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David Azaïs a parcouru les quatre coins de la France. Grâce à ses nombreux voyages, il a côtoyé plusieurs personnes de différents horizons. Ces derniers lui ont ouvert l’esprit et il livre dans Le quadrille des fous sa vision du monde. Il vous invite à plonger dans la tête d’un pensionnaire du pavillon fermé de l’unité psychiatrique lourde « Bel-Air ». Celui-ci relate les évènements d’une journée ordinaire après un moment de répit, sa quatrième pause…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Le quadrille des fous est un roman fantastique dans lequel David Azaïs pousse plus loin sa vision sur les limites de l’homme. Il signe ici un ouvrage déconcertant duquel le lecteur lui-même ne sortira pas totalement indemne.
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Seitenzahl: 152
Veröffentlichungsjahr: 2022
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David Azaïs
Le quadrille des fous
Roman
© Lys Bleu Éditions – David Azaïs
ISBN : 979-10-377-7508-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
Être différent n’est ni une bonne ni une mauvaise chose.
Cela signifie simplement que vous êtes suffisamment courageux pour être vous-même.
Albert Camus
Toutes leurs existences, les gens moches font tout pour ressembler à ceux qui sont beaux, et avec les années, ce sont les beaux qui souhaitent devenir comme eux…
David Azaïs
À mon arrivée dans ce service, il y a bien longtemps maintenant, je ne disposais que d’une vague idée de la réelle signification de « la folie. »
Comme beaucoup de gens, la télévision et le cinéma s’étaient invités à brouiller la véritable interprétation de ce terme.
Pour avoir visionné dans ma tendre jeunesse des films comme « vol au-dessus d’un nid de coucou » ou encore « shinning », je me rends compte, aujourd’hui, que j’étais bien loin de la réalité. Très, très loin…
Les images ne reflètent en rien la nature des faits.
Du dernier étage du pavillon fermé de l’unité psychiatrique lourde de « Bel-Air », j’écris ces quelques mots.
J’en profite. C’est ma pause.
La quatrième de la matinée…
Ici, comme ailleurs dans cet hôpital, le temps s’est arrêté dès sa construction, en accueillant les premiers patients.
On ne se rend pas compte tout de suite en pénétrant dans le bâtiment du problème majeur.
Les murs sont trop épais… Bien trop épais pour ses habitants.
Moi-même, j’en avais fait les frais. Comme une sucette sucrée, dans un bel emballage, je m’étais fait berner par son acidité.
C’était sans doute logique, je débarquais à peine, et l’unité lourde de « Bel-Air » s’avérait être ma première affectation.
Je dis bien sans doute… Je recherche encore une cohérence.
Je me garderais bien d’employer le mot « normal » !
En ce lieu, la normalité n’existe pratiquement pas. À l’époque, elle s’était probablement égarée sous les fondations de l’établissement, et avec les premiers coups de pioches, elle n’avait pas pu remonter.
« Coucou !
— Joël ?!
Que fais-tu en ce lieu ?
Ne vois-tu pas que je suis occupé ?
Tu sais parfaitement que l’espace du personnel t’est interdit formellement !
— Du personnel ?
L’espace ?
Je ne sais pas.
Mais toi !?
Qu’est-ce que tu fabriques ici ?
— Quoi moi ?
Bref…
Que désires-tu ?
— Ils m’ont oublié.
Je n’ai pas eu mon traitement ce matin et la vieille va encore me battre.
— N’exagère pas, Joël.
Elle n’est pas si terrible que ça.
Écoute, sors de l’infirmerie.
Je viendrai m’occuper de ton pilulier dans un moment. »
Ce genre d’intrusion subite fait malheureusement partie du lot.
Dans ce lieu, des hommes et des femmes déambulent au hasard des couloirs sans vraiment de but précis.
Les mornes journées défilent au rythme du son étouffant des pieds traînants.
Ce pauvre bougre de Joël aura, simplement, levé les talons un peu plus hauts, bifurquant, ainsi, dans mon îlot.
Rien d’exceptionnel…
Pour l’instant…
À moi d’éviter que cela ne se reproduise pas. Dans ce cas, je devrais être et encore plus attentif.
La moindre contrariété d’un patient, au sein de l’unité, pouvait avoir des conséquences désastreuses.
