Le présent de la lune - Tome 1 - Johan Mineur - E-Book

Le présent de la lune - Tome 1 E-Book

Johan Mineur

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Beschreibung

Le pouvoir des elfes s'affaiblit au point de mettre en péril l’intégrité de cette race. Sur leur île ancestrale, la caste dirigeante exige le rapatriement intégral de tous les elfes sous peine de mort. Ythyldyll, très jeune semi-elfe, est sauvé de ce massacre à sa naissance. En grandissant, il se découvre des talents magiques qui ne cessent de s'accroître et qu'il doit maîtriser. Y parviendra-t-il ? Aura-t-il assez de clairvoyance pour faire la différence entre alliés et ennemis ?


À PROPOS DE L'AUTEUR

Le présent de la lune - Tome I - Ythyldyll est le début d'une saga passionnante. Johan Mineur y déchaîne sa plume et nous emporte, tel un ouragan, dans cette aventure fantastique riche en suspense.

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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Johan Mineur

Le présent de la lune

Tome I

Ythyldyll

Roman

© Lys Bleu Éditions – Johan Mineur

ISBN : 979-10-377-7789-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Même le plus long des voyages commence par un premier pas.

Lao Tseu

La carte du monde

Prologue

Le grand jour est enfin arrivé. Après une lune de débats, de désaccords et de négociations, le roi Vahladolin, debout dans les jardins de son palais savoure et craint l’annonce qu’il s’apprête à faire. Les termes sont posés. Ils seront acceptés et signés, là n’est pas sa crainte. Tous ces seigneurs elfes, derrière les tentures qui assuraient la confidentialité de ces nombreux derniers jours, vont bientôt faire apparaître un choix politique qui va coûter de nombreuses vies elfiques, aussi viles soient-elles. Comment va évoluer l’essence primordiale qui anime chaque elfe ? C’est un grand jour à n’en pas douter, comment pourrait-il en être autrement et, il est sûr qu’il sera bénéfique pour tous les elfes qui pourront encore en parler. Après tout, les oiseaux chantent sous ce soleil magnifique, les insectes besognent à leurs corvées indispensables à la régulation de la vie dans son ensemble, les signes sont bons, leurs choix devraient l’être.

Un signe de tête aux deux gardes d’élite protégeant les dernières réunions, et ceux-ci s’exécutent en écartant les tentures ouvrant sur le kiosque où siègent tous ses hauts-seigneurs elfiques. Le malaise est palpable sur certains visages pourtant habitués à dissimuler leurs émotions les plus sombres. Les conversations, ces murmures plutôt, s’étouffent rapidement. Vahladolin prend place devant eux et déclare :

— Voici la conclusion de ce haut-conseil exceptionnel qui pourrait marquer la fin de notre ère. À la suite de la dispersion de notre peuple, tant par la distance que par la mentalité, des messagers seront envoyés à tous les membres dissidents de notre peuple leur intimant l’ordre de faire route pour Valheria, notre île ancestrale, afin de renouveler leurs allégeances et retrouver la grâce qu’ils ont perdue. Si tel n’était pas le cas dans six lunes, conformément à la décision dudit conseil, une traque et une extermination massive seront enclenchées afin de rendre leurs puretés aux astres et divinités qui font de nous un peuple puissant et harmonieux. Que la lumière céleste guide les pas de nos messagers qui vont traverser l’obscurité pour ramener vers la voie de la sagesse ceux qui se sont égarés. Mort et disgrâce aux autres. Espérons que cette décision ne plonge notre peuple dans une obscurité permanente.

Ainsi, dans une procession lente et silencieuse, chacun des seigneurs présents ce jour apposa sa marque entérinant ainsi un destin bien incertain pour leurs congénères. Certains résignés, d’autres tremblants ou fébriles, mais tous scellèrent l’avenir de leurs proches. Tant ceux qui étaient restés dans la lumière que ceux qui avaient quitté leurs terres ancestrales pour étancher leur soif de connaissances, de reconnaissances ou de pouvoir. Tel un père Vahladolin posa une main ferme et réconfortante sur le dernier signataire, Ythyledaïd, connaissant le poids que cette décision représentait pour la lignée de celui-ci.

Et c’est ainsi que Vahladolin et les autres seigneurs, espérant que leur ultimatum ne heurterait pas trop la fierté de leurs compatriotes et toucherait plus profondément leurs esprits, commencèrent cependant à relancer les hautes forges royales et à lever leurs armées réciproques. De formidables armes furent créées en cette période, surtout les deux premières lunes qui suivirent le conseil, des armes dignes des plus grands seigneurs. En effet, le conseil n’était pas dupe et savait en son for intérieur que la guerre était inévitable, mais il ne pouvait deviner si elle serait violente.

L’affinité de Vahladolin avec les astres étant bien supérieure à celle de son peuple, il ne tarda pas à ressentir d’abord un trouble, puis un voile autour de ceux-ci. Le message céleste ne tarda pas à être clair.

Dès le début de la quatrième lune, certains messagers revinrent avec de bonnes nouvelles et parfois même avec leurs destinataires repentants. Cependant d’autres revinrent annoncer le refus de certaines communautés à se conformer aux exigences du conseil, parfois même avec la partie supérieure de leur congénère dans un panier. Ces braves messagers, aussi dévoués soient-ils, avaient pour la plupart échoué.

À l’apogée du cinquième cycle, une nuit sombre s’abattit sur l’île, une nuit qui aurait dû être d’une clarté exceptionnelle. Tous les représentants de la race elfique ressentirent ainsi le glas annonciateur de la fin du second Âge. Tous ou presque, car au plus profond de son être, Ythyledaïd, avait ressenti dans cette éclipse, une bien fragile promesse d’avenir, pourra-t-elle être épargnée ?

