Le monde de Juda - Tome 1 - Alain Lella - E-Book

Le monde de Juda - Tome 1 E-Book

Alain Lella

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Beschreibung

Dans une quête déchirante de rédemption, Juda renaît à travers une multitude de formes de vie, engagé dans une lutte acharnée contre les forces des ténèbres incarnées par Satan. Investi d’une mission cruciale, il traverse ciel, terre et océans, affrontant les méandres de l’existence pour restaurer un équilibre précaire. Chaque épreuve, chaque assaut des puissances maléfiques le pousse à ses limites, mais il puise sa ténacité dans le soutien d’alliés courageux et dans une foi vacillante, pourtant indomptable. Cette odyssée mystique transporte le lecteur dans un univers où le merveilleux, le sacré et le fantastique s’entrelacent pour créer un tourbillon d’émotions et de révélations. Page après page, l’intrigue invite à explorer l’inconnu, immergeant dans une quête intemporelle où l’âme humaine affronte ses peurs les plus profondes et cherche la lumière dans l’obscurité.

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Veröffentlichungsjahr: 2025

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Alain Lella

Le monde de Juda

Tome I

Roman

© Lys Bleu Éditions – Alain Lella

ISBN : 979-10-422-5807-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Mon monde

— Holala ! Là ! Là ! Cette vieille machine recommence à grincer. Sait-elle au moins qu’elle roule depuis plus de deux mille ans ? Pauvre de moi qui ai pris des kilos sans précaution. Il m’avait prévenu ce vieux grincheux de Martial. Ce médecin qui, depuis une décennie, me donne toujours ces mêmes comprimés qui ne servent à rien, sinon qu’à enrichir cette vieille Huguette qui n’a plus besoin d’une ordonnance pour me servir ces saletés de gélules bleues qui m’évitent, comme ils le disent, de mourir dans la rue comme un pauvre clochard. Comme si cela était possible me concernant. Ce corps qui se permet des choses avec moi. Personne à qui parler, mis à part cette commère de Jacquie qui irait tout de suite déformer mes propos. Qu’y puis-je ? Elle est la seule aujourd’hui qui, de temps en temps, me permet de rêver un peu sans effet entre mes vieilles cuisses aux muscles flottants sous cette peau mienne qui autrefois était nourrie d’une huile spéciale. La consolation pour moi est que je pourrai rajeunir à mes nouvelles fonctions sur ce continent que je connais si bien.

Ah, que le ciel court trop vite sans qu’on y fasse attention. Et que de missions ?

— Jacquie ? Où peut-elle encore avoir été ? Et puis, merde, j’ai besoin d’un bon petit verre et d’un bon vieux jazz de cette époque où l’on faisait de la vraie musique et de vraies teufs comme disent ces jeunes de cette génération en mutation à tout point de vue. Souvent, dans le bon sens du terme, mais la plupart des aspects nous font découvrir nos échecs comme béquilles pour tous ces enfants qui passent la vie. Mais au fait, elle est là parce que je le veux et que je la paye quand même ?

— Où peut-elle bien être, cette commère ?

— Jacquie ? Jacquiiiiie ?

— Oui, monsieur !

— Où êtes-vous ?

— Je prépare votre bain, monsieur !

— Eh merde, il est déjà presque onze heures ?

— Chère petite dame, tu me laisses prendre mon bain avec Louis en fond sonore et je te laisse rentrer plus tôt aujourd’hui ? Juste un temps avec mon vieil ami Louis !

Ah, ce monsieur que j’ai suivi partout dans le monde afin d’écouter sa splendeur, sa superbe, son majestueux, son génie, qu’est-ce qu’il m’a permis de pécho les meufs, il avait fini par se douter qu’il fut possible que ce fût moi dans tous ces différents corps qui lui demandait un auto-gribouillage avec toujours, la même voix unique de l’homme à la Harley.

— Encore dans vos nombreux souvenirs, je suppose ? Vous savez que vous n’avez pas le choix, vu que, avenirs, il n’y en a vraiment plus, cher monsieur « je sais tout ». En fait, non, monsieur, pas vraiment besoin de rentrer tôt, mon mec est à la maison avec les enfants, on est mercredi aujourd’hui.

