Le messager de la terreur - Stanislas Kouadio N'Guessan - E-Book

Le messager de la terreur E-Book

Stanislas Kouadio N'Guessan

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Beschreibung

À la suite d’un sanglant coup d’État, un impitoyable dictateur règne dans un pays. Celui-ci est plongé dans un chaos inextricable où croissent népotisme, crise identitaire et toutes sortes d’injustices. Le peuple, las et recru, croupit sous une turpide ignorance encline aux divisions organisées par les politiques. Alors que le dictateur tient le peuple coi à travers la terreur, il surgit un homme sans identité, détenant des informations très sensibles pouvant nuire au régime dictatorial : Le Messager. Il est soumis à un interrogatoire intensif. Les hommes l’ayant torturé sont retrouvés morts les uns à la suite des autres, exactement comme prédits par ce dernier. Qui est-ce ? Que veut-il ? De qui est-il le porteur de message ?


A PROPOS DE L'AUTEUR
Avec Le messager de la terreur, Stanislas Kouadio N’Guessan entend mêler imaginaire et raison pour critiquer les pires injustices. Cet ouvrage est l’expression sublime de sa passion littéraire.

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Seitenzahl: 252

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Stanislas Kouadio N’Guessan

Le messager de la terreur

Roman

© Lys Bleu Éditions – Stanislas Kouadio N’Guessan

ISBN :979-10-377-5511-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Hertha Lauraine et maman Simone, je vous aime très fort…

À mon ami et frère Guy Stéphane Ulrich dit « Tétao »,

pour tous les conseils, les critiques, l’amour et le soutien.

Un État est policier lorsque sa justice cesse d’être un service public ayant pour tâche d’assurer la paix sociale pour devenir un instrument du pouvoir avec pour principal objectif le maintien de celui-ci par le biais d’un asservissement contrôlé du peuple.

Mikhaïl W Ramseier, Cosaques, 2009

Prologue

Il était minuit passé de quelques minutes. La nuit était glaciale. Dans cette nuit sombre et glaciale apparut une ombre. Une ombre lente et froide, qui glissait silencieusement sur le feuillage, présageait quelque chose de lugubre. Un homme. Un homme d’une trentaine d’années, d’une apparence négligée, le regard chargé d’assurance, les épaules redressées, menton relevé. Devant lui, un immense local à l’aspect négligé, très peu éclairé, barricadé d’une grille de fortification. Sur la grille étaient accrochées de petites plaques jaunes sur lesquelles étaient écrites en rouge vif des expressions laconiques à forme injonctive : « Accès interdit ! » « Attention danger ! » « Interdit à toutes personnes étrangères » « Stop ! », etc. Des caméras de surveillance. L’homme soupira et d’un air décidé, il s’approcha de la grille. Il se rendait bien compte du danger, mais il était décidé.

Le bâtiment en face parut plus immense que celui de ses vieux souvenirs. Le bâtiment avait maintenant l’air d’un grand entrepôt abandonné ou d’une ancienne fabrique. Une vieille fabrique au milieu de nulle part, entourée de caméra de surveillance. L’homme savait que c’était de la poudre aux yeux. Le bâtiment était plus important qu’on aurait voulu le faire croire. À quoi servait-il ? Qu’est-ce qui s’y tramait ? L’homme savait. C’était nul doute la raison de sa présence. Il savait également le danger d’une telle audace. Mais la mort n’était plus pour L’homme une crainte ni la douleur qui peut parfois la précéder. Autrefois, il en avait eu peur comme tout le monde. Mais ces dernières années, il s’était tellement accoutumé à cette peur qu’elle en a fini par disparaître. À maintes reprises, l’homme avait regardé dans les yeux la mort et côtoyé la douleur. Maintenant, elles lui étaient si familières. Maintenant, elles étaient devenues ses amies.

