Le point bleu - Nola Guertman - E-Book

Le point bleu E-Book

Nola Guertman

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Beschreibung

Le point bleu incarne un espoir quotidien, souvent imperceptible dans les profondeurs sombres de l’âme, particulièrement chez les hypersensibles. Ce roman explore des violences intérieures qui mènent à l’enfermement, puis à une évasion audacieuse, tandis qu’un secret de famille se dévoile progressivement. À travers les tourments de ses personnages, l’œuvre scrute la complexité humaine, oscillant entre grandeur et faiblesses. Un miroir qui pousse chacun à se confronter à une question essentielle : peut-on véritablement se libérer de ses angoisses ?

À PROPOS DE L'AUTRICE

Née dans un univers où les mots et la musique s’entrelacent, Nola Guertman a hérité de la créativité de son père, auteur-compositeur. Cet héritage musical influence son écriture, où elle explore avec intensité des thèmes tels que l’amour, la violence et le mystère. Ses récits, empreints de sensibilité, résonnent comme une mélodie envoûtante, plongeant les lecteurs dans un monde à la fois lyrique et troublant.

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Seitenzahl: 189

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Nola Guertman

Le point bleu

Roman

© Lys Bleu Éditions – Nola Guertman

ISBN : 979-10-422-5009-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Pour Monique Arabian

Note de l’auteure

Madame, monsieur,

Je m’appelle Nola Guertman.

J’ai décidé d’emprunter le nom de jeune fille de ma grand-mère maternelle parce que c’était une femme dotée d’un grand courage.

En effet, malgré la folie du troisième Reich et de l’holocauste, ma mère fut, et moi je suis.

L’histoire du point bleu est portée par la musique, à l’instar d’une partition car elle rythme les cœurs comme elle rythme les corps…

Ce récit raconte comment une enfant, devenue plus tard une femme, tente de se construire sur des sables mouvants. Avec toutes les difficultés et les malheurs qui s’ensuivent pour le personnage principal, étant donné son hypersensibilité.

Toutefois, le maître-mot du Point bleu est l’espoir.

L’espoir porté par chaque lendemain.

Il s’agit là de gagner des batailles contre l’ennemi juré : le désespoir.

Pour ce faire, l’humour et la dérision seront de la partie.

Par exemple, lorsqu’il s’agit de s’évader de façon audacieuse et rusée, si enfermement il y a. Et enfermement, il y aura… (Chapitre : Je sais comment). Ce chapitre est tout à fait autobiographique et marque un tournant dans l’histoire. Il est même assez amusant… le plus joli des textes de ce récit est celui qui parle des deux noisetiers. (Selon moi, en tout cas !)

Mais aussi, lorsqu’il s’agit de remporter chaque victoire contre les douleurs et les tourments de l’âme. Les maux soignés in extremis par d’autres mots indispensables à la survie, face à diverses addictions tout à fait diaboliques et mortelles.

Dans ce récit se cache aussi un lourd secret de famille dans le but de surprendre le lecteur en maintenant le suspense jusqu’au dénouement de l’histoire.

La forme écrite du point bleu peut surprendre. En effet, elle jongle entre la première et la troisième personne du singulier. Toujours dans le but d’apporter du rythme à l’histoire.

Histoire qui déborde d’amour et de sensualité (Chapitre : Effroyable imposture). Ou, à l’inverse, de grande violence (Chapitre : Les stigmates de la maison).

Le point bleu, ce sont aussi des références littéraires et cinématographiques. Ces dernières appartenant le plus souvent à la mémoire collective.

Enfin, cette histoire est partiellement autobiographique. Mais elle puise sa réelle inspiration au cœur des sources limpides du paradis des écrivains. Parfois même au détour d’une rime…

Ainsi, comme vous le lirez sous peu, au plus sombre des cieux apparaît le point bleu.

Préface

Le point bleu c’est une histoire d’addiction à la vie, mais pas uniquement… Une histoire de produits licites et illicites. Une histoire d’âmes hypersensibles. Une histoire de fibre artistique, de danse et de musique… C’est aussi une histoire d’enfermement et d’évasion.

