Le petit prince d'Aranéide - Roland Foli - E-Book

Le petit prince d'Aranéide E-Book

Roland Foli

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Beschreibung

Les huit premières années d’un enfant noyé dans la cité d’une grande ville.

Des rêves, des cauchemars, des joies, une fêlure, des blessures…
Une petite tranche de vie…
Vingt-six mille mots et des poussières, quelques points, quelques virgules…

Découvrez sans tarder ce roman qui vous emportera dans la poésie de l'enfance !

EXTRAIT

J’ai presque trois ans ! J'accroche mes petites mains aux barreaux noirs du balcon de notre appartement d’où j'embrasse toute la cité d'un seul regard, la bouche et le nez collé sur le métal froid. Comme elle est immense ma cité, tellement immense pour le petit bonhomme que je suis.
Je pleure toutes les larmes de mon corps.
Je ne mange presque plus. Tout juste une rondelle de tomate que ma mère me force à avaler malgré moi !
Celle que j’aime le plus au monde, mon unique horizon, ma seule raison d’exister m’a trahi !
Moi qui croyais naïvement qu’on allait juste faire un tour !
Mais quand elle m’a lâché la main en me disant « maman revient te chercher ce soir, il faut être sage, tu es grand maintenant ! », je me suis mis à pleurer en l’implorant de ne pas me laisser seul avec cette femme inconnue, au milieu d’autres moi-même, eux aussi… Tellement désemparés.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Roland Foli est poète et musicien. Le petit prince d'Aranéide est son premier roman.

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Roland Foli

Le petit prince d’Aranéide

Au commencement, il n’y a plus ni hommes féroces,ni bêtes soumises.

Juste une Nature Sauvage et indomptable.

Un bouillonnement fantastique et terrifiant. Un grouillement d’âmes incandescentes qui dévalent les pentes abruptes et mortelles d’un nouveau monde qui ensevelira bientôt l’ancien.

Dans les marais de nuit la terre se mêle à elle-même,enfle et se soulève.

Et par son lent travail, en fait une image.

Cette image est une femme, et ses yeux sont deux étoiles noyées,

Immobiles au milieu des reflets,

Elle brûle comme un alcool perdu, se consume sans bruit,

Se consume sans but,

Droite et nue… Elle ignore le temps.

Une chaleur occulte a fondu les métaux,

Le ciel se fend, le soleil fuit,

Les rochers coulent sans bruit.

L’image vibre au rythme des remous.

À travers son beau corps passent des ondes

Et des souffles d’une vie balbutiante.

Elle est reflets, présence absente, âme d’une eau trouble et rousse.

Elle regarde la mer, les étoiles disparaissent dans le ciel, et les vagues se déchaînent sur le sable endormi.

Elle semble ivre de bonheur, et libre…Libre comme le vent !

Ainsi naquit Aranéide !

Un monde…

Le mien !

Un petit chant d’oiseau

Sur un air de printemps.

Notre vie était belle,

Nous étions des enfants…

J’ai presque trois ans ! J’accroche mes petites mains aux barreaux noirs du balcon de notre appartement d’où j’embrasse toute la cité d’un seul regard, la bouche et le nez collés sur le métal froid. Comme elle est immense ma cité, tellement immense pour le petit bonhomme que je suis.

Je pleure toutes les larmes de mon corps.

Je ne mange presque plus. Tout juste une rondelle de tomate que ma mère me force à avaler malgré moi !

Celle que j’aime le plus au monde, mon unique horizon, ma seule raison d’exister m’a trahi !

Moi qui croyais naïvement qu’on allait juste faire un tour !

Mais quand elle m’a lâché la main en me disant « maman revient te chercher ce soir, il faut être sage, tu es grand maintenant ! », je me suis mis à pleurer en l’implorant de ne pas me laisser seul avec cette femme inconnue, au milieu d’autres moi-même, eux aussi… Tellement désemparés.

Elle est immense ma cité, elle est belle. En même temps je ne connais qu’elle…

J’y resterai jusqu’à mes huit ans.

Nous sommes au quatrième étage. Sous moi, le vide sidéral, j’ai un de ces vertiges.

