Le rêve de toute une vie - Christelle Shotsha - E-Book

Le rêve de toute une vie E-Book

Christelle Shotsha

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Beschreibung

"Le rêve de toute une vie – L’histoire à travers les générations" vous raconte le parcours fascinant d’une jeune fille, née en France mais originaire de la République Démocratique du Congo. Confrontée aux mystères et aux défis des coutumes africaines, elle se retrouve à la croisée des chemins. Doit-elle embrasser ces traditions ou suivre la moralité inculquée dans son pays de naissance ? Deux mondes s’opposent, et ses décisions pourraient changer sa vie à jamais.

À PROPOS DE L'AUTRICE

L’écriture est un moyen pour Christelle Shotsha d’exprimer ses émotions les plus profondes et de rendre hommage à son entourage. Ses œuvres capturent les nuances de ses relations et les moments précieux partagés avec ceux qu’elle aime. Chaque mot, choisi avec soin, honore les personnes qui ont marqué sa vie, offrant aux lecteurs une immersion dans son univers.

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Seitenzahl: 408

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Christelle Shotsha

Le rêve de toute une vie

L’histoire à travers les générations

Roman

© Lys Bleu Éditions – Christelle Shotsha

ISBN : 979-10-422-4372-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Préambule

La République Démocratique du Congo est le deuxième plus grand pays du continent, derrière l’Algérie. Située en Afrique centrale, plus précisément sur l’équateur, sa superficie est de 2 344 860 km2 et représente à peu près quatre fois la surface de la France. Il est donc classé 11ᵉ pays du monde par sa taille… Son histoire, si vaste et tristement célèbre, en avait passionné plus d’un.

De plus, réputée pour sa grande richesse, elle fut convoitée par de nombreuses personnalités…

La population congolaise était séparée en groupes que l’on appelait autrefois des ethnies. Chaque tribu était dirigée par un chef de clan. Cette personne, alors référente de l’autorité, devait être respectée par l’ensemble des villageois. C’était comme cela que tous vivaient, en paix et en harmonie, mais surtout en s’aidant mutuellement les uns les autres. Il n’y avait pas vraiment de place pour les biens privés. Toutes les connaissances acquises au cours de leurs expériences de vie se transmettaient généralement de génération en génération au sein d’un même foyer…

En outre, il existe plusieurs langues tribales en fonction des régions. Cependant, la langue officielle parlée dans l’ensemble du territoire est le Lingala.

Introduction

Si nous devions la définir… Quelles descriptions ferions-nous d’elle ?

De toute évidence, elle n’est pas sans savoir ce que pensent les gens qui l’entourent, car son tempérament est connu pour être d’une grande prévisibilité. Ce personnage emblématique est dépeint comme une personne sensible, quelque peu naïve, mais dotée d’un grand cœur et toujours prête à aider son prochain, en particulier les êtres pour qui elle a une très haute opinion, ainsi qu’une grande estime et qui, par ailleurs, lui sont proches et fidèles. Sa meilleure amie, Sarah, ajouterait sûrement qu’elle pourrait venir en aide à n’importe quel individu se trouvant sur son passage, ou franchissant le seuil de sa porte. Toujours d’une humeur joviale et aimant le contact humain, ainsi que la convivialité, elle milite pour l’union et la force, afin de rassembler le plus de personnes à sa cause. Cette âme sensible aime apprendre à connaître les personnes, pas superficiellement, mais dans la profondeur de leur âme. Cela l’intéresse vraiment… De nature quelque peu timide auprès de personnes inconnues, elle arrive tout de même à s’intégrer au sein d’un groupe et à amuser la galerie. La finalité est qu’en sa présence, on ne s’ennuie guère. Cela étant dit, elle n’a pas toujours eu que des qualités, car il est certain qu’aucun être vivant sur cette terre n’ait eu la chance de naître sans le moindre défaut. Dotée d’un caractère très fort, ainsi que d’un tempérament marquant sa nature à l’impulsivité, cette femme au grand cœur ne se laisse guère marcher sur les pieds, cela lui permet de ne jamais se laisser dominer. N’écoutant toujours que son cœur et seulement armée de son courage, elle est toujours prête à aller au bout de ce qu’elle entreprend et ce quoi que cela puisse lui en coûter. Son énergie débordante la pousse à aller bien au-delà des limites que le corps humain peut en supporter. Si sa petite sœur Sandra devait parler en son nom, elle la décrirait comme étant un être humain, à l’esprit rêveur, mais passionné. Elle ajouterait également qu’elle est une personne à la fois acharnée et hypersensible, mais qu’en cas de souffrance accrue, elle se mettrait en retrait et se murerait dans le silence, cherchant la fuite par le repli sur elle-même, afin de soulager son cœur meurtri. Si Sabrina devait s’exprimer sur sa propre vision d’elle-même, cela est sûr et certain, qu’elle dirait tout simplement être une personne ordinaire, une femme de couleur, proche de la quarantaine, portant le simple et banal prénom Sabrina. Cependant, fière de ses racines africaines et fière également d’avoir la chance d’appartenir à deux mondes différents, deux cultures aussi intéressantes l’une que l’autre. Plus fière encore de son pays d’origine, car même-ci elle l’a peu visité, il lui a beaucoup appris sur la façon de vivre et de se comporter face à toute cette pauvreté. Sabrina qui n’avait jamais manqué de rien pouvait voir la vie d’un œil différent et ainsi, profiter pleinement d’un certain confort, mais également jouir du bonheur d’être entourée de personnes aimantes au sein d’une même famille. La plupart de ces individus vivant « là-bas » ne possédaient pas grand-chose et pourtant… chacun de ces gens avait tellement d’amour à donner. Mettant ainsi tous ses problèmes de côté, elle regardait aussi loin qu’elle le pouvait, au-delà même de la partie obscure se cachant derrière l’horizon, tout en observant ce bonheur présent le long de son parcours à moitié entamé. Elle se disait simplement que la vie est belle et que même si nous naissons, nous vivons, nous perdons, nous gagnons, nous échouons, nous réussissons, le plus important était de vivre du mieux que l’on pouvait, avec peur, raison et sentiments, mais sans le moindre regret et d’en sortir plus fort que jamais. La clef de la réussite se situait là… et ce peu importe les combats, les luttes, les défaites ou les victoires à venir.

