Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Une ado désœuvrée de 17 ans, psychiquement instable, se transporte dans une fiction de Jay Asher, « 13 Reasons Why », narrant le viol d’une écolière. Et si, elle aussi, comme l’héroïne, s’improvisait victime d’un abus sexuel ? Il lui faut un prédateur imprédictible, une histoire tellement incroyable, tellement énorme, tellement forte, que personne ne pourra douter de sa véracité. Avec l’aide de sa mère, elle trouve en la personne de Simon Darell celui qui endossera le rôle du pervers idéal. Ne reste que la mise en scène : une confession à la médiatrice scolaire, une description sordide d’agression sexuelle en mode « 13 reasons why ». La machine infernale s’enclenche...
À PROPOS DE L'AUTEUR
Philippe-Serge Weiss opte pour des études classiques avant de s’orienter vers le domaine de la finance. Toutefois, l’écriture a toujours été son émotion préférée. Par ailleurs, il est auteur de plusieurs livres dont
Visage de femme,
Chaque jour est une vie et
L’image et le mot.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 117
Veröffentlichungsjahr: 2022
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Philippe-Serge Weiss
Le mensonge
Roman
© Lys Bleu Éditions – Philippe-Serge Weiss
ISBN : 979-10-377-4912-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Il n’est pas de vertu que la calomnie ne sache atteindre.
William Shakespeare
Du même auteur
Chaque jour est une vie
, 2014, Edilivre Paris ;
L’Image et le Mot
, 2015, Rose de Claire Luxembourg ;
Visage de femme
, 2017, Publibook Paris.
Par ce frisquet matin du vendredi 20 mars 2020, une activité inhabituelle règne sur les berges de la Thièle, où des travaux d’aménagement sont en cours depuis 2 ans. Ils se déroulent sur un tronçon d’environ 2 kilomètres en amont de la cité thermale d’Yverdon-les-Bains. Le lit de la Thièle a été élargi de près de 20 mètres afin d’en abaisser le niveau. Parallèlement, les digues ont été renforcées et étanchéifiées. Objectif : sécuriser un site où les crues rémanentes mettent en péril l’agglomération Yverdonnoise et les terrains agricoles de la plaine de l’Orbe.
Des représentants des polices cantonales vaudoises et fribourgeoises sont sur place.
L’inspecteur Amaudruz, engoncé dans l’encolure de sa doudoune, maugréait dans sa barbe, contrarié par une brise incisive qui le mordait jusqu’à l’os.
Au bout de la gaffe du plongeur émergeait lentement, dans un glougloutement de bulles d’écume, le corps d’une femme blonde. Les ouvriers du chantier l’avaient découverte flottant au ras des eaux, coincée contre la berge par une souche dérivante.
Selon les premières constatations, protégé par une doudoune, des jeans épais et des bottines fourrées, le corps ne souffrait pas encore de décomposition. Par une seule bottine en fait, car l’autre manquait, laissant le pied nu et bleui. Quant à l’orifice sur le front du cadavre, il ne laissait aucun doute sur la cause première du décès. Du 7,65 à bout portant, décréta un policier agenouillé devant le corps, dont les bras en croix lui donnaient l’air d’une sorte de Christ expiatoire, calotte crânienne décollée.
Peu après, l’ambulance se frayait un passage prudent à travers la cohorte bariolée des ouvriers massés autour de la macabre découverte.
Pendant que des plongeurs sondaient la rivière bien au-delà du lieu de la découverte à la recherche de quelque indice, et notamment de la bottine manquante.
On retrouva celle-ci le lendemain, par une corde elle-même nouée autour d’une lourde pierre à l’autre extrémité. On n’aurait donc certainement pas retrouvé aussi rapidement la femme, si le courant de l’avait pas simplement déchaussée. Une pointure de trop sans doute…
L’inspecteur Amaudruz s’imagine la scène. Le coup de foudre pour cette paire de bottines de la dernière mode… Pas de chance, pas disponible en 38. Seulement en 38 ½. La cliente qui hésite. La vendeuse qui enfonce le clou… Ce serait dommage de vous en priver, Madame… vous savez, elles vous vont si bien… et puis avec une petite semelle… Affaire conclue.
Amaudruz pense à sa femme, à qui on avait aussi fait le coup de la semelle en novembre dernier. Les yeux de l’inspecteur se garnissent de larmes. Jocelyne Amaudruz n’achètera plus jamais de chaussures. La route l’a tuée. Un chauffard ivre plus exactement. Mille fois, il avait pensé lui faire, à lui aussi, un trou sombre dans le crâne, à ce salopard…
***
Aux abords de la Gare. Jeudi 16 janvier 2020
Dans le Gutleutviertel, le « Westhafen », dont les canaux lui ont justement valu le surnom de Venise de Francfort.
Au bar « Le Camé Léon », ambiance interlope, peuplé d’une dizaine de quidams aux visages floutés par la pénombre. Il est 23 heures.
À l’intérieur, l’homme fronce les sourcils, tente d’acclimater ses prunelles à l’obscurité.