L’homme posa ses vêtements à ses pieds. Il garda ses grosses lunettes rondes, sans lesquelles il ne voyait qu’approximativement. Il pensa une dernière fois à l’ampleur du mal qu’il s’apprêtait à commettre. On s’en souviendra des siècles durant. L’homme jeta un regard dans le ciel sombre et tint une prière laconique, non pour lui, mais pour l’âme de ses prochaines victimes. Voici les ténèbres arrivent, cette nuit sera le début d’une très longue nuit…

Service de Renseignement de la Padoras,

05 mai dernier

Rapport du directeur du service de renseignement, M. Silué Martin.

À l’attention du Général Kassum Kala, Ministre de la Défense et de la Sécurité nationale.

Objet : CONFIDENTIEL

Cher monsieur Kassum,

Dans la nuit du 23 avril dernier, aux environs de 01 heure du matin, nous avons appréhendé un individu, un jeune homme à peine la trentaine, à l’aile ouest d’une de nos bases les plus secrètes. Il tentait de s’infiltrer dans nos locaux. Interpellé, l’individu s’est laissé appréhender sans opposer la moindre résistance, tout de suite il a demandé à vous parler « il sera intéressé de savoir ce que je sais », a-t-il affirmé. Nous l’avons soumis à un interrogatoire mais l’individu est resté muet comme une tombe.

Nos agents n’ont rien pu trouver sur lui, ses empreintes digitales ne figurent ni dans nos bases de données ni dans celles de la police. Il était sans permis de conduire, ni carte d’identité, ni passeport. Il semble sorti du néant.

Nous l’avons donc transporté dans l’une de nos prisons fantômes où il a subi un interrogatoire intensif. Nous avons préalablement conclu qu’il s’agissait d’un étranger sans abri. Toutefois, et c’est ce qui motive ce courrier, Il prétend connaître l’assassin de votre prédécesseur, et détient je ne sais comment, des informations très sensibles.

Il dit être porteur d’un message dont vous êtes le destinataire. Pour en savoir plus, nous l’avons soumis à un interrogatoire poussé. Les trois agents secrets qui ont procédé à l’interrogatoire intensif ont été tous retrouvés, le lendemain, morts. Tous les trois se sont suicidés. Comme il l’avait prédit pendant son interrogatoire. Étrange n’est-ce pas ? En tout, nous avons perdu sept agents depuis son arrestation. Tous les sept ont interrogé l’individu. Deux des suicides ont eu lieu dans nos locaux. Plusieurs questions sont restées sans réponses comment a-t-il pu éliminer nos agents au sein même de notre agence ? Avec l’aide de qui ? Et comment ? Comment sait-il toutes ces choses ? Car supposez-vous que l’individu en question sait d’une façon très précise qui nous sommes, et comment nous fonctionnons, nos modes opératoires…

Il connaît également tous les emplacements de nos prisons fantômes chose que ne sait qu’un nombre très restreint de personnes. Chose encore plus étrange l’individu connaît les noms de nos agents secrets, et nos missions classées secrets défenses, il sait ma véritable identité. Il sait également des choses sur vous.

Des sept personnes mortes, il a prédit à chacune le jour, l’heure et l’endroit du décès. J’ai donné l’ordre à l’agent Simmons de l’éliminer, l’agent Simmons est mort d’un arrêt cardiaque à quelques minutes de cette mission. L’individu n’a rien mangé depuis près d’une semaine. « Si vous me tuez, tout ce que je sais sera divulgué », a-t-il affirmé après le décès de l’agent Simmons. Comme vous l’aurez remarqué, votre présence dans nos locaux, les jours à venir, est impérative.

Veuillez recevoir, monsieur le Ministre, mes salutations les plus distinguées.

Le Directeur

Silué Martin

1

Il y a six mois

Les coqs chantaient depuis un moment, les columbidés avaient quitté leurs arbres et s’étaient lancés à la quête de leur première pitance matinale. Au sommet des acacias et des hêtres, les rossignols, de leur voix suave, chantaient la naissance du jour, qui ne s’annonçait que par une faible lueur délavée sur l’horizon. La Padoras, leur pays était au bord d’une crise. Ou plutôt c’est l’impression qu’on en avait. C’est peut-être une erreur. Bientôt vingt-cinq ans et la même impression. Tout a commencé par un coup d’État il y a vingt-cinq ans. Il y a vingt ans, les services secrets d’une puissance étrangère aidèrent un groupe d’opposants politiques influencé et manipulé, à renverser le président d’alors Georges Essoun.

