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L'intrigue du Parapluie s'est imposée d'elle-même, chapitre après chapitre. J'en suis l'auteure et pourtant, la suite du récit se dévoilait à moi au fur et à mesure que je l'écrivais. cette histoire, je ne vous en dirai pas plus au risque de trop vous en révéler. Je préfère vous laisser la découvrir par vous-même si le coeur vous en dit. Ah ! Si ! Juste une chose avant de commencer la lecture : n'oubliez pas votre parapluie !
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Seitenzahl: 109
Veröffentlichungsjahr: 2023
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À Pierre,
Au départ, c’était juste un petit exercice littéraire entre amis, comme ça, pour m’amuser…
À chaque fois, deux contraintes : une vingtaine de mots choisis par mon entourage, pour leur donner à lire le plus rapidement possible, un texte de mille mots au moins. Je pensais seulement écrire deux ou trois nouvelles décorrélées les unes des autres, mais le jeu est très vite devenu un challenge aussi addictif pour mes amis que pour moi-même. Je me suis fait un point d’honneur à placer tous les mots proposés, aussi farfelus eussent-ils pu être ! Je les ai laissés en gras dans le texte pour conserver intacte l’anecdote et parce qu’ils ont eu un rôle important dans mon processus créatif.
L'intrigue du Parapluie s'est imposée d'elle-même, chapitre après chapitre. J'en suis l'auteure et pourtant, la suite du récit se dévoilait à moi au fur et à mesure que je l'écrivais.
Cette histoire, je ne vous en dirai pas plus au risque de trop vous en révéler. Je préfère vous laisser la découvrir par vous-même si le cœur vous en dit.
Ah ! Si ! Juste une chose avant de commencer la lecture : n'oubliez pas votre parapluie !
Saperlipopette ! Mais où avais-je donc laissé mon foutu parapluie ? Et surtout : à qui pouvait bien appartenir celui que je tenais entre les mains ? La pluie s’était enfin arrêtée et ma course folle m’avait menée jusqu’au port, où, épuisée, je m’étais assise quelques instants sur une bitte d’amarrage pour me reposer les gambettes. Inutile de courir plus ! De toute façon, j’avais raté l’heure de la séance de Blind test, le dernier film de Vincent Lindon, que je projetais de voir ce soir-là.
J’étais à deux pas de chez moi mais je n’en pouvais plus, il me fallait reprendre mon souffle. C’est là, alors que le déluge venait tout juste de cesser, que j’avais replié mon parapluie et constaté que ce n’était absolument pas le mien. Il lui ressemblait fortement, c’est vrai, mais le manche en bois était gravé des initiales VL. VL ? Aucune idée de l’identité du propriétaire de ces initiales… Vincent Lindon ? L’absurdité de mon association d’idées me fit rire un instant. Je redevins brusquement sérieuse en me souvenant que ce parapluie, que j’avais une fois encore égaré comme une gourde, était un cadeau de mon oncle Fur. J’y tenais beaucoup. Fur était de loin mon oncle préféré. Je le surnommais Furoncle, je trouvais ça marrant. Et puis il est mort... D’un furoncle mal soigné. Et je n’ai plus trouvé ça drôle du tout. Ce parapluie était à peu près tout ce qui me restait de lui et j’étais bien décidée à le retrouver.
Je me repassais mentalement les étapes de mon périple du jour. Sortir sous la pluie était toujours une aventure pour moi. Je déteste être mouillée. Nonobstant le temps, j’étais ravie à l’idée de la journée qui m’attendait. Évidemment, je n’avais pas tenu compte des prévisions météo et ma tenue n’était absolument pas adaptée pour le déluge annoncé. Mon choix n’avait été orienté que par l’acabit de mon rendez-vous de seize heures. Jupe courte, collants noirs à pois et stilettos. J’aime prendre de la hauteur sur des talons indécents pour affiner mes jambes, je me sens plus femme ainsi, et plus confiante aussi ; mais il me fallait l’avouer, cette option n’était décidément pas la plus confortable. Nous n’étions qu’en mai et les températures étaient encore fraîches pour la saison. Je finis donc cette journée trempée jusqu’aux os, tremblant de froid et les pieds en compote.
Le regard dans le vague, les yeux posés sur la mer au loin, je me remémorais ces dernières heures, en regardant les nuages poussés par la brise légère de ce début de soirée. L’après-midi avait commencé par mon épilation mensuelle. Malgré le côté peu glamour de la situation, le temps passé chez mon esthéticienne est toujours un moment agréable. Anastasia a le don de me faire rire : elle dispose d’un panel d’histoires impressionnantes, des mésaventures plus rocambolesques les unes que les autres, dans lesquelles elle se met en scène avec une certaine dose d’humour et d’autodérision. Je sors invariablement de son salon le sourire aux lèvres et les zygomatiques endoloris, presque impatiente que mes poils repoussent déjà !