Ainsi débute l’histoire de cette jeune fille. Toutefois, ce récit parsemé d’embûches ne peut réellement commencer, sans vous compter l’histoire des deux êtres qui ont permis par la grâce divine qu’elle puisse exister, ses parents : son père Paul et samère Marie-Laure.

Chapitre 1

Le commencement

Marie-Laure a vu le jour dans un village appelé Lodja, situé dans la province du Sankuru. Elle est née un certain 18 septembre 1956, enfin… c’était ce qu’elle pensait ! Et pourtant, il n’y a pas si longtemps, elle se remémorait encore, ce fameux jour, où elle découvrit la véritable histoire concernant sa date de naissance.

En effet, au moment de fêter ses 40 bougies, sa mère Hélène, que tous ses enfants appelaient « Imma », qui signifie « maman », lui apprenait avec stupeur et par téléphone l’étrange vérité, à savoir qu’elle est née le 18 novembre de l’année 1956. Malheureusement pour elle, tout était déjà acté sur ses papiers d’identité.

C’était au moment de commencer sa scolarité qu’Albert, le frère aîné de son père Hilaire, fit l’erreur d’inscrire la mauvaise date de naissance sur la fiche de renseignement. Les années passant, nul n’eut l’idée de vérifier à nouveau l’information et c’est ainsi que cette histoire sombra dans l’oubli.

Marie-Laure, qui avait du mal à croire ce qu’elle entendait, pensait au fond d’elle que sa précieuse Imma avait probablement perdu la mémoire. Cela était justifiable aux vues de ses nombreuses parités. Cependant, Hélène sûre d’elle, lui répondit alors en courant chercher dans sa mallette, où étaient conservés tous les documents administratifs de la famille, le certificat de naissance de sa fille aînée.

Bien sûr, elle était encore capable de courir, car elle avait à peine seize ans de plus que sa fille. Ressentant le besoin de prouver qu’elle n’était pas sénile, Imma énuméra de mémoire, la date de naissance de son mari, ainsi que celle de ses oncles et tantes, toujours en vie, mais également la date de naissance de tous ses enfants.

À noter qu’Hélène était tout comme sa fille, l’aînée d’une fratrie de 13 enfants. Elle cita de façon très méticuleuse, la date de naissance de tous ses frères et sœurs, et ce, jusqu’à la dernière. De plus, sa sœur cadette, qui se nommait Véronique, avait certes, la particularité d’être sa tante, mais elle pouvait également être considérée comme sa sœur jumelle, car toutes deux étaient nées au cours de l’année 1956 ! Attention au risque d’amalgame, car tous ces conflits de générations pouvaient alors prêter à confusion. Quelle étrange situation ! Encore plus énigmatique du fait que tante et nièce, avaient jadis partagé le même sein. En effet, Hélène n’avait pas de montée de lait à ce moment-là. Plutôt que de laisser mourir de faim sa fille à l’aspect déjà bien frêle, c’était donc à sa mère, qui se nommait Coco Mpala Julienne, que revenait la charge de la nourrir. Ainsi, cette dernière nourrissait sa fille, mais également sa petite fille. Par la suite, Imma repensa subitement qu’il y avait une date de naissance qu’elle ne connaissait guère… Par ailleurs, sa propre mère l’ignorait également. Cette date, inconnue de tous, était celle de Coco Mpala Julienne. À cette époque, cela n’était que des suppositions, en ce qui concernait le jour de naissance et pouvait également dépendre du climat, ou d’un évènement marquant auquel on pouvait éventuellement se référer. Pour l’année de naissance, c’était encore autre chose… Probablement que ses parents, avant elle, ne savaient ni lire, ni écrire, ni compter. Tous supposaient que la grand-mère de Marie-Laure avait accouché d’Hélène à peu près vers treize ans, car elle fut mariée dès l’apparition de son cycle menstruel. Cependant, même cette information ne peut, jusqu’à ce jour, être déclarée avec certitude…

Voilà que deux ans après la naissance de Marie-Laure, Hélène eut un fils, qui se nommait Maurice. Le début de leur enfance à tous deux, fut marqué par de l’instabilité, car Hilaire, alors fonctionnaire de l’État, avait un métier qui les obligeait à changer fréquemment de lieu de résidence. En effet, il était chargé d’ouvrir des bureaux de poste dans toutes les provinces de la République Démocratique du Congo.

Pour remédier à ce problème, son oncle Albert, alors l’aîné de cette immense famille et que tous appelaient « Papa Albert », avait décidé de recueillir sa nièce, ainsi que son neveu, dans sa villa de luxe.

C’était comme cela dans une tribu patriarcale. Il incombait au père de famille de prendre ce genre de décision. C’est donc pour toutes ces raisons évidentes que Marie-Laure et Maurice furent gentiment arrachés à leurs parents. À noter que ce grand homme, à la tête d’une fortune incommensurable, avait presque fait le partage de ses biens entre tous ses frères à parts égales. Chacun d’entre eux bénéficiait à l’âge adulte, d’un confort de vie jugé suffisamment conséquent pour vivre le restant de leur vie sans se soucier d’un manque de moyen financier.

Mais comment cela avait-il pu se produire ? Dans sa jeunesse, papa Albert avait fini par faire fortune non pas par mérite, mais parce que les Belges, chez qui il travaillait comme majordome, avaient tout abandonné en quittant le pays. Ainsi, ils laissaient derrière eux, tout ce qu’ils possédaient alors… (Bijoux, mobilier, porcelaine, toile de peinture, tenue vestimentaire…) Cette fuite précipitée était le résultat tant espéré de prières jamais exaucées, depuis des décennies de pseudo-domestication. Et cela se produisit au moment où le Zaïre obtenait alors, son indépendance. Cet évènement historique eut lieu au cours de l’année 1960… Une date poignante qui ne pourra jamais être oubliée, du moins tant que le ciel, les oiseaux et la terre existeront. Ainsi, Marie-Laure, seule fille dans le décor, accompagnée de son fidèle allié Maurice, avaient passé toute leur enfance auprès de leurs cousins… Durant sa scolarité à l’école catholique où les sœurs de l’église alors chargées de leur éducation leur faisaient la classe, la petite fille fit la connaissance de Géraldine. Et toutes deux avaient le même âge.