Les gens marchent comme des fourmis, empruntant le sentier qui mène à un petit square où se sont regroupés pêle-mêle bureau de tabac, boulangerie, coiffeur, bureau de poste, supérette… Enfin, tout ce dont a besoin une petite cité de quelques centaines d’habitants. Une foule cosmopolite, bigarrée, où se côtoient Africains, Asiatiques, Européens, que sais-je encore… Et tout ce petit monde traverse la vie joyeusement au rythme de chacune de leurs cultures… Tout paraît simple et d’une profonde quiétude…

Si je voulais sauter, j’atterrirais sur une vaste pelouse. Une pelouse où j’avais tenté de faire pousser un noyau de pêche que j’avais pris soin d’arroser de mon auguste pipi ! J’y croyais dur comme fer.

Quelle déception de voir jour après jour que rien ne pousse…

Sur ma droite, une immense tour noire me domine. Elle s’élève tellement haut dans les nuages que j’ai l’impression qu’elle lèche les pieds du ciel.

J’ai dit le mot « putain » dans ma tête et j’ai tellement honte d’y avoir juste pensé !

Il ne faut pas que je dise de gros mots… C’est interdit, je ne sais pas qui a dit ça mais c’est interdit.

J’entends maman qui m’appelle, elle doit sûrement devoir partir travailler. C’est une jeune femme brune et très belle. Très douce aussi, j’en ai de la chance. Je l’aime… Comme un petit fou !

Elle me prend par la main pour m’emmener chez ma nourrice qui habite… la porte en face de chez nous. Quelques mètres nous séparent mais c’est comme si je changeais de monde. Un monde de soleil, une explosion de cris joyeux, de musique, de sourires, de rires ! Où l’on parle aussi avec les mains, un monde qui vient d’Italie ! Du talon de la botte… Les pouilles, Corato, face à la mer Adriatique !

Ma nounou, je l’aime presque autant que maman, et j’ai dû lui faire un peu de peine à ma mère lorsqu’un jour elles m’ont tendu les bras toutes les deux et que je me suis jeté au cou de la première en lui criant mon amour !

Elle a cinq enfants. La plus grande s’appelle Rosa. Une jeune femme d’au moins vingt-cinq ans… Je trouve ça déjà très vieux du haut de mon petit mètre.

Elle n’habite plus ici depuis quelque temps déjà et a emménagé dans un autre appartement à quelques pas d’ici, toujours dans la même cité. C’est dur de quitter le cocon familial, n’est-ce pas ?

Il y a les deux fils. Joseph, un peu plus jeune que Rosa, et Aldo qui doit avoir dix-neuf ans, enfin je ne sais plus trop… Et puis il y a Anna, une jeune fille de quatorze ans peut-être, un peu handicapée. Je me souviens surtout de son bras droit qu’elle tenait toujours un peu en avant, la main légèrement paralysée… Et enfin Christine qui n’a que cinq ans de plus que moi et que je trouve magnifiquement… « Magnifique ! »

Tout ce petit monde virevolte d’une pièce à l’autre, dans une joyeuse farandole qui semble ne connaître aucune limite.

Ah ! Ma nounou, elle fait des pâtes comme personne et elle les fait elle-même s’il vous plaît ! De la farine, des œufs (parfois), de l’huile d’olive (parfois) et un peu d’eau légèrement salée… Elle pétrit la pâte, puis roule de longs boudins d’un centimètre de diamètre à peu près, coupe de petits bouts au couteau avant de les façonner avec le pouce pour leur donner la forme de petites oreilles. On appelle ça les orecchiette… Mais dans sa région, ce sont des strachnotte ! Elles dansent entre ses doigts avant d’atterrir au fond de la table de la cuisine.

Elle en fait souvent des strachnotte. Et elle en fait même toujours une plus grosse que les autres, qui se retrouve comme par hasard dans mon assiette, comme une fève de la galette des rois. Et le roi ici c’est moi ! Non mais !

Bien sûr elle fait aussi la sauce qui va avec. Elle revient du marché avec des kilos de belles tomates allongées et bien charnues. Elles nagent dans la baignoire qui a été promptement réquisitionnée. Il y en a partout. On les lave puis elle les fait cuire dans un immense récipient avant de les enfermer dans des bocaux qui prendront place sur de grandes étagères, tels des petits soldats attendant sagement le jour d’être cuisinés par ses mains expertes.

