Le petit cartable bleu - Elsa Piel - E-Book

Le petit cartable bleu E-Book

Elsa Piel

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Beschreibung

Oscar est victime de la violence de sa maitresse d'école. Pourtant, personne ne semble l'écouter...

Oscar a trois ans…
C’est sa première rentrée des classes. Il est heureux et fier.
Mais rapidement, Oscar exprime des bribes de mots.
« Maîtresse est méchante. Je veux une maîtresse gentille. Maîtresse elle me donne des fessées. »
L’année scolaire passe et Oscar va de plus en plus mal jusqu’à ce qu’un adulte parle. Oscar disait donc bien la vérité.
Pourquoi a-t-il été choisi comme victime ?
Comment ce petit bonhomme abîmé va-t-il pouvoir se reconstruire ?
Quel chemin ses parents devront-ils prendre pour ne plus le voir comme une victime ?
Ce roman, basé sur une histoire vraie, parle d'amour, de résilience, et de combat face à l'épreuve. Un témoignage pour que l'on écoute les enfants, et pour que leur parole soit reconnue.
« Je ne pourrai jamais pardonner, mais je dois apprendre à passer à autre chose. Je n’ai pas rêvé, je n’ai pas inventé : des adultes ont parlé, des enfants ont confié leurs paroles. La réalité est là. »

Laissez-vous toucher par ce récit tiré d'une histoire vraie. Un témoignage pour que l'on écoute les enfants, et pour que leur parole soit reconnue.

EXTRAIT

J’en ai lu des romans sur les personnalités perverses. On en a même fait des films. Le meilleur selon moi est celui de Maïwen, Mon roi. Une instit’, cela est souvent la Reine d’une enfant. Nous rentrions dans son Royaume de la plus belle des façons.
Un silence se réinstalle. Tu as les larmes aux yeux. Je ne dis rien. Je me retiens de dire :
–Mais comment peut-il prendre son cartable s’il ne monte pas sur le banc ?
J’aurais dû le dire. La soumission commençait sur toi mais aussi sur moi, avant que je ne réagisse mais trop tardivement.
Tu es là, les yeux brillants de larmes et non plus de joie, les bras ballants. Je te dis que Maman va ramener le cartable à la maison. Tu l’auras ce soir. Mais ta joie est partie.
Pourquoi t’a-t-elle choisi ? Parce que nous étions les premiers ce jour-là ?
Je l’ai lu ensuite à plusieurs reprises : devenir une victime n’est pas lié à un hasard. Oscar a été choisi pour ce qu’il était. Pour sa sensibilité. Notre fils est un enfant comme les autres et à la fois, il a ses propres caractéristiques. Physiquement, il est chétif : pas très grand, pas très épais. Il a de grands yeux bleus qui lui mangent son visage, avec de très longs cils. On lui donne souvent un an de moins que son âge. C’est un enfant contemplatif, créatif, sensible. Il est posé, aime dessiner longuement. Il a de fortes capacités d’observation. À la crèche, il avait peu de copains. Certes, ce n’est pas encore l’âge de la socialisation mais les puéricultrices me le disaient : il aime être seul.
Oscar est timide avec les autres enfants et à la fois il est à la recherche de l’adulte. Pas pour de l’admiration, mais c’est un enfant câlin qui recherche le contact et la proximité avec l’adulte. Ton positionnement ce matin, notre proximité a dû déclencher quelque chose chez elle. Mais cela me hantera souvent après : pourquoi toi ?

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Veröffentlichungsjahr: 2018

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Elsa PIEL

Le petit cartable bleu

Pour les enfants de demain.

1

Des bribes de phrases, des petits mots, des cauchemars, des pipis au lit qui recommencent alors que tu étais propre, des refus de manger, de gros chagrins incompréhensibles et inconsolables, et parfois des colères soudaines, toi qui étais auparavant si doux : les signaux d’alerte étaient là. Je ne peux que te dire pardon. Mais à quoi sert le pardon quand on sait que l’on n’a pas vu l’ampleur de la détresse, alors que tu mettais tant d’énergie à nous faire comprendre l’inadmissible par ton corps et les mots de ton âge. Je me disais : c’est l’adaptation, ça va passer. Tu avais fait deux belles années de crèche. Cela ne pouvait que passer. Mais rien n’est passé et tu as développé ce que le psychologue nommera, neuf mois après ta rentrée des classes, un « stress post-traumatique ». Il était trop tard. Le diagnostic était posé et le mal était fait.