Depuis ce jour, elles furent presque inséparables et passèrent tous les week-ends, ainsi que les petites vacances scolaires, ensemble dans la somptueuse résidence privée de papa Albert. Maurice et ses cousins retrouvaient Marie-Laure à ces moments-là. Par conséquent, ils jouèrent tous à l’unisson dans les rues poussiéreuses du quartier. Sa nouvelle amie, qui vivait non loin de là, mais dans une maison plus modeste, se trouvait très chanceuse d’avoir pu développer une telle amitié. Ce foyer de rêve était désormais presque le sien, car elle était toujours la bienvenue et pouvait même passer la nuit dans ce merveilleux manoir enchanté. On aurait même pu croire qu’elle était une orpheline qu’ils venaient d’adopter, tellement sa présence était habituelle. Quelques années plus tard, cette famille s’était agrandie de façon considérable, passant alors de deux à six enfants. Pour Hélène, chaque mutation devenait de plus en plus difficile, car il fallait constamment faire et défaire les valises. Pour résoudre ce calvaire, papa Albert conseilla à son frère cadet d’abandonner son poste actuel et de s’installer de façon permanente à la capitale, afin de procurer confort et stabilité à sa famille.

C’est ainsi qu’au cours de l’année 1970, Hilaire et les siens finirent par s’établir au cœur de la Capitale de Kinshasa. Cependant, pour ne pas perturber ses enfants dans leurs études et leur train-train quotidien, le chef de famille avait décidé de garder ses neveux à sa charge et ce, jusqu’à ce qu’ils eussent fini leur scolarité. C’était une séparation volontaire que d’aucuns auraient pu ne pas comprendre et pourtant, en ce temps-là, il était coutume d’agir de cette manière. Bien évidemment, ce protocole de la horde des Tétélas brisait le cœur d’Hélène, mais que pouvait-elle faire à part obéir à cette tradition ancestrale... Elle, qui était une femme parmi tant d’autres et dont la voix ne résonnait pas assez fort pour faire évoluer les mœurs. C’est ainsi que Marie-Laure eut deux foyers. Cependant, elle ne pouvait retourner auprès de ses parents qu’une fois dans l’année et cela se produisait au moment où arrivaient les grandes vacances d’été. Afin de rejoindre la capitale et ainsi profiter de ce temps précieux auprès de sa famille aimante, elle devait prendre un avion de petite taille, car le trajet en voiture n’était pas recommandé pour de jeunes enfants. En de très rares occasions, il lui arrivait de piquer une crise de colère, qui se manifestait par un désir criant de quitter la demeure de son oncle. Durant sa fougue passagère, elle préparait sa valise ainsi que celle de son frère. Eh bien qu’ils parvinssent à peine à dépasser la rue d’à côté, elle tenait par la main son compagnon de voyage, comme pour le protéger. Elle lui murmurait à l’oreille « Rentrons chez nous Maurice, allons retrouver papa et maman ! » Son comportement amusait surtout papa Albert, qui riait aux éclats. Toutefois, parce qu’elle était déterminée à vouloir quitter sa maison, il se devait de trouver les mots justes afin de la retenir. Ses agissements impulsifs et spontanés lui avaient valu de se voir attribuer avec fondement et raison, le surnom de « petite fugueuse ».