Et le tout en musique…

On ne bâtit jamais sur du sable quand on bâtit sur de la musique. Le climat, chaque climat musical a le don de colorer les instants de vie. Les rythmes de la vie. Ses harmonies, ses différents thèmes, ses silences et ses ponts1 scintillants… Essentiels à traverser pour avancer dans la mélodie… Les milliards de rythmes qui cognent, comme autant de cœurs qui battent pour une chose que l’on nomme : l’existence…

Cette histoire met en lumière l’existence singulière d’une jeune femme qui tente de se construire sur des partitions déchirées çà et là. Une jeune femme, dont les portées semblables à cinq lignes d’horizon dessinées les unes au-dessus des autres ont l’air d’avoir été gommées, illisibles, peut-être parce que les notes se sont envolées par-delà les nuages ou encore les orages selon les morceaux choisis. Et ce, même si on aperçoit des clés de sol dessinées de mille et une couleurs un peu partout. Avec sa courbe si harmonieuse qui ressemble à une femme. Tourmentée, peut-être… Mais à une femme quand même.

Pour Katleen, la vie est une succession, voire une cascade, de morceaux de musique, de chansons, de symphonies, d’hymnes piochés un peu partout : Piaf, Bernstein, Supertramp, Brel, Bruel, Béart, Stevie Wonder, Michael Jackson, Gainsbourg, Nougaro, Chopin, Skrillex, Trenet. Même s’il peut paraître délicat que ces deux derniers puissent se côtoyer d’une manière ou d’une autre… Il se peut qu’émane d’eux un soupçon de scandale ici et là. Mais c’est… un parfum de talent qui flotte dans l’air ou qui leur colle à la peau. Et pour Katleen, seules les œuvres comptent.

Chaque pan de l’histoire de Katleen est musical. Ce récit se lit autant qu’il s’écoute.

Tous les battements de cœur de Katleen sont portés par la musique quand sa vie est légère ou supportés par cette dernière quand sa vie est plus sombre… N’est-ce pas pour cela que l’on écoute, à vrai dire ?

Pour Katleen, l’heure est venue de se regarder en face, dans le miroir, et ce, même si cela doit se faire à l’envers. Pour tenter de changer le laid en beau – Man in the mirror. L’intolérable en indispensable.

Dès lors, peut-on considérer le reflet de nos vies à l’envers ?

Auquel cas : Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ?... Non. C’est quand il y a de l’espoir qu’on est sûr d’être en vie…

C’est tout l’enjeu. Il se situe là, LÀ-BAS… Au plus noir des profondeurs des cieux.

On l’appelle LE POINT BLEU.

Il représente une énigme.

Secrètement cachée à la lisière des âmes les plus belles.

S’il peut parfois être difficile à voir… En revanche, on l’entend parfaitement.

Là-bas – Jean Jacques Goldman et Sirima.

Man in the mirror – Michael Jackson.

Amoureuse

Il y a quelques jours, Katleen a bien failli mourir, mais pas assassinée par Pierre, Paul ou Jacques. Non, elle a failli mourir tout court. Pour la dernière fois, peut-être. Puisque son existence se résume, selon elle, à une succession de vies comme autant de morts.

Le soir tombe et l’automne est là. Elle adore cette saison, elle la trouve douce comme le velours d’un rideau de salle d’opéra ou encore d’une coulisse. Et dorée comme les ornements brillants du grand théâtre de la vie.

Il doit être six heures moins le quart. Les grandes feuilles des marronniers jonchent le sol gris et humide. Les petits enfants des écoles du coin en ont sûrement ramassé quand le temps était plus sec. Pour en dessiner les contours, et colorier l’intérieur. Avant de les découper soigneusement pour les coller sur le mur, à côté de la maîtresse. Ou encore, au-dessus de chaque petit portemanteau, dans le couloir qui longe la classe.

Katleen est debout sur le trottoir, près de la pharmacie. Des éclairs vert foncé et vert clair percent le soir et se reflètent un peu partout autour d’elle. Mais bon, ce n’est qu’une pharmacie au final. Stoïque, elle ne peut pas penser, elle ne peut pas bouger. Elle est partiellement anesthésiée.