À partir de quand la maltraitance a débuté ? À partir de quand considère-t-on qu’on dépasse la simple autorité pour passer du côté de la maltraitance ? Que t’a-t-elle fait exactement ? Toutes ces questions tournent dans ma tête depuis plusieurs mois. Comment ai-je pu passer à côté ? Je t’ai mis au monde pour te protéger. Je n’ai pas su.

Tu n’as rien lâché tout au long de l’année : tu as parlé, tu as dit. Elle, elle a nié, elle t’a traité de menteur, elle t’a menacé si tu racontais. Mais elle ne t’a pas enlevé ce qu’il y a de plus précieux en chacun de nous et qui avait germé en toi de manière exceptionnelle : ta liberté. La liberté de dire, de parler, de raconter ce que tu comprenais déjà du haut de tes 3 ans comme « pas normal ». Cette liberté de parole si précieuse, tu n’as pas encore la capacité de l’écrire. Mais il faut raconter… Parler de la lente et insidieuse destruction de ta psychologie. Parler de la lâcheté de ceux qui savent, qui constatent mais ne font rien. Peur des représailles, peur de la diffamation, peur des racontars et de se « fâcher avec ».

J’en ai entendu des excuses. Sans parler de ceux qui jugent, sans savoir, sans chercher à comprendre la réalité des faits. Raconter aussi ceux qui ne lâchent pas et qui se battent de toutes leurs forces pour que cela ne continue pas, malgré le système. Dire la reconstruction, le retour à la joie, les pleurs qui s’arrêtent, l’appétit qui revient, les chansons que tu chantes à nouveau, enfin, de ta petite voix fluette et du haut de tes bientôt 5 ans.

Ta maîtresse de moyenne section – exceptionnelle – a posé le mot sur toi : abîmé. Mais abîmé n’est pas détruit. Ta résilience – malgré les moments difficiles – en est la preuve.

La parole d’un enfant est sacrée. La vigilance de tous doit être présente : écouter la parole d’un enfant, ne pas douter, ne pas remettre en cause. Durant l’enquête, on m’a dit qu’une ancienne affaire judiciaire a mis à mal cette parole des plus petits : le spectre d’Outreau est toujours présent quand des enfants racontent à la justice. Réhabiliter cette parole, former les professionnels à l’écoute de ces petits êtres qui disent tout simplement leur vécu est une nécessité maintenant.

Au xxie siècle, on a pu maltraiter un enfant au sein d’une école, en toute impunité, juste parce qu’une institutrice est déviante. Ce n’est pas politiquement correct de le dire. Comme si on s’en prenait au sacro-saint Enseignement. Il faut du courage pour justement ne pas se taire et dire que parfois cela peut se produire, pas souvent mais que oui, cela arrive.

C’est courageux de vouloir protéger les adultes de demain.

Le monde enseignant fait un travail merveilleux et dès que l’on parle de déviance au sein de ce système, on est catégorisé. Mais ce n’est pas une raison pour se taire et ne pas raconter ce qui peut se passer. La maltraitance n’est pas cantonnée aux sphères privées. Elle se déroule dans de nombreux lieux notamment professionnels et publics. Dire l’inverse serait comme nier une évidence : les personnalités déviantes mettent en place leur perversité aussi bien dans leur vie intime qu’au sein de leur travail. Elles ne sont pas une personne à la maison et une autre dans le monde professionnel. Et quand elles ont en charge des enfants de 3 ans, les dégâts sont terribles.

Oscar en a fait les frais.

2

Tu dors. Ton visage d’ange paisible ne bouge pas. Ta petite bouche rosée inspire et expire et tes longs cils sont posés sur tes petits cernes bleus qui entourent tes grands yeux bleus fermés le temps de ce sommeil. Tes bras menus enserrent ton lapinou doudou qui ne te quitte pas durant tes nuits.

C’est le premier jour de la rentrée et je dois te réveiller. Cela m’est difficile. Je suis admirative de ton état d’endormissement paisible où tu es si serein. J’ai l’impression de devoir te retirer de ce monde merveilleux des rêves pour te mettre dans la réalité de la vie et des obligations. Obligation de t’habiller, de déjeuner dans un temps réduit, de te préparer pour partir. La douceur de ton enfance n’est pas adaptée aux rythmes que je t’impose. L’acceptation de cela quand on est maman est une nécessité. Cela n’empêche pas la culpabilité.

Je redouble de douceur : il y a le rituel de l’histoire du soir mais il y a aussi le rituel du réveil du matin. Je m’allonge à côté de toi et je te serre dans mes bras. Je ne parle pas et je respecte encore le silence de ta nuit.