J’en restais totalement conscient.
Comme une traînée de poudre, un incident de la sorte, aussi minime soit-il, était susceptible d’embraser un pavillon fragile.
Mais, dans l’immédiat, puisqu’il n’y a pas péril en la demeure, je reprends mon crayon à papier sans mine, pour expliquer à ces gens dehors, ce que j’ai personnellement constaté toutes ses années.
Après tout, si Joël ne m’avait pas dérangé, j’aurais pu avancer davantage dans mon exposé.
Me faut-il une cinquième pause pour réellement avancer ?
Je ne dois pas lui en vouloir.
Peu importe…
Reprenons à la base et gardons l’esprit clair.
Dans cet endroit, c’est essentiel…
L’instrument sans mine se crispe sur la page sans conviction.
Pourtant, il y a tellement à raconter…
Lorsque ma carrière a débuté dans cet établissement, je ne pensais à rien.
Quand je dis rien, c’est vraiment rien…
À l’époque, peut-être, aurais-je dû encore mieux réfléchir.
Mais il ne faut pas oublier que je n’étais alors qu’un jeune homme sans véritables expériences, tout juste sorti de l’école, pas vraiment prêt…
Ma carrière…
Seigneur !
Un grand mot pour peu de choses.
Mais, revenons à nos moutons…
Dans la vie quotidienne, les fous ont très souvent une réputation terrifiante. Quelquefois, à tort.
Ces personnes, jugées pour leurs comportements anormaux, ne rentrent dans aucune case sociale.
Je tiens à préciser que je suis convaincu du contraire.
Mais, au juste, qu’est-ce que la folie ?
Elle peut être passagère ou chronique. Régulière, soudaine ou foudroyante. Mais dans tous les cas, elle fait partie de chacun de nous, sans exception.
Elle ne se voit pas forcément au premier abord et c’est bien cela qui inquiète les hommes dits bien-pensants.
Pourtant, ces mêmes grands personnages qualifiés d’érudits ne sont pas épargnés.
Au contraire.
D’ailleurs, en général, ce sont eux les plus touchés.
Ainsi, tous les sexes, les âges et les classes sociales sont susceptibles, un jour, sans raison apparente, de tomber dedans.
Sans raison…
Ce terme de folie ne s’emploie plus aujourd’hui dans les services psychiatriques.
De nos jours, ce n’est plus un diagnostic.
Les soignants parleront plutôt de troubles.
C’est un peu plus doux et moins agressif.
Pourtant, cela ne reste qu’une façon détournée de régler le souci.
Les couleurs de l’arc-en-ciel ne sont pas éternelles.
J’ai moi-même remarqué que les nuances vives s’effaçaient davantage rapidement que les autres.
Évidemment, tout ceci reste une observation personnelle. Chacun se fera sa propre opinion.
Mais, en continuant dans ce sens et en analysant la situation plus profondément, on peut dire sans crainte que le « beau », aussi attirant soit-il, ne résiste pas à ce dommage.
Tiens, je viens de casser ma gomme…
Pas facile, dans ce cas, d’écrire sans que mes mots ne soient confus.
Moi, je me comprends. Mais vous ?
L’idéal, pour une meilleure compréhension du sujet, serait de dégotter un stylo Bic.
Mais un stylo sans bille.
Un outil incapable de glisser sur la feuille pour faciliter l’impression d’illusion.
L’illusion…
Effectivement, ce terme convient comme un gant à cet hôpital.
« Tu veux un feutre pour ta lettre ?
J’en ai plein dans l’armoire de ma piaule.
— Joël ?!
Mais tu es encore là !
Je t’avais demandé de sortir de l’office.
Je viendrais distribuer les médicaments dans une minute.
Sois un peu patient.
Par ailleurs, tu continues à me tutoyer et cela m’agace…
Veux-tu, s’il te plaît, stopper illico presto tes familiarités ?
Joël, je ne souhaite pas te paraître trop méchant, mais nous n’avons pas gardé les cochons ensemble !
— De toute façon, je déteste le porc. Alors…
Et pour info !
Je ne suis jamais sorti de la pièce.
Tu es tellement absorbé dans tes trucs que tu ne me vois même pas.
Ni personne d’ailleurs.