De retour dans leur province, Marie-Laure et Géraldine poursuivaient donc leur chemin et fréquentaient l’école primaire et le lycée dans une commune voisine située à DJALO, de l’âge de quatre ans jusqu’à atteindre la majorité. Par conséquent, elles furent liées jusqu’à la fin de leurs études, et même au-delà. À l’école, Marie-Laure était une jeune fille tellement assidue, brillante et sage, qu’elle avait été élue présidente de son lycée, une fonction particulièrement riche et méritante, qui n’était pas attribuée à la légère. Néanmoins, son seul regret fut de ne pas avoir été assez formé aux choses de la vie, car il y avait en ce temps-là beaucoup de sujets tabous. En effet, on ne parlait ni de garçon, ni du cycle menstruel et encore moins de la reproduction… Cela ne se faisait pas à cette époque. Et pourtant, le savoir est d’or… C’est également un art qui permet d’être mieux préparé à certaines éventualités que l’on pourrait rencontrer au cours de sa vie. Ainsi, le manque de connaissance, parce que beaucoup se sont tus, avait déclenché une peur incontrôlée chez toutes les jeunes filles qui, désormais, se cachaient, gênées par les changements qui s’opéraient en elles. Par ailleurs, leurs ignorances troublantes étaient liées à des difficultés rencontrées au moment de l’adolescence. Pourtant, ce phénomène normal qui les transformait s’appelait tout simplement « la puberté ». Bien des années plus tard et probablement sans le vouloir, Marie-Laure donna la même forme d’éducation à sa fille aînée. Une éducation régie sous le silence, de peur de dévoiler toute une partie de son enfance volée. Ce manque d’information involontaire, semblait ressembler à de la peur incontrôlée, de devoir s’ouvrir sur un sujet très peu maîtrisé. Durant toute leur scolarité, la bonne société avait eu la brillante idée de diviser en deux le système éducatif, à savoir une école pour les filles et une autre pour les garçons. Comment cela pouvait ne pas provoquer un certain malaise chez ces jeunes gens ? Ils devaient alors se comporter comme de vulgaires étrangers, qui pourtant se côtoyaient dès qu’un temps de liberté leur était accordé en dehors de l’école. Par conséquent, chacun savait où était sa place. Voilà pourquoi les garçons fréquentaient le collège et les jeunes filles le lycée, c’était ainsi… Deux appellations complètement différentes, pour des niveaux de graduation identique. Par son mariage avec Paul, elle dut également s’adapter au système éducatif français par rapport à l’école élémentaire, dont l’appellation était bien différente de celle de la Belgique. Quant à Paul, il était à peine plus âgé que Marie-Laure et tenait également ses origines du Congo belge. Il est né le 1er août 1955, à Shumbé, une ville située dans la même région que celle de cette dernière. Cependant, son père, Jean Katshunga, l’avait envoyé à l’école primaire de la mission catholique à Lodja, qui était, par ailleurs, la ville natale de sa future femme. Quant à Jean senior… il est né en 1930 et était le fils cadet d’une fratrie de cinq enfants. Ainsi, il avait trois sœurs et un frère. Et tout comme son fils aîné, Jean avait fait de brillantes études, mais dans une tout autre filière… Dès son plus jeune âge, il montra un intérêt particulier pour les chiffres et opta donc pour des études dans la comptabilité. À la fin de ses examens et parce qu’il était doté d’une intelligence perceptible à l’œil nu, il put ainsi se faire remarquer par un membre important de l’administration. Par conséquent, une fois le diplôme en poche, celui-ci trouva immédiatement un poste à sa convenance. Toutefois, Jean avait un point commun avec Hilaire, car son métier l’obligeait constamment à se faire muter. Il allait donc de commune en commune, afin de gérer toute la comptabilité financière. C’était auprès des chefs administratifs belges qu’il tenait son autorité et qui, par ailleurs, avaient fait de lui un haut fonctionnaire de l’état… D’un point de vue plus intime et personnel, Jean avait épousé quatre femmes au cours de sa vie d’adulte, cela faisait de lui un homme complètement polygame. Toutes ses compagnes vivaient ensemble avec leurs enfants dans une grande maison faite de pierres, où chaque épouse pouvait avoir son intimité dans ses propres quartiers. Quant à la mère de Paul, elle se nommait également Hélène, mais toute la famille l’appelait « Mama Mpindju ». Elle était sa première dame, cela ne la rendait pas plus importante, mais elle était considérée comme la cheffe parmi toutes ces rivales. D’après les dires de certaines personnes, Jean avait probablement eu une trentaine d’enfants au cours de sa vie. Bien évidemment, Paul était tout comme Marie-Laure l’aîné de cette immense fratrie. Seulement, Marie-Laure n’avait que trois frères et quatre sœurs, enfin… jusqu’à cet instant… C’est donc en 1976 qu’ils partirent pour l’Europe, envoyés par leurs parents respectifs, afin de poursuivre leurs études, chacun de leur côté. Paul en France et Marie-Laure en Belgique… Certains auraient pu penser que cela s’apparentait au fameux « Rêve américain », mais il n’en était rien. Quel heureux hasard ! Probablement étaient-ils à l’aéroport le même jour, en route vers leur destinée, sans pour autant prendre le même avion. Deux chemins étroitement liés et vaguement entremêlés depuis l’enfance, pour finalement arriver à se concrétiser très loin du cap de bonne espérance…

En conséquence, ils abandonnèrent tout sur leur passage : la famille, les amis et le confort d’une vie qu’ils ne connaissaient que trop bien. Pour Marie-Laure, ce fut un second voyage. En effet, pour rejoindre l’internat, elle avait laissé derrière elle, ses parents, ses frères et sœurs dont la dernière n’était âgée que de deux ans à peine. Mais cette fois, c’était différent, car elle faisait le voyage avec son frère certes, mais également avec son amie d’enfance Géraldine. De plus, elle n’aurait certainement pas eu le luxe de pouvoir rentrer chez elle durant les grandes vacances d’été. L’espérer tout au plus, mais que ce rêve devienne réalité, cela paraissait infaisable. Les deux familles avaient fini par se lier d’amitié. Grâce à ce lien, ils prirent la décision de les envoyer ensemble faire leurs études et à cette occasion, décidèrent de prendre en charge tous les frais d’hébergement. Par conséquent, Marie-Laure et Géraldine avaient pu louer un petit studio semblable à ce que l’on appelait autrefois, des chambres de bonne et généralement situées au dernier niveau d’un immeuble d’environ quatre à cinq étages… Elles se disaient tout en souriant : « Nous pourrons faire du sport tous les jours pour garder la ligne. » Quant à Maurice, il vivait parmi elles tout en cherchant à découvrir le chemin qu’il pourrait suivre, sans vraiment parvenir à trouver sa place… Afin de subvenir à leurs besoins et assumer la vie du quotidien, à savoir : boire, manger, se vêtir, et d’autres choses d’ordre plus privé, ils durent se trouver un petit job du soir. Pour la première, ce fut celui de serveuse dans un petit restaurant situé à proximité de la gare de Bruxelles. Elle pensait sûrement que cela l’aiderait à vaincre sa timidité. Quant à Géraldine, elle décrocha un travail dans la vente de chaussure de sport. Elle prenait donc son poste en fin d’après-midi et faisait également la fermeture du magasin deux fois par semaine. Géraldine avait la parole tellement facile, que Marie-Laure ne se faisait pas d’inquiétude pour sa sœur de cœur. D’un autre côté, elle enviait beaucoup ce don, à savoir s’intégrer aussi facilement au sein d’un groupe.

L’objectif, en ne payant que les frais d’hébergement, ainsi que les frais de scolarité, était de leur apprendre à être autonomes et responsables de façon à obtenir leur indépendance simplement et naturellement. La notion d’argent et d’économies n’était pas chose facile, surtout pour deux villageoises débarquant fraîchement d’Afrique. Pour les demoiselles qui n’avaient jusqu’alors connu que le pensionnat, les bonnes sœurs, une éducation sévère et stricte, cela était comme de partir à l’aventure sur une route parsemée d’embûche, mais qui en valait tout de même la peine. Ne pas savoir de quoi seront faits les lendemains… Vivre une vie de liberté loin de tout ce qui nous définit. Bien plus que l’idée de se sentir libre, apprécier la réalité dans le fait de s’envoler vers un horizon totalement inconnu.

