart et s’en ala en sa chambre, les gentilz hommes demeurent en la sale eulx devisans. Liziart ala tout seul a une fenestre tout pensif et comme mornez, lui cognoissant avoir perdue sa terre, et maudisoit l’eure et le jour que la gaigure avoit esté faicte, car nulle esperance n’avoit en soy qu’il ne perdist sa terre. Ainsi comme la estoit pensant, la tresorde vielle Gondre vinst a Liziart et lui dist : « Sire a ce que en vous puis apercevoir il m’est advis que grant douleur avez au cuer. »

« Dame, dist Liziat, plus grant ne porroye ou monde avoir. » « Sire, dist la vielle, assez apperçoy en vous la cause de vostre doleance.

Mais se dire me volez vostre fait, je vous ayderay par tel maniere que vous viendrez au dessus de voz desirs. » « Dame, dist Liziart, je vous jure et prometz ma foy que, se a mon affaire me voulez aydier, soyez certainne que jamais ne tiendray denier ou vous ne ayés part, et ne sera chose si chiere que vouliez avoir que tantost ne le vous face avoir. » « Sire, dist la vielle, assés ay peu veoir a vostre contenance que pour amour de ma damoiselle estes icy venu, et pour ce ay grant desir vous complaire, car je desire vostre bien de tout mon cuer ; et soyez seur que je cuide tellement besoingnier et faire vostre fait que viendrez du tout au dessus. »

Liziart, oyant la vielle puante ainsi le reconforter, lui commença a dire et reconter la maniere de la gaigure. Quant la vielle entendist Liziart a ung brief parler lui dist : « Sire conte de Forest, vostre besoingne ay entendue, en laquelle mettray tel remede que du tout ferez a vostre plaisir, ou se en ceste maniere ne la povez avoir, je trouveray aucun soubtil moyen par quoy serez asseuré de non perdre vostre terre et que gaignerez la conté de Nevers. » « Dame, dist Liziart, se vous povez mener ceste euvre a fin et que d’elle puisse avoir vrayes enseignes, je suis tout asseuré que je gaigneray ma querelle. » « Sire, dit la faulce vielle, de ce ne faictes nulle doubte, car je vous promest que ainçois qu’il soit demain je feray pour vous tel chose que d’elle aurez la joyssance ou enseignes si certaines que vous serez creu a la court du roy, et par lesquelles vous gaignerez et aurez la joyssance de la conté de Nevers ; si vous conseille que meshuy alez reposer jusques a demain et ne faictes doubte de riens. »

Alors le conte Liziart s’en ala en sa chambre qui pour lui estoit appareillee, ou lui et ses chevaliers dormirent celle nuyt, lesquelz tous ensemble jurent, lesquelz eussent bien voulsu que la pucelle eust esté advertie de la cause pour quoy leur seigneur estoit venu, et plaignoient fort le jeusne conte et s’amye Euriant par laquelle avoient estez si bien festiez et receuz. Apres ce la vielle vinst en la chambre de sa dame pour la aydier a couchier. Quant la damoiselle fust en son lit point ne volt desvestir sa chemise.

La vielle, veant sa dame couchier atout sa chemise, lui dist : « Ha ma damoiselle, trop ne me puis esmerveillier de ce que oncques en ma vie ne vous veis despoillier vostre chemise. Il y a sept ans passé que premiers vous ay gardee. » « Maistresse, dist la damoiselle, saichiez pour verité que jamais nuli fors que Girart ne la me fera desvestir : par lui m’a esté deffendu pour ce que sur moy ay une enseigne qui n’est homme ne femme ou monde, tant me soient prochains parens, qui jamais l’aist veue fors mon amy, auquel j’ay promis que se il estoit homme mortel en vie qui puist dire ne soy venter la avoir veue, il croira certainement que de moy aura fait sa volenté, parquoy l’amour de noz deux sera departie. Ma treschiere maistresse de ce que vous ay dit me povez croire et le savoir pour certain. »

« Ma dame, dit la faulce vielle, ja Dieu ne plaise que jour de vostre vie fasiez chose parquoy au doy soyez monstree, ne que ayez villain reproche ; car se croire me voulez, nul fors que vous deux ne le saura. Il est tart d’aler dormir, ma damoiselle, Dieu vous doint bonne nuiyt. »