À seize heures, je m’étais rendue à l’autre bout de la ville pour ma visite de contrôle chez le gynécologue, Vincent Lyky. La région souffrait d’une pénurie de médecins sans précédent et la quasi-totalité des femmes de la ville n’avait d’autre choix que d’aller consulter dans son cabinet. Sinon, il fallait se déplacer jusqu’à Nantes, ce qui impliquait de faire presque deux heures de route aller-retour. Professionnellement parlant, sa réputation n’était pas mauvaise, mais ces derniers mois, quelques-unes de mes amies s’étaient plaintes de propos inappropriés, de gestes déplacés, de regards concupiscents. Je peinais à les croire parce qu’avec moi, il s’était toujours montré charmant. Nombre de médecins manquent de correction envers leurs patientes, c’est vrai ; mais pas lui, pas Vincent. Il m’avait même dit une fois qu’il me trouvait gracieuse. Malgré ce que les filles avaient pu raconter, je continuais de nourrir secrètement un petit béguin pour lui, juste comme ça, sans vraiment croire que cela se concrétiserait un jour. Son charisme m’intimidait de toute façon bien trop pour faire le premier pas. Il avait la quarantaine grisonnante et cela lui conférait un charme encore plus prononcé. Tout à fait mon type d’homme à vrai dire. Mes visites bisannuelles chez le Dr Lyky restaient donc pour moi un petit plaisir inavoué et il était inconcevable que je lui dévoile un vagin cerné de poils. Que penserait-il de moi si j’osais me présenter pleine de broussailles ? Oh non, jamais ! J’aurais trop honte ! Vincent… prononçai-je à voix basse en soupirant. Vincent ! Mais bien sûr ! Comment n’y avais-je pas pensé avant ? VL ! Vincent Lyky ! Évidemment ! Je n’en revenais pas ! Je regardai perplexe le parapluie, son parapluie, ruisselant entre mes mains, un sourire naissant sur mes lèvres. Vincent avait du retard ce jour-là, plus d’une heure, et je m’étais dépêchée en sortant de la consultation dans l’espoir d’arriver à temps pour la séance de 18 heures ; j’avais dû me tromper de parapluie dans ma précipitation. Rien ne ressemble plus à un pépin qu’un autre pépin !
En moins d’une seconde, je fus debout et me hâtai de rentrer chez moi me servir un whisky pour me remettre de mes émotions ! Ce parapluie m’offrait une occasion inespérée de pouvoir revoir Vincent en dehors de ma visite de contrôle semestrielle. Difficile de séduire un homme quand on a si peu d’occasions de le rencontrer… C’était un signe du destin, j’en étais sûre !
En ouvrant ma porte, je fus assaillie par mes deux fauves :
— Oooh, mes chouchouchouuuuux ! Mes chats d’amouuuuur, leur dis-je de cette voix aiguë que je prends toujours pour m’adresser à eux. Laissez-moi me servir un verre et je vous raconte, c’est une histoire abracadabrantesque !
Oui, je parle à mes chats. Au début, je me trouvais bête quand je m’entendais leur dire bonsoir en rentrant du boulot, et puis c’est vite devenu une habitude. Maintenant, ça me semble presque naturel. Ezekiel et Dark Vador partagent ma vie depuis 7 ans déjà et ils comblent en partie ma solitude.
Je n’avais pas sitôt quitté mon manteau que les deux bestioles s’étaient rué sur le parapluie et le déchiquetaient sauvagement sans même l’avoir inspecté ! J’avalai le premier whisky cul-sec. L’espoir de revoir Vincent avant ma prochaine visite de contrôle venait d’être anéanti en quelques secondes. Je ne pourrais décemment pas aller lui rendre son parapluie dans un tel état. Voilà, je resterai donc seule, encore. Ma sœur avait raison : je finirais probablement bouffée par mes chats !
Le lendemain, je m’étais réveillée plus enchifrenée que jamais, un léger friselis parcourant ma peau. La déprime avait pris le dessus et je m’étais endormie sur le canapé, saoule, après avoir vidé plus de la moitié de la bouteille de whisky. La fenêtre était restée ouverte et l’humidité ambiante me pénétrait toute entière. Je mis un moment avant de réaliser que Dark Vador frottait ses babines contre mon épaule tout en me labourant le bras de ses griffes et je le repoussai d’un geste vif. J’essayai de me lever, mais une douleur me transperça la tête. Une chose était sûre, j’avais une sacrée gueule de bois.
