Le pommier, la pomme et le pépin - Joëlle Balet - E-Book

Le pommier, la pomme et le pépin E-Book

Joëlle Balet

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Beschreibung

Une échelle, un pommier, une corde, un nœud, un saut… Diane croyait que la délivrance l’attendait au bout de cette corde, mais c’est un voyage imprévu qui s’ouvre à elle. Détachée de son corps, elle parcourt les strates de son existence, revivant les moments marquants de son histoire. À chaque étape, son univers se fissure, ses convictions se redéfinissent. Que découvrira-t-elle en revisitant ces fragments de vie oubliés ? Est-il possible d’adopter un nouveau regard et d’éclaircir les recoins obscurs de sa vie ?

À PROPOS DE L'AUTRICE

Plongée dans les soins énergétiques et le tarot, Joëlle Balet explore les mystères de l’âme humaine. Son parcours l’a naturellement menée vers le développement personnel. Aujourd’hui, elle éprouve le besoin impérieux de transcrire ses histoires, de donner corps à des récits porteurs d’espoir, où l’obscurité cède la place à la lumière.

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Seitenzahl: 103

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Joëlle Balet

Le pommier,

la pomme

et le pépin

Roman

© Lys Bleu Éditions – Joëlle Balet

ISBN : 979-10-422-4900-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Prologue

Je me suis toujours demandé si notre histoire était écrite, si notre chemin de vie suivait un parcours déjà tracé où se trouvait finalement notre zone de choix ? Tout un chacun a des épreuves à traverser, tout un chacun a ses propres moyens pour voyager sur ce chemin que l’on appelle la vie. Certains sont très optimistes et voient le verre à moitié plein, d’autres ont plutôt tendance à voir ce qui ne va pas et d’autres encore ne se posent pas de question, ils traversent la vie en faisant ce qu’ils sentent devoir faire pour répondre à leurs besoins… ou aux besoins des autres.

Je me suis toujours demandé si notre fin était réellement écrite, si nous avions une heure prédéfinie à laquelle on n’échapperait pas. Est-ce qu’il y a une différence entre un départ dit « choisi librement » ou un départ imposé par la vie ?

Je me suis toujours demandé si, dans le fait de mourir d’une mort naturelle, d’un accident ou d’un suicide, l’heure du passage ne correspondait pas à l’heure prédéfinie avant notre naissance ?

Je me suis toujours demandé pourquoi les gens, quand ils parlent de suicide, disent que ça a été le choix de la personne. Est-ce vraiment un choix de se donner la mort, est-ce vraiment un choix de vouloir quitter un monde dans lequel on se sent à côté ; on se sent incompris ; on se sent mal, aussi profondément mal, ce mal de l’intérieur qui vous ronge, ce mal qu’on a de la peine à nommer et encore moins à accepter.

Est-ce vraiment un choix quand tout en nous n’est que souffrance ; quand on a été construit sur de la violence, de la maltraitance ; que notre vie est faite de peur, de doute, de jugement ; que notre seul objectif est de tenir un jour de plus ; quand le noir est si intense que même une petite lumière peine à éclairer ; quand on se sent exclu de la société, car on a tant de peine à l’intégrer, le disque de base étant si rouillé, si malmené, si rongé, si entamé ; quand les personnes qui sont censées nous aider nous collent des étiquettes et que nous existons encore moins si ce n’est par cette étiquette ? Pensez-vous que c’est vraiment un choix de vouloir mourir avant même d’avoir vécu ? Que c’est vraiment un choix libre ? Ou plutôt que c’est, à ce moment-là, le seul moyen qui nous paraît possible, que c’est la seule porte de sortie trouvée à toute cette souffrance intérieure, que c’est un non-choix finalement, mais une finalité qui est au-dessus de tout ce que la personne peut, que c’est plus fort que tout, que ça en devient une évidence, que le seul fait de penser que cette possibilité existe soulage, car permet au mal-être de trouver une porte de sortie qui donne un semblant de liberté.