Souvent, nounou invite des amies à l’heure du café. La salle de séjour est remplie de femmes qui parlent la même langue qu’elle. Elles tricotent, mangent des petits gâteaux, éclatent de rire pour un oui, pour un non. Certaines sont âgées, d’autres moins. Souvent elles parlent du pays et je sens que l’émotion et la nostalgie ne sont jamais bien loin. Elles ont presque toutes des sortes de bas qui leur remontent jusqu’au-dessus du genou, et ça leur boudine les cuisses. Je me glisse souvent sous la table et je suis fasciné par toutes ces jambes difformes, par ces robes fleuries, et par les grosses culottes que j’entraperçois dessous. Il y en a de toutes les couleurs, et même des transparentes qui laissent entrevoir une sorte de chevelure bouclée et bien brune.

Je sens que je ne devrais pas être là et je ne reste jamais très longtemps, mais c’est comme si j’étais sous hypnose, et c’est à regret que je reviens à l’air libre dans les bras de l’une d’entre elles. Christine vient avec moi quelquefois, et l’immersion au milieu de cette forêt de tibias nous emmène dans un abîme de franche rigolade !

Parfois il ne faut pas faire de bruit parce que M. Dibisceglie dort encore. Il travaille souvent la nuit, et ce sont les yeux plein de fatigue qu’il se réveille vers les treize ou quatorze heures. Le pauvre, ça doit être tellement dur.

Je ne me souviens plus très bien de lui. Juste d’un bonhomme assez maigre, qui fumait beaucoup.

Je crois bien que c’est nounou qui commande et dirige tout. La Mama quoi !

La Mama di Corato !

Et tous filent bien droit !

Aujourd’hui je suis allé à l’école. Ça fait quelque temps déjà que j’ai accepté l’inéluctable, à grand regret, mais que pouvais-je faire d’autre ? Je vous le demande ! Nous avons appris un merveilleux poème de Maurice Carême, La Tour Eiffel.

C’est un des rares souvenirs que je garde de cette période écolière. De le relire aujourd’hui me remplit de ces parfums d’autrefois, de ce temps perdu à tout jamais.

La Tour Eiffel

Maurice Carême

Mais oui, je suis une girafe,

M’a raconté la tour Eiffel,

Et si ma tête est dans le ciel,

C’est pour mieux brouter les nuages,

Car ils me rendent éternelle.

Mais j’ai quatre pieds bien assis

Dans une courbe de la Seine.

On ne s’ennuie pas à Paris.

Les femmes, comme des phalènes,

Les hommes, comme des fourmis,

Glissent sans fin entre mes jambes

Et les plus fous, les plus ingambes

Montent et descendent le long

De mon cou comme des frelons

La nuit, je lèche les étoiles.

Et si l’on m’aperçoit de loin,

C’est que très souvent, j’en avale

Une sans avoir l’air de rien.

Magnifique poème, magnifique maîtresse qui m’a offert ce bonheur magique de m’apprendre à le lire et qui vient à mon secours lorsque d’autres garçons plus grands de l’école ne sont pas gentils avec moi. Ils se moquent parce que j’ai un problème d’élocution. Je bégaye un peu, ou plutôt j’ai du mal à commencer mes phrases. Je suis très introverti aussi, alors ils en profitent et me courent après dans la cour de l’école, pendant la récréation, pour m’encercler et me faire du mal. Je me suis décidé à en parler à nounou. Aldo m’a dit avec un grand sourire : « Ne t’inquiète pas petit frère, je vais m’en occuper. »

Il est ceinture noire de karaté. C’est mon héros, mon ange gardien à moi !

Une fin d’après-midi, il m’a attendu à la sortie de l’école, puis il a pris à part le petit groupe qui me faisait des misères et comme par enchantement tout a cessé du jour au lendemain. Je me sens intouchable ! Merci Aldo, mon « Superman » à moi ! Qu’est-ce que je suis fier !

Quelqu’un a conseillé à maman d’aller consulter un thérapeute pour essayer d’arranger mon problème d’élocution, et plus encore peut-être…

Je dois certainement être un peu « malade » puisqu’un médecin m’a prescrit du Valium, dosé au minimum bien sûr, mais quand même, ce n’est pas rien à cet âge-là !

Maman n’a pas encore le permis de conduire, alors elle me prend la main et nous marchons dans les rues de cette ville immense. J’ai la sensation d’une ogresse qui va nous dévorer tout cru, l’impression d’être un étranger quand je suis hors de notre petite cité. Il fait déjà presque nuit, il fait froid, les rues sont comme des miroirs où se reflètent les phares jaunes des quelques voitures que nous croisons. J’évite les flaques d’eau comme je peux, maman marche vite, très vite, et j’ai un peu de mal à la suivre. La pauvre, elle vient juste de sortir du travail et doit faire une longue marche en se coltinant un mioche qui tient à peine debout !

