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Lembe, jeune femme dont la vie a sombré dans l’horreur, porte en elle les stigmates d’un destin brisé. Après avoir échappé à la guerre, elle assiste au massacre de sa famille avant de subir l’indicible : un viol commis par le chef des assaillants, qui la laisse seule et enceinte. Contre toute attente, elle donne naissance à un enfant, ultime héritage d’une violence qui a détruit son innocence. Mais son calvaire atteint son paroxysme lorsqu’elle se retrouve face à face avec son bourreau : le meurtrier de ses proches et le père de son fils. Lembe est confrontée à un choix déchirant : céder à la haine légitime ou transcender l’insoutenable pour l’amour de son enfant. Ce récit poignant explore les frontières du pardon et la résilience d’une femme confrontée à l’insoutenable.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Habib Luc René Mitsingou écrit pour dénoncer les injustices sociales, la corruption, les guerres et les coups d’État militaires qui plongent les États africains dans la misère. Il débute en 2014 avec "Une puce à l’oreille", un recueil de poèmes publié aux éditions Publibook. En 2016, il signe son premier roman," Le oui du non", aux éditions La Société des Écrivains. Il participe ensuite à l’anthologie" Écrire à Pointe-Noire" en 2018, avant de publier en 2020 son deuxième roman, "La tombée du crépuscule", chez Le Lys Bleu Éditions.
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Seitenzahl: 193
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Habib Luc René Mitsingou
Le parcours de l’immigré
Roman
© Lys Bleu Éditions – Habib Luc René Mitsingou
ISBN : 979-10-422-6165-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Sous une pluie battante, Lembe n’avait pas pu dormir toute la nuit. Sa cabane suintait de partout. Sa toiture en tôle galvanisée était si rouillée et trouée qu’on pouvait regarder sans effort les étoiles du ciel pendant la nuit. Tous les cinquante centimètres de sa cabane, un récipient devrait recueillir de l’eau. Quand il pleuvait, son sommeil était sévèrement perturbé et sa vie ressemblait à un vrai cauchemar. Elle était obligée d’assister au spectacle infernal des gouttes d’eau qui tombaient du toit et résonnaient tel un rythme de batterie interprétant un chant de jazz. On pouvait même croire à une musique de James Brown.
À part la pluie qu’elle qualifiait de Kadia Mpemba (diable), il y avait aussi sa vie de tous les jours qui ne présentait aucune lueur d’espoir. Elle vivait sa vie au quotidien, malgré tout. La souffrance lui était inséparable, collée à elle comme une sangsue dont elle jugeait par croyance divine que ce n’était que la volonté de Dieu. Pour elle, « à chaque jour suffit sa peine : pourquoi s’inquiéter du lendemain alors que même les oiseaux du ciel qui ne sèment, ni ne moissonnent, trouvent toujours de quoi se nourrir », disait-elle sans cesse, en référence à la parole biblique qu’elle recevait de l’église. C’était pour elle, le moyen le plus sûr pour se réconforter.
Chaque fois à l’église, les pasteurs ne cessaient de leur dire ces mots : « tout ce que vous rencontrez comme souffrance dans votre vie, ne vous inquiétez surtout pas, ce n’est que la volonté de Dieu et en toute chose, rendez toujours grâce à Dieu, lui seul, est capable de vous sortir de la misère, car toute chose concourt au bien de ceux qui aiment Dieu ». Elle ne se posait pas la question de savoir si Dieu descendrait du ciel pour lui venir en aide, ou, est ce qu’il fallait simplement prier tout en croisant les bras ?
