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Doté d'une grande ambition, Baye nourrit le rêve ardent de devenir l'un des Mukuru les plus éminents et héroïques de l'histoire du royaume du grand Faso. Pour atteindre cet objectif, il aspire à intégrer la prestigieuse école des Mwanacandzera Faso et à réussir la journée d'intégration. Cependant, il se rend compte que la voie menant au statut de Mukuru est pavée d'obstacles et de défis. C'est à ce moment qu'il fait la rencontre de Moïndo Tshala, un guerrier chevronné qui a grandi avec un couteau à la main et n'a jamais envisagé d'obtenir un titre privilégié. Une amitié inattendue naît entre ces deux jeunes garçons, les plongeant rapidement dans une aventure bien plus palpitante qu'ils ne l'avaient jamais imaginée. Baye parviendra-t-il à se soustraire au destin malheureux des lions chasseurs ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Veronyk Seiya, par sa plume, crée un monde où tout est possible et parfait. Entre fantaisie et fiction, les personnages de son roman personnifient la force et nous donnent un message de courage et de liberté.
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Seitenzahl: 230
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Veronyk Seiya
Le royaume du grand Faso
Le chant de la jeunesse
Roman
© Lys Bleu Éditions – Veronyk Seiya
ISBN : 979-10-422-0990-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Marie-Anasthasie, Deborah M, MBM, et Christine
Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires des chasses tourneront toujours à l’avantage des chasseurs.
Il est dit qu’il y a très longtemps, aussi loin que la légende se souvienne, sur une terre désolée très lointaine appelée Kemi, ravagée par une guerre sans précédent, deux frères ancestraux, proches de la divinité gardienne de la terre noire, créèrent le royaume du grand Faso. Édifié à partir d’une pierre naturelle métallique extrêmement rare, capable d’émettre trois couleurs différentes : le jaune, le rouge et le vert. Du fait de sa beauté, ils lui donnèrent le nom de Néhéma. Après la vision prévisionnaire des frères jumeaux, le grand Faso était une demeure chaleureuse et sécuritaire pour ses habitants appelés Faso. Ils la couronnèrent comme toute première reine leur mère Mwant Nandi.
Les Faso constituaient un peuple unique, à la fois doté d’une peau noire et de cheveux d'une palette de couleurs particulières, incluant le rouge pâle, le blond-or, le noir et le blanc pur. Leurs yeux étaient également d'une teinte spéciale, allant du brun au gris subtil, voire jusqu'au bleu clair. Cependant, ce n’étaient pas seulement leurs caractéristiques physiques qui les distinguaient, mais aussi le Sholuswa, une langue unique, tissant des liens sacrés entre les habitants de ce royaume, les rendant véritablement singuliers et fascinants.
Nandi ainsi que ces deux fils régnèrent sur le grand Faso pendant des années jusqu’au jour où des étrangers, au visage indistinct en raison du cheich d’une couleur soit blanchâtre soit jaunâtre qui couvrait totalement leurs visages, venus d’une terre inconnue, envahirent pour la toute première fois le royaume en quête de la pierre rare. Néanmoins, grâce à leur bravoure, leur détermination et au sang guerrier qui coulait dans leurs veines, les frères parvinrent à réprimer mal, sur la base du principe fondamental de solidarité, vérité et justice. Ils parvinrent à mettre la pierre en lieu sûr dans la résidence de Mwant Nandi.
Malheureusement, comme dans toutes les guerres fâcheuses, le grand Faso ne sortit pas indemne lors de la guerre d’invasion. Après la victoire remportée par Mwant Kemite et Mwant Nyami grâce à la bénédiction divine, comme au milieu d’un champ, la graine de la peur avait poussé un concerto au milieu du peuple. Terrifié par la perspective d’une potentielle guerre future, le peuple s’inquiétait pour la génération à venir. Se demandant comment ce royaume, jadis fragilisé par une guerre ayant coûté la vie de la majorité des habitants, pourrait survivre aux prochaines attaques de l’ennemi si Mwant Nandi et ses fils arrivaient à disparaître. C’était l’une des questions parmi tant d’autres qui brûlait les lèvres des Faso. Afin de garantir la protection du royaume, la reine et les princes édifièrent des remparts circulaires autour du royaume, bordés par une vaste forêt tropicale du nom de dajin et une mer du nom de téku. Le royaume était composé de trois grandes cités, à savoir la cité de Zakouba, la cité de Řoteos et la cité de Gońok. Le peuple originaire de la cité de Zakouba se caractérisait principalement par des cheveux rouges, tandis que celui de Řoteos, majoritairement agriculteur, arborait des cheveux blonds-or. Quant aux résidents de la cité de Gońok, ils étaient principalement dotés de cheveux d’un blanc aussi pur que la blancheur d’une colombe et excellait dans l’art du commerce.
Le royaume du grand Faso disposait de trois grandes armées. La première armée, surnommée « l’armée de la lune », était composée de Imbwa Dzehondo et livrait bataille à la frontière. La deuxième légion, connue sous le nom de « l’armée de du soleil », était constituée des Kuvhima Chikwata défendait farouchement les remparts. Chacune de ces armées utilisait le Mokélé-Mbembé comme animal de guerre, et la couleur de ces créatures variait en fonction du rang des guerriers au sein de l’armée. Les Mokéké-Mbembé ressemblaient généralement à des dinosaures, caractérisés par une petite tête de serpent, un grand cou, et une masse corporelle plus imposante qu’un éléphant. Ils arboraient une large queue à semblable à celle d’un crocodile et possédaient une rangée de piquantes en forme décroissante sur leur cou. Ces créatures mesuraient seize mètres de long et étaient dotées d’une corne sur le museau. Bien que peu attrayants dans leur apparence, ces monstres laissaient derrière eux des empreintes de pas gigantesques, témoignant de leur taille extraordinaire. Une créature rare et sauvage, dompté uniquement par les guerriers Faso appelés les Mwanacandzera Faso.