Elle fixe la petite façade vitrée de l’autre côté du trottoir vert fluo. C’est éclairé. Elle voit quelques chaises autour d’une toute petite table, ça ressemble à la vitrine d’un magasin. Mais en fait, il s’agit de la salle d’attente d’un petit cabinet médical appartenant à un généraliste. « C’est drôle, pense-t-elle, j’ai presque toujours vécu dans cette ville sans jamais avoir prêté attention à cet endroit-là. » C’est vrai. Son médecin de famille travaillait dans un autre cabinet beaucoup plus grand, genre usine à patients. Mais là, il lui semble impératif d’entrer dans cet endroit très lumineux. Si toutefois elle arrive à bouger.

Qu’est-ce qu’il me reste à perdre ? Qu’est-ce qu’il me reste tout court, d’ailleurs ? Si, une chose, et pas des moindres : sa fille. C’est pour elle qu’elle doit rester en vie. Parce que pour elle-même, c’est déjà une tout autre histoire.

Et soyons clairs : les cabinets médicaux, les laboratoires, les psychiatres, les psychologues, les addictologues, les hôpitaux et les cliniques, les groupes de parole, c’est bon ! c’est vraiment bon ! elle n’en peut plus.

Alors, pourquoi ? Pourquoi encore, pourquoi ce soir ? Aucune idée. Mais bon, elle traverse la rue verte et entre. Cette salle d’attente, que les badauds peuvent regarder de l’extérieur, est vide. Elle donne sur une seconde pièce ouverte qui semble plus petite.

Le vieil homme est là, Katleen s’étonne qu’il ne soit pas en retraite depuis au moins 100 ans, tant il est âgé. Assis derrière un petit bureau… En fait, ce bureau est plutôt grand, mais il paraît petit, car il est… malmené, c’est le mot. Une quantité impressionnante de papiers et autres chemises cartonnées semblent avoir pris le pouvoir dans cette pièce minuscule. C’est simple, elle doit faire à peu près le tiers du quart d’une maison de poupée.

Pas d’ordinateur ni d’imprimante (où seraient-ils posés en même temps) ? Seule, une table d’examen noire collée au mur rappelle à Katleen qu’elle se trouve chez un médecin. L’homme est trapu et petit, il lui fait signe de s’asseoir.

Ses cheveux ont la couleur de la neige, une neige qui n’a pas encore été foulée.

Cet homme-là va lui sauver la vie. En vérité, je vous le dis, cet homme est le sauveur. Son sauveur. Il attend qu’elle parle, mais elle est tétanisée. Elle se sent bête, et fixe ses mains posées sur ses genoux. Elle se trouve godiche, ce serait comique si ce n’était pas si grave. Grave, oui. Elle lève enfin les yeux vers lui et essaie de le regarder en face et d’avoir l’air polie. Mais elle est stupéfaite par la beauté de la couleur des yeux du vieillard. Bleu clair, comme les mers qu’on ne voit que sur les cartes postales, entourant les Maldives ou encore les Marquises, celles de Jacques Brel. Avez-vous déjà remarqué que lorsque l’on plonge intensément son regard dans les yeux d’une personne, on arrive à y surprendre les étincelles pailletées et dorées, qui existaient déjà dans son tout premier regard. Dans son regard d’enfant. Magique, pur et innocent.

Chez cet homme-là, c’est merveilleux. Peu importe la pâleur du teint de sa peau ridée, froissée, plissée, usée. La lumière au fond de ses yeux efface tout, tant cela brille de mille feux.

Katleen se sent plus à l’aise, mais comme cet homme l’émeut et qu’elle est sensible, elle sent les larmes monter très vite. Avant de se déverser, à la manière d’un déluge, sur ses joues pâles. Elle a tant de choses à raconter, à pleurer, à hurler. Elle s’embourbe dans ce qu’elle essaie de dire. Les mots sortent n’importe comment. Les sujets sont sans verbes. Les adjectifs se noient, complètement esseulés. Elle oublie le début de ses pseudo-phrases, ne sait plus de quoi elle parle et ne sait plus comment finir. Elle jette sur lui un regard à la dérobée, comme on jette une bouteille à la mer. L’homme a l’air gentil, apaisant, très bienveillant.