Georges Essoun était un président intransigeant. Il avait une politique qui offusquait les multinationales et les vautours qui les accompagnent. Essoun croyait à son identité, à sa culture et aux valeurs des Siens. Il était de ceux qui croyaient encore et toujours aux valeurs des siens qui, le soir venu, racontent à leurs enfants qu’une destinée lumineuse attend ce peuple Noir, noir par la destinée. Ceux qui pensent que le développement des nations noires ne se fera pas sans les Nègres. Essoun luttait obstinément et sans relâche contre le néocolonialisme, l’impérialisme déguisé, l’ignorance institutionnalisée, la politique de la main tendue, le complexe d’infériorité face à l’homme venu d’ailleurs, les hommes d’une autre rive…

Les hommes d’une autre rive, les Blancs Les colonisateurs d’hier, les amis d’aujourd’hui. Ils étaient venus, il y a plus d’un siècle, progressivement, guidés par une envie vorace, un besoin de richesse devenu impératif, un esprit de compétition toujours grandissant entre eux… Ils ont quitté leur monde appauvri, froid et calme, pour un autre, un monde riche, chaud et tumultueux. Sur ces nouvelles terres à l’orée du soleil, ces hommes ont trouvé des hommes différents, restés encore proches de l’état sauvage. Du moins, c’est l’analyse qu’ils en ont faite. Insidieusement, honteusement, inhumainement, ils s’étaient rendus maîtres des lieux, réduisant à l’esclavage et même à l’état de bête les indigènes. Qui étaient les sauvages ? Qui étaient les civilisés ? De ceux qui vivaient en harmonie avec la nature dans le plus grand respect des valeurs humaines et morales et de ceux venus d’ailleurs pour spolier, violer, tuer et réduire en esclavage une espèce humaine dans le seul but de s’enrichir et de démontrer sa puissance ? Qui d’entre ces deux espèces humaines était la plus civilisée ? Si tant est qu’ils eussent la même compréhension du terme. Ce terme creux, vide de sens, plein de prétention, un beau mot pour dire quelque chose de complexe. Une réalité à géométrie variable.

Aujourd’hui, le passé, ce passé est loin, très loin des évènements actuels mais par moment déterminant. Puisque ceux qui ont spolié officiellement hier, le font aujourd’hui officieusement sous un autre angle et avec des hommes qu’ils ont conquis à leur guise. Des traîtres. Des politicards. Des égoïstes qui pensant à leur unique ventre, vendent au plus offrant la destinée de leurs propres frères, de leur propre peuple.

Georges Essoun s’était mis à dos tous les barons du néocolonialisme, ces puissances étrangères qui règnent en seigneurs et maîtres sur la scène politique internationale. Il ignorait cependant l’étendue de leur pouvoir. Georges Essoun les croyait qu’une simple horde de vautours, à la recherche de charogne. Il ignorait que ses ennemis étaient bien plus que des charognards. Ils savaient chasser mais aussi exploiter les faiblesses de leurs proies pour en venir à bout. Ils savaient aussi parler, façonner la vérité, la réalité, à travers des discours mielleux. Et ils le faisaient toujours avec aisance. C’était pour eux un véritable jeu d’enfant. Georges Essoun les avait sous-estimés. Aussi n’a-t-il pas eu le temps de regretter son erreur que son propre bras droit le poignardait dans le dos. Son ami d’enfance celui en qui il avait le plus confiance, instrumentalisé par ses ennemis se retourna contre lui.

Aujourd’hui, d’une main de fer le président Biantèh dirige le pays dans la discrimination, la division, la terreur, le népotisme et la xénophobie. Dans une atmosphère propice où évolue et croît toujours le néocolonialisme.