Un soupir, un soulagement… C’est comme flotter sur l’eau.

Cela peut être effrayant, mais c’est apaisant.

Quant à Paul, il semblait être né pour vivre cette vie. Une vie bien loin des traditions et des coutumes ancestrales. Au sein du campus, par la fenêtre de sa chambre d’étudiant, Paul pouvait ainsi la contempler tous les matins et en savourer chaque instant. En très peu de temps, sa vie de libertin et de grand aventurier l’avait rendu célèbre. Et grâce à cette célébrité, il jouissait d’une grande notoriété sur le campus.

Ainsi, rien ne pouvait laisser présager que Marie-Laure et Paul, vivant dans deux pays voisins, auraient pu un jour se rencontrer.

Le destin, ou la divine providence… Connaîtrons-nous un jour la réponse ? Personne ne le sait, c’est un fait et mieux vaut demeurer dans l’inconnu que procure toute cette beauté. Cette attraction animale, qui pousse deux personnes à se rapprocher l’une de l’autre par une force céleste que l’on ne peut expliquer, mais qui se produit à chaque instant envers tous et contre toute attente.

Deux Étoiles contraires fonçant ainsi vers la même direction. Il n’y a aucune logique, aucune raison à ce phénomène. Ce monde si fascinant et plein de mystères dévoilait peu à peu ses secrets.

Chapitre 2

La rencontre

Les années passèrent et Paul poursuivait ses études juridiques à l’Université Paris XII de Créteil, dans le Val-de-Marne, où il venait par ailleurs, d’obtenir sa licence de droit. Pour célébrer sa brillante réussite, en ce vendredi 13 décembre de l’année 1979, accompagné de ses meilleurs amis, il décida de se laisser porter par le vent. Tel un grand chevalier rêveur, ce dernier pensait probablement que cette date marquerait un tournant décisif dans sa vie.

Ainsi, d’un commun accord, ils choisirent d’atterrir à Bruxelles, capitale de la Belgique qui, cette année-là, fêtait par la même occasion son millénaire officiel. Et toujours entouré de ses amis, au moins aussi volages que lui, Paul accepta l’invitation à une soirée étudiante, qui annonçait le début des vacances de fin d’année et surtout, à laquelle Marie-Laure et Géraldine avaient elles aussi été conviées. Au cours de ce banquet, ce dernier aperçut au loin la jeune femme, qui parlait avec son ami Jacques. Ces derniers se connaissaient très peu, mais participaient au même cours de biologie. Quand Paul l’eut rejoint, celui-ci insista vivement pour lui être présenté. Au premier abord, Marie-Laure trouva le jeune homme prétentieux et surtout, imbu de sa personne. En effet, il savait comment attirer l’attention et ainsi charmer son auditoire. Par ses qualités, il n’avait aucune difficulté à se faire de nouveaux amis. Toutefois, cette dernière ne tomba pas dans le piège. Elle ne semblait pas conquise et garda ses distances. Quant à Paul, il ne comprenait pas sa réaction légèrement haineuse et semblait de plus en plus fasciné et attiré par cette personne, qui paraissait totalement détachée et non intéressée. Cela l’intriguait, car il n’avait encore jamais essuyé de refus. Par ailleurs, ce n’était pas pour lui déplaire, lui qui ne pouvait se défaire de son regard. Entre les jeunes tourtereaux, il n’y avait point eu de discorde, mais il voyait là, un nouveau défi à relever et qui s’avérait parfaitement dans ses cordes. Cependant, il y avait autre chose chez elle qui l’attirait, mais il ne savait guère ce que c’était. Alors, Paul continua de l’observer avec insistance qui plus est, et sans aucune discrétion. Marie-Laure qui se sentait épier d’une manière si peu modérée, l’avait remarqué et ne savait quoi en penser. Gênée par cette situation, elle assistait furtivement à ce petit manège, tout en le regardant également du coin de l’œil. Puis, elle réussit à s’échapper discrètement pour retrouver son amie. Très désireuse de vouloir quitter les lieux, elle supplia cette dernière de bien vouloir l’accompagner. Celle-ci, étonnée, lui demanda : « Tu veux déjà qu’on s’en aille ! Mais la fête vient à peine de commencer ! Quelqu’un t’a importuné ? » Marie-Laure ne sut quoi répondre et rétorqua : « Je préfère m’en aller, j’ai encore beaucoup de révisions qui m’attendent, s’il te plaît, rentre avec moi. »

Ne se sentant pas capable d’abandonner son amie, Géraldine décida de la suivre dans le crépuscule de la nuit, mais avec une certaine sensation d’amertume. Et sur le chemin du retour, elle lui fit quelques reproches, car au cours de la soirée, elle s’amusait plus que bien et avait fait pas mal de nouvelles connaissances. Alors, Marie-Laure lui donna des explications et parla de ce jeune homme si arrogant et prétentieux qui l’avait agacée. D’abord en émoi, sa sœur de cœur se mit à rire aux éclats. Puis elle rétorqua qu’elle avait remarqué les lancers de regard du jeune homme, mais aussi de sa part. Marie-Laure répondit sur un ton agressif : « Que dis-tu ? C’est n’importe quoi ! » Géraldine ajouta : « Si ce garçon t’a agacé comme tu le prétends, c’est qu’il te plaît, avoue-le ! » Marie-Laure reprit son calme habituel et répondit : « Pas du tout, c’est complètement faux. D’ailleurs, je ne veux plus du tout qu’on parle de ce type. » Sur ces belles paroles, Géraldine fit la promesse de ne plus souffler mot à ce sujet. Paul, qui était resté à la fête, se mit à poser beaucoup de questions à son ami Jako dont le principal sujet était, bien sûr, Marie-Laure. Ce dernier lui répondit qu’elle n’était pas une jeune fille comme les autres. Il ajouta également : « C’est une personne humble, très sérieuse et toujours prête à rendre service. Une fille qui ne mérite pas que l’on se joue d’elle… Donc si tu as des projets malsains, s’il te plaît abstiens-toi. »

À ce moment-là, ce fut limpide et clair, aussi clair que l’eau transparente de la roche, Paul eut, pour cette femme, un véritable coup de tonnerre. Un évènement qui, quand il vous frappe, vous touche en plein cœur et s’empare de toute votre âme et de tout votre être. C’est un fait, il est presque impossible de lutter contre cette merveille, que l’on ne peut ni voir ni toucher, mais qui gravite tout autour de nous. Cela s’appelle l’amour.