L’air un peu, voire franchement ridicule, genre inspecteur Gadget, chapeau, imper au col relevé… lunettes fumées… Oui, clownement incognito. Officiellement, le bar est fermé. Mais l’homme a donné le code reçu via dark net au planton de service, un gorille massif aux mensurations franchement dissuasives.
Le Sésame a fonctionné, le voici donc dans la place.
Au bar, comme convenu, il demande Toni. Visiblement méfiant, le type, autre spécimen patibulaire, lui demande de la part de qui. L’homme répète, toujours comme convenu, le code web donné. Le type note et disparaît.
Cinq grosses minutes plus tard, il réapparaît et fait signe au visiteur de le suivre.
Une pièce blanchie à la chaux. Rigoureusement vide, si ce n’est, au centre, une petite table ronde au lourd pied de fonte, une chaise assortie. Au plafond, une ampoule électrique au bout de son fil… Le cerbère se plante devant l’homme, bras croisés. Énormes, les bras.
Et ajoute en désignant la chaise du menton :
Ambiance. Vu le but de son rendez-vous, l’homme ne s’attendait pas au tapis rouge mais là… il n’est pas rassuré. Mais alors pas du tout. Des fois qu’on voudrait lui faire le coup du timon frétillant…
Il se déshabille sans protester. En slip et chaussettes, il fait face au type, qui le regarde.
Ah bon… Calbar et chaussettes rejoignent la chaise.
Son sympathique compagnon passe derrière la chaise et commence à fouiller méthodiquement les fringues, sans quitter des yeux l’homme nu. Trouve rapidement l’enveloppe et son contenu de 1 800 Euros, qu’il lève au-dessus de sa tête :
Le type saisit son téléphone :
Il lui lance son paquet de fringues.
Pendant qu’il s’habille, une fille en deux pièces façon cabaret fait irruption dans la pièce et pose prestement un petit paquet sur la table. Avant de disparaître aussi vite : Pieds nus, elle s’évapore en silence, fugace apparition. À se demander si elle était vraiment venue.
L’homme ouvre le paquet, découvre l’acier bleuté de l’arme. Petit Beretta Tomcat.
***
Dès l’ouverture du bureau de poste de la Hauptbahnhof vendredi matin, l’Homme au look Gadget, ganté, s’envoya le petit colis qu’il avait confectionné dans sa chambre au Leonardo : une étiquette autocollante imprimée « Empfänger » avec son adresse, une autre au dos avec un expéditeur fictif, piochée dans le bottin.
Soulagé, il respira un bon coup avant de gagner la gare. Chapeau, gants et lunettes de soleil dans l’une des poubelles du quai. Un coup d’œil dans son portefeuille. Le billet, réservé sous un nom fictif, était bien là. Un petit quart d’heure avant le départ. Tout s’était bien déroulé, ou presque : il se serait bien passé de jouer les Chippendales.
***
Livré à l’intermittent et soporifique roulement du convoi, il s’assoupit dans un demi-sommeil laissant filtrer ses pensées grises. Un homme bafoué devait-il simplement tourner la page, ou tout au contraire « laver » son honneur façon Camorra ? Mais alors à quel prix ?
Demi-sommeil agité. Par moment, le front glacé d’une peur qui le réveillait, progressant en lui comme plante carnivore malfaisante.
L’obsédante ombre du meurtre. Tuer pour faire justice ? Pour se faire justice, puisque celle des hommes n’avait que faire de son cas ? Pardonner ? Non… Ça, non. Au-delà de ses forces. Continuer à vivre avec ce chancre chevillé au corps ? Pas davantage… Alors… Tout effacer peut-être ? Tuer, puis se tuer ? Presque séduisant… presque…
Dis, mon Étoile, si tu existes…
Comment fait-on, les pieds dans la fange d’un caniveau diabolique creusé par de viles âmes ; comment fait-on pour invoquer la quête du beau, du pur, de l’immaculé ? Comment fait-on pour dissiper les noirceurs fétides qui masquent l’horizon, qui asphyxient les respirations ? Comment fait-on pour débarrasser sa peau des squames de l’infamie ?
Comment fait-on, dans l’absolue certitude de son innocence, pour ne pas être souillé par la bave méphitique de l’affront, brûlé par le goudron nauséabond de l’opprobre ? Pour ne pas ressentir, au plus profond de son être, l’insidieux, douloureux, erroné besoin de déceler en soi l’infime parcelle de culpabilité justifiant, si peu que ce soit, la brûlure létale des flèches empoisonnées ?
Tiré de sa torpeur par le tintamarre d’une petite grêle. Le convoi traverse une vraie tempête ; l’épais rideau de pluie, déchiré par la motrice, vient se plaquer en lambeaux dégoulinants sur les fenêtres, rendant impossible toute vision extérieure. En face, unique autre passagère du compartiment, une trentenaire BCBG lui sourit poliment lorsque leurs regards se télescopent. Aucun mot échangé pourtant. Il l’imagine nue, lui souriant. En eut-elle conscience ? Son visage disparut derrière son « Psychologie Magazine ».