— Zut ! Encore raté. Mes bouteilles de vin ont disparu. Tu ne les aurais pas vues par hasard ? C’est à toi que je parle, ma belle emmerdeuse qui empêche que je jouisse du pouvoir de cette divine musique qu’est le jazz américain.

— C’est prêt, monsieur, vous voulez un coup de main ?

— Oh, jeune fille, que nenni, je ne la fais pas encore dans mon froc, je peux encore me passer du savon sur la peau.

— OK ! Mais en cas de chute, je ne suis en rien responsable, monsieur.

— Oh ! Oh ! Oh ! Il n’est que onze heures et le raisin pressé et fermenté n’est pas encore passé par là. Je suis donc sobre, ma belle.

— Au fait, mon fils ? Il passe quand, ce petit con ?

— Samedi, monsieur.

— Ah ! Le salaud, il ne me prendrait pas pour sa troisième maîtresse par hasard ?

— Il sera là le samedi, monsieur. Allez prendre votre bain pendant que je vous prépare le verre de la mise en appétit.

— Eh ! Au fait, le dernier, il contenait trop de jus. On ne sentait rien de réveillant. Et ce sale temps qui me cloue à la maison. Je négocierai un peu de soleil avec le grand maître plus tard quand le petit sera là.

— Bon, j’y vais avant que la température de l’eau ne baisse. Augmente un peu plus la dose de ce que tu sais. Je ne bois jamais de jus sans.

— Bien, j’y vais. Et c’est quand qu’il passe, ce petit voyou de Léonard ?

— Votre petit-fils passera cet après-midi comme tous les mercredis, monsieur.

— Merci, Jacquie ! Bon, j’y vais.

Je me demande bien si son premier à Jacquie n’est pas de moi. Bon ! Rien dit ! Pas dit ! En plus, je le saurais, je crois. Cela fera un petit plus pour les autres charognards qui me rendent visite pour être sûrs que leur rang n’a pas changé sur ce fichu torchon du notaire. Avec mon statut, on est obligatoirement riche sinon les mains se lient et rien ne va plus.

— Holà ! Jacquie ? Tu ne prendrais pas ma peau pour celle d’une de tes nombreuses grand-mères par hasard ? Je ne suis pas un poulet, un vieux coq à plumer, pardi.

— Il y aurait-il un problème, monsieur ? Ou s’agirait-il d’une de vos vieilles ruses aux conséquences que l’on connaît ?

— Je n’en ai plus la force, ma chère, et les conséquences n’en sont qu’uniquement par vous connues. Vieille pie, je n’ai besoin d’aucune ruse.

— Pardon ? Vous me parliez, monsieur ?

— Non, je ne crois pas. Mais dis-moi, Jacquie, cela remonte à quand la dernière fois que tu m’as appelé Grégoire ?

— Je ne sais pas, monsieur, mais je pense que c’est mieux ainsi.

— Moi, je sais ! Cela remonte au lendemain de ton mariage avec ce bon à rien de profiteur qui n’arrive pas à garder un boulot plus de six mois. Il est homme de maison chez toi maintenant, à ce que j’ai cru comprendre.

— Non, monsieur, il travaille dans la sécurité.

— Gardien de la paix ?

— Je ne sais pas, monsieur.

— Je veux dire policier ?

— Non, monsieur, il n’a pas encore la nationalité française, monsieur, et je crois qu’il a passé l’âge pour.

— Heureusement pour nous, il aurait rançonné nos pauvres conducteurs et se serait fait rapidement virer.

— Qu’avez-vous contre lui, monsieur ? Vous ne l’avez vu que le jour du mariage.

— Cela m’a suffi pour connaître l’homme, ma chère. Et je suis certain que tu t’y es accrochée faute de mieux ou juste pour avoir le statut de femme mariée.

— Que voulez-vous au juste, monsieur ? Pensiez-vous qu’il aurait été normal pour moi de continuer à vivre cette vie de basse-cour ? Ces galipettes rapides dans la douche ou au garage au vu et au su que de nos deux personnes. Je suis une femme et chez nous, dans mon pays, un homme qui ne veut pas aller loin dans sa relation avec une femme, ne l’envoie jamais dans sa chambre.

— Holà ! Que de choses sur le cœur, ma belle ! Tu as quand même eu droit à la chambre des fois, je crois.

— Vous voulez parler de ces parties de viols supportées quand je me faisais par vous surprendre dans l’exercice de mes fonctions dans la chambre ?