Vingt ans après, cette scène le hantait toujours. Le regard apeuré de ses victimes, le sang, les balles, les visages crispés à jamais dans la douleur, les regards figés dans l’inconnu… Tout lui revenait. Absolument tout. Surtout cette nuit-là. Cette nuit du 22 février. Les coudes sur une table poussiéreuse, la tête entre les mains, John Old repensait encore à sa vie d’antan. Les remords l’avaient encore, comme c’était le cas depuis vingt ans, tirés de son sommeil. Il n’était pourtant que quatre heures du matin. Pas de rédemption, pas de paix, pas d’ataraxie quand on se nomme John Old, et qu’on a un tel passé. Un passé rempli d’horreurs et de ténèbres. John Old le sait, et c’est là sa plus grande peur, les ténèbres vont et reviennent. Mais qu’est-ce qu’un homme d’une soixantaine d’années comme lui peut bien craindre ?

Les yeux verts et vifs, le visage blême, le dos voûté, la peau blanche et ridée, le crâne rasé, John Old avait bien changé avec l’âge. Heureusement qu’il conservait toujours son allure sportive, sa forme athlétique. Les choses n’ont jamais été simples pour John Old. Les choses ne le sont jamais lorsqu’on est appelé à vivre dans la fausseté pour appréhender le mal. Lorsqu’on possède autant d’identités, de passeports, de facettes, de vies, de professions au point de ne plus savoir qui on est réellement. John Old était monsieur tout le monde il pouvait se faire passer pour n’importe qui. C’était là la marque des services secrets, des espions comme lui. Il avait assassiné un homme et sa famille et depuis lors, il n’est plus redevenu le même homme. Ce jour-là, ce 22 février-là, John Old et ses hommes ont commis une double erreur qui sûrement les rattrapera un jour.

Il était à peine six heures du matin, la brise glaciale soufflait sur la campagne. Emmitouflé dans son lit, Blécon s’était réveillé depuis un petit moment. Avant que la grande horloge n’indique six heures, il avait les yeux grands ouverts. Prêt à se lever, prêt à se rendre au boulot. Mais il comprit en jetant un coup d’œil à la fenêtre qu’il était dans sa villa dans les montagnes en vacances. Il poussa un petit cri de soulagement, puis se recoucha. Il couvrit son maigre corps, seule sa tête, sa calvitie, restait à découvert. Mais il ne put retrouver le doux sommeil auquel il s’attendait. Aussi ses pensées volaient-elles vers un passé lointain.

Blécon n’aimait pas beaucoup ce passé-là. Mais il lui devait toutes ses richesses, ses buildings et même son poste de ministre de la Défense et de la Sécurité nationale. Lui Blécon simple conseiller politique il y a vingt-cinq ans était devenu l’un des hommes les plus puissants de la Padoras et même du continent. Mais, Blécon n’était nullement fier du chemin qu’il avait emprunté. Cette trahison qui l’avait conduite à cette gloire venait régulièrement le hanter.

Blécon avait beau se dire que cette trahison était logique, normale, juste, mais sa conscience intérieure en démentait toujours. Ces analyses introspectives et rétrospectives le culpabilisaient à tel point que pour se justifier il les rendait sélectives, partielles et quelque peu partiales. Mais n’empêche que c’était lui qui avait trahi le président Georges Essoun, son ami d’enfance. « Je ne savais pas qu’il te tuerait toi et toute ta famille… je ne le savais pas… je ne le savais pas… » se murmurait quotidiennement le ministre depuis ce 22 février, depuis plus vingt ans, même dans son sommeil, il répétait toujours ces phrases, qui étaient devenues son refuge contre les harcèlements de sa propre conscience. Ces phrases étaient son leitmotiv, sa prière, son excuse pour avoir trahi un ami fidèle.

Fidèle, son épouse avait divorcé de lui, elle ne supportait plus la vue de l’homme qu’il était devenu. Celui capable de trahir et de conduire à la mort leurs témoins de mariage le couple présidentiel. Fidèle avait quitté Blécon, elle qui avait été le témoin oculaire des grâces et faveurs du président Georges Essoun à leur encontre se sentait coupable au côté de Blécon.