Pour Paul, c’était un penchant naturel qu’il ne pouvait guère expliquer. Abasourdi par cette situation, il se demandait et se répétait intérieurement : « Est-ce cela que l’on appelle un coup de foudre ? »

Il comprit également qu’elle était la femme de sa vie… « Moi ! Être amoureux, non, ça ne se peut pas », se disait-il. Pour Marie-Laure, ce fut d’un tout autre genre, car elle se posait beaucoup de questions, et malgré les apparences souvent trompeuses, les questions étaient toutes centrées sur une seule et même personne à savoir, Paul.

Intrigant ? Charmeur ? Séducteur ? Peut-être trompeur ? Elle se demandait intérieurement « Comment fait-il pour être à ce point si surprenant ? » Elle, qui était de nature plus modeste et discrète, cependant toujours d’une grande politesse et respectueuse du genre humain. N’ayant pour seul acquis que le pensionnat pour jeune fille, les bonnes sœurs pour modèle et malheureusement si esseulée par son manque d’expérience, à la triste vérité, Marie-Laure ne connaissait pas grand-chose de la vie.

Cependant, elle ne cessait de se demander : « Avais-je été séduite par ce personnage arrogant ? Étais-je tombée sous le charme de ce beau et grand ténébreux, aux discours éloquents et à la parole facile ? »

Paul ne savait pas encore que son cœur lui appartenait en secret.

Avec la complicité de son ami Jacques, surnommé « Jako », il organisa une sortie Bowling dès le lendemain et proposa à Marie-Laure et Géraldine, ainsi qu’à d’autres étudiants de se joindre à eux.

Marie-Laure, sceptique à cette idée, déclina finalement l’invitation. Cependant, Géraldine, que tous préféraient appeler « Gégé », accepta avec une immense joie et conseilla à sa sœur de cœur d’en faire autant, afin de lâcher prise pour un instant. Elle ajouta en ces termes :

« Cela me permettra de voir autre chose que les 4 murs qui m’entourent. »

Au lendemain, à l’heure du rendez-vous, tout le monde était présent, à l’exception de Paul. Jako, ne pouvant expliquer son absence, finit par inventer une excuse invraisemblable auquel le reste de l’assemblée avait bien compris la supercherie. Pendant ce temps, Paul qui avait obtenu l’adresse de Marie-Laure par Gégé alla frapper à sa porte. Il était nerveux sans pour autant le montrer. La transparence dans son attitude, l’assurance dans sa gestuelle, un jeu d’acteur digne d’être oscarisé. Et quand elle se dirigea vers la porte, pensant que Géraldine avait probablement oublié ses clefs, l’ouvrit sans même vérifier l’identité de la personne qui se cachait derrière et s’écria : « Je ne veux pas devenir ton portier alors la prochaine fois, sors avec ta clef. »

Paul entra dans cette pièce étroite, observa la décoration toute simple, aux couleurs de l’Afrique, ainsi que les cadres de photos de famille accrochés un peu partout sur les murs, comme pour ne pas oublier, les membres de leur entourage et de leur jeunesse passée. Puis il répondit : « J’aimerais bien avoir une clef avec ta bénédiction ». Au son de cette voie, parfaitement reconnaissable, Marie-Laure comprit son erreur et se retourna d’un coup d’un seul, il esquissait un magnifique sourire… Elle fut stupéfaite de le voir là, se tenant debout ainsi devant elle, dans un corps au développement staturo-pondéral terriblement harmonieux, avec ses cheveux à la coupe afro étincelant de mille feux. Ne s’y attendant pas le moins du monde, plus aucun son ne sortit de sa bouche durant quelques secondes. Ce genre d’aphasie qui laisse de glace, qui laisse à peine le temps de prendre son souffle et qui rend immobile, telle une statue de pierre figée dans l’air du temps. C’était une sorte de nouveauté pour Marie-Laure. Elle ne connaissait pas ce genre de sentiment et essaya de gérer au mieux sa frustration. La jeune femme était vêtue d’un long pull couleur rose pastel, sa couleur préférée, d’un simple bas de pyjama et d’une paire de chaussettes hivernale. Ses cheveux crépus et complètement en bataille, visibles malgré son bonnet illuminé d’étoiles, mais d’une longueur suffisante, lui tombaient sur les yeux. Paul s’avança lentement vers elle, afin de dégager délicatement son joli visage, et ce, malgré l’épaisseur de ses traits, en mettant ses cheveux d’un geste manifestement romantique, à l’arrière de son oreille gauche et tout en lui tendant un chocolat chaud, ainsi que des pâtisseries de l’autre main.

Marie-Laure le dévisagea, avec un œil si clairvoyant et comme s’ils se voyaient pour la première fois. C’était bien sûr parfaitement évident, elle était complètement sous son charme, mais avec tout de même, la peur d’être la cible d’un jeu cruellement diabolique. Puis, elle répondit qu’elle avait déjà bien assez mangé. Alors Paul déposa les pâtisseries et le chocolat chaud sur la petite table carrée, qui se trouvait au centre de la pièce, entre les deux lits.

Il ajouta : « Tu pourras en profiter au moment de ta pause, mais serais-tu d’accord pour faire une petite promenade avec moi, car même les grands esprits doivent se dégourdir les jambes de temps en temps. » Sur cette invitation, elle répondit le regard fuyant, la voix tremblante et presque à la limite d’en perdre sa langue, qu’elle avait accumulé beaucoup de retard dans son travail et qu’elle n’était toujours pas disponible.