L’homme sourit en lui-même ; il se revoyait lui-même nu dans la pièce blanche et se demandait si sa charmante voisine l’avait aussi imaginé en pareille tenue.
Il tenta d’échapper à ces images en fermant les yeux. En vain. Cela ne suffisait pas à dissiper le parfum de la Petite robe noire, dont les assauts sensoriels l’atteignaient chaque fois qu’elle croisait les jambes. Son sexe exhortait l’homme à nouer contact. Pourtant, déterminé à ne pas risquer la ruine du charme ambiant, il restait muet.
Et puis, s’il avait affaire à une cinglée, une de ces « metoosiennes » prête à jurer qu’il avait tenté Dieu sait quelle agression ? C’est dans l’air du temps, ça !
Cette pensée moucha aussitôt la libido de l’homme, qui s’en retourna dans ses pensées, perdant jusqu’au bouquet de la petite robe noire.
Tous deux descendirent à Cologne, sous une pluie toujours battante.
La correspondance pour Bitburg était heureusement déjà en gare, l’homme s’empressa de s’installer dans son compartiment, encore désert.
Quelques minutes plus tard, bonne surprise. Une dame apparut dans l’encadrement de la porte coulissante, un superbe labrador noir en laisse.
Oh non, que ça ne le dérangeait pas, lui, un véritable amoureux des chiens ! Il empoigna la petite valise de la dame, la hissa sur le porte-bagages, la débarrassa de son manteau, sous l’œil vif et attendri de Noirette. Dès qu’il fut assis, la chienne, assise entre ses genoux, lui proposa une patte que l’homme saisit avec reconnaissance, au bord des larmes. Il était envahi d’une belle et saine joie, la plus belle ressentie depuis bien quelque temps. Les yeux bruns de Noirette, baignés d’empathie, sa jolie langue rose posée sur ses crocs blancs, son superbe poil noir lustré, qu’il caressait avec une vraie, forte, belle émotion.
Enchantée de constater cette rencontre si réussie, la dame raconta un peu l’énorme place prise par Noirette depuis la mort de son mari, emporté par le crabe après cinq ans de lutte héroïque. Soixante-cinq ans à peine… Soixante-trois pour elle.
L’homme imagina une minute avoir rencontré Noirette dans un refuge, l’avoir adoptée. Interminables promenades en forêt, culbutes dans les feuilles mortes, galopades au bord de l’eau ; l’oubli du monde et de ses turpitudes. Ses propres chiens avaient disparu bien trop tôt, il ne s’en était jamais vraiment remis. Et maintenant, il n’était plus certain de pouvoir supporter une nouvelle épreuve de cette violence. Quatre ans déjà qu’il était « orphelin » de chiens, se bornant à caressant ceux qu’il croisait, sans plus.
***
Depuis qu’il avait quitté la prestigieuse École des Sciences Criminelles de Lausanne, l’ESC, il y a 22 ans, l’inspecteur Jules Amaudruz en avait vu, des macchabées. Des vieux des jeunes, des hommes, des femmes… Et des enfants. Les cadavres de mômes, on ne s’y habitue jamais. Ça résiste à tout endurcissement. Chaque fois, un drame unique, qui fait mal, que cœur et corps refusent.
Ce 20 mars, accoudé au bar du Johny, parfois aussi appelé « la Maison Rouge », il sirote un whisky d’un air désabusé, le 3e; la mine fatiguée, le dos rond. Il est 18 h, ce soir, il va se cuiter un peu ; pas envie de rouler jusque chez lui à Lausanne. Il dormira à L’Hôtel du Théâtre, en ville d’Yverdon, où il a ses habitudes. Parfois accompagné d’une fille d’un soir. Mais pas ce soir. Son regard se perd dans la perspective des murs du Château. Floutées par les carreaux fatigués du vieux bar, ses tours imposantes, défiant le temps, insensibles aux humeurs changeantes de son environnement, veillent impassiblement sur la Cité depuis le XIIIe siècle.
À chaque nouveau meurtre, Amaudruz se sentait comme dépouillé d’une couche supplémentaire de sa peau ; plus frileux, plus fragile, plus sensible. Moins convaincu par le genre humain.
La veille, le mari de la victime, un petit artisan local, avait identifié son épouse reposant sur la table inox, sous le vaste drap vert. Le toubib, habitué, l’avait rattrapé avant qu’il ne tombe dans les pommes…
Ben oui… un visage ainsi troué, celui d’un proche en plus… Difficile…
La femme, âgée de 45 ans, laissait deux enfants, un garçon de 17ans, une fille de 19 ans.
Bien que la suite de l’enquête ne le concernât plus forcément, Amaudruz, poursuivi par l’image de ce front dévasté, ne pouvait s’empêcher de penser à ce crime. Drôle d’affaire. Cette histoire ne ressemble à rien, pensait-il… Sous le panneau représentant une cigarette barrée d’un gros trait rouge, il alluma une Gitane provocatrice sous l’œil indifférent du patron, qui lui planta un cendrier sous le nez… privilège de flic, pensa l’inspecteur.