On leur disait toujours d’avoir la foi comme le témoigne ce verset biblique pour renforcer leur théorie : « la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère une démonstration de celle qu’on ne voit pas ». Donc, croire sans voir et se poser des questions étaient du diable, selon eux, donc n’avaient pas d’importance. Ce passage de la bible était sacré et ne pouvait subir aucune entorse chez les chrétiens ou même être mis en doute. Elle devrait le prendre pour argent comptant. Ajouter à cela, plus loin, ils leur disaient encore pour rajouter une couche – le royaume des cieux est fait pour les pauvres, tel est écrit ce verset de la Bible : « il est facile qu’un chameau entre par le trou d’une aiguille qu’un riche entre dans le royaume des cieux ». Donc la pauvreté était une meilleure chose pour un fervent chrétien, selon eux. Mais chose curieuse, lesdits pasteurs, qui leur vantaient les bienfaits de la pauvreté, vivaient dans l’opulence avec un luxe insolent, enrichis au-delà du raisonnable. Pendant ce temps, les fidèles étaient dans la pauvreté absolue : on voyait des pasteurs s’enrichir derrière le dos des fidèles, mais incapables de les soutenir. Ils croupissaient dans la misère : préparaient-ils le royaume des cieux, que pour les fidèles tels qu’ils voulaient qu’ils demeurent pauvres ?
Mais pas vraiment pour eux-mêmes pasteurs, puisqu’ils étaient abondamment riches avec des voitures de luxe, des buildings et se permettaient d’acheter des vêtements de haut standing.
Malgré qu’ils étaient conscients de leur extrême pauvreté, mais chaque dimanche à l’église, ils ne cessaient de leur racketter, en leur demandant de donner l’argent pour la dîme, les offrandes et autres cotisations pour soutenir soi-disant l’église sous prétexte de recevoir une quelconque bénédiction. Malheureusement, lesdites bénédictions se donnaient aussi par rapport à la quantité d’argent, en monnaie d’échange. Quand tu donnais moins d’argent tu avais droit à une petite bénédiction et celui qui donnait le plus, avait la plus grande part de bénédictions dominicales. Une vraie arnaque, les ouailles n’avaient même pas le temps de se poser la question si ces fameux pasteurs avaient une mesurette pour quantifier les bénédictions selon les sommes d’argent données. Vraiment une mauvaise interprétation de la bible.
On assistait tous les dimanches à une grande compétition, une course sans partage à la quête de bénédictions. Chaque début de semaine, les fidèles faisaient des économies quand bien même leurs vies étaient déjà misérables. Mais, ils s’efforcent quand même d’avoir le maximum d’argent afin de lutter pour la journée compétitive de dimanche dans l’espoir d’être les plus bénis. Ils ne se rendaient pas compte que tous leurs efforts étaient pour enrichir les pasteurs qui n’exercent aucune activité, en dehors de celle de guide suprême de l’église. Ces pasteurs étaient aveuglément vénérés. Ils avaient des appellations honorifiques de haute classe religieuse : prophète, apôtre, Bishop, docteur, évangéliste, j’en passe…
Lembe était une fille, très belle, de taille moyenne, mince, d’une beauté époustouflante dont sa carrure ne laissait personne insensible. On pourrait s’amuser à dire et même croire que Dieu a pris plus de temps pour la créer. Les mauvaises langues disaient même que Dieu l’a exceptionnellement créé le dimanche qui coïncidait d’ailleurs à son jour de naissance. Elle était naturellement belle pour dire plus simple.
Lembe faisait son petit commerce dans un petit marché de proximité du quartier. Elle faisait un commerce saisonnier. Tous les produits qui se présentaient au marché selon la saison étaient bien sa raison de vendre.
Depuis que ses parents l’avaient tragiquement laissé à ses dix-huit ans, l’année même de sa réussite au baccalauréat pendant la guerre civile et tribale qu’avait connu le pays, elle était abandonnée à son propre sort, mangeait par ses propres efforts.
Son père, par son nom de famille, était de la même région que le président de la République en exercice et que la zone où ils fuyaient les combats était contrôlée par les rebelles. Malgré sa petite défense, ces arguments n’ont pas suffi malheureusement pour convaincre les assaillants qui les ont finalement abattus à bout portant, lui, sa femme et ses enfants. Lembe a eu la vie sauve grâce au commandant de la troupe qui l’avait épargné pendant qu’elle avait déjà assisté au carnage de toute sa famille. Quelle tragédie ! Une chance pour elle ? Ou ce n’était pas son jour. Cette question reste à poser et la nature pourrait répondre. En effet, ce n’était pas en vain qu’elle avait été épargnée finalement par le chef de troupe, c’était juste pour satisfaire sa libido. Il l’avait sévèrement violé sans aucune valeur humaine. C’était là même que la pauvre fille innocente avait perdu sa virginité qu’elle gardait pourtant jalousement pour l’homme qui serait devenu son époux, un rêve totalement brisé.