Elle m’emmène voir une charmante dame qui a un nom à coucher dehors, imprononçable, surtout pour moi. C’est une orthophoniste. Elle va peut-être pouvoir me réparer un peu…

Nous patientons dans une vieille pièce aux murs jaunis où sont accrochés des ersatz de tableaux de maître qui côtoient de vilaines photos d’Afrique ou de je ne sais où !

Nous sommes seuls dans cet endroit lugubre et je ne comprends pas pourquoi nous ne prenons pas nos jambes à nos cous pour déguerpir d’ici au plus vite !

Maman pose prestement la revue qu’elle lit sur la petite table qui fait office de kiosque à livres d’enfants car une porte vient de s’ouvrir.

Une femme apparaît dans l’encadrement. Je ne vois qu’une silhouette tout de noir vêtue, et ne peux distinguer les traits de son visage, car un halo de lumière venant de derrière elle l’enveloppe telle une reine maléfique !

Elle nous lance un « entrez » impérieux qui me glace d’effroi. Si je pouvais disparaître…

Maman me tient encore la main et nous entrons dans une pièce aussi chaleureuse qu’une cellule de prison. Je la vois enfin cette femme, et ça me fait encore plus peur. Avec une tête de sorcière, une sorte de verrue plantée au beau milieu du front, des cheveux longs, gris et gras, des dents jaunes et des mains ridées comme un vieux parchemin.

Elle me tend une bande dessinée des années vingt et me demande de décrire une page qu’elle a choisie au hasard.

On y voit une sorte de planche à repasser, avec un vêtement dessus !

Je prends mon élan et lui balbutie un mot que j’aurais voulu être « pantalon », mais je ne peux empêcher ma bouche de lâcher une sorte de succédané de ce mot ! Un palon ! Voilà ! Pantalon, palon, après tout c’est presque pareil non ?!

Elle s’écrit : « Mais enfin c’est une jupe-culotte, ça se voit que c’est une jupe-culotte non ? C’est n’importe quoi cet enfant ! »

Elle discute un peu avec maman que je vois se décomposer un peu plus, après chaque mot que lui assène cette méchante femme ! Maman a les yeux qui brillent… Elle va pleurer, je le sais. Elle lui a dit que j’étais irrécupérable pour la société !

C’est incroyable non ? Pourtant c’est vrai, elle lui a dit ça.

Comment peut-on parler d’un enfant comme ça. À une mère de surcroît.

Je hais cette femme, je hais les orthophonistes, thérapeutes, docteurs… Je hais le monde entier… Le genre humain !

Et je comprends alors que je n’y arriverai peut-être jamais.

Que quelqu’un me dise

Ce que je dois faire à présent

Quelle est la route à suivre

Où est le meilleur maintenant

Que quelqu’un m’explique, à quoi ça sert…

Je suis seul !

Regarder l’autre rive

Comme un miroir, mais vivant

Il faudra bien survivre

Aller, où va le vent

Que quelqu’un m’explique, mais à quoi bon…

Je suis seul !

On nous dit, c’est la vie qui nous unit

Et nous sépare, vers quelque part

On se dit, c’est comme ça, on n’y peut rien,

On fait comme si… Que tout va bien…Tout va bien… Tout va bien !

J’attends que tu me parles

De la pluie, et du temps

Pour oublier mes larmes

Et les visages d’enfants

Que quelqu’un m’explique, ça fait trop mal…

Je suis seul !

Rejoindre l’autre rive

À petits pas, doucement

Même si ce n’est pas facile

Vivre, sans toi maman

Le monde m’explique, mais il n’y a rien à faire…

Je suis seul !

On se dit, c’est la vie qui nous unit

Et nous sépare, vers quelque part

On se dit, c’est comme ça, on n’y peut rien,

On fait comme si… Que tout va bien…Tout va bien… Tout va bien !

Que quelqu’un me dise

Où est mon futur à présent

Il faut que je survive

Que j’aille, où va le vent

Il faut que tu m’expliques, à quoi ça sert…

Je suis seul !

Je suis au pied de mon immeuble, sur le trottoir qui jouxte le maigre parking où l’on gare les voitures. Un homme qui ressemble au critique gastronomique du film Ratatouille démarre l’une d’elles et part en trombe dans un vacarme assourdissant. C’est une vieille Ford Taunus, immense, un vrai paquebot !