— Vous ! C’est difficile à saisir, Joël. Vous ! Pas tu…
Il est nécessaire de maintenir une certaine distance entre les professionnels de la santé et des patients tels que toi.
C’est pour préserver un bon équilibre à Bel-Air.
Le travail n’en sera que meilleur pour tout le monde.
— Distance ? Équilibre ?
Mais qu’est-ce que tu me baragouines là ?
C’est du charabia pour moi tout ça.
Tu en as besoin du feutre ou pas ?
— Ce n’est pas possible.
Comment faire du bon boulot en étant constamment importuné ?
Pour le moment, tant que le bois n’est pas cassé, je conserve mon crayon à papier.
En cas d’incident, je te ferais signe.
Mais, Joël…
Comme je constate que mes écrits semblent t’intéresser, assieds-toi avec les autres sur une chaise pour m’écouter.
Mais surtout, reste silencieux.
Dorénavant, je ne tolérerais plus aucun bruit ni la moindre interruption de ta part.
— Les autres ?!
— Oui, installe-toi près d’eux et laisse-moi continuer mon analyse tranquillement. »
Sur ces entrefaites, je reprends.
En fait, quand on y pense, la principale tracasserie n’est pas d’ordre physique, ni même mental.
Ce serait trop réducteur de croire cela en ce qui concerne la folie.
Jean-Paul Sartre, lui, disait à juste titre, « l’enfer, c’est les autres ».
C’était, sans nul doute, un chouïa simplifier la chose, mais tellement plus proche que le reste pour discerner ses contours.
De mon côté, je suis persuadé, avec les nombreuses années d’expériences professionnelles à mon actif, que la réponse se trouve dans la manière dont les hommes se perçoivent entre eux.
Un simple regard inquisiteur peut décontenancer et avoir un effet dévastateur sur des êtres plus fragiles.
Dans ce cas, je parlerais davantage de faiblesse de tempérament que de démence mentale.
— C’est un peu flou ton raisonnement !
Je n’ai pas dit fou…
— Joël, s’il te plaît. Je sais où je souhaite en venir.
Et pour cette raison, je te prierais de ne plus intervenir, c’est invraisemblable.
Tu n’enregistres rien.
Chaque seconde, perdue avec tes incessantes coupures, est un peu de temps en moins pour le bon discernement de mes explications.
Tu es bien le seul Joël à t’agiter de la sorte dans le groupe et ça commence sérieusement à m’agacer.
Si cela ne t’intéresse pas, je te demande de t’en aller pour ne plus perturber tes compagnons, qui eux, sont attentifs.
— Attentifs ?!
J’espère que tu plaisantes.
Ils sont pour la majorité endormis. Ils roupillent tous.
— Pas du tout !
Ils sont concentrés. Tout simplement.
Ne vois-tu pas ? Ils boivent mes paroles…
— Si tu le dis…
Moi, je n’en suis pas persuadé.
Bon, je reste encore un peu, uniquement pour te faire plaisir.
Seulement, tous les mardis, à onze heures, il y a l’atelier pâtisserie. Des bénévoles, extérieurs à l’hosto, vont nous apprendre à préparer des pancakes.
J’en ai déjà l’eau à la bouche.
Tu ne veux pas venir avec nous ? On va bien se marrer !
— Non, là, c’est toi qui te fiches de moi. Ma place n’est pas là-bas.
Je n’ai pas passé trois années en I.F.S.I pour vous regarder préparer des gâteaux.
— I. F. S. I. ?!
Qu’est-ce que c’est ?
— Apprends, Joël, que cela veut dire « Institut de Formation en Soin infirmier. »
En gros, pour simplifier la chose, c’est l’école où j’ai appris mon métier pour vous soigner.
— Nous soigner ?! Nous ?! Et pas toi ?!
Je pige que dalle.
Décidément, tu es vraiment très bizarre aujourd’hui…
Enfin…
D’accord ! Continue ton speech surréaliste mais à onze heures pile, je me taille !
— Trop aimable de ta part.
Puisque notre camarade Joël à décider de nous la jouer grand seigneur, poursuivons donc…
Alors, vous allez, sans doute, me demander, comment guérir ces malades ?