Comme tous les matins, tu te mets dans le creux de mon ventre et de mes bras et tu m’enlaces fortement. Nous ne bougeons pas, l’un collé à l’autre. Surtout ne pas bouger pour que le temps s’arrête. Tu t’animes, tu t’étires, tu te frottes les yeux, tu me montres ton regard : ça y est, tu es là.

Bonjour mon petit chat. Bonjour Maman.

C’est le jour de la rentrée des classes.

Le ciel est d’un bleu azur et le soleil radieux ce matin. Tes frères sont déjà réveillés et assez excités : la 6ème pour l’un et le CP pour l’autre… avec toi qui entres en petite section, nous sommes sur des années de passage. Tu es heureux ce matin et pressé de vouloir être comme tes grands frères : aller enfin à l’école. Toi – petit dernier – tu es grand car tu vas à l’école. J’aime ces matinées d’excitation de rentrée scolaire. Il y a une joie et à la fois des craintes. Il faut être présent, rassurer, encourager, câliner mais aussi recentrer, avoir l’œil sur tout, vérifier, accompagner.

Je prépare un petit déjeuner gargantuesque : jus de fruit frais, crêpes maison, yaourts. Le soleil danse à travers les persiennes de la maison. Notre table matinale est animée des attentes de chacun. Je vous regarde : vous êtes bruyants, joyeux. Ça discute, ça se dispute un peu aussi : les moments simples d’une vie de famille un jour de rentrée des classes.

Il est temps de se préparer : lavage de dents, nettoyage des moustaches du bol de chocolat et nous t’habillons de l’uniforme de rigueur : short uni et polo bleu marine. Tu es très classe dit papa. Je veux prendre une photo : sur cette prise de vue que j’ai ensuite mise en première page du classeur reprenant tout le dossier et destiné à l’avocat, je te vois fier avec un grand sourire aux lèvres, le menton relevé, plein de confiance. Cette photo de toi si confiant et heureux m’a longtemps brisé le cœur.

Notre grand part seul au collège. Nous partons à pied de la maison avec toi et ton frère. La petite école de quartier est jolie, entourée de palissades blanches et bordée d’un parc où les palmiers et autres flamboyants rougeoyants sont bercés par l’alizé.

Les classes sont dispersées autour d’un patio où la brise rafraîchit naturellement l’espace. En cette chaude matinée, il fait doux dans cet espace aéré. Nous arrivons devant l’école et j’arrive à me frayer un passage au milieu de tous les parents pour regarder la liste des classes avec le nom de l’instituteur pour ton frère et toi.

Il y a du monde devant l’école : la rentrée scolaire des primaires est à 8h00, la tienne à 9h00. Comme papa n’a pas pu rester ce matin, j’accompagne ton frère dans sa classe avec toi et je m’assois ensuite sur le petit banc devant ta classe encore fermée. Nous restons assis calmement et le brouhaha de l’école se calme petit à petit au fur et à mesure des rentrées dans les classes. Tu sembles un peu impressionné et te colles contre moi :

–Maman, c’est bien là ma classe ?

–Oui et tu vas bientôt voir ta maîtresse. Tu sais, je la connais et elle est gentille. Ton frère la connaît aussi, il te dira ce soir que c’est une gentille maîtresse.

Nous continuons à rester assis l’un contre l’autre en silence. L’instant qui va suivre, pourtant anodin, me mettra une boule au ventre. J’aurais dû déjà partir en courant avec toi. Une réalité dérangeante, un mauvais pressentiment mais je ne me suis pas écoutée.

Manque de clairvoyance ou alors cela était tellement gros que ce n’était pas possible ?

Tu as eu quelques jours auparavant un cadeau de ma meilleure amie : un petit cartable bleu. Tu l’as préparé minutieusement la veille avec des préciosités de ton âge : crayons, gommettes, petit doudou, voiture. Nous t’avons pris en photo avec, la veille au soir, et envoyé les images à mon amie, aux papis et aux mamies, pour dire la joie de cette rentrée du lendemain. Le matin de la rentrée, la photo prise sur le chemin de l’école te montre rayonnant avec ce petit cartable sur le dos.

Avant de nous asseoir, tu accroches minutieusement ton cartable sur un porte-manteau, en hauteur. Pour ce faire, tu dois te hisser sur un banc posé contre le mur car le porte-manteau est bien trop haut pour toi. Nous sommes ainsi dans l’attente de ta rentrée officielle, serrés l’un contre l’autre, le petit cartable en hauteur.