— J’ai du savon dans les oreilles et je ne vous entends plus. Je ne voudrais pas être mal poli, mais je ne vous entends vraiment plus. (Que croit-elle ? Qu’elle fait ce qu’elle veut ? Bref !)

— C’est ça, vieux pervers, va !

— La pauvre ! Si seulement elle savait que j’appartiens à la confrérie de décideurs du monde et qu’il m’est interdit de me marier. Mais j’ai bien compensé avec ce corps de rêve que je lui permets d’avoir jusqu’à sa mort, de quoi rendre jalouses les générations à venir. Je parle de cette confrérie qui gère ce monde à travers une copie bien en avance de plusieurs mois, afin d’anticiper les corrections à faire pour un mieux-être d’ici-bas. Cet autre monde qui donne l’opportunité de faire des expériences grandeur nature sur les sociétés. De placer et déplacer les pions sur ce grand damier qu’est son monde. De favoriser des guerres et d’en empêcher juste pour que puisse éclore telle ou telle cellule pensante et dirigeante. Ce monde qui autorise le génie d’un pion à créer un virus et favorise la méchanceté d’un tel autre pion à le balancer lorsqu’il y a déséquilibre. Je peux lui en parler puisqu’elle me prend pour un vieux fou. Elle ne me croirait pas du tout.

— Ce serait amusant si je lui disais que Fernand, le collègue à son mari, se faisait arrêter pour vol en ce moment même, évitant ainsi sa mort programmée pour treize heures par erreur du fait de son nom. Oui, cela arrive souvent par inadvertance. Le vrai concerné sera tué, bien sûr, par un train à la même heure, mais sur une autre partie du damier. Lui, sera innocenté deux jours plus tard et rentrera dans son pays pour une mission spéciale qui sera effective dans cinq années. Tant pis, il faut bien corriger nos erreurs qui, ces derniers temps, sont légion. Difficile de réparer une faute qu’on aurait pu éviter il y a deux mille années. Et ces cons qui me prennent pour un traître depuis tout ce temps. Le chef, c’est bien lui. Le planificateur, c’est bien lui, l’ordonnateur, c’est aussi lui et ces connards qui refusent de voir les choses sous un autre angle. Et l’initiation au vin, c’est encore lui.

— Tu oses encore te plaindre, toi qui as fauté par manque de foi ?

— Excuse-moi, je ne te savais pas à l’écoute, mon prince.

— Je ne décroche jamais, tu devrais le savoir depuis tout ce temps, je crois. Il m’arrive de regarder ailleurs pour un temps, mais sache que je vois tout et que j’entends tout, même en étant occupé ailleurs. Au fait, et ton histoire d’assistante, tu devrais y songer et je suggère que tu regardes dans ton entourage immédiat, que de songer à des personnes qui vivent à des heures humaines d’ici. Autre chose, ton beau temps, tu l’auras. Tu es exaucé.

— Merci, maître, et bonne journée.

— Difficile avec tout ce qui se passe dans tes juridictions.

— Je ne suis pas seul, maître !

— Si, tu es seul dans plusieurs corps comme tu le voulais.

— Il s’agit, maître, d’un ensemble de membres décideurs avec les mêmes pouvoirs que moi.

— Appelle cela comme tu voudras, pour moi, il s’agit d’un seul individu qui tente de se racheter et qui dispose de sept fois mille ans pour que je le réhabilite.

— Encore cette histoire qui m’empêche de dormir correctement.

— Tu n’es pas ici pour dormir, mais pour agir et vite. Tu as du boulot, cher ami.

— Suis-je donc à nouveau ton ami ?

— Il m’arrive souvent de le penser. On a vécu des moments de passion que ton manque de foi a ternis. Je te croyais le plus fort, ce pour quoi je t’ai choisi et laissé faire les choses. Mais tu vois que je te donne encore une autre chance. Et à ce que je vois, tu t’amuses bien et tu t’y plais apparemment.

— Pourquoi me le dire maintenant ?

— Pour que tu travailles encore mieux. Les autres ont laissé des paroles qui agissent, et toi, tu te dois d’agir où ça avance difficilement.

— Merci.

— Tu pensais encore que je t’en voulais. Au revoir, jeune homme. Au fait !

— Oui, cher ami ?