Depuis quand ne l’a-t-on pas regardée avec autant de bienveillance ? Question sans réponse. Du coup, elle s’apitoie et pleure encore plus. Baptisée, malgré elle, dans le flot de ses larmes.

Il parle un peu parfois. Il la tutoie. Confusément, elle se demande si elle bénéficie d’un traitement de faveur, ou s’il agit ainsi avec tous ses patients ? Elle opte pour la deuxième réponse. Cet homme semble avoir connu le monde entier, tant il est âgé. Oui, le monde entier s’est assis là. Là où elle est à cet instant.

En même temps, ce qu’elle raconte est laid et avilissant. Un soupçon de paranoïa lui traverse soudain l’esprit : « Peut-être ne vouvoie-t-on pas les filles comme moi ? » pense-t-elle. Peu importe, je ne suis plus à ça prêt de toute manière…

Voilà… Elle a tout dit. Elle s’est mise à nu. En essayant de synthétiser sept ans. Sept ans de chagrin, de débauche, de dégoût et de danger mais surtout sept années de désespoir et de tourments… « Aurais-je brisé un millier de miroirs sept ans plus tôt, sans même m’en être rendu compte ? Sans y avoir prêté attention, sans même m’être coupée ? » se demande-t-elle…

Mais il est tard, elle se lève reconnaissante envers cet homme, qui l’a écoutée religieusement. Elle dit au revoir. Il lui propose de la « suivre » médicalement. Elle accepte, habituée. Avant de passer la porte, l’homme couleur de neige fait un geste. Peut-être dénué de sens pour lui, mais pas pour elle. L’horreur va bientôt s’arrêter, la terrifiante horreur de minuit. La chanson, qui évoque cette horreur, résonne en elle comme les cloches d’une église lointaine dans un enterrement de fin d’après-midi d’hiver pluvieux. Cette chanson-là va s’arrêter. Le vieux monsieur prend la main qu’elle lui tendait en s’en allant, la fait légèrement pivoter pour y déposer un baiser. Doux, frais et léger.

Très troublée, Katleen traverse à nouveau la rue et s’arrête un instant devant la pharmacie.

Une nouvelle fois, elle fond en larmes… Tout à coup, elle se dit que rien dans sa vie de toute petite fille ne laissait présager qu’un jour elle porterait un fardeau aussi lourd… Puis, elle esquisse un sourire en pensant à ce petit miracle : avoir vu la neige de si près… Glacée, rafraîchissante et délicate dans toute sa pureté, en octobre. Dans la banlieue parisienne.

Les marquises, Jacques Brel.

Aux enfants de la chance, Serge Gainsbourg.

Delicate, Terence Trent D’Arby.

***

J’ai toujours été une grande romantique. Une très grande amoureuse.

Quand j’étais petite, déjà, je tombais régulièrement amoureuse d’acteurs ou de chanteurs, que je dévorais des yeux à la télé, mais qui ignoraient tout de mes sentiments à moi… Qui ne se doutaient jamais de quoi que ce soit me concernant. Et ne me connaissaient d’ailleurs ni d’Ève ni d’Adam.

Pendant que je vis ma vie, souvent le cœur brisé en voyant mes aimés embrasser l’être aimé dans les magazines, par exemple.

J’ai la naïveté de m’enticher pour un simple « bonjour », un vague sourire qui ne m’est pas forcément destiné, un regard furtif, ou encore un « pardon » ! Au milieu d’une bousculade en faisant la queue au cinéma. Pour aller voir Mary Poppins avec Nanie, par exemple. Ma Nanie chérie, qui s’occupait de moi quand j’avais quatre ou cinq ans. Eh bien oui, mon petit cœur rempli d’amour battait déjà à tout rompre à cet âge-là…

Ces artistes sont « mes amoureux ». Mes amoureux à moi ! Pourtant plus tard, je craindrais plutôt les hommes, en général.

Mais qui n’a pas envie de lutter contre ses peurs ?

Quitte à complètement se ramasser !

« Les personnes raisonnables », me dis-je.

Mon problème dans les rapports humains, et ce, dès le plus jeune âge, c’est mon obstination et mon incompréhension à ne pas me sentir aimée, si MOI j’aime !