Elle avait passé trois jours entre ses mains coriaces qui faisaient d’elle, son objet sexuel. Elle se faisait violer à chaque instant sans scrupule selon sa soif. Malgré ses cris, ses pleurs, personne ne se souciait d’elle, elle s’est laissé faire pour garantir sa vie. Le quatrième jour venant, ils devraient avancer selon leur mission, d’où il était impossible de continuer à la garder, il l’a finalement relâché dans la nuit.
Lembe était libre, elle marchait toute la nuit dans l’espoir de rencontrer quelqu’un qui pourrait lui venir en aide. Après avoir parcouru près de vingt kilomètres à pied, dans une forêt dont elle ne maîtrisait pas son débouché. La jeune fille n’en pouvait plus, elle décida enfin de se reposer, car elle avait épuisé toutes ses forces. La fatigue, mélangée à la famine, ne lui a pas laissé d’autres choix que de trouver un endroit pour dormir. Emportée dans un sommeil profond, elle fit un songe voyant son défunt père lui venir en aide en lui sortant de ce périple et elle était redevenue heureuse. Malheureusement, c’était une joie de courte durée, juste le temps du rêve. Après une heure et demie de sommeil, la pauvre jeune fille se réveilla, furieuse de constater que ce n’était qu’un rêve, elle s’était fondue de nouveau en larmes.
Malgré sa douleur, Lembe décida de reprendre son chemin tout en demandant la force à son Dieu : « père éternel, merci de m’avoir épargné de la mort, je t’en prie de me venir en aide, car je suis à bout de mes forces, je sais que là où s’arrête ma force c’est bien là que commence la tienne, alors en ce moment, je m’abandonne entièrement à toi ». Juste après sa prière, elle entendit un son de véhicule qui ronronnait, elle s’arrêta pour voir de quel véhicule il s’agissait. Hé oui, il s’agissait bel et bien du véhicule 4x4 pick-up, de marque Toyota BJ de couleur blanche, aux écrits bleus, des Casques bleus de l’Organisation des Nations unies. Un ouf de soulagement, du coup, elles levèrent les yeux vers le ciel pour dire merci à Dieu, « merci, mon Dieu, d’avoir exaucé ma prière ». Les Casques bleus lui ont pris jusqu’à l’emmener au site du Haut-Commissariat des Réfugiés (HCR), le plus proche.
Le responsable du site l’a bien reçu et lui posa quelques questions sur son parcours. Lembe expliqua au chef du site sa douloureuse épreuve de parcours. Elle était tellement traumatisée et fatiguée qu’elle n’arrivât même pas à bien parler. Elle tremblait, son corps sortait même la chair de poule. Abattue par les événements, sa vie sombrait dans le désespoir. Vivre ou mourir, voilà les deux sujets qui envahissaient sa pauvre tête. Le chef du site était obligé de le confier au psychologue du site pour la suivre afin de lui remonter le moral. Elle était totalement déboussolée et ne trouvait plus la raison de vivre. Le choc était trop dur pour elle, le fait d’assister au massacre de toute sa famille et par la suite, abusée d’elle, c’était comme si le ciel lui était tombé dessus. Toutes les secondes, minutes, voire heures, elle ne faisait que pleurer. Lembe se demandait comment vivre seule sans ses parents : « mes chers parents, j’ai beaucoup appris de vous, mais dommage que je n’ai pas pu apprendre à vivre sans vous. Vous allez me manquer toute ma vie », disait-elle incessamment avec des yeux baignés de larmes.