— Je ne t’en ai jamais voulu et tu le savais, ce pour quoi tu as fait cette connerie d’homme de peu de foi. Encore une chose, fils, tu as trop de ratés ces temps-ci. Tu veux passer encore plusieurs années en plus de ce que tu dois ?

— Je me dois de prendre une assistante pour que mon secteur aille mieux, je crois. Je me fais vieux et il me reste encore cinq ans dans ce corps à couvrir cette zone.

— Je vois ! Fais comme tu le sens. Tu as ma caution, et merci pour ton aide.

— Laquelle ?

— Laisse tomber et occupe-toi de ce pour quoi tu es ici.

— À quand ma réhabilitation officielle ?

— Quand j’estimerai que tu as fini ici.

— Le délai est maintenu alors ?

— Je n’en fixe jamais.

— Tu m’en as fixé pourtant.

— C’est une exception alors. Mais on verra. C’est toujours moi qui décide et le moment venu tu seras vu autrement.

— Au fait, étant donné que j’ai besoin d’une assistante et que cette vieille fille mal mariée semble bien me connaître ; bon, pas comme je la connais, bien sûr. Elle pourrait bien faire l’affaire, je crois. Je pense qu’il serait temps qu’elle commence sa formation sans qu’elle ne le sache.

Vous (la trinité) êtes là ? Encore ailleurs sans dire au revoir.

— Et voilà ! Changement de décor.

— Voilà ! J’ai fini d’ouvrir mes pores, on peut passer au massage et tu pourras me passer la pommade ensuite. Tu me veux à poil ou en caleçon ?

— Comme bon vous semblera, monsieur, prenez place sur le billard.

— À vos ordres, madame la gérante de mes vieux jours.

— Une trentaine de minutes plus loin dans la sphère temporelle.

— Tu n’y as pas mis du cœur, mais je me sens bien, je me sens détendu. Je suis relaxé comme le disait ce diplomate angolais après ses parties de jambe en l’air avec cette amie.

— Comme cadeau, je vais te permettre de parler à ton président.

— Vieux fou, vous pensez vraiment que je vais vous croire ?

— Je ne te demande pas de me croire, mais de juste lui dire de virer un ministre que tu n’aimes pas. Passe-moi le téléphone noir sous mon lit. Attends, sers-moi d’abord un whisky pour que je puisse apprécier la tête que tu feras dans peu de temps.

Merci, très chère ! Maintenant le téléphone.

— Voilà, monsieur !

— Appuie sur la touche verte en pensant à ton président.

— Ça sonne, monsieur, et il y a quelqu’un qui demande qui je suis.

— Mais vas-y, dis-lui qui tu es et ce que tu veux, en sachant qu’il s’agit de ton président. Pas celui d’une de vos nombreuses associations qui servent les intérêts d’un seul individu, mais bien de ton président de la République de Sakassou. Quoique pour l’instant ce soit du pareil au même.

— D’accord, on va bien rigoler. Bonjour, monsieur le président, je suis Jacquie Djossi et je voudrais que le ministre de la Femme quitte le gouvernement.

— Quand voulez-vous que cela se fasse, madame ?

— Dans le courant de la semaine et le plus tôt possible, monsieur le président.

— Ce sera tout ?

— Oui, monsieur le président.

— Au revoir, madame.

— Au revoir, monsieur le président.

— C’était bien joué, Grégoire, on aurait dit mon président. Ils ont la même voix. Vraiment, bien joué. Bravo, Greg ! Je me suis bien amusée.

— C’est vrai qu’il ne se souviendra ni de toi ni de ce coup de fil, mais ce que tu as demandé se fera ces jours-ci. Je ne veux pas savoir ce qu’elle t’a fait pour que ce soit elle que tu choisisses de faire partir de ce groupe d’affairistes égoïstes, mais cela fera plaisir à la directrice du palais présidentiel.

— Ce ne sera que pure coïncidence, monsieur. Quel est ce téléphone sans clavier qui ne compose que par la pensée ? Me prendriez-vous pour une idiote par hasard ? Et puis, sérieusement, je ne lui en veux pas à cette dame que je ne connais ni d’Adama, ni d’Eva.

— Donnons-nous quelques jours et nous verrons. Au fait, il y a l’ami à ton soi-disant mari qui se fait virer pour vol en ce moment même.

— Comment le savez-vous ? C’est vous qui vous êtes arrangé pour le faire accuser, je suppose, c’est ça ?