La maîtresse sort enfin de la classe : premier contact, première rencontre. Pour un enfant qui fait sa rentrée des classes, enfin tu vois ta maîtresse ! Je ne la reconnais pas : elle a beaucoup grossi durant les vacances scolaires. Petite femme menue, blonde aux yeux clairs, c’est une femme engoncée dans une robe style année 60 où déborde son surpoids. Sur le perron de sa classe, elle nous voit et nous dit un bonjour glacial. Je suis un peu surprise car ce n’est pas l’image que j’avais d’elle l’année précédente. À peine nous dit-elle bonjour qu’elle te regarde et dit froidement :

–Maîtresse ne veut pas de cartable, tu donnes le sac à Maman.

Silence gêné.

Tu me regardes et te serres encore plus contre moi. Un blanc s’installe de sidération conjointe. Certes le cartable n’est pas obligatoire : tu n’es qu’en petite section. Mais il ne faut pas avoir fait des années de psychologie pour savoir que les enfants ont besoin d’éléments rassurants quand ils changent d’environnement. La rentrée des classes est un moment tellement important pour un enfant que sa réaction est surprenante. Je suis étonnée et émue en repensant au soin de préparation que tu as mis pour préparer ce petit sac. Il te sert plus de réassurance en ce premier jour que de réel cartable d’écolier. Elle ne cherche même pas à savoir ce qu’il y a dans le sac : il est interdit, point. Une alerte se déclenche dans ma tête.

Moi qui avais encensé la maîtresse, ce premier contact plutôt glacial et autoritaire ne te met pas à l’aise et je le ressens de suite.

Je me ressaisis rapidement : c’est sa classe et tu seras son élève. Nous n’allons pas commencer à discuter les règles et puisque la maîtresse te demande de rendre le sac, tu dois le faire. Surtout qu’elle est insistante… La voilà qui te redit :

–Maintenant, tu donnes ton cartable à Maman.

Elle reste debout devant nous d’un air sévère, bras croisés – j’en suis moi-même mal à l’aise alors que j’ai 40 ans. Je me lève du banc et je me mets à ta hauteur :

–Oscar, le cartable ne peut pas rester à l’école.

Tu te lèves et commences à mettre un pied sur le banc pour atteindre le sac afin de me le remettre : il est évident que tu ne peux atteindre ce porte-manteau si haut où tu avais accroché ton cartable.

Elle s’approche subitement de toi et à ma grande surprise, te tire violemment par le bras pour te remettre les pieds au sol :

–On ne monte pas sur les bancs.

Tu es pétrifié tout comme moi. Oui, certes, on ne monte pas sur les bancs mais bon, l’injonction paradoxale et ta mise en difficulté volontaire par un geste que je peux qualifier de sec pour ne pas dire violent me sautent aux yeux. Elle te place entre deux obligations contradictoires : ne pas monter sur le banc mais lui donner le cartable. Comment peux-tu lui donner le cartable si tu ne montes pas sur le banc ? Du haut de tes 3 ans tu restes alors planté devant le banc.

J’en ai lu des romans sur les personnalités perverses. On en a même fait des films. Le meilleur selon moi est celui de Maïwen, Mon roi. Une instit’, cela est souvent la Reine d’une enfant. Nous rentrions dans son Royaume de la plus belle des façons.

Un silence se réinstalle. Tu as les larmes aux yeux. Je ne dis rien. Je me retiens de dire :

–Mais comment peut-il prendre son cartable s’il ne monte pas sur le banc ? 

J’aurais dû le dire. La soumission commençait sur toi mais aussi sur moi, avant que je ne réagisse mais trop tardivement.

Tu es là, les yeux brillants de larmes et non plus de joie, les bras ballants. Je te dis que Maman va ramener le cartable à la maison. Tu l’auras ce soir. Mais ta joie est partie.

Pourquoi t’a-t-elle choisi ? Parce que nous étions les premiers ce jour-là ?

Je l’ai lu ensuite à plusieurs reprises : devenir une victime n’est pas lié à un hasard. Oscar a été choisi pour ce qu’il était. Pour sa sensibilité. Notre fils est un enfant comme les autres et à la fois, il a ses propres caractéristiques. Physiquement, il est chétif : pas très grand, pas très épais. Il a de grands yeux bleus qui lui mangent son visage, avec de très longs cils. On lui donne souvent un an de moins que son âge. C’est un enfant contemplatif, créatif, sensible. Il est posé, aime dessiner longuement. Il a de fortes capacités d’observation. À la crèche, il avait peu de copains. Certes, ce n’est pas encore l’âge de la socialisation mais les puéricultrices me le disaient : il aime être seul.