Choisir, peut-on vraiment choisir, ou sommes-nous poussés par une force plus forte que nous, dans des chemins qui nous surprennent nous-mêmes ? Et si notre chemin de vie était écrit, qui en tient la plume ?

Le choix

Enfant, Diane passait des heures devant sa fenêtre à regarder le pommier dans le jardin de son voisin. Et c’est sous cet arbre, ou plutôt, devrais-je dire, suspendue à cet arbre, qu’elle a décidé de mourir.

Un matin de l’automne 2022, à l’âge de 65 ans, elle a pris l’échelle en bois vieillie par le temps, rangée dans la grange attenante à la maison, du côté ouest. Elle a ouvert la grande porte en bois à deux battants, retiré le crochet en fer qui retenait tout simplement les deux parties et s’est introduite, pour la dernière fois, dans sa caverne d’Ali Baba. Dans son antre, y étaient rangés, pêle-mêle, les meubles trop usés, mais pas assez pour être définitivement jetés ; les skis anciens qui lui rappelaient de bons souvenirs ; les chaises et la table de son neveu Marc, qui avait complètement relooké son domicile et les avait trouvées trop « vieux » et qui voulait les garder pour ses enfants, on ne sait jamais ; le miroir de Germaine, la grand-mère, qui avait toujours été là ; des accessoires divers auxquels elle vouait une nostalgie certaine et, au fond de la grange, l’échelle en bois.

Elle a eu beaucoup de peine à la porter, mais on ressentait chez elle une grande détermination. Elle a sorti de sa poche un chiffon, s’est assise bien gentiment et a frotté, un à un, les 9 échelons. On aurait pu croire qu’il s’agissait d’un trésor, de quelque chose de très précieux. En tout cas, elle était bien à son affaire, attentive à chaque marque, à chaque griffure, à chaque usure. On aurait pu croire qu’elle lui racontait des histoires, qu’elle lui ouvrait son cœur, qu’elle lui partageait un secret qu’elle seule pouvait comprendre, entendre.

Enfin, fière de l’éclat de son échelle belle et brillante, en complicité avec elle, Diane la transporta jusque sous le pommier dans le jardin de son voisin. Là, elle l’a posée en équilibre contre la plus grande des branches, celle où, dans sa jeunesse, était suspendue la balançoire sur laquelle Mario passait des heures à rêver, les cheveux blonds dans le vent, le sourire aux lèvres, chantonnant doucement.

Puis elle partit en direction du garage. Elle a fouillé dans la grande malle entreposée sous l’établi au fond de la pièce. Elle a sorti une corde blanche de 30 m. La même corde que son frère Olivier avait utilisée pour dépanner sa voiture, lorsqu’elle avait tout juste 20 ans. Elle riait en se remémorant cette nuit extraordinaire où elle avait enfin accepté de sortir avec Jules. Elle se remémorait ce que Antoine, son frère, lui avait expliqué :

« À deux heures du matin, je me suis réveillé par un bruit répétitif. Des cailloux lancés à ma fenêtre. Jules gesticulait au milieu de la cour :

— Antoine, dépêche-toi, nous avons eu un accident !

Inutile de lui poser des questions, dans l’état où il était, c’était peine perdue. Il arrivait tout juste à articuler deux mots à demi compréhensibles et à me montrer le chemin. Arrivés au sommet de la colline, j’ai vu des phares éclairant la forêt en contrebas, j’ai tout de suite compris que quelque chose était bizarre. Jules était un peu spécial comme garçon, je savais qu’il t’aimait beaucoup et qu’il espérait plus qu’une amitié entre vous deux. Toi tu m’avais parlé des multiples fois où il avait tenté de t’inviter, mais se ravisant toujours à la dernière minute, de peur de recevoir un refus. Finalement, un soir, il a osé et tu lui as dit oui. En voyant la voiture engagée dans le talus, sous la route, et juste retenue par un petit arbre, je n’étais même pas surpris ! » Oui, c’est vrai, Jules était un homme tellement peureux, craintif, tendu, que lorsqu’il prenait le risque de sortir de sa zone de confort, à chaque fois, il lui arrivait une aventure. J’ai sorti la corde de mon coffre, je l’ai attachée au crochet remorque de la Toyota de Jules et, avec mon tracteur, je l’ai remontée sur la route. Tu hurlais de peur à l’intérieur. Heureusement, tu n’avais rien !