Foncièrement, toujours à titre personnel, je ne pense pas que l’enfermement soit la véritable réponse pour eux.
Le dialogue entre les patients et les soignants est primordial avant de penser, par la suite, à un éventuel traitement.
— Moi, je discute beaucoup avec les docteurs de Bel-Air. Ils sont gentils, mais ils me disent toujours la même chose.
Et, quand je leur pose des questions sur ma sortie définitive du pavillon, ils baissent tous les yeux, comme si j’avais lâché une énorme sottise.
C’est pas franc du collier tout ça.
— Non, Joël…
Il ne faut pas résumer le corps médical à des attitudes corporelles.
De plus, pour avoir longuement étudié ton dossier, je peux t’annoncer que tes progrès sont encourageants. Tu es sur la bonne voie, Joël.
Les médecins observent et reconnaissent tes efforts.
C’est inéluctable.
Cependant, tu as un peu tendance à oublier les raisons qui t’ont conduit dans ce service.
Dois-je te le rappeler ?
— Non, c’est inutile.
De toute façon, ici, je n’ai pas d’allumettes…
— Fort heureusement, pour toutes les personnes qui vivent et travaillent dans cette unité psychiatrique.
Quelquefois, Joël, j’ai l’impression que cela ne t’a pas servi de leçon.
Les brûlures en grande quantité sur ta peau devraient, pourtant, te remémorer que le feu est dangereux. Tu en as fait les frais.
Tu étais bien placé. N’est-ce pas ?
— Tu me fatigues avec ta morale.
D’ailleurs, comment s’apercevoir que l’on est dingue ?
Un fou naît-il fou ?
— Tu vois bien que tu ne suis pas, Joël.
J’ai déjà évoqué cette interrogation un peu plus tôt.
Au fond, on ne le sait jamais ! Nous sommes tous prompts à devenir complètement barjot à un moment donné de notre existence.
Sur ce sujet, pour être plus explicite dans mes propos, je vais désormais vous donner un exemple précis dont je fus le témoin direct.
Ceci n’est pas une anecdote ou une fable, mais bel et bien un fait réel.
Mais, avant de vous raconter cette histoire, je tiens à vous préciser que les personnages qui vont suivre ne sont pas imaginaires.
Tout est concret…
Rien n’est fictif…
Cette famille et ces gens ont bien existé et vivent encore de nos jours.
— Abrège un peu. Tu traînes en longueur.
— Joël ! Stop !
Tais-toi !
À propos. Il est onze heures !
Ton atelier cuisine va débuter et je ne te retiens pas.
— Tout d’abord, c’est pâtisserie.
Mais ne t’inquiète pas, je me barre d’ici.
J’en ai plus que marre d’écouter tes élucubrations.
La pleine lune ne te réussit pas, toi.
— Tu as raison, Joël. Bon vent !
Va te goinfrer de sucreries, s’il n’y a que ça qui t’intéresse.
Par contre, ne reviens surtout pas me casser les pieds avec ton traitement.
Tu parleras de cet oubli auprès de l’équipe de garde cet après-midi.
Pour ma part, je m’en lave les mains.
Par respect pour le reste de l’assistance, je poursuis mon récit.
Mon meilleur ami, à l’époque, se prénommait Bertrand.
Je vous dis « à l’époque » car cela fait des lustres que je n’ai plus de nouvelles de lui.
Vous comprendrez facilement un peu plus tard, si vous êtes bien attentifs à mes mots, la raison de cette distance soudaine.
Bertrand Poussin avait tout pour être heureux.
Ce père de famille, âgé de quarante-six ans, tenait, avec sa femme Mélanie, une agence immobilière dans le centre-ville de Bordeaux.
Cet homme vif d’esprit et très élégant excellait dans son travail et faisait fructifier, d’année en année, l’entreprise avec une réussite déconcertante.
L’ambition du commercial ne semblait avoir aucune limite et son établissement prospérait à vue d’œil.
À tel point qu’à la fin de l’été 2005, ses chiffres d’affaires explosaient dans tous les domaines.
En janvier 2006, les ventes de biens ainsi que les locations, grâce au dynamisme de ses deux autres employés, concurrençaient même les grosses enseignes dans le domaine.
L’agence immobilière « Poussin » non seulement engrangeait des bénéfices, mais semblait être, aussi, devenu maître en matière de transaction.