Paul lui prit la main, comme pour la rassurer, cherchant à apprivoiser son regard et lui rétorqua : « Alors, peut-être la prochaine fois quand je reviendrai… car soit certaine que je reviendrai… »

Il l’embrassa sur la joue, tel un frère aimant et s’en alla en marche arrière, tout en laissant glisser sa main sur la sienne pour finir par le bout de ses doigts comme s’il ne voulait plus la quitter.

Immobile, cette dernière comprit à cet instant tout l’amour qu’elle éprouvait pour cet être, un amour si fort, si incontrôlable qu’il fut presque impossible à décrire à l’aide de mots, jugés pas assez fort pour témoigner de son ressenti et de ses émotions. Il l’ignorait encore, mais il avait réussi à attirer l’attention de cette femme au fort potentiel, une femme aussi vertueuse que pieuse. Telle était sa quête. Il finit par rejoindre non pas ses camarades au Bowling, mais la chambre étudiante de son ami Jacques, qu’il occupait le temps du week-end.

Paul s’installa confortablement devant son bureau et décida d’ouvrir son cœur en lui écrivant une lettre, chose qu’il n’avait jamais faite auparavant.

C’est ainsi que le groupe d’amis repartit le dimanche matin pour rejoindre leur pays d’adoption, la France.

Cependant, avant son départ, il confia à son ami Jako une mission… Une mission cruciale pour son avenir. Jacques devait aller à la rencontre de Marie-Laure, pour lui remettre la lettre écrite par ce dernier, la veille au soir où il exprimait clairement ses sentiments pour elle. Quelque peu sceptique au départ, car il connaissait son ami par cœur, Jacques n’avait pas assez confiance en lui pour accepter de lui rendre ce service. Cependant, face à son hésitation, Paul tenta de le rassurer, en lui faisant comprendre que jamais il ne lui fera de mal. En vérité, il semblait sincère et tenait vraiment à ce que cette lettre lui parvienne. La main tendue vers son ami, avec au bout des doigts cette fameuse lettre, Jako décida de lui accorder le bénéfice du doute, accepta de lui rendre ce service et prit la lettre.

À son tour, il fit la promesse à Paul, de transmettre la lettre à Marie-Laure, juste après le cours de biologie.

C’est ainsi qu’elle prit connaissance de ce courrier deux jours plus tard. Jako lui remit la lettre, parfaitement bien scellée, comme promis à la fin du cours de biologie qu’ils avaient en commun. Sa joie fut immense, mais elle ne laissa rien paraître devant celui-ci. Cependant, l’excitation intérieure qui s’emparait d’elle semblait témoigner d’un retour affectif partagé. Pourtant, elle n’avait pas encore ouvert la lettre. Marie-Laure avait une poussée d’adrénaline soudaine et faisait les cent pas, car le bonheur, l’excitation et la peur s’entremêlaient. Se répétant sans cesse : « Je l’ouvre, je ne l’ouvre pas, je l’ouvre ? Je ne l’ouvre pas ? » Et sur le chemin du retour, c’en était de même, c’est-à-dire ce questionnement permanent, l’ouvrir ou ne pas l’ouvrir. Devant cette attitude presque infantile, Géraldine prit le courrier de ses mains et l’ouvrit. Elle commença à lire la première phrase quand subitement Marie-Laure la somma d’arrêter. Elle récupéra la lettre et finit par la lire elle-même sur son lit et en silence. Dans cette missive, les phrases comme « Désormais, mon cœur est à toi, il l’a été dès l’instant où j’ai croisé ton regard et toi seul peux décider d’en conserver la clef. Quoi qu’il en soit, je serai patient et j’attendrai jusqu’à ce que tu me fasses une clef qui mènera vers le chemin de ton cœur, à ce moment-là je le saurai, car tu accepteras les pâtisseries et le chocolat chaud que je pourrai t’offrir chaque matin et pour le reste de notre vie si tu le désires. »

Son ressenti à la découverte de cette lettre, qui n’était pas très longue, mais en disait beaucoup… Tant d’émotion, d’extase à n’en plus finir face à cette plénitude soudaine…

Un bonheur presque irréel, pensait-elle.

Elle se demandait, comment ferait-elle pour répondre à cette lettre, pour le retrouver, obtenir son adresse peut-être ? Elle, qui ne savait pratiquement rien de l’homme dont elle était désormais certaine, d’en être amoureuse.

« Allez voir son ami Jako, hors de question ! » pensa la jeune femme, beaucoup trop timide pour cet acte si spontané et à caractère si impulsif. Alors, elle ne pouvait que lire encore et encore cette même lettre, de jour comme de nuit, insatiable de tous ces mots qu’elle connaissait par cœur, tel un poème que l’on récite avec ferveur. Cependant, Paul revint le week-end qui suivit. Il prit la route à la fin de sa journée de cours, dans sa belle Mercedes, à vrai dire le seul bien qu’il se sût posséder et qui lui avait été offert en cadeau par son père, le Chef Jean. Sans prévenir qui que ce soit, Paul prit une chambre d’hôtel pour une nuit seulement. Étant arrivé à une heure très tardive, il dut attendre le lendemain matin et c’est à ce moment-là qu’il se présenta de nouveau au domicile de Marie-Laure et Géraldine. Toutes deux présentes, il frappa à la porte les mains chargées de pâtisseries et de chocolat chaud pour 3 personnes. Quand Géraldine ouvrit la porte, elle esquissa un puissant sourire qui pouvait témoigner d’une joie immense pour son amie. L’effet de surprise étant de taille, Paul lui fit signe de ne souffler mot de sa présence et entra discrètement, sans faire le moindre bruit. Marie-Laure étant en train de travailler sur son bureau, lui tournait le dos.