— Je te sais impure en ce moment, mais je suppose que cela n’a aucune influence négative sur tes neurones quand même ?

— Comment savez-vous que je suis indisposée ? Me serais-je salie ?

— Laisse tomber, ma chère, tu comprendras petit à petit si tu acceptes d’être patiente et sage. Il s’agit d’une autre dimension.

— Je n’en suis pas intéressée, monsieur. Je suis chrétienne catholique et de surcroît baptisée et confirmée. La magie est l’œuvre du diable. Appartiendrez-vous à ces sectes ou autres associations démoniaques ?

— Que de grands mots, ma belle ! Que mange-t-on ?

— Des oreilles de lutins à la salive de sorcière, monsieur le sorcier.

— Vu sous cet angle, tu as raison, jeune dame. Mais sérieusement, que devrais-je imposer à mon dentier ce midi ?

— Vous devriez le savoir en principe, monsieur ! Vous qui savez que l’ami à mon mari est en train de se faire arrêter pour vol.

— C’était juste pour faire la conversation, sinon je sais que c’est la soupe de mouton accompagnée de couscous que j’adore qui sera servie ce midi, sinon dans une heure, trente-sept minutes et vingt-deux secondes exactement.

— Il n’y a rien de sorcier dans votre trouvaille. Il s’agit de la recette préférée de votre petit-fils et vous savez qu’il a insisté pour que je la lui fasse cette fois, et vous étiez présent lorsque cela se passait. En plus, n’importe qui saurait, vu le parfum qui s’enfuit de la cuisine à la recherche de ventres affamés. Pas besoin d’être un génie ou un quelconque suppôt de Satan.

— Vous l’avez faite à la manière de Moïse ou à la vôtre ?

— À ma façon, et je pense que ce sera mieux que cette recette coupe-gueule de bois que vous aimez manger.

— OK ! Moi, j’ai faim et étant donné qu’il ne me reste que cinq ans moins trois jours à vivre parmi vous, je ne crois pas être en mesure d’en perdre. Je vais passer à table sans ce bambin à qui il en reste soixante-huit années à treize jours près.

— Vous êtes en train de me dire à quels âges vous et votre petit-fils allez mourir ? Vous êtes devenu fou ou vous vous prenez vraiment pour le Christ ?

— Tu as la possibilité de connaître toutes ces choses si tu veux ; de décider de ce qui est bon pour ce monde et de permettre que la vie y aille de mieux en mieux. Tu as la possibilité d’éloigner l’égoïsme et l’égocentrisme qui minent le monde et provoquent toutes ces inégalités.

— Vous délirez là ! Vous voulez que j’appelle le SAMU ?

— Jacquie, je ne délire point et je peux, si tu veux, te donner ton arbre généalogique sur le nombre de générations que tu voudras.

— Cela suffit, monsieur ! Passez à table, je vais servir le repas.

— J’ai besoin de vous pour me seconder et cela me ferait vraiment plaisir que vous puissiez accepter.

— Encore cette histoire ? Vous devez vraiment cesser de toucher à la bouteille, vous ! J’en parlerai au médecin à sa prochaine visite. Il faut qu’il vous interdise la consommation de l’alcool parce que là, vous planez vraiment. Êtes-vous sûr de n’abuser d’aucun stupéfiant ?

— Si, il nous arrive de plus en plus d’inhaler malgré nous l’odeur du sang humain lors de certaines missions de rétablissement, après des dérives ou avant, c’est selon, de certains des tiens ou de dame Nature que nous refusons de canaliser à certains endroits, vu que vous provoquez sa colère par vos agissements irresponsables en ce moment. Le hic est que des innocents sont obligés de passer à autre chose de façon brusque ou brutale, et que les responsables sont en général et très souvent loin de ma juridiction, gérés pour leurs vies futures. Ils doivent vêtir le linge blanc et pur avant le dernier jour, pour ceux travaillant pour nous sans le savoir. Nos pions ! On s’arrange pour.

— J’ai l’impression que vous vous prenez sérieusement pour un être supérieur, si ce n’est vraiment pour le Christ, qui lui, a des pouvoirs incommensurables.

— Heureusement, non ! Lui, il a trop de responsabilités et est le décideur suprême. C’est plus difficile pour lui qui, en plus de vous gérer, doit nous avoir à l’œil et entériner chaque appel en temps réel.