Le terme de l’échéance arriva bien vite, et les éclaireurs partirent en quête des petits groupes de dissidents repérés par les messagers, précédant ainsi le débarquement des armées du royaume sur le continent.

La progression de l’armée était rapide, efficace, chirurgicale même. Seuls quelques bastions un peu mieux organisés avaient pu offrir une résistance bien dérisoire face à une telle volonté destructrice. Et c’est fort de leur progression rapide que Vahladolin se retrouva dans les contrées les plus à l’est du continent. Aucun messager n’étant revenu de cette région, il avait pris soin d’y envoyer des éclaireurs puis des espions. Ce royaume semblait très prospère, utilisant à outrance le commerce avec la majorité des peuples du continent, les espions avaient noté des situations très chaotiques et violentes aux abords de la cité principale de cette région.

Première partie

Un

Après une nuit agitée, Gorak se réveilla d’une humeur maussade. Une journée chargée l’attendait. Dans la soirée, il avait déjà senti s’insinuer une magie bien différente de la sienne, elle s’immisçait dans la région par l’ouest. Après avoir ravivé le feu, il avait saisi sa pipe ornée de plumes, choisi soigneusement ses herbes et était plongé en transe. Il avait rapidement localisé une buse qui confirma ses craintes. Une armée elfique avait pénétré les montagnes et faisait route vers le nord. Celle qui lui avait enseigné la voie du chamanisme avait-elle pressenti cela ? Était-elle en danger ?

Il libéra l’oiseau de son étreinte afin de regagner son propre « perchoir » et se dirigea vers la grotte qui jouxtait le plateau qu’il s’était aménagé. Celle-ci n’était pas très large, mais suffisamment profonde pour y passer un hiver rigoureux, il avait pris plaisir à l’agrandir pour y accueillir son ami. Le maniement de la pioche lui avait rappelé son enfance naine.

Du fond de celle-ci, une respiration lente et puissante résonnait. Son ami n’allait pas aimer être réveillé contre son gré. Il saisit un brandon et alluma un petit feu qui réchaufferait l’intérieur de l’antre, cela suffirait-il ? Il déposa près des flammes, les poissons séchés qu’il avait prévu pour ce moment et vida une fiole d’huile de foie de morue dans le brasier. Une fumée âcre s’échappa rapidement du feu, provoquant un grondement du fond de la grotte.

— Cher Wyrgorm ! L’hiver est fini, désolé de t’avoir réveillé quelques jours plus tôt que prévu, mais il y a urgence. Notre amie est peut-être en danger. J’ai besoin de ton aide.

Pour toute réponse, Gorak ne reçut que grondements et déglutitions bruyantes, mais cela ne le découragea pas, il s’y attendait. Son ami n’avait pas le réveil facile.

Après plusieurs dizaines de minutes, Gorak vit surgir une énorme tête d’ours blanc à travers les flammes. Son énorme gueule machant les poissons bien trop secs à son goût.

— Tu vas devoir te mettre en route rapidement, je prépare quelques affaires le temps que tu prennes ton bain.

Le nain chaman s’affaira dans un petit coffre en bois, pendant que son ami descendait la pente raide qui conduisait à la rivière. Il s’y baigna rapidement, profitant de l’occasion pour manger quelques poissons qui, bien que très frais, lui parurent trop petits. Il remonta le versant de la montagne vers la plateforme sur laquelle il se sécherait rapidement, à proximité du feu.

— Ah, te voilà enfin !

(Grognements.)

— Ouais ! je sais ! Mais Ramona est en danger. Tu dois aller la rejoindre et t’assurer que tout va bien. Je vais te donner le demi-pendentif qui contient une rune de liens brisés, tu devras les rassembler. Remonte le fleuve jusqu’à la terre qui t’a vu naître et attend que Ramona active le signal de rattachement. Plus vite tu partiras, plus tôt tu auras le loisir de profiter de ta région natale. Au revoir, mon ami. Je t’aiderai au mieux durant ton périple.

Le chaman attacha le pendentif autour du cou de l’animal et serra l’énorme ours dans ses bras. Celui-ci soupira bruyamment et se mit en route. Il remonta les parois qui bordaient la large rivière et longea cette dernière vers l’ouest puis vers le nord en direction des sommets qu’il ne tarderait pas à distinguer sur l’horizon.

Deux

Dans la plus grande demeure de Nûrlaïn, Ythyltarias était plongé dans de sombres pensées. Son père approchait, et ce n’était pas une visite de courtoisie, il connaissait la place qu’il tenait dans le cœur de celui-ci. Ce n’était pas non plus le désir de découvrir son petit-fils qui l’animait, il n’était pas censé avoir eu connaissance de son existence. Était-il trop tard pour demander le pardon si tant est que ce soit son désir ? Comment contenir cette armée surentraînée ? Lutter ou fuir avec femmes et enfants ? Il plongea son regard dans les yeux de sa compagne attablée à ses côtés. Elle l’avait laissé établir toutes les hypothèses possibles, mais il lisait maintenant son impatience dans son regard inquiet.

On frappa à la porte qui s’ouvrit sur le champ, sans même attendre de réponses. Legviel, le capitaine de la garde, avança d’un pas rapide vers la table.

— Les elfes ont pénétré les terres, notre milice n’est pas totalement en ordre mais nous n’avons plus le temps. Devons-nous protéger la cité ou les intercepter messire ?
— De combien de guerriers disposons-nous ?
— De guerriers ? Tous les hommes, vieillards et jeunes à peine adultes se sont rassemblés spontanément, attendant des instructions. Mais ce sont loin d’être des guerriers, et l’équipement fait cruellement défaut.
— Regroupez-les, nous allons sortir de la cité et laisser le temps aux femmes et enfants de fuir. Je vous rejoins sur la place principale dans un instant.
— Le temps presse, messire…
— Je le sais, je dois m’équiper.