Elle se souvenait très bien comment Jules s’était parqué au sommet de la Colline, pour admirer les lumières scintillantes de la plaine, faisant de ce lieu un cadre très romantique. Comment il avait osé, avec une maladresse qui rendait son geste encore plus attirant, mettre sa main sur sa cuisse. Que, ce faisant, il avait décroché le frein à main, sans s’en apercevoir. De sa cuisse, il était remonté légèrement sous sa jupe, suffisamment pour perdre tout contrôle. Leurs lèvres se sont alors scellées en un long baiser passionné. Certes un peu maladroit, toutefois rempli de tant de désir. Tout tournait dans sa tête. Tout allait vite et était enivrant. Elle avait l’impression que tout bougeait, que tout basculait. Elle n’avait jamais ressenti une telle sensation avant. Soudain, elle s’est sentie projetée en avant et s’est retrouvée face à un arbre ! Pour un premier baiser déstabilisant, l’effet était très réussi, la voiture inclinée ayant pris son élan pour dévaler gentiment dans la forêt en contre bas.

Elle a ri en prenant la corde, pensant qu’un objet pouvait servir celui qui l’emploie de bien des manières différentes. Elle la regardait comme pour passer un pacte avec elle. Elle lui confiait ses derniers instants. Elle était tendre avec elle comme elle souhaitait, certainement, qu’elle serait douce à son tour. Elle l’a étendue de tout son long et a pris le temps de faire un nœud coulant à son extrémité. Du temps, elle en avait, elle en avait tellement que ça en devenait lassant. Elle avait couru toute sa vie après le temps, fonçant, se plaignant de ne pas avoir le temps, et aujourd’hui, celui-ci lui devenait pesant, lourd, long, gênant. Du temps, elle en avait tellement qu’il l’effrayait. Le tic-tac de la pendule de son salon, elle l’avait entendu, parfois, en passant, dans le temps, et aujourd’hui, ce même tic-tac lui était insupportable, tant il raisonnait dans la maison vide, vide de vie, vide de projet, vide d’espoir, vide de rêve, vide d’amour.

Elle a porté cette corde auprès de l’échelle en bois, bien brillante, bien solide. Elle a tenté à plusieurs reprises de la faire passer par-dessus la branche, mais à son âge, ses bras n’étaient plus aussi solides et elle a dû s’y prendre à plusieurs fois avant d’y arriver. Elle ne désespérait pas. Elle prenait le temps de se poser, de bien respirer, de reprendre des forces, avant chaque prise. Plus rien n’était urgent, tout était, tout simplement. Elle avait pensé souvent à sa fin. Dans son enfance, elle en avait peur, dans sa jeunesse, elle priait pour qu’elle vienne le plus tard possible, et aujourd’hui, elle était fatiguée de l’attendre et elle avait décidé d’aller à sa rencontre et même de la provoquer. Elle était prête. Elle se sentait sereine. Ce n’était pas un coup de tête, ce n’était pas de l’égoïsme ou une tristesse qui la conduisait là. Non, elle avait beaucoup réfléchi, beaucoup pensé, et c’était pour elle une évidence. Pour elle, partir définitivement, mourir, c’était quitter ce monde qui ne lui correspondait plus, ce monde dans lequel elle avait cessé de rêver.

Une fois la corde bien accrochée, elle a monté une à une les huit marches de son échelle. Elle s’est glissée, à quatre pattes, sur la grande branche, bien solide, jusqu’à la corde. Elle s’est sentie enfant, en marchant à quatre pattes, comme si elle renouait avec sa première indépendance, lorsqu’elle n’avait que quelques mois et qu’elle vivait ses premières découvertes, ses premières aventures, et là, à 65 ans, c’est toujours le « quatre pattes » qui la conduisait vers sa dernière aventure.