Voilà où me menait cette satanée solitude ! Je buvais. De plus en plus et de plus en plus souvent, et seule de surcroît. Je devais me ressaisir de toute urgence. J’avais beau essayer de retracer les événements de la soirée, je n’avais qu’un vague souvenir de ce qui s’était passé une fois le premier verre enfilé cul-sec. Je me rappelais avoir réchauffé une andouillette, mais pas de l’avoir mangée. Rien que l’idée me donna la nausée. Il me semblait avoir écrit dans mon journal à un moment, mais comme je le faisais tous les soirs, je n’en étais pas certaine. Je trouvai la force de m’asseoir dans le but de mettre la main sur mon carnet. Je regardai autour de moi avec difficulté. En plus de la migraine lancinante, un torticolis raidissait ma nuque. Saperlipopette, mais où était donc passé mon maudit journal ? Je le dénichai enfin sur le canapé, Ezekiel à moitié affalé dessus. Je chassai l’impertinent, et attrapai mon cahier pour y lire ma prose de la veille. Je n’y vis qu’un gribouillage. Je clignais des yeux plusieurs fois, mais ne parvins pas à déchiffrer un seul mot. Ma vue se brouillait dès que j’essayais de fixer mon regard sur les lignes penchées caractéristiques de mon écriture. Je me levai péniblement pour aller me passer de l’eau fraîche sur le visage. Je devais retrouver mes esprits. Les deux chats semblaient affamés, j’avais sans doute omis de les nourrir hier soir ; ils ne cessaient de me passer frénétiquement entre les jambes en miaulant. Déséquilibrée par cette danse féline, je finis par trébucher et m’étalai de tout mon long, renversant au passage la bouteille de whisky restée ouverte, dont le liquide gicla, se répandant au sol dans une odeur qui me souleva le cœur instantanément.
Il me fallait une douche de toute urgence. Je la pris froide. Pas par goût, mais j’avais besoin d’un coup de fouet. Je m’habillai rapidement ensuite, tenue confortable pour un dimanche en solitaire : robe noire en laine, collants lie-de-vin, ballerines. Les températures restaient décidément bien fraîches pour un mois de mai. Quand je revins au salon, je me sentais mieux et, reprenant mon carnet, je pus deviner un mot : ataraxie. J’avais dû râler après mon psy : il n’a que ce mot à la bouche ! S’il me voyait ! Il en a de bonnes, lui ! Comment être sereine quand on est seule ? Ne comprend-il pas que, plus que la solitude encore, l’abstinence me fait souffrir ? Non, c’est sûr, il ne peut pas le comprendre, je ne le lui dis pas. Je n’ai jamais été très à l’aise pour parler de mon intimité, c’est un comble quand on a un faible pour son gynécologue ! Reposant mon journal, mes yeux se posèrent sur l’ordonnance que le Dr Lyky m’avait prescrite hier en vue de faire des examens. Tout me revint en mémoire d’un coup et l’angoisse me saisit. Je n’avais pas trop bien compris ce dont il s’agissait : il m’avait parlé d’astéroïde, ou d’élitroïde, à moins que ce ne soit de dermoïde ? Je ne savais plus, tous ces termes médicaux s’embrouillaient dans ma tête. J’allais devoir m’occuper de ces analyses au plus vite pour être rassurée. Mais si c’était grave ? Il me fallait me calmer, je fais partie de ceux qui ont cette tendance infernale à transcender la réalité, à dramatiser encore et toujours plus. Stop ! J’allais prendre rendez-vous dès lundi pour faire cette fichue prise de sang et tout irait bien.
Je décidai de nettoyer la flaque de whisky sur le sol. L’odeur n’arrangeait pas ma migraine. En ouvrant la poubelle pour y jeter la bouteille vide, je tombai sur le fascinus que j’avais brisé hier matin. Lui aussi me venait de mon oncle Fur. Nous l’avions chiné ensemble quelques mois avant sa mort à la brocante annuelle de Nantes. Une véritable aubaine de trouver ce type d’antiquité dans un vide-grenier. Une sacrée bonne affaire en plus ! Il me l’avait offert peu de temps après. Il pensait qu’il attirerait sur moi amour et fécondité : le bonheur selon lui. Il n’avait pas eu d’enfants et me considérait comme sa fille et je crois bien qu’il aurait fait un grand-oncle fabuleux ! Je me souviens que cette attention m’avait beaucoup émue et attristée en même temps. Je me sentais encore bien loin de fonder une famille. Heureusement que je ne crois pas trop aux amulettes parce que maintenant qu’il était cassé, il ne risquait plus d’attirer grand-chose sur moi… J’avais pensé un instant le recoller, mais en le voyant sur le sol en mille morceaux, j’avais renoncé. Il ne me restait donc plus rien de lui, même si je pensais encore pouvoir récupérer mon parapluie chez Vincent sans toutefois lui avouer que j’avais par erreur pris le sien qui gisait désormais dans mon entrée, déchiqueté par mes chats.