Alors, je décide de foncer dans le mur jusqu’à ce que le fameux « sourire » soit bien pour moi. Et que j’en sois sûre.

Cette soif d’amour, ce « trop-plein » frise presque l’angoisse et la peur, tant il est intense. Alors, il est comme enseveli sous des couches de terre si épaisses qu’il paraît impossible de mettre la main dessus. Même si je gagne toujours aux parties de cache-cache avec Nanie.

Les trésors existent pour être enterrés, mais si on oublie où, ça devient difficile. Quand on sait que ces derniers vont sceller pierre après pierre la construction de l’édifice de l’existence affective. Tout doit alors être mis en œuvre pour que ces trésors soient éclairés par la brillante lumière du soleil. Mais comment seulement le deviner ? Même si je gagne aussi toujours aux devinettes avec Nanie. Du haut de mes cinq printemps…

Toute petite, je fus bercée par la musique. Mon père, Jules, lui-même artiste, il avait fixé un portique à balançoires sur lequel j’adorais grimper au plus haut pour chanter à tue-tête la reprise de Woman in love par Mireille Mathieu. Initialement chantée par Barbra Streisand. Je la connaissais par cœur en français et en anglais (euh… C’est discutable).

C’était si beau et cela semblait si fort d’aimer que j’y croyais dur comme fer…

Surtout grâce à la fameuse note tenue pendant 150 ans par l’une ou l’autre des deux chanteuses.

Cette note ne laissait pas de place au doute quant à l’existence de l’amour. Cette note C’EST la femme amoureuse dans toute sa splendeur. Toute sa conviction. Toute sa véracité. Toute sa sincérité. Toutes les fibres de son âme et de son cœur.

Ce son est plein de grâce…

On pourrait le comparer à de fines gouttes d’eau fraîches et limpides de la rosée d’un matin de printemps sur les longues herbes pas encore ensoleillées.

Je faisais semblant de tenir cette note sacrée, alors qu’en réalité je reprenais mon souffle en douce.

Pas de Woman in love, donc pas de femme amoureuse non plus…

Et quand l’amour n’est pas, qu’est-ce qu’il reste au fond ?

Des illusions, des inventions, des dérapages non contrôlés, des addictions peut-être aussi ? Pour moi, on n’existe que pour et dans l’amour.

J’aurais voulu pouvoir en donner. J’aurais voulu en recevoir pour en donner plus encore…

Dans mes rêveries, sur un chemin argenté comme la lune et brillant, comme la lueur des yeux qui s’aiment. Sans obstacle ni basse branche.

J’aurais voulu être deux.

J’aurais voulu être de ceux que l’on nomme en disant « Eux ».

Women in love – Barbra Streisand.

***

Pour Katleen, « Eux » commence par l’histoire de ses parents.

Deux artistes : son père Jules et sa mère Renée. Son père était auteur-compositeur et interprète. Sa mère, interprète.

Lui venait de Dunkerque, qu’il avait fui avec sa mère et sa petite sœur, à cause des bombardements. Sa mère venait de l’Est. Juive ashkénaze. Tous les deux s’étaient rencontrés lors d’un tour de chant à Alger, plusieurs années après la guerre.

Les pieds sur le sable chaud d’Alger, il l’avait seulement abordée en lui demandant : « Vous aimez le couscous ? Vous connaissez ? »

Ce plat était méconnu en France, à cette époque.

Elle avait dû adorer ça car, dès lors, ils ne se quittèrent plus. Cela se passait un peu avant l’avènement des yéyés. Yéyés, qui dans leur ascension fulgurante, allaient malgré eux creuser un fossé entre les artistes de chansons à texte, comme ses parents, et la fameuse troupe de « Salut les copains ». Cependant, Jules avait approché la très grande Edith Piaf qui lui prit trois titres, et en aurait pris beaucoup d’autres si Jules avait accepté de s’allonger auprès d’elle, en grande amoureuse qu’elle fut toute sa vie.

Mais non. Le père de Katleen ne se couchait pas.

Seuls les plus grands résistèrent à l’explosion des yéyés : Brel, Aznavour, Barbara, Béart… Ou d’autres encore : Gainsbourg, Lama, etc.