— Vous êtes en train de me dire que vous travaillez avec mon Dieu. Vous ne faites pas un peu trop fort par hasard ? Là, il ne s’agit plus du SAMU, c’est un asile qu’il vous faudrait, cher monsieur « DIEU adjoint ».

— Dis-moi, ma chère ! Tu penses vraiment que c’est parce que tu es trop belle qu’après trois maternités, tu ne portes aucune séquelle ? Ce n’est aucunement génétique, sinon tu en aurais des exemples dans ta famille, des comme toi !

— Que veux-tu dire, Grégoire ?

— Tu me tutoies et m’appelles par mon prénom en même temps, n’aie pas peur, il s’agit juste d’une petite faveur que je me suis octroyée. Mais si tu veux, tu peux retrouver ta vraie silhouette, cela dépendra de toi et ne prendra qu’une seconde. Ce sera à toi de décider et ça se fera comme et quand tu voudras.

— Vous me faites vraiment peur, monsieur.

— Je suis redevenu « monsieur » ! Qu’est-ce qui t’effraie tant que ça ?

— Ce que vous venez de dire concernant mon corps. Je pensais avoir une constitution exceptionnelle. Enfin, je pensais que dame nature m’avait gâtée plus que les autres. Que j’avais plus de chance, que j’étais vraiment belle naturellement.

— Doucement, ma grande. Primo, c’est moi qui ai décidé que tu viennes travailler pour moi. Secundo, j’ai beaucoup d’estime pour toi, voire plus. Et tertio, tu es le sosie noir de la mère de mon con d’héritier principal. Si tu acceptes de me seconder, tu verras tout ce que tu pourras faire pour les personnes méritantes dans le monde entier se trouvant de passage dans ma juridiction. Les jours que tu pourras offrir aux uns et aux autres, les vies que tu pourras stopper au vu des souffrances futures. Mais c’est vrai que certaines décisions sont difficiles à prendre. Des négociations sont à faire tout le temps avec l’adversaire, toujours, en tout temps, de jour comme de nuit. Même pendant que nous parlons en ce moment, je travaille. Il n’y a pas de repos jusqu’à la date de passage à une autre vie ou à un grade supérieur qui, pour moi, se fera dans un quinté d’années, comme je te le disais tantôt.

— Je suis donc obligée de travailler avec vous au risque de devenir comme je le devrais, n’eût été votre intervention sur le cours de ma vie ?

— Tu n’as rien compris, vraiment. Tu es libre de refuser comme d’accepter, mais les disciples, on en a toujours besoin pour ramener le monde à un taux élevé de bonté et de générosité. Construire le monde de demain, le monde qui permettra sa venue parmi vous si tu es encore là. Un monde dans lequel l’égalité sera véritable, dans lequel force sera à l’amour vrai.

— Vous savez défendre votre cause, pardi. Je ne reconnais plus votre langage de vieux pervers. Et vous semblez avoir des larmes aux yeux, signe que vous ne me racontez pas des conneries. Mais vous savez, étant donné que je n’en sais vraiment rien de conséquent sur cette communauté de samaritains et les missions qui lui sont assignées, je me vois dans l’obligation d’en attendre encore plus d’explications de votre part avant de me décider. Au fait, quels sont les critères que je remplis pour que votre choix se porte sur moi ? Enfin, dites-moi ce qui vous a décidé à porter votre choix sur votre souffre-douleur que je suis. Dites-le-moi, s’il vous plaît. Je veux savoir. Je suppose qu’il peut s’agir de qualité comme de défaut.

— Toi aussi, tu me surprends par le niveau de langue de ton discours de ces instants. Mais je te prie de procéder au service du repas, car mon petit-fils sera ici dans dix-sept minutes exactement.

— Cette fois, je regarde ma montre pour être sûr qu’il ne s’agit pas d’un canular.

— Ce n’en est pas un. Tout est chronométré ici-bas. C’est juste que vous ignorez les différents temps pour telle ou telle action. Ce n’est pas qu’il est loin, mais il se trouve que le jardinier de la voisine causera avec lui pendant exactement onze minutes. En y ajoutant les quatre qu’il lui faudra de l’arrêt au jardinier et les deux qu’il mettra pour être ici, le compte y est. Ne t’avise pas à vouloir accélérer les choses en ouvrant déjà la porte pour l’empêcher de causer avec le jardinier, les dix-sept minutes seront consommées d’une façon ou d’une autre. C’est le temps qui lui est alloué pour venir jusqu’à moi.