Il ne pouvait se passer de jour sans que Blécon ne pense à la douceur, à la beauté et au bonheur de la vie passée au côté de Fidèle. Toutefois, ces beaux souvenirs finissaient dans un élan perpétuel par se fracasser en se répercutant sur le souvenir de l’assassinat du président Essoun, son épouse et ses trois enfants.

Il arrive à Blécon de penser encore à ces trois enfants, lui qui ne pouvait en avoir les avait considérés comme siens. Et ces enfants l’aimaient énormément. Blécon aurait parié que Georges Essoun Junior, Yasmine Essoun et René Essoun l’aimaient plus qu’ils n’aimaient leur propre père. Il se souvint souvent avec un léger sourire l’accueil chaleureux et attentionné qui lui était réservé par ces enfants. Ces enfants, qui se précipitaient sur lui pour qu’il leur portât à tour de rôle. Sa venue mettait toujours de bonne humeur ces petits enfants. Blécon savait s’y prendre avec eux, il savait les écouter, il savait les persuader et les dissuader. Son doux caractère était sans doute ce qui attrayait le plus les enfants.

Ces dernières années, Blécon avait ordonné un nombre incalculable de missions secrètes dont il n’était point fier. Des tueries de masse déguisées, des assassinats de leaders politiques opposants, de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme… Il éliminait toutes les menaces, toutes les éclaboussures comme les appelait le président Biantèh. Blécon avait des oreilles aux quatre coins du pays, les services secrets le tenaient informé de tout. Il avait des espions partout, des agents secrets qui passaient au peigne fin la société pour dénicher le moindre récalcitrant au pouvoir.

Le pays regorgeait de plusieurs prisons secrètes, à plusieurs endroits insoupçonnables. C’est là que les services secrets torturent jusqu’à ce que mort s’ensuive les journalistes, politiciens, artistes et autres qui osent critiquer le pouvoir de Biantèh. Ces services secrets, ces chiens dressés, discrets, enragés étaient les yeux et les oreilles de Blécon et du Président Biantèh. Ils sont en étroite collaboration avec la police, la gendarmerie, la douane. Leurs tâches, la surveillance des partis politiques, des organisations, des syndicats, des associations, des religions, de l’internet et des réseaux sociaux. Pour réussir leurs missions, ils s’étaient convertis en des gens ordinaires, des « monsieur tout le monde ». C’étaient des agents commerciaux, des pasteurs, des professeurs, des docteurs, des journalistes, des mendiants, des étudiants, des femmes de ménage, etc.

Ces agents secrets travaillaient dans la plus grande des discrétions, au point où leur existence semblait un mythe pour plusieurs. « Ces choses-là n’existent que dans trois endroits, chez les grandes puissances, dans les films et les romans policiers », avait répondu Blécon le ministre de la Défense et de la Sécurité nationale lors d’une interview. Pourtant « ces choses-là » comme il les appelle enlevaient d’honnêtes citoyens, épiaient tout le monde. « Ces choses-là » avaient des bases secrètes sous des supermarchés, des fabriques, des entrepôts, etc. malheureusement, personne n’avait, après avoir découvert leur base, vécu assez longtemps pour en témoigner.

Ils étaient en connivence avec les services secrets de la plus grande puissance mondiale, ceux qui, il y a vingt-cinq ans, renversaient le président Essoun. Ces services de renseignements par le biais de viles personnes comme Xavier Assimyo, Kamo-Kama, Kassum Kala avaient détruit la vie de personnes brillantes comme Zaraka, dont le village a été récemment incendié.

Blécon avait institué un règne de la terreur pour maintenir Biantèh au Pouvoir. La Padoras, noire par sa couleur de peau, noire par sa destinée obscurcie par l’avidité des hommes sans foi ni loi. Un État sauvage, un État encore à l’état sauvage, qui joue sur l’apparence et jouit d’une démocratie mal articulée. Le Président Biantèh, le Ministre Blécon et le Général Kassum Kala avaient transformé le pays en une prison, en prenant soin de sauver les apparences.