Deux mois passés dans ce site étaient pour elle une traversée de désert, l’image de la mort de ses parents et de son viol lui revenait sans cesse. Elle se sentait entièrement dépouillée de toutes ses forces. Plus rien n’avait le pouvoir de retenir ses larmes, elle mangeait à peine. Les journées s’avéraient très longues et que dire des nuits là où tout le monde dormait. Elle était dépressive, toujours dans son coin en criant à l’injustice de la société. Elle ne croyait toujours pas à ce qui lui était arrivé, de fois, elle avait l’impression que ce n’était qu’un rêve et qu’en se réveillant tout serait redevenu normal. Le psychologue a eu un grand travail pour lui redonner goût à la vie.
La guerre était finie, les rebelles avaient finalement renversé le pouvoir démocratique sous la bénédiction de L’OTAN et demandèrent à la population réfugiée de regagner leur domicile. La vie reprenait petit à petit, malgré les dégâts enregistrés dans Mavoula, la capitale du Kongo où ont eu lieu les combats. Les maisons étaient détruites et pillées par les rebelles qui avaient pris d’assaut la ville.
Le général Loulendo a repris le pouvoir, il s’est autoproclamé président de la République.
Mavoula, la capitale était bourrée d’hommes en armes, militaires et miliciens. Le président passa à la télé pour rassurer la population et demanda à tout le monde de reprendre la vie normale. On enregistrait encore quelques pillages et braquages. Pour mettre fin à cela, ceux qui étaient pris la main dans le sac étaient systématiquement abattus. Les patrouilles se faisaient nuit et jour pour éviter les déroutes.
Le pays qui avait connu sa première démocratie trente-deux ans après son indépendance, après seulement cinq ans d’expérience, s’est replongé dans l’autocratie qu’il avait pourtant dit adieu.
La nuit tomba au rythme du sarcasme impressionnant des ennemis de la démocratie qui faisaient la fête, chantaient leur gloire, se vantaient du pouvoir repris par les armes pour se moquer des déboires des minables. Pendant ce temps, le peuple croupissait dans la misère, criait à l’injustice, tout était en berne. La démocratie venait d’être injustement combattue et vaincue. La population vivait désormais dans la trouille, car la force des armes a eu raison sur la voix du peuple qui s’était prononcé, il y a cinq années en arrière où le pays réalisait un exploit jamais connu depuis son indépendance. Le professeur avait accédé à la magistrature suprême par la voie des urnes, après une conférence nationale et une transition qui avaient connu un vrai succès. Ce jour-là, était une vraie délivrance, car le pays était otage d’une monarchie sanguinaire dirigée par le président Loulendo, où sortir la tête était une façon de signer son aveu de mort. Le président avait le bénéfice de son mandat renouvelé par un simple congrès du parti. C’était le parti unique qui dirigeait l’État. Par la suite, il formait son gouvernement dont il avait lui-même les fonctions suivantes : président de la République, chef du gouvernement, chef suprême des armées…
Après avoir repris le pouvoir par un coup d’État, il lui fallait légitimer son pouvoir en lui dotant des institutions montées de toutes pièces pour faire croire au monde l’existence d’une démocratie. Un gouvernement pléthorique de plus de cinquante membres, ministres et secrétaires d’État fût mis en place, un acte fondamental en lieu et place de la constitution qui distribuait le pouvoir dont aucun n’était élu au suffrage universel et c’était ainsi qu’avait vu le jour, le Conseil national de transition, l’organe législatif de transition. Ces membres étaient choisis par un forum mis en place, tout cela était prévu dans l’acte fondamental.
Les caisses de l’État étaient vides, il fallait brader le pétrole, la principale matière première du pays pour avoir une bouffée d’oxygène.
Le langage courant dans la ville était « l’effort de guerre ».
L’heure était maintenant à la récompense pour tous les artisans de la guerre. Tous les pionniers de la guerre réclamaient leur part du butin pour avoir combattu. Le général avait formé son gouvernement de transition avec pour critère principal « l’effort de guerre ». Les postes ministériels se distribuaient par rapport à l’effort fourni tant physique, matériel que financier. Il prenait aussi en compte l’aspect régional et relationnel.