— Comment vous saviez ce que j’avais l’intention de faire ?

— Tu pourras le savoir aussi après tes initiations si tu le veux. Il y a des étapes et de la pratique pour réussir ses missions et je t’en sais capable. Merci de me servir à présent.

Quelques minutes plus tard, elle ressortit de la cuisine un plateau à la main.

Monsieur est servi !

— Merci ! Et tu peux ajouter le couvert de Léonard. Il cause avec le jardinier en ce moment. Il est aussi bon que tu saches qu’il s’agit du plat préféré de notre chère et grand guide, Moïse, pour de vrai.

— Merci pour l’information, mais je crois que c’est à lui que vous devriez le dire, lui qui en raffole, en espérant que vous ne me balancerez pas une blague du genre : votre petit-fils est l’incarnation de Moïse. Bon, passons ! Je le vois et je suis de plus en plus bluffée, monsieur.

— Cela se pourrait, en effet. Quelle heure est-il, ma chère amie ?

— Il est treize heures passées de cinquante minutes, pourquoi ? Aurais-je oublié quelque chose ?

— Cela fait exactement une heure passée de trente-sept minutes et vingt-deux secondes que je vous ai dit à quelle heure le repas serait servi, je crois. Vous vous en souvenez ? Il était douze heures passées de treize minutes.

— Je n’avais pas fait attention, mais je vous crois maintenant.

— Ouvre la porte, le gamin est là.

— En effet, je l’entends courir. Il vous aime vraiment, ce petit.

— Quand tu as un père tout le temps absent, tu te rabats sur ton grand-père si tu en as un de bon et en vie.

La visite du petit fils

— Bonjour !

— Bonjour qui, monsieur le savant ?

— Bonjour, pépé !

— Comment il va, le petit monsieur ?

— Bien et toi ?

— À part la maladie nous menant au trou qu’est l’âge, tout va bien, mon petit chou.

— La vieillesse n’est pas une maladie, Pay.

— Je sais, fiston, installe-toi donc pour déguster ce que tu as toi-même commandé la semaine dernière. Tu peux te retirer, Jacquie. Merci.

— Je vous en prie, messieurs, et bon appétit à vous.

— Grand-père ?

— Oui, fiston, qu’y a-t-il ?

— Je suis fatigué d’être toujours le premier de ma classe et de l’école et de la région. Comment faire pour être normal, avoir le plaisir de récolter un zéro comme les autres ?

— Tu ne peux pas être comme les autres, tu as de grandes œuvres à accomplir. Tu es déjà un grand pour ton âge, tu dois assumer, mon petit. Assumer. Les autres donneraient tout pour être comme toi. Tu n’aimes pas être la star de ton monde ? Tout le monde t’adule, n’est-ce pas ? Malheureusement pour toi, je n’y peux rien. Vraiment rien !

— Mais, grand-père ?

— Je suis désolé, mon petit, j’ai tout essayé durant la nuit dernière, mais rien. Le conseil a refusé parce que tu es devenu un pion essentiel dans la lutte qu’il y aura contre une grande pandémie à tes vingt-sept ans. Tu seras déjà grand médecin et grand chercheur. Tu auras toute la logistique et tu travailleras pour un grand laboratoire dans lequel tu seras actionnaire majoritaire, te laissant ainsi la liberté de décision et les mains libres. À tes dix-huit ans, donc dans trois ans, je ferai la mutation de ces actions en question, en ton nom. Nous contrôlons déjà la structure dont je parle et tout est prêt pour te faciliter la tâche.

— Vous ne mangez pas et ne parlez pas ? Je vous croyais sortis, moi.

Jacquie était à nouveau sur le pas de la porte du labo des recettes.

— Mange, mon petit, au risque de mettre Jacquie en colère. Et je te signale qu’elle l’a fait spécialement pour toi.

Jacquie, avec un sourire, s’en retourna à ses affaires.

— Elle ne sait rien ?

— Non, fiston !

— Pourquoi ce sourire alors ?

— Elle ne sait encore rien de concret.

— Ah ! Tu es en train de me dire que tu as l’intention de lui apprendre des choses, grand-père ?