Jules était très beau. Charismatique, grand, avec de belles mains de pianiste.

Quant à Renée, c’était ce qu’on appelle un petit modèle. Ses cheveux noirs et courts contrastaient étonnamment avec son teint porcelaine… Ses yeux, tout aussi noirs, étincelaient et elle faisait penser à un petit animal sauvage et plein de grâce.

Ces deux-là s’étaient trouvés.

Même enfant, Katleen voulait voir l’Algérie, tant elle en avait entendu parler. Elle souhaitait la connaître, la respirer et essayer de comprendre, un peu plus grande, ses coups de tonnerre sur fond de ciel azur…

Mais dans cette histoire, ce qui frise la magie, c’est que le couscous a toujours été le plat préféré de Kathleen. Toujours.

Le grand problème de Jules était dû au fait qu’il voulait chanter ses titres lui-même. Refusant donc de les donner aux potentiels interprètes qui souhaitent les chanter… À l’exception de Piaf, Mireille Mathieu, les 3 ménestrels, Mouloudji ou encore Félix Marten…

Alors, le monde de la chanson lâcha Jules, à moins que cela ne soit l’inverse. Il le vécut très mal. Donc son bonheur était en danger. À l’instar d’une source tarie…

Renée, quant à elle, s’était installée dans une petite boutique dont la façade faite de bois joliment lustré mettait en valeur la vitrine dévoilant du prêt-à-porter de qualité, directement venu des plus grandes maisons du sentier.

Le problème du couple débute alors par la lente mais inexorable descente aux enfers de Jules vers un ennemi sournois et maléfique dont on ne se méfie guère : l’alcool. En prime, dans un pays viticole avec tout ce qu’il comporte de traditions dans la société, pour un homme né en 1930 dans le nord de la France…

Renée supportait mal tout cela parce qu’il avait le vin triste ou encore le vin mauvais. Ce qui était pire.

Alors, en étions-nous vraiment heureux pour eux ? Bah oui, quand même.

Toutefois, Jules promit à Renée qu’il arrêterait de boire dès qu’elle serait enceinte de leur premier enfant. Ou mieux encore, demain. Oui, c’est décidé : demain. […]

Tout ceci mérite bien une belle valse ou même deux :

Je bois, Charles Aznavour.

Eux, Jacqueline Boyer.

***

J’ai une grande sœur, elle s’appelle Anne. Elle a trois ans et demi de plus que moi. C’est une petite fille obéissante et gentille… Elle voulait à tout prix aider maman à s’occuper de moi, et ce, dès mon arrivée en janvier 1979. Cependant, à trop vouloir en faire, elle agaçait Renée qui, pour quelque obscure raison, avait une patience très limitée…

Peut-être à cause des beuveries de Jules ?

Quand je fus en mesure de parler et de comprendre, maman racontait toujours la même histoire : « Anne, tu étais tellement pénible à vouloir t’occuper de ta sœur, et tu me gênais tellement que tu finissais toujours par te prendre une bonne volée ! » Toute la petite famille riait. Mais était-ce si drôle que ça ?

Même enfant, je ne tardais pas à comprendre que cela n’avait rien d’hilarant. Parce qu’on ne donne pas de raclée, de fessée ou encore de volée à une enfant qui, de plus, veut bien faire. Et à un enfant tout court d’ailleurs.

Plus tard, je compris qu’Anne, aussi aimante qu’elle fût, avait sûrement eu du mal à accepter la venue d’une petite sœur dans des conditions de « volée ».

Quelques années plus tard, Anne développa des « tocs » et des crises de somnambulisme importantes.

Une nuit, alors qu’elle devait avoir 8 ans, Anne se leva munie d’un gros livre et le brandit au-dessus de ma tête endormie… Heureusement, maman arriva pour le lui ôter des mains avant de raccompagner sa fille aînée au lit.

Cette anecdote était lourde de sens. Mais c’est bien plus tard que je pris vraiment toute la mesure que j’avais pu représenter en termes de danger… Pour Anne, j’étais le danger puisque je l’éloignais involontairement de maman. De ce fait, j’étais à mon tour en danger… Pour autant, sur ce coup-là, j’ai eu un sacré « coup de bol ».