Ne cherchant pas à savoir qui avait frappé à la porte, elle continuait son travail et Paul lui cacha les yeux avec ses mains tout en lui murmurant à l’oreille « Je suis revenu t’apporter des pâtisseries et un chocolat chaud. » Tout à coup, et de façon spontanée et impulsive, Marie-Laure bondit de sa chaise qui tomba à la renverse et fit un énorme câlin de bienvenue à Paul… Elle n’en revenait pas de le voir là, dans cette petite pièce, sans artifice. Ne pouvant s’empêcher de masquer sa joie, elle avait complètement baissé ses défenses et accepta avec la plus grande joie, les présents de Paul, qui s’empressa de préciser qu’il y en avait pour tout le monde. Ils passèrent la journée tous les trois, dans ce modeste logis et le temps semblait s’écouler à la vitesse lunaire. Quand fut l’heure de repartir, Paul demanda à Marie-Laure si elle accepterait de faire une petite promenade avant son départ imminent. Elle cria « Oui, oui, oui » sans fin avec le sourire d’une petite fille à qui l’on a offert un énorme cadeau d’anniversaire.

Et sur le chemin plein de feuilles mortes, il s’arrêta brusquement et lui lança deux mots « Je t’aime » et elle lui répondit aussitôt « Je t’aime » tout en se donnant la main, sous le grincement d’un vent léger.

Paul fut soulagé de sa réponse et lui annonça, par la même occasion, qu’il ne pourra pas revenir d’aussitôt, mais qu’il lui écrirait tous les soirs…

À cela, Marie-Laure répondit qu’elle lui répondrait tous les jours également, jusqu’à se revoir…

Il finit par la serrer dans ses bras, gêné par cet amour naissant, mais grandissant à toute vitesse. Le cœur lourd de devoir quitter ainsi sa bien-aimée, il l’embrassa langoureusement, suivi d’un dernier baiser frontalier.

Il entra dans sa voiture, lui lança un dernier regard avant de s’en aller tranquillement, tout en la regardant devenir de plus en plus petite par le rétroviseur intérieur de sa voiture.

Ils entamèrent donc une relation à distance durant 3 années. L’objectif de Paul étant de se montrer digne de Marie-Laure. Leur relation fut donc basée sur des centaines de milliers de correspondances où chacun évoquait son quotidien, ses projets pour l’avenir et l’amour mutuel qu’ils se portaient.

L’excitation qui devait s’emparer de tout leur être, à l’idée de recevoir une nouvelle lettre qui, de toute évidence, allait leur procurer beaucoup de joie, d’amour et d’espoir… Se demandant sans cesse quand ce calvaire qu’était cette attente fortement pénible allait enfin se terminer. Il leur fallait réussir à tout prix. Cependant, avec le stress des examens en approches, ainsi que leur relation épistolaire, le manque se faisait cruellement ressentir.

Cela rendait bien évidemment Marie-Laure triste parfois et même la présence de sa sœur de cœur ne pouvait suffire à la réconforter. Elle qui, jadis, avait toujours vécu séparée des personnes qu’elle aimait, n’en était plus capable aujourd’hui. Voilà le pouvoir de l’amour véritable.

Chapitre 3

Le mariage

Ces conditions de vie s’achevèrent quand Marie-Laure eut fini ses études d’infirmière. Un métier qui n’était pas son choix de prédilection, mais qu’elle finit par affectionner sans relâche. En effet, elle désirait plus que tout devenir une pharmacienne accomplie et espérait ardemment ouvrir sa propre officine un jour, avec une équipe paramédicale en place bien à elle. Malheureusement, elle essaya en vain pendant ses jeunes années et avait également redoublé plusieurs fois des classes pour y arriver, au grand drame de ses parents et sans pour autant parvenir au succès espéré.

Néanmoins, Marie-Laure se remémorait la façon dont son amie, Géraldine et elle avaient connu bien des désagréments pendant leurs années d’étude en Belgique.

Elles durent affronter des situations fortement pénibles et encore jamais vécu auparavant. Surtout en ce qui concernait les cours de biochimie, car elles n’étaient manifestement jamais entrées dans un laboratoire et n’avaient par conséquent jamais utilisé d’instrument. Ce genre de matériaux n’était point accessible, voire inexistant dans leur école, pourtant privée qu’elles avaient fréquenté jadis, au sein de leur village natal.

C’était donc pour cela que Marie-Laure passait tout son temps libre à étudier et à fréquenter les bibliothèques, car elle savait qu’elle n’avait plus le droit à l’erreur. Malgré les encouragements moraux et surtout financiers de son cher père adoré, elle devait continuer son parcours en poursuivant un cursus plus léger. Pour y parvenir, Marie-Laure participait également à des cours de rattrapage en travaux pratiques dans ce même laboratoire, afin d’éviter un nouvel échec. Cependant, son obstination et sa persévérance eurent fini par avoir raison d’elle. Désormais âgée de vingt-cinq ans et après trois ans de travail intensif, le succès était finalement au rendez-vous. Après sa brillante réussite scolaire et son diplôme d’État en soins infirmiers en poche, mettant un terme définitif à une grande partie de son enfance, Paul convainquit cette dernière de faire le trajet jusqu’en France, payé par ses soins, afin de fêter dignement cette belle réussite. L’heureux couple qu’ils formaient était ravi de se retrouver. Ainsi, Paul alla chercher l’élue de son cœur à la gare… Dès cet instant de retrouvaille, la décision fut prise presque immédiatement et sans aucune hésitation, sans peur, car ils étaient désormais sûrs, et ce, même si Paul n’avait pas encore fini ses études. Par conséquent, ils se laissèrent emporter par le vent et décidèrent de s’unir pour le meilleur et le pire, sous le regard aimant de leurs parents, restés alors au pays. La demande en mariage de Paul qui se passa tout simplement et sans fioriture, car il n’était pas vraiment du genre romantique, avait bien évidemment été accepté par Marie-Laure. Ils étaient sortis dîner un soir d’été, dans un restaurant chic, car ils avaient deux choses à fêter, l’obtention de son diplôme et leurs fiançailles prochaines.