Le capitaine se retira et le couple quitta la pièce dans le même temps pour se diriger vers les chambres. Ythyltarias s’approcha du petit lit qui contenait son enfant et s’attarda en dépit de l’urgence de la situation.

— Ramona, il faut que tu partes avec Ythyldyll, vous devez vous mettre à l’abri. Va trouver refuge chez les tiens, ils ignorent votre existence, sois discrète.
— Nous savions que ce moment pouvait arriver, mais c’est trop tôt, beaucoup trop tôt…
— Prépare tes affaires, je fais de même.

Ramona quitta la pièce pour la cuisine et Ythylltarias se dirigea vers le coffre qui contenait ses affaires de guerre. Il enfila sa fine mais très résistante côte de mailles, gilet et ceinturon, puis se para de son arc, sa dague, et saisit l’épée que son père lui avait offerte lors de son départ du foyer familial. Tandis que Ramona revenait avec un large panier en osier, elle s’approcha de l’enfant et sortit un pendentif de son linge. Elle y passa le doigt suivant un invisible chemin complexe qui provoqua l’illumination de celui-ci. Ramona compléta la besace de provisions avec des vêtements chauds. Ythyltarias glissa dans le panier une dague enroulée d’un linge, saisit son fils et sa femme et les serra fortement contre lui. Ramona sentit son cœur se serrer, leurs adieux silencieux semblaient être les derniers. Elle posa ses lèvres sur celles de son compagnon tandis que des larmes roulaient sur ses joues.

Elle saisit son fils, le plaça dans le panier, saisit le tout et partit sans se retourner. Son compagnon ne devait pas voir ses larmes, il aurait besoin de tout son courage pour affronter la suite des évènements qui l’attendait.

Ythylltarias se rendit sur la place, et quelle ne fut pas sa surprise de constater le faible effectif rassemblé en ce lieu d’habitude si animé. De nombreuses familles fuyaient déjà la cité. Legviel, tentant de cacher son amertume, lui fit son rapport bien futile. Il fallait laisser une chance aux femmes et enfants de fuir le plus tôt possible, car à n’en pas douter, elles seraient pourchassées et décimées. Il s’avança sur la place et s’adressa aux hommes présents.

— Mes braves, je suis fier de vous voir ainsi regroupés face à l’envahisseur. Je comprends l’insidieuse peur qui vous envahit. Cependant, soyez braves pour vos proches. Nous devons aller au-devant de cette armée ; notre but n’étant pas de la défaire, mais de la détourner de nos proches, afin d’assurer leurs départs de la cité de façon la plus sûre possible. Nous allons effectuer une charge et nous disperser vers l’ouest et le nord afin de les éloigner de la cité le plus longtemps possible. En avant !

La cinquantaine de braves se mit alors en chemin vers l’envahisseur, ne sachant trop ce qui les attendait.

Pendant ce temps, Ramona progressait rapidement vers l’est, elle devait atteindre la Dimdîn rapidement et trouver un moyen de la traverser, cette large rivière rapide offrirait une barrière naturelle entre eux et ses éventuels poursuivants. Un parcours d’une demi-douzaine de lieues à effectuer pour trouver une relative sécurité.

De son côté, Ythylltarias et sa troupe hétéroclite arrivèrent à portée de vue de l’armée elfique. Le trouble envahit ses hommes dès qu’ils s’aperçurent que le rapport de force était de l’ordre d’un contre cinq. Ce n’était toutefois pas ce déséquilibre qui troubla le commandant de la troupe de fortune, mais l’oriflamme de son père qui fermait la marche de l’armée elfique. Celle-ci était composée d’escouades appartenant à de nobles familles et de deux garnisons royales. L’affrontement serait bref et sanglant.

— N’oubliez pas les instructions, hurla-t-il, chargez, et à mi-chemin, dispersez-vous, utilisez les creux et caches du terrain, ne prenez pas de trajectoires rectilignes pour éviter les flèches, débarrassez-vous de ce qui vous empêcherait de vous déplacer rapidement et tout ira bien !

Ythylltarias chargea le premier, espérant être suivi de tous ses hommes. Il devait se montrer exemplaire. Sa troupe n’hésita pas une seule seconde, ils étaient de nature téméraire et ils savaient que le but de la manœuvre était de faire diversion et non de se sacrifier.

Le commandant de l’armée des elfes ordonna à ses hommes de se mettre en position pour encaisser cette charge. La surprise fit vite place à la rage lorsqu’il vit ses ennemis se disperser. Il donna l’ordre aux archers de tirer et de viser préférentiellement les bannis et les hybrides, et à trois unités de poursuivre les fuyards. La précision des archers elfes fut redoutable, la rapidité de déplacement d’Ythylltarias lui permit de s’arrêter et de se retourner pour constater le carnage. Son cœur se serra quand il vit qu’à peine la moitié de ses hommes avaient pu atteindre le bosquet ou les talus. Il ne pouvait se permettre de s’attarder, il fit alors demi-tour pour reprendre sa fuite lorsqu’une vive douleur lui enflamma le haut de la cuisse. Il se remit difficilement en route, il était sur le point d’entrer dans le bosquet. La douleur était cuisante, il ne pourrait pas échapper à ses poursuivants dans cet état, il lui fallait ruser, se cacher afin de pouvoir se soigner avant d’avoir perdu trop de sang. Il repéra un arbre sur lequel il pourrait facilement se hisser. Il le dépassa d’une dizaine de pas, arracha la flèche et, à l’aide de sa ceinture et d’un morceau d’étoffe, se fit un bandage de fortune. Il ne devait pas laisser de traces. Il revint le plus rapidement possible sur ses pas et entama l’escalade de l’arbre. Son agilité compensait sa blessure, il monta le plus haut possible et chercha le couvert des feuilles pour se dissimuler. Il ne fallut pas longtemps pour que les premiers éclaireurs elfes passent sous lui. Ils s’arrêtèrent brusquement au niveau de la flèche brisée qu’il avait laissée un peu plus loin. Ils se mirent à chercher sa piste et continuèrent leur route, laissant l’elfe blessé dans leurs dos. Il saisit l’une des fioles attachées à sa ceinture, la vida d’un trait et fouilla dans sa sacoche à herbes quelques plantes à appliquer sur la plaie. Il devait se remettre rapidement, alors il mit la main sur sa plaie et se concentra sur son sort de soin.