Oscar est timide avec les autres enfants et à la fois il est à la recherche de l’adulte. Pas pour de l’admiration, mais c’est un enfant câlin qui recherche le contact et la proximité avec l’adulte. Ton positionnement ce matin, notre proximité a dû déclencher quelque chose chez elle. Mais cela me hantera souvent après : pourquoi toi ?

3

Les autres enfants sont arrivés devant la classe avec les parents. De cette froideur du tête-à-tête précédent, je vois s’illuminer le sourire de celle que je venais de voir glaciale. De grands bonjours, de grands sourires, des « mon chéri » à des enfants, des « oh qu’ils sont trop mignons »… Je l’observe. Ce n’est plus la même. Elle est dans son élément. Il faut la voir passer de l’un parent à l’autre, se pencher vers les enfants. Je pense que j’ai dû me tromper ; que j’ai mal analysé. Oscar n’avait pas à monter sur ce banc. Et puis cette histoire de cartable, ce n’est pas si important. Mais le malaise est là. J’ai le sentiment qu’elle a comme un masque sur son visage. Le masque du sourire… Faux. Ce que j’ai vu avant m’avait consternée. Ce que je vois maintenant m’interpelle. Elle est là au milieu des parents, et on a le droit à un spectacle de la maîtresse « trop » sympa et « trop » gentille.

Une autre interdiction tombe : les parents ne peuvent pas accompagner les enfants dans la classe. Certains parents insistent, mais il faut « faire vite », « partir vite » :

–Ce sera plus facile pour vos enfants, dit-elle. Allez allez, au revoir les parents !

Pour avoir réalisé d’autres rentrées en crèche ou à l’école avec mes enfants, cela ne s’était jamais produit ainsi. Mais de nouveau, je ne dis rien et me soumets. D’autres parents semblent étonnés comme moi cependant. Mais nous coopérons tous.

Tu ne veux pas que je parte. Tu te colles à moi et tu veux que je te garde dans mes bras. Tu te mets à sangloter et tu m’appelles : « Maman, Maman ». Je me penche et te pose sur mes genoux.

Quand tu étais dans mon ventre, j’avais fait de l’haptonomie. C’est une méthode qui consiste à entrer en communication avec le bébé par des gestes spécifiques sur le ventre. Cette pratique, nous avons continué à l’appliquer après ta naissance. Nous avons gardé cette habitude de nous serrer quelques instants fortement quand tu as un chagrin, quand tu te fais mal, quand tu en as besoin. C’est une technique très enveloppante qui te rassure et là, tu en as particulièrement besoin. Je t’entoure de mes bras et de mon corps. Tu t’accroches, tu pleures. L’environnement est nouveau, mais à la crèche, tout se passait bien. Ce qui s’est passé à notre arrivée ne t’a pas mis en confiance. Je me dois de te rassurer.

Je te dis des mots doux, que tout va bien se passer, que tu es enfin à l’école. Mais je sais que tu as senti le malaise. Le sixième sens des enfants. J’ai du mal à te poser et à partir. Je le fais rapidement comme une voleuse.

Je repars avec ton cartable et tes petites affaires. Je suis tellement mal de te laisser dans cet état et à la fois, elle est là – derrière nous – à me dire de partir car ce sera plus facile pour toi. Je quitte l’école avec une boule au ventre. J’étais la première, et je suis la dernière à partir.

Sur la route de mon travail, j’ai du mal à me concentrer sur la circulation de ce matin de rentrée. Je n’arrête pas de penser à cette scène du petit cartable, du refus de la maîtresse de t’autoriser à avoir tes petites affaires et à la façon dont elle t’a parlé et remis au sol. Mais la vie doit continuer : j’ai une activité professionnelle, tu es dans la petite école de notre quartier. Tout va s’arranger. Mais le pire sera à venir pour toi. Cela n’est qu’un infime aperçu de ce que j’ai pu voir car dans l’enceinte de la classe, je te laissais sans le savoir auprès d’un monstre.

Un ami me dira plus tard qu’il a laissé son fils trois jours dans la classe puis l’a changé d’école. Lui, il a vu. Il me dira :

– Elle a eu des mots et un regard posés sur lui et j’ai su que si je le laissais, il allait en faire les frais.

Son fils a des difficultés dans l’apprentissage de la parole. Il avait pour le coup eu des soucis dans une crèche. Cet ami a eu cette hyper vigilance sur la différence que je n’ai pas su mettre en œuvre.

Le soir même, tu posais tes premières questions :

–Pourquoi ma maîtresse elle est méchante ?

Qui se transformera au fil de l’année par :

–Je veux une maîtresse gentille.