2

Kassum Kala était le Général de l’armée de la Padoras. Bel homme, quinquagénaire, né dans l’Est de la Padoras, Kassum Kala était d’une prestance impressionnante et d’une somptueuse éloquence. C’était également un homme courageux, intrépide, impavide, cruel et impitoyable, un homme dont les crimes commis dans l’ouest du pays étaient connus de tous, viol, rapine, carnage, génocide… Il était l’un des hommes de confiance du président de la République de la Padoras, Biantèh. Partout dans la Padoras, il était considéré peu ou prou comme un héros de guerre, un valeureux guerrier, un justicier, un digne fils du pays.

Ce portrait hagiographique de Kassum Kala s’accentuait plus dans la partie Est du pays qui en avait une conception épique. En cette partie-là qui l’avait vu naître, « Kassum Kala » était devenu un hagionyme, mieux une sorte de dieu vivant. Il fut à maintes reprises décoré, honoré par le Président Biantèh, il était, celui qui avait mis fin aux soulèvements des peuples opprimés de l’Ouest contre le régime dictatorial et inique de Biantèh. Il avait même poussé à l’exil plusieurs citoyens du pays parmi lesquels figuraient d’éminents journalistes, artistes musiciens, politiciens…

En vérité, Kassum Kala avait été nommé injustement Général, comme ce fut le cas de toutes les autorités, pour avoir écrasé les adversaires du président Biantèh. Sectateurs d’une étroitesse d’esprit lui et le président Biantèh étaient convaincus de la supériorité des peuples de l’Est sur ceux de l’Ouest. Simplement parce qu’ils viennent tous deux de l’Est du pays, la Padoras. Cette politique d’esprit sectaire prônait la catégorisation des individus, le culte de la personnalité et de la différence. Cela conduisit aux maintes séditions des peuples opprimés, marginalisés, rejetés par cette politique peu conforme à la morale. La grande sédition fut fortement et cruellement représaillés par les soldats de Kassum Kala. Cette sédition aboutit le 22 juillet à un carnage, un génocide sans précédent. Tous les chefs des partis politiques provenant de l’Ouest furent tous occis par les hommes du Général Kassum Kala. Ce malheureux évènement resta indélébilement figé dans les souvenirs de chacun. Après cela, les peuples de l’Ouest se tinrent cois désormais recroquevillés dans leur jungle. D’autres s’étaient exilés au pays des hommes d’une autre rive.

Kassum Kala fut décoré par le président Biantèh pour avoir fait honneur à la nation en rétablissant l’ordre. Il devint populaire et épousa à la même année Madeleine Boy une avocate de renommée internationale. Ces deux-là s’aimèrent et partagèrent les mêmes convictions politiques. Leur mariage fit le tour de la Padoras, tous les journaux, toutes les chaînes de télévision en parlèrent. Ce fut le mariage du siècle. De cette osmose sadique sortirent deux merveilleux enfants Kassum Maxime et Kassum Carine.

La politique de la Padoras était piédestalisée sur le culte de la personnalité. Les hommes politiques étaient tous des adeptes du culte de l’égocentrisme, mais le peuple analphabète ne voyait pas les choses de cet œil-là. Pour ces innocents ignorants Kassum Kala était un héros et Biantèh un messie. Les discours politiques sans éthique d’inspiration haineuse avaient, dans le cœur des peuples de l’Est, engendré une immense haine envers ceux de l’Ouest. Diviser pour mieux régner, tel était le slogan inavouable et inavoué du président Biantèh.

Le bonheur semble toujours nous donner l’impression de se trouver dans ce qui nous manque, dans ce qui nous fait défaut. Simple illusion. Mirage attrayant. Vils rets de notre vaine et dangereuse volonté de puissance. Dans ce monde-ci le bonheur, n’est juste qu’une impression. Kassum Kala le savait très bien et pourtant comme les autres, il avait mordu à l’hameçon. Depuis ses quarante-huit ans, il était Général et chef d’État-major de la Padoras. Il avait deux enfants et une magnifique épouse. Mais depuis quelque temps, cela lui semblait peu, très peu pour être véritablement heureux.