— Je vois que tu n’as pas totalement rejeté la magie de notre peuple.

Ythylltarias se raidit. Cette voix ? Avait-il été repéré ? Cette voix !

— Descends de ton arbre immédiatement.

Plus de doutes possibles, il était juste en bas.

— J’ATTENDS.

Ce ton péremptoire le déstabilisa, il faillit chuter. Résigné, il descendit de l’arbre et se redressa de toute la fierté que lui permettait sa blessure.

— Père, j’aimerais tant te dire ma joie de te revoir.
— Cesse ton arrogance, tu sais pourquoi nous sommes ici.
— J’ai bien peur de n’avoir pas eu le temps de prévoir mon voyage de retour.
— Était-ce réellement tes intentions ou juste une pensée fugace entre deux fornications ?

Ythylltarias tenta de dissimuler ses émotions et de contenir toutes pensées qui pourraient trahir son enfant. Son père ne pouvait savoir, son père ne devait savoir. Celui-ci se rapprocha de lui et l’étreignit.

— Il est temps de rentrer, le roi saura pardonner ton « délai de réflexion ».
— C’est impossible, père.
— Dommage…

Ythyledaïd planta alors une lame acérée dans les entrailles de son fils et lui murmura :

— Tu n’en as fait qu’à ta tête, sans te soucier des conséquences de tes actes sur notre famille et sur notre peuple, tu savais comment cela allait se terminer.
— Mais père… C’est bien… les conséquences sur… la famille qui sont… en cause.
— Ne t’inquiète pas pour ton fils, vous serez bientôt réunis.

Et d’un coup de poignet, celui-ci acheva son fils. Il le laissa rouler au sol et le regarda s’éteindre avant de s’en détourner, laissant ainsi la dépouille de son fils aux charognards. Les éclaireurs étaient revenus sur leurs pas pendant la scène, cependant ils avaient préféré ne pas manifester leur présence.

— Rendez-vous utile ! trouvez-moi un jeune semi-elfe et ramenez-le-moi immédiatement.

Les éclaireurs baissèrent la tête, pensant ne pas avoir été vus.

Quel dévouement ce seigneur ! pensèrent-ils.

Trois

Assis sur sa corniche, Gorak observait quotidiennement, à distance, la joie de son ami Wyrgorm. Il profitait pleinement de sa région natale, le signal n’avait pas encore été lancé. Tout se passerait peut-être bien, il devait s’en assurer. Il vira vers l’ouest et dirigea le gyps1 géant à la recherche de l’armée qui n’était plus très loin de Nûrlaïn. Ce village abritait son amie Ramona qui lui avait enseigné les bases du chamanisme alors qu’il n’était qu’un jeune nain ne possédant aucune prédisposition pour le monde sous-terrain. Il ramena le rapace à proximité de l’endroit où il l’avait emprunté puis relâcha son emprise sur l’oiseau. La situation devrait évoluer rapidement. Le lendemain matin, les deux armées se retrouvèrent face à face, confirmant ainsi ses craintes de la veille.

Ramona quitta l’enceinte de la cité par la seconde porte de la ville. Cette sortie offrait un chemin vers les montagnes au nord et un autre vers l’est qui traversait les vergers avant de redescendre vers la rivière. Elle profita de son passage entre les arbres pour récupérer quelques fruits qu’elle déposa dans sa besace. Elle quitta la route en direction du sud-est et dès lors que les contours de la cité eurent disparu, elle trouva un endroit pour allaiter son fils et se restaurer. Elle écrasa des fruits qui compléteraient le repas de son bébé. Elle se remit rapidement en route, souhaitant traverser la rivière avant la nuit. Le cours d’eau, bien que rapide, n’était pas si agité. Ils ne pourraient franchir cet obstacle sans que les flots froids n’aient vite raison de son fils. Elle se rappela alors qu’en aval, une famille commerçante avait une barque amarrée. Elle se dirigea donc vers l’endroit où la rivière était plus calme, lieu idéal pour y installer un ponton.