— Cela me rendra la vie plus facile, tu sais. Il y a trop de choses que je suis obligé de résoudre par l’esprit et comme tu sais, c’est très épuisant physiquement pour moi, d’où ces séances de massage journalières qui me rendent fou. J’essaie de la convaincre sans, bien sûr, l’y forcer comme c’est la règle pour les étrangers à nos familles. Ce sera une famille de plus au combat.

— Grand-père ?

— Non, elle ne sait pas encore que je peux lire en elle, prendre possession d’elle comme si j’étais elle. Il lui faut accepter d’abord d’être des nôtres, franchir certaines étapes initiatiques, puis elle pourra savoir qui autour d’elle est qui et qui fait quoi. Elle saura que même en n’ouvrant pas la bouche, on peut causer pendant des heures tranquillement. Elle pourra voir différemment, entendre autrement. Cependant, je pense qu’il est trop tôt pour en parler.

— Mais dis-moi, grand-père !

— Quoi, fiston ?

— Es-tu sûr qu’elle pourra subir toutes ces épreuves sans geindre ? La convaincre étant un petit problème pour toi, Pépé !

— Tu parles ! Elle est très méfiante et je me demande aussi si ma technique d’approche n’est pas d’un temps révolu ? Je pense quand même avoir d’autres boutons à mes manchettes pour l’emmener à changer d’avis afin de passer au plus tôt devant le jury régional, puis le grand jury. Et puis, elle est comme tous les êtres faits de chair et de sang : le mystère les attire.

— Et moi ? Pourquoi n’y suis-je jamais passé ?

— Tu crois vraiment n’y avoir jamais été ?

— Je l’aurais su, je crois ! Tu as dû me faire une faveur, j’en suis sûre.

— Tu n’y as pas encore échappé, fiston ! En fait, je me suis porté garant pour toi, jusqu’à tes dix-huit ans, âge auquel tu devras passer devant le jury régional. Si tu es apte, tu auras droit aux actions dont je t’ai parlé tout à l’heure.

— Et en cas d’échec ?

— Tu n’as pas les moyens d’un échec. On t’a tout donné pour aboutir à ce que tu dois devenir afin de faire ce que tu dois. En plus, tu es en formation continue dans ta vie de tous les jours ainsi qu’avec moi.

— De l’entrée de la cuisine, Jacquie les observait et ne comprenait pas comment on pouvait s’exprimer que par des gestes sans un mot.

— Qu’est-ce que vous avez à ne pas manger et à faire des gestes bizarres ? Est-ce encore un de tes jeux incompréhensibles que tu imposes à ton vieux croûton de grand-père ?

Elle était encore revenue.

— Comme des enfants que l’on venait de surprendre en mauvaises postures, les deux attablés, comme d’un commun accord, mirent les doigts en fer dans les plats respectifs en évitant de croiser le regard interrogateur de la femme à tout faire de la maison. Ils venaient par la même occasion de comprendre qu’elle avait des capacités insoupçonnées, elle pouvait les surprendre déjà.

— Mange, fiston ! Je pense qu’une longue marche s’impose, car le massage d’aujourd’hui a été incapable de donner satisfaction à mes vieux os.

— Tu vois comment ton grand-père m’est reconnaissant ? Il est dans ces habitudes de ne jamais être satisfait de ce que le monde lui donne. Je pense que cela est dû au fait qu’il se croit dans une bulle où seuls les autres sont obligés d’être irréprochables. Je me demande parfois s’il ne se prend pas vraiment pour quelqu’un venu d’ailleurs. Je pense sérieusement que ton pépé est sur le chemin de l’asile et qu’il faudra, le plus tôt sera le mieux, prendre rendez-vous avec un psy, que ce soit celui de « chiâtre » ou de « canaliste », peu importe.

— Mange vite, fiston, le grand parc du bec nous attend pour une dégustation d’air pure. Cela commence à devenir malsain dans ma propre maison envahie par une cohorte de vieilles pies réunies dans un corps sans raisonnement et sans pitié pour le vieillard que je suis. Mange, fiston ! Même les génies ont besoin de nourriture pour bien réfléchir et aider le monde en y apportant un peu de réconfort.

— Vieux fou ! Puis, ses pas se firent entendre plus haut à l’étage.

— Elle est au premier, je crois ! Elle va s’occuper de ta chambre ?