Les militaires qui avaient combattu se voyaient récompenser en grades : on voyait des combattants nommés lieutenants, des lieutenants nommés colonels et des colonels nommés généraux par décret présidentiel. Les miliciens, eux, ont intégré les rangs de l’armée régulière avec des galants à la discrétion du président de la République et pour la majorité les jeunes de sa région pour former après la garde républicaine et même présidentielle.
Comme dans tout partage, il y a toujours des oubliés. Ceux qui voulaient revendiquer étaient automatiquement arrêtés et parfois même abattus. C’était la loi de la jungle, la cour du roi Pétaud. On avait aussi l’impression que le pays avait plusieurs chefs d’État et que le général n’était que figurant au pouvoir. Le pays était dirigé par un clan. Ce clan était même exempté de tout déboire.
La première mission pour ce pouvoir était d’occuper tous les postes clés dans tout le territoire afin de bien contrôler le pays dans la durée et installer une dictature pérenne. Le critère compétence se voyait substituer au critère relationnel ou carrément régional pour un contrôle effectif dans tous les plans. Une seule région avait curieusement la population la plus intelligente et compétente du pays du fait d’être la région du chef de l’État. Elle était pratiquement à la tête de tous les postes stratégiques de l’État, dans tous les départements du pays.
Après avoir occupé tous les postes, commencèrent la chasse aux sorcières, tous ceux qui ont travaillé avec l’ancien régime, à part ceux qui ont servi de judas pour favoriser la chute du pouvoir légitime, étaient rattrapés et jugés pour crime de guerre et gabegie financière.
L’argent sortait du trésor d’une façon incroyable, on voyait des ministres nommés lundi et milliardaires mercredi, malgré cet enrichissement illicite, personne n’était interpellé ni inquiété. Le pétrole et le bois de l’État étaient vendus par des particuliers à l’étranger. Les nouveaux riches naissaient comme des champignons sans effort conséquent. L’argent de l’État était logé dans les poches des hommes forts que dans le trésor public. Toutes les nuits, les sorties illicites d’argent se faisaient sans arrêt dans les sacs nguiri.
Tous les textes mis en place parlaient bien de la démocratie, pourtant dans le fond, il n’y avait aucune pratique qui ressemblait à une démocratie. C’était alors un régime hybride, une démocratie dictatoriale. On obligeait la population à accepter les choses par peur d’être bastonnée ou incarcérée, voire tuée.
Un simple déplacement du président, toute la ville était en alerte, quadrillée, l’arsenal de guerre devait sortir. Est-ce que c’était la peur d’être traité comme il a toujours fait aux autres ? La réponse se trouvait dans sa façon d’agir.
La guerre avait laissé des séquelles de traumatisme incroyable. Elle en avait fait tellement de victimes en un temps record que la population était restée à tout jamais traumatisée. C’est ainsi que le général avait développé une forme de psychose ahurissante, laissant croire à la population qu’on l’avait dérangée de son sommeil pour faire la guerre et que c’est grâce à lui que le pays a recouvré la paix, donc sans lui, il n’y aura plus jamais la paix. Il jouait ainsi à la victime, oubliant même que c’était lui qui avait destitué la voix du peuple.
Après plusieurs semaines d’hésitation, la population commençait à regagner la capitale en masse. Ils en avaient marre de vivre sans ressource dans les brousses pour les uns et dans les villages pour les autres. Tous ceux qui revenaient les premiers, rassuraient les autres, jusqu’à ce que la majeure partie des déplacés locaux avaient regagné la ville, à part ceux qui ont traversé les frontières.
Le gouvernement signa un accord de rapatriement de la population avec le pays voisin qui avait l’hospitalité de recevoir les immigrés, tout en leur garantissant la sécurité. Un protocole était mis en place pour les accueillir au port fluvial de Mavoula. Ce fut un grand événement, tous les médias en parlaient, les parents s’étaient déplacés pour les recevoir. Tout à coup, à la grande surprise de tout le monde, un tri systématique s’était fait, dès leur arrivée. Plus de trois cents jeunes garçons valides du sud du pays ont été interpellés et conduits à une direction inconnue, prétextant être des combattants ayant combattu du côté du camp déchu. Ces jeunes malheureusement ont été acheminés par convois dans les destinations inconnues et finalement portés disparus jusqu’à nos jours. Après la pression des parents des victimes, un simulacre de procès a été organisé, mais sans qu’il ait même un seul coupable. Tous les accusés ont été innocentés, pourtant ces jeunes garçons n’ont jamais été retrouvés.