Aussi, en dehors de son épouse, Kassum Kala avait des maîtresses, non des moindres. Il ambitionnait également devenir ministre, ministre de la Défense et de la Sécurité nationale. Mais ce poste était déjà occupé, et ce depuis plusieurs années par Blécon. Kassum Kala savait que ce poste de ministre lui reviendrait tôt ou tard, vu les services rendus au président Biantèh sans oublier l’excellente relation qu’il entretenait avec la première dame Élisabeth Biantèh.

Dans un État comme la Padoras, dirigés par des hommes aveuglés par le pouvoir, il arrive des choses sordides. Et Kassum Kala avait plus d’une fois souillé ses mains pour le maintien du président et du parti au pouvoir. Il devait son poste, ses richesses, son rang grâce à des crimes odieux perpétrés en toute impunité. Comme Blécon, lui aussi avait trahi un ami mais contrairement à Blécon lui ne ressentait aucun remords. Kassum Kala n’avait aucun ami, seulement des hommes avec qui il partageait un intérêt commun mais ces intérêts même ne suffisaient pas pour l’empêcher de les trahir. Sa seule douleur était le décès de son neveu, assassiné, il y a peu. Kassum Kala avait remué terre et ciel pour retrouver les assassins de son neveu. Cependant, il n’en avait eu nulle trace de ces criminels. Aussi donnerait-il n’importe quoi pour les retrouver et les punir.

Les villes de la Padoras, tout comme ses hameaux se réanimaient avec leur clameur habituelle. Likéclaman, village de Blécon, village près des montagnes n’en faisait point exception. Les femmes s’étaient réveillées, les coups de pilon, des marivaudages et des pleurs d’enfants se faisaient entendre. Elles balayaient soigneusement les cours, préparaient ensuite le petit déjeuner tandis que d’autres allaient et revenaient du marigot, bassines sur la tête, corps mouillés, pieds ensablés. Elles allaient et revenaient jovialement sans le moindre murmure plaintif. Près des foyers de feu, l’on pouvait apercevoir de vieilles mères grelotter tandis que dans les cases vautrées dans la douce pénombre gîtaient sur les grabats, les hommes tenaillés par la fatigue de la veille.

Lui, l’agent X devrait le faire. C’était sa première mission sur le terrain. Il stressait à l’idée de décevoir son officier traitant. Une cible de cette envergure était toujours mieux protégée et difficile à atteindre. Mais il devrait le faire, il devrait réussir ou disparaître à jamais. Les noms sur sa liste noire lui vinrent à l’esprit dans l’ordre suivirent des heures. Le premier nom : Blécon 9 h 15 minutes. Pourquoi le ministre Blécon ? Pourquoi 9 h 15 minutes et non 12 h ou 13 h ? Pourquoi ces personnes et pas d’autres ? Pourquoi des personnes aussi importantes ? qu’ont-elles fait ? L’agent X n’en savait rien. Toutes les dispositions avaient été prises pour liquider ces cibles.

La voiture de l’agent X roulait à vive allure sur cette voie déserte qui mène dans les montagnes du nord. Il était à peine sept heures. Il lui restait encore deux kilomètres à parcourir. Il jeta un court regard sur sa montre et s’aperçut qu’il était en avance d’une heure, il ralentit et baissa la vitre pour observer la belle vue qu’offrait la forêt Zan, cette immense jungle.

La forêt qui de gauche comme de droite bordait la route était sombre et touffue. Elle était garnie de ronces de broussailles et regorgeait plusieurs espèces animales et végétales. On pouvait voir aux pieds des gros acacias, des acajous et des ormes, les muguets, les pervenches, les bruyères, les violettes, les anémones, les primevères… qui ornaient et embaumaient la forêt. Dans le tréfonds de la forêt provenait toutes sortes de cris. Aux cimes des acacias et des acajous, certains oiseaux rapaces criaient leur désarroi. Les écureuils parcouraient les branches des frênes et des palmiers et le cri des orangs-outans et des ouistitis retentissaient et remplissaient la forêt. C’était une véritable jungle. L’agent X poursuivit son chemin et finit par garer la voiture dans une clairière. Il ouvrit le coffre et prit « le messager » avant de s’enfoncer dans les montagnes.