Après une heure de marche, elle aperçut un groupe d’arbres aux feuilles de couleurs plus vives. Cela devait être sa destination. Elle s’apprêta à se remettre en route, mais alors qu’elle ramassait le panier en osier, il lui sembla apercevoir deux formes qui semblaient la suivre. Elle plissa les yeux afin de confirmer son hypothèse, mais ne vit rien. Elle força l’allure par précaution. Après une heure de marche, elle distingua enfin le plan d’eau. Alors qu’elle se remettait en route, elle se fit interpeller par une voix lui demandant de ne plus bouger. Elle se figea car du coin de l’œil, elle avait aperçu deux êtres humanoïdes. Relevant les yeux, elle vit qu’elle n’était plus loin du ponton, mais eux aussi étaient si proches. Elle se mit à courir vers celui-ci, elle n’entendait pas ses poursuivants la prendre en chasse, son sang se glaça et elle tomba à genou lorsqu’elle s’aperçut qu’aucun bateau n’était amarré. Deux flèches se figèrent dans le bas de ses reins. Elle lâcha le panier contenant son fils, tourna la tête et vit le visage de deux elfes, arc à la main. Leurs intentions n’étaient pas de la blesser grièvement, ils avaient visé ses jambes, pourquoi s’était-elle accroupie au moment précis où ils avaient lâché leurs flèches délétères. Ils avancèrent vers la mère qui s’effondra sur le ponton tandis qu’un grondement se faisait entendre sur l’autre rive. Ils observèrent d’où venait ce bruit et virent un énorme ours blanc, mais concentrés sur l’animal, ils n’avaient pas vu la gigantesque forme encapuchonnée noire qui s’était glissée derrière eux et qui les terrassa aussi vite qu’un souffle éteint une bougie. Le tueur d’elfes regarda l’ours qui avait entrepris de traverser la rivière, il ne vit pas le vautour le dépasser et enserrer le panier posé sur le sol du quai en bois maintenant désert. Gorak devait faire vite, le contrôle qu’il effectuait sur l’oiseau était d’autant plus fragile qu’il entreprenait des manœuvres contre nature, menaçantes pour la vie du rapace. Il s’envola avec l’enfant. Il était trop lourd et décida donc de le déposer au plus proche de son ami Wyrgorm sur la berge opposée. Il accélérait les battements de ses ailes lorsqu’un éclair de glace frappa l’aile de l’oiseau. Le gyps lâcha sa prise qui plongea dans les flots. L’ours, dépité de ses revirements, se mit à nager vers le panier qui, par chance, flottait. Il se dirigea vers celui-ci en s’orientant grâce à l’attraction conjointe des deux demi-pendentifs. L’ours attrapa l’anse en osier dans sa gueule et ramena l’enfant sur la rive qu’il venait de quitter. Il en avait profité pour mettre de la distance avec le poursuivant.

Debout sur le ponton et épuisé, Kolmixiaur regarda filer le panier contenant l’enfant. Il cherchait des yeux le corps de la pauvre mère. La quantité de sang sur le ponton et la traînée brune le long de la bitte d’amarrage lui indiquèrent que le corps avait basculé dans l’eau. Il essuya ses dagues et sonda les flots mais n’y détecta pas de traces de vie, il en conclut avec tristesse que Ramona n’était plus vivante. Disparaissant sous sa cape, il fit demi-tour. Tout ne s’était pas passé comme prévu, mais l’essentiel avait été assuré, il devait maintenant s’occuper des restes d’Ythyltarias et le mettre seul dans sa sépulture. Ce dernier aurait mérité d’être avec son épouse pour l’éternité, mais le sort en avait décidé autrement.

Quatre

Sur sa plateforme, Gorak pansait sa blessure. Le froid de l’éclair l’avait sévèrement mordu, il lui faudrait quelques semaines pour s’en remettre et il avait tant à faire. Son ami Wyrgorm mènerait l’enfant jusqu’ici en toute sécurité. Cependant, il était si jeune qu’il faudrait l’aider à trouver de quoi alimenter son trop jeune compagnon de route et le langer avant qu’ils puissent le rejoindre. Il pleurerait la mort de Ramona plus tard et lui rendrait l’hommage qui devait être celui réservé à tout mentor chaman. Mais avant tout, il lui fallait écourter le retour des fuyards. Il chercha dans son coffre un vieux parchemin vierge et de l’encre, il était rare qu’il doive s’en servir. Il s’installa pour formuler sa demande d’aide. Il avait besoin d’un bateau rapide, et par le passé, il avait aidé la femme du pêcheur nommé Lorik Morstana à donner naissance à leur premier né. Il espérait maintenant de l’aide en retour. Il dessina donc le fleuve, il marqua son domicile et y dessina un bateau allant du domicile du pêcheur, plus en aval, à sa caverne. Il y apposa une rune non magique afin de s’identifier au mieux. Écrire ne lui aurait posé aucun souci, mais aucun membre de la famille de Lorik ne savait lire. Il appela une mouette et lui attacha le dessin à la patte, il en prit le contrôle et la dirigea vers la cabane du pêcheur.

Wyrgorm huma l’air à la recherche de la présence de bipèdes. Il ne détecta rien d’indésirable. Il s’intéressa donc au contenu bruyant du panier. Délicatement, il souleva les couvertures du berceau et ne décela que peu d’eau à l’intérieur, les peaux de loutres avaient assuré l’étanchéité du radeau improvisé ; l’enfant, bien que légèrement aspergé, n’était pas trempé. Il chercha un coin dégagé pour profiter des derniers rayons de soleil afin de sécher ses quelques linges humides. Wyrgorm était bien embêté, comment saisir ce petit être fragile sans le blesser. Délicatement, il fit basculer le panier qui expulsa l’enfant en le faisant rouler-bouler, provocant à l’occasion un éclat de rire enfantin.

À près d’une vingtaine de lieues au nord-ouest, Kolmixiaur ramassait la dépouille d’Ythyltarias. Il l’emmena dans une clairière et l’étendit sur le sol. Il nettoya ensuite les blessures et empoigna une petite pierre qu’il passa sur le corps étendu devant lui. Les plaies et contusions disparurent dans un halo bleu/vert qui, en s’estompant, laissa le corps indemne, sublime et luisant, telle une statue gravée dans du chêne clair. Il veilla le corps toute la nuit car les elfes n’avaient pas encore quitté la cité.