En d’autres termes, l’affaire marchait du tonnerre.
Du moins, en apparence…
Si le business de Bertrand fonctionnait à merveille, il en était tout autrement dans son couple.
On ne pouvait pas dire que c’était l’harmonie parfaite, loin de là…
— Pourquoi, toi aussi, tu crois que je tape Joël ?!
— Mais c’est une machination !
Vous vous êtes passé le mot où quoi ?!
Combien de fois, vais-je être interrompu ?
— En plus, as-tu remarqué comme il me parle ?
Il n’hésite pas à me traiter de vieille.
C’est un manque total de respect. Il a dépassé les bornes !
— Je le vois bien, mais il faut vous calmer tous les deux.
Vous êtes toujours comme chien et chat. Cela devient fatigant à la longue.
Catherine, toi qui es plus âgée, tu ferais mieux de montrer le bon exemple.
Tu connais par cœur le caractère de Joël. C’est loin d’être un modèle à suivre en ce qui concerne la maturité.
Je dirais même que c’est un garçon, un tantinet puéril, qui n’a pas toujours la tête sur les épaules.
À ce titre, ne te fais plus de soucis, cela n’en vaut pas la peine.
Retourne à ta place avec tes camarades et reste attentive, car le meilleur de mes souvenirs est à venir.
Donc, en effet, son mariage battait de l’aile.
Essentiellement, à cause du caractère lunatique de son épouse Mélanie.
Comme je vous le conter précédemment, madame Poussin, officiait dans l’agence du même nom, en tant que secrétaire, mais aussi comptable.
Sa nature sombre et mélancolique lui donnait un air sévère toutes les heures de la journée et sa physionomie malingre, presque rachitique, n’arrangeait guère les choses.
Elle repoussait les âmes plus qu’elle ne les attirait.
Tout le contraire de son époux.
Ainsi, ce couple atypique formait un duo plus détonnant.
Mélanie, qui ne semblait jamais avare de reproches, s’en donnait à cœur joie sur son pauvre mari.
Quand on y réfléchit, la vie est très curieuse…
Au lieu de se défendre et de rétorquer aux incessantes attaques, très souvent gratuites, de la bougresse, Bertrand supportait tout sans sourciller.
Tel un sac de punching-balls, il encaissait, sans broncher, semblant se complaire dans le rôle de dominé établi.
— Faux ! La vie n’est pas curieuse…
Non !
Elle est injuste !
— Comment ?! Qui parle ? Encore ! Joël ?! Ton comportement est intolérable.
Il est 11 h 15. Je ne comprends plus rien à tes horaires d’ateliers. Tu ne devais pas être, à cette heure en train de confectionner de bons petits gâteaux ?
— Oui, mais…
— Mais rien !
Je constate simplement que tu as un réel souci de motivation.
Je serais, malheureusement, obligé de le noter dans ton dossier médical et d’en faire part au reste de l’équipe soignante.
— Ça aussi ce n’est franchement pas juste !
Je peux tout expliquer, si tu me laisses en placer une.
— Tu n’as aucune explication à me fournir Joël.
Cette fois, tu as poussé le bouchon trop loin. Cet aspect négatif de ta personnalité risque fortement de ne pas t’être favorable et de retarder une énième fois ta sortie définitive de « Bel-Air ».
En es-tu conscient ?
— Bien fait ! Cela lui apprendra.
— Cath, je ne veux aucun commentaire. Ce n’est nullement la peine d’envenimer la situation.
— Mais de quoi elle se mêle cette momie attardée…
— Joël ! Mais ce n’est pas possible. Tu as le diable au corps…
Je souhaite que tu présentes tes excuses immédiatement à Catherine.
Dans ce pavillon, la vulgarité et les insanités sont formellement défendues.
Tu devrais pourtant connaître le règlement depuis le temps que tu te trouves ici.
— Évidemment que je suis au courant des règles de ce foutu hôpital.
Par contre, toi, qui joues au grand donneur de leçons, tu as oublié un article essentiel de « Bel-Air ». Il est pourtant inscrit en gros sur le tableau de la cafétéria au cas où les malades l’oublieraient.
— Je ne pige rien à ton baratin, Joël.