L’idée d’habiter une villa dans les montagnes le révulsa soudainement, « une proie facile pour n’importe quel tireur d’élite », pensa-t-il. Il était neuf heures.

Il était neuf heures du matin et Blécon nonchalamment s’était traîné dans la salle à manger. Les employés s’étaient assurés de tout. Le ministre aimait à prendre toujours seul son petit déjeuner. C’était ainsi depuis son divorce d’avec sa douce épouse Fidèle Blécon. Blécon pensait encore à cette information qu’il venait de recevoir des services secrets. Et la discussion qu’il avait eue avec le Général Kassum Kala. Le salaud n’a même pas osé nier. Soliloqua le Ministre. Que fera le Président lorsqu’il apprendra une telle information ? Il soupira. Je devrais lui dire, l’homme en qui vous avez le plus confiancevous a trahi en… Blécon se souvint que lui aussi était un traître. C’est peut-être pour cette raison qu’il n’arrivait pas à informer le Président. C’était sans doute la raison de son mutisme sur ce gros scandale. Le Président n’en survivrait pas du choc émotionnel.

Il n’a pas osé nier. « Le président, vous et moi, sommes les trois hommes forts de ce pays, le pays ne tient que grâce à nous. Si le président venait à être au courant de cette information, il en résulterait plus de mal que de bien et pour le président et pour le pays. Pensez-y bien monsieur le ministre, vous êtes un homme intelligent et je vous fais entièrement confiance pour prendre la meilleure des décisions », a-t-il affirmé, Kassum Kala. Il n’y avait ni regret ni remords qu’on pût sentir dans ces dires. C’est dire que même de ses fautes, erreurs et trahisons le Général Kassum Kala tirait un mesquin plaisir, une roturière fierté qui ne pouvait être comprise sans une bonne appréhension des méandres de sa psychopathie. Blécon fut surpris de la froideur du général qui eut l’air d’ignorer la gravité de sa trahison.

La salle à manger offrait une agréable vue sur les montagnes, sur le beau paysage de la campagne, où l’air doux et frais par ses caresses sur le corps fait voler l’esprit. Devant Blécon, une grande et large table savamment ornée sur laquelle une garniture de petits déjeuners les plus prisés, les plus appétissants.

Quand Blécon souleva la tasse de café pour la porter à sa bouche, l’horloge de la salle à manger indiqua 9h 15 minutes. Un petit bruit à la vitre qui donnait sur les montagnes et la tasse de café se fracassa sur le carreau en marbre qui recouvrait le sol de la salle à manger.

Le messager avait envoyé le message. L’agent X pouvait donc le démonter et le ranger. Un petit sourire sur sa face. Un sourire de satisfaction. Dans un ensemble de mouvements prompts, maîtrisés, mécaniques, un réflexe instinctif, l’agent X quitta les lieux sans laisser la moindre trace de lui, tel un fantôme.

Sous le regard impuissant des employés, qui s’étaient tous précipités dans la salle à manger après avoir entendu le fracas d’une tasse qui volait en éclat, Blécon s’était éteint à jamais. Son visage crispé, figé dans la douleur tenait le juste milieu entre la surprise et la peur. Douleur. Surprise. Peur. Son visage était à l’image de ce qu’a été sa vie. Dans cette marre de sang, le front percé, plongé dans un mutisme narcissique et barbant, Blécon d’un ton qui ne souffre d’aucune ambiguïté avait fait ses adieux. Ses gardes et ses domestiques n’ont guère eu le temps de comprendre…

Comme une traînée de poussière très vite la nouvelle se propagea. La nouvelle de la mort du ministre de la Défense et de la Sécurité. Cette nouvelle fut diversement accueillie par les politiques et par le peuple. Tandis que certains comme le président Biantèh s’inquiétaient de ce que peut cacher un tel assassinat, d’autres comme le Général Kassum Kala et la première dame Élisabeth Biantèh s’en réjouissaient.