Alors que le soleil déclinait, Wyrgorm se coucha près de l’enfant afin de le tenir au chaud pour la nuit. Le petit humain se blottit contre son protecteur et s’endormit. Le lendemain matin, ils furent réveillés par le bêlement d’une chèvre. Celle-ci se coucha, offrant ainsi son lait au jeune enfant qui se rassasia. Le ruminant arracha ensuite le lange souillé et laissa les fesses d’Ythyldyll à l’air. Gorak relâcha son emprise sur la bête, il sentait sa dette envers les animaux s’alourdir, mais avait-il le choix ? Il leur était souvent venu en aide, cela suffirait-il ? Wyrgorm et l’enfant se remirent alors en route vers le sud. Leur progression était assez rapide, l’ours pouvait parcourir de longues distances sans s’épuiser, mais la charge qui reposait entre ses mâchoires le ralentissait considérablement.

Gorak, le bras en écharpe, devait se reposer, la nuit n’avait pas été aussi revigorante qu’il l’aurait souhaité. Il n’avait même pas eu le temps de penser à se restaurer. Il s’assoupit ainsi durant plusieurs heures.

Lorik, le pêcheur, accompagné de ses deux frères, mouilla l’ancre en contrebas de la demeure de l’ermite et attendit un long moment. Midi était déjà passé depuis longtemps, que se passait-il ? Il prit son courage à deux mains et débarqua sur la rive. Il grimpa le sentier abrupt avec prudence, il savait que le nain vivait avec un ours très impressionnant. Il arriva sur la corniche et vit le chaman allongé près des restes d’un petit feu de camp. Il s’approcha et le secoua délicatement et respectueusement. Gorak sursauta, mais fut rassuré de voir le visage inquiet du pêcheur.

— Merci d’être venu si vite Lorik, la vie d’un enfant est en jeu et j’ai besoin de remonter le fleuve rapidement, pouvez-vous m’aider ?
— Je vous dois bien ça, vous avez sauvé mon fils.
— Je l’ai fait bien volontiers et j’ai été payé en retour. En revanche, je n’ai pas les moyens de financer vos services.
— Ne vous en faites pas pour ça, j’ai depuis longtemps le sentiment que douze œufs et trois truites sont un prix bien dérisoire pour avoir sauvé ma femme et mon enfant. Que puis-je faire pour vous ?
— Nous devons remonter le fleuve à la recherche d’un enfant surveillé par Wyrgorm.

Gorak se mit à rire lorsqu’il vit blanchir le visage du pêcheur à la mention de l’ours.

— Ne vous en inquiétez pas, il ne vous fera aucun mal.

Ils descendirent vers le bateau, embarquèrent et remontèrent la rivière à contre-courant.

— Par chance, le courant est faible, mais les vents ne nous sont pas favorables.

Gorak se posta à la proue, s’assit et concentra son énergie. La voile se gonfla et le bateau fit une embardée en accélérant. Cela dura une heure, puis Gorak, présumant de ses forces, s’effondra sur le pont. Le pêcheur saisit l’ermite avec l’aide d’un de ses frères et l’installa aussi confortablement que possible dans la cale. Ils lui offrirent à manger, il accepta du bout des lèvres et s’allongea sur le matelas de fortune qu’offraient les cordes. Ils ne le revirent pas avant le lendemain.

Kolmixiaur espionnait les elfes qui commençaient à se regrouper, ils seraient partis le lendemain. Il saisit un sac de céréales broyées, quelques poissons séchés et s’éclipsa hors de la cité. Il ôta et roula sa pelisse, déploya des longues et fines membranes de son dos et s’envola vers le sud-est.

Ythyldyll commençait à gémir, la faim le tenaillait. Wyrgorm repéra une petite zone dégagée. Il huma dans l’air une odeur de poisson. Ses sens en alerte, il déposa le panier à l’abri et se dirigea prudemment vers l’odeur, attendit à la recherche d’une éventuelle menace qu’il ne décela pas. Il alla ensuite chercher l’enfant et se dirigea vers leur repas providentiel. Il fendit le sac de céréales et ajouta de l’eau de la rivière dans le bol posé à côté du sac, Ythyldyll mangea avidement de ses mains. L’ours, intrigué, s’occupa de faire disparaître les poissons. Cela ne ressemblait pas à la manière d’agir de son ami chaman. Pendant ce temps, à plusieurs dizaines de lieues plus au sud, son ami reprenait force par le biais d’une collation fournie par les pêcheurs. Il savait qu’il ne pourrait plus produire d’efforts magiques importants avant demain soir, il avait été très imprudent de vouloir suivre aussi longtemps la progression de son ami.

Wyrgorm fut réveillé tôt le lendemain, il prépara une autre bouillie de céréales avant de reprendre la route. Aucune visite animalière inattendue, ce qui provoqua en lui une inquiétude grandissante. Le temps était clément, ils pourraient progresser rapidement.

Kolmixiaur observait, de son côté, le départ des elfes. Il transporta ensuite le corps d’Ythyltarias dans le village, et au centre de celui-ci y creusa une tombe. Il y déposa le père de l’enfant, la referma et plaça des blocs de rochers par-dessus entre lesquels il inséra la dague du défunt jusqu’à la garde. Le joyau ornant le pommeau brilla de mille feux un bref instant. Il regarda vers le sud et sourit en se disant que demain, l’enfant serait en sécurité. Il ferma les yeux et s’envola dans un tourbillon de vent.

En fin d’après-midi, Gorak apparut sur le pont, entièrement reposé. Le maître-pêcheur le salua et lui indiqua qu’il était heureux de le voir en si grande forme. Gorak sourit, mais ne comprenant pas ce que le marin essayait de lui dire, se dispersa en propos confus. Quelque chose troublait Lorik, et en le questionnant, il comprit que les vents leur étaient maintenant favorables. La nuit était tombée lorsqu’il tenta d’observer la progression de son compagnon à travers les yeux d’une chouette. Il le trouva, avec l’enfant, assoupis dans le creux d’un arbre mort. Ils n’étaient plus si loin, demain dans l’après-midi, ils devraient être ensemble.