Lembe ne pouvait pas déroger à la règle, elle faisait partie de ceux qui libéraient les sites du Haut-Commissariat des Réfugiés. Ils leur avaient été donnés : de l’argent liquide, des matelas portables, des moustiquaires imprégnés pour lutter contre le paludisme, quelques habits et des vivres afin de leur permettre de se refaire la vie.
Lembe ne savait pas où aller, l’appartement qu’ils avaient avec ses parents n’était pas le leur, son père le louait, car il était presque impossible pour un enseignant de s’acheter un appartement, vu leurs revenus minables. L’enseignement et la médecine étaient curieusement les corps de la fonction publique les moins rémunérés parmi tant d’autres. Un enseignant touchait un salaire dérisoire comparé à un militaire qui touchait le plafond. On disait d’eux, les privilégiés de l’État et ça depuis la nuit de temps. Est-ce que, parce que l’armée avait le rôle le plus important selon les dignitaires du pouvoir, celui de protéger leur règne ? Difficile à comprendre, alors qu’un pays ne pourrait se développer sans éducation, car l’éducation est la base de l’évolution. Et que dire de la médecine qui a pour vocation de sauver des vies ?
Lembe décida d’arriver quand même à leur ancien domicile dans l’espoir de récupérer quelques effets leur appartenant, malheureusement, tout avait été pillé. Déçue de le constater, elle eut la première idée d’aller squatter chez Nioka, son oncle paternel, le frère cadet de son défunt père, tout en l’expliquant que son frère aîné avait été abattu pendant la guerre, malheureusement ce dernier refusa catégoriquement de l’accueillir :
— Je n’ai pas de place pour toi, je suis vraiment désolé.
— S’il te plaît oncle, je n’ai nulle part où aller, même au salon je pourrais dormir, juste pour un petit moment, le temps que je trouve une autre solution.
— Tu es devenue sourde ou quoi, n’ai-je pas était clair ? Mon salon n’est pas un dortoir. Ton père de son vivant n’a rien fait d’extraordinaire pour moi. À part le fait qu’il m’a permis de quitter le village, il m’a accueilli chez lui jusqu’à ce que j’aie fini mes études, mais s’il l’a fait c’est parce que c’était son devoir en tant que grand frère, nous étions qu’à deux, rien de plus. Donc, tu vas aller te débrouiller ailleurs.
— D’accord mon oncle, j’ai bien compris.
— Encore une fois de plus, je suis sincèrement désolé, ma maison n’a que deux chambres et mon salon est trop petit ; bon courage à toi.
— Merci, oncle, Dieu pourvoira.
— Tu as raison c’est Dieu qui a toutes les solutions, moi je ne suis qu’un pauvre humain.
Lembe était sidérée de la réaction de son oncle, car c’était sa seule famille dans Mavoula.
— Je ne crois pas à mes oreilles, c’est l’oncle Nioka qui me dit tout ça ? Lui dont papa s’est battu bec et ongle pour sa réussite. Où est passé ce gentil oncle qui m’accompagnait à l’école, qui m’aidait à faire mes devoirs, qui m’apprenait la lecture, la table de multiplication et consort. Quelqu’un peut-il changer aussi facilement comme ça ? Ce sont les aléas de la vie.
Lembe était obligé en dernier rempart d’aller solliciter refuge dans un orphelinat de Mavoula, le plus réputé en tout cas. Malgré qu’elle fût déjà majeure et que le site était aussi bien saturé, à cause de la situation de crise qui a engendré beaucoup d’orphelins dans la ville, elle avait été à la limite admise, une exception pour la demoiselle. Un endroit où étaler son petit matelas portable lui avait été donné, un souci résolu pour la jeune fille.