Au réveil, l’enfant eut droit à une belle quantité de lait fournie par un yack, ce qui rassura grandement l’ours. Leur passage dans les plaines, la veille, facilitait grandement leur progression. Il marcha plusieurs heures et, alors qu’il cherchait un coin où l’enfant pourrait prendre ses céréales, il repéra au loin la voile d’un bateau qui remontait la rivière. Il sentit l’odeur de son vieil ami chaman à bord de ce navire.

Le pêcheur alla chercher Gorak et lui indiqua du doigt l’ours sur la rive. Le sourire du nain fit comprendre à Lorik que leur mission se terminait sur un succès. En plus d’avoir aidé le chaman, la pêche ces dernières heures avait été abondante, très abondante. Ils firent monter à bord l’ours et l’enfant. Gorak s’occupa du bébé, le nettoya et lui fournit une alimentation plus adéquate que celle qu’il avait subie ces derniers jours. Le retour jusqu’à la grotte fut long, beaucoup plus long que lors de la remontée du fleuve, mais cela n’avait pas d’importance.

Cinq

Lorik déposa les trois compagnons chez le chaman, fit ses adieux et indiqua qu’ils passeraient dans deux jours avec quelques affaires utiles au jeune enfant.

Gorak installa Ythyldyll au fond de la grotte assez près de Wyrgorm, leur voyage les avait fortement rapprochés, cela le rassurerait dans un premier temps. Il lui avait été facile d’aménager cette cavité de façon spacieuse, après tout il était un nain certes peu doué pour le minage, mais avec l’aide de la magie, il avait eu rapidement un espace confortable où vivre. Il craignait cependant que le froid et l’humidité ne conviennent pas au développement d’un petit homme. Le lendemain, il alla chercher de quoi alimenter au mieux l’enfant, ainsi qu’un surplus de bois de chauffage. Par chance, l’arrivée des beaux jours lui laisserait le temps de s’adapter à la situation.

Le jour suivant, en fin de matinée, le pêcheur Lorik, ancra son bateau en contrebas de la grotte et déchargea avec l’aide de ses frères leur cargaison assez conséquente, à la grande joie du chaman.

— Je vous ai ramené quelques affaires qui devraient vous être utiles, lança le pêcheur.
— Je le pense en effet et vous en remercie, répondit le chaman.

Ils firent l’inventaire du chargement qui contenait un petit lit, deux malles, des peaux et couvertures, des vêtements qui s’avérèrent un peu trop grands, mais l’enfant ne tarderait pas à les mettre. Il y avait également quelques jouets dont un bateau et une petite épée, tous les deux en bois.

— Vous savez comment me contacter si jamais vous rencontrez des difficultés ou des besoins concernant l’enfant. Pour le reste, je sais que vous êtes plein de ressources, déclara le pêcheur.
— Je ne sais comment vous remercier, dit le chaman.
— Je vous l’ai déjà dit, je me considère comme quitte de la grâce que vous m’avez accordée par le passé, une frêle vie sauvée pour une autre. Je vous dis adieu, mon ami, n’hésitez pas à faire appel à moi.
— Au revoir, cher ami, que les éléments vous soient favorables.

Quatre ans passèrent ainsi, concentré sur le développement de l’enfant, le chaman nain s’assura de ses besoins essentiels tandis que Wyrgorm amusait l’enfant. De cette période, Ythyldyll prit grandement en taille et en force.

Le berceau devenant trop petit, il fut déplacé au bord de la grotte, là où il y avait plus de clarté. Couché sur la tête de lit, celui-ci fut converti en pupitre de travail. Cet hiver, le chaman enseignerait les rudiments de l’écriture à l’enfant. Il avait développé la commune langue continentale assez facilement, autant profiter de cette disposition à l’apprentissage durant son plus jeune âge pour lui enseigner l’écriture.

Les années défilèrent ainsi bien vite, Ythyldyll, âgé de quinze ans, savait lire, écrire et parler le continental, mais également le nain. Il avait aussi acquis de bonnes bases magiques liées au chamanisme. C’est à cet âge qu’Ythyldyll fut confronté à la civilisation. En effet, Gorak avait été appelé en urgence dans le village de Tartaras, bien plus au sud-est, en raison d’une maladie animale qui touchait de nombreuses fermes. Il avait décidé qu’il était temps que l’enfant côtoie, seul, d’autres de ses congénères et qu’il commence à pratiquer l’art que le chaman tentait de lui inculquer. Il était doué, mais manquait cruellement de pratique. De plus, Wyrgorm avait décidé de s’absenter, et cela faisait plusieurs semaines qu’ils ne l’avaient aperçu.

Six

Gorak et Ythyldyll se mirent donc en route de bon matin. Ils avaient choisi de prendre un chemin direct vers Tartaras au lieu de suivre la rivière Dimdîn. De ce fait, ils trouveraient des fermes avant d’atteindre le village et pourraient ainsi se faire une petite idée de la situation. Le trajet devrait durer environ une semaine.

Après quatre jours de marche forcée, ils arrivèrent enfin au niveau des premiers mas. Gorak alla saluer les propriétaires qui le reconnurent, même si certains n’avaient jamais vraiment eu affaire à lui auparavant. Ils leur expliquèrent la situation et les emmenèrent vers les animaux malades afin qu’ils puissent les examiner. Gorak consulta les pâtres. Ceux-ci lui indiquèrent les symptômes et leurs fréquences, à savoir que le pire moment était toujours l’après-midi, et ce jusque tard le soir. Le lait de ces derniers était devenu impropre à la consommation. Gorak concentra son énergie et examina les animaux les plus atteints. Il en déduit en effet que le problème était d’ordre digestif, et bien qu’il n’y eût décelé aucun maléfice, il sentait un poison circuler dans le corps des animaux. Il prépara une mixture avec l’aide d’Ythyldyll et l’administra à quelques animaux. Il expliqua au jeune garçon quelles plantes choisir pour multiplier les remèdes. Demain il le laisserait seul pour surveiller l’évolution du traitement. Ils furent logés dans la bergerie de la famille Raynat et très bien nourris. Le lendemain, Ythyldyll fut mis à l’exercice par son mentor pour savoir s’il pourrait pratiquer les examens et les remèdes seul. Le résultat fut concluant, l’élève était doué. La maladie régressait certes trop lentement, mais le traitement fonctionnait. Il dit alors au revoir à son jeune apprenti et pris la route vers le village.

Ythyldyll administra le remède, puis partit chercher, pendant le reste de la journée, les végétaux nécessaires à la concoction des potions qu’il administrerait le lendemain. Les plantes étaient assez faciles à trouver. Il mit cependant beaucoup plus de temps que son maître à le faire. Le soir arrivé, il toucha à peine à son repas tellement la fatigue l’envahissait. Alors qu’il préparait sa couche, il sentit l’agréable odeur envahir la bergerie. Il se redressa et aperçut la jeune Violette qui s’occupait de ses repas depuis son arrivée. Gênée, elle parvint à dire qu’elle était venue chercher ses couverts afin de les nettoyer. Elle fut surprise de voir qu’il avait à peine mangé et le sermonna mollement. Ythyldyll fit l’effort de terminer le repas. Comme la veille, ils discutèrent et ne virent pas le temps passer. Elle débarrassa la vaisselle sale, et lui souhaita une douce nuit. Ythyldyll dormit peu, il était troublé dans le bas ventre à tel point qu’il prit une gorgée du remède qu’il avait préparé pour les animaux. À sa surprise, la fatigue ne le perturba pas trop le lendemain.

De son côté, Gorak était arrivé au village, et la situation était sensiblement la même, bien que légèrement moins préoccupante. Il avait, pendant la soirée, préparé une grande quantité de potions avec les plantes qu’il avait trouvées, la veille, sur son chemin.

Dans les fermes du nord, la situation s’améliorait au point qu’Ythyldyll eut le temps de collecter quelques fleurs qu’il assembla en une magnifique couronne. Le soir venu, alors qu’il attendait la venue de Violette avec impatience, un sentiment de gêne l’envahit peu à peu. Il se sentait observé, mais ce sentiment se dissipa rapidement dès lors qu’il entendit la porte s’ouvrir et la pièce s’emplir de cette délicate odeur tant attendue. Violette s’installa à son côté et ils se racontèrent leur journée. Il lui offrit la couronne qui la fit rougir, elle s’imagina être sa reine. Ythyldyll décelant le trouble de Violette se rapprocha et déposa sur ses lèvres un tendre baiser. Ne détectant aucune résistance, il l’accompagna dans une lente chute afin qu’ils puissent s’étendre sur le foin. Le sourire aux commissures des lèvres de Violette éteignit ses craintes de rejet, ses baisers devinrent alors plus fougueux. Alors qu’il entreprenait le délaçage du corset, Ythyldyll sentit un froid envahir la pièce. Un sourire se dessina sur ses lèvres quand il repensa aux viriles discussions, concernant le frisson amoureux, lors des rares soirées entre son maître et les paysans qu’ils aidaient… Il n’avait pas imaginé que le phénomène puisse être si puissant. Quand il chassa ces pensées parasites pour se concentrer sur Violette, il constata que celle-ci s’était figée, à l’affût du moindre bruit. La gêne précédemment ressentie refit surface, plus prégnante encore, il se raidit et tendit le bras afin de saisir le couteau dans sa besace.

— Ne bouge pas, je vais tenter de voir ce qu’il se passe, lui dit-il.

Ythyldyll sortit dans le crépuscule naissant et fit le tour de la bâtisse. Il sursauta quand il aperçut une grande forme encapuchonnée.

— Du calme Ythyldyll, je ne te souhaite aucun mal, bien au contraire.
— Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? dit le jeune homme en resserrant le couteau qu’il avait réussi à saisir dans son sac.
— Mon nom ne te dira rien Ythyldyll, je te connais mais pas toi. Je te suis depuis longtemps maintenant et veille sur toi, non pas à la manière de ton précepteur nain. Je m’assure que tu ne t’éloignes pas de ta destinée.
— Je ne comprends pas, quelle destinée ?
— Chaque chose en son temps, répondit la grande forme noire encapuchonnée, pour l’heure je dois te dire que tu t’apprêtes à faire une erreur, cette fille n’est pas faite pour toi, renvoie-la chez ses parents avant que tu ne précipites les évènements.
— Vous arrivez de nulle part et en parfait inconnu, vous exigez de moi bien des choses sous couvert de grands mystères à mon goût, et je devrais vous écouter et obéir ?
— Je me nomme Kolmixiaur. Je me suis occupé de la dépouille de ton père, ce héros, pour qui j’ai établi une stèle dans ton village natal. Je t’ai suivi jusqu’à ta demeure actuelle et me suis assuré que tu ne manquerais de rien grâce au nain. Je sens en toi se bousculer de nombreuses questions sur tes parents et je te le dis tout de suite, je n’y répondrais pas aujourd’hui car je dois remplir une tâche urgente.
— Comme c’est pratique ! Ne fais pas ça ! et au revoir.
— Quelle force d’âme ! déclara le mystérieux homme dans un rire qui sonna creux.
— Fais comme tu le souhaites Ythyldyll, ça ne devrait pas avoir de graves conséquences immédiates. Cependant, tu devras te préparer. Après cela, les évènements à venir seront précipités et tu n’es pas encore assez prêt pour y faire face.