L’une des trois armées, tout aussi cruciale que les précédentes, était celle des Mayaƙan Sama. Contrairement aux autres armées composées exclusivement d’hommes, celle-ci était constituée exclusivement de femmes masquées et était placé sous l’autorité unique de la souveraineté. Sa mission principale était de veiller sur la résidence royale et opérait souvent dans l’ombre. Si jamais on découvrait par malheur le visage d’une mayaƙan sama, celle-ci serait contrainte de renoncer à ses fonctions et de se marier avec celui qui l’aurait découverte. Si, en revanche, la découverte était faite par une femme, le conseiller de la reine devait alors lui choisir un époux.
Pendant plus de mille ans, le royaume n’a plus jamais été la cible d’aucune forme d’attaque extérieure, malgré de nombreuses tentatives. Le grand Faso préparait minutieusement tous les scénarios possibles en prévision des visites inopinées. Tous les huit ans, sous la direction du conseil des ancêtres, la souveraineté organisait une journée d’intégration dans le sanctuaire de Kakani, situé dans la cité de Zakouba, à proximité de la résidence principale. L’objectif de cette journée était de sélectionner les futurs combattants du royaume, ceux qui étaient appelés les dignes fils de Grande Faso, capables de protéger la terre noire, connus sous le nom de Mwanacandzera Faso.
Le tournoi de combattants, extrêmement sélectif était destiné aux jeunes garçons âgés de seize ans et reposait sur trois épreuves : le savoir, l’habileté et la détermination au combat. Toutefois, avant de pouvoir participer au tournoi, les noms de ces jeunes garçons devaient être inscrits dans le livre royal appelé le « littafin sarauta », qui avait été rédigé par les ancêtres : Churi, Mossi, Joola. Les personnes descendant directement de la royauté. Le littafin sarauta, aussi précieux que Néhéma, était soigneusement caché dans le sanctuaire. Parmi des milliers de noms inscrits de manière aléatoire dans livre, les trois ancêtres remarquèrent… celui de Baye Osei Ifri, un enfant né pendant l’ère fluorescente de la fleur de lotus, un phénomène sans précédent qui suscitait un grand intérêt chez les ancêtres.
Plusieurs années plus tard, la reine élue Mwant Lueji, fille et unique enfant du précédent roi, Mwant Ìfédayò, lui succéda sur trône après sa mort lors d’un combat. Mwant Lueji, issue de la lignée royale, était une guerrière dans l’âme, dotée d’une intelligence exceptionnelle, d’un amour inconditionnel pour le grand Faso et pleinement qualifiée pour devenir la reine du royaume du grand Faso. A sa montée sur le trône à l’âge de douze ans, elle était vêtue d’une longue robe élégante asymétrique jaune, ornée de bijoux dorés et des détails en dentelle noire, agrémentée d’une longue traîne et d’un foulard assorti. Cette jeune fille représentait la beauté de grand Faso. Elle bénéficiait non seulement de la guidance de ses ancêtres, mais aussi de l’assistance d’une personne physique, Demba, l’ancien conseiller du roi défunt.
Je me souviens du moment où l'on m'a annoncé que j'étais prêt pour la journée d'intégration, qui allait me transformer en un puissant guerrier de Mwanacandzera Faso. C’était exactement l’année de mes dix-neuf ans. J’étais tellement heureux que j’en devenais fou. Je n’y croyais pas… À vrai dire, je n’y croyais vraiment pas. Mais oui ce jour-là, c’était bien réel ! J'avais travaillé dur pour cet événement. C’était le jour où les jeunes garçons de mon âge rêvaient de devenir les dignes fils du grand Faso. Je me rappelle que nous étions au nombre de quatorze en tout. Nous grimpions sur la colline comme des chiens enragés. La pluie tombait si dru que l’on voyait à peine une goutte de sueur. Comme des commandos, nous nous trainions dans la boue de toutes nos dernières forces. Plus il pleuvait, plus il la boue s’accumulait, rendant l’épreuve de plus en plus difficile. Mais comme moi personne ne voulait abandonner, car nous savions tous ce que nous voulions.Et c'est ce jour-là même que j'ai su que j'étais destiné à devenir un Mukuru, un digne fils du grand Faso. Alors, j'avais décidé de terminer l'épreuve, quoi qu'il en coûte.
Ce jour-là, j’ai vu quelque chose devant moi qui, malgré ma faible endurance, m’a poussé à atteindre la ligne d’arrivée. J’ai vu une main dans une lumière blanchâtre qui tendue vers moi, m’appelant, me demandant et me suppliant d’atteindre la ligne. Cette ligne qui me permettait d’accéder à la carrière de guerrier. J’ai réalisé que c’était enfin le moment. J’ai été venu à réaliser à ce moment-là que j’étais vraiment destiné à accomplir ce dont j’avais toujours rêvé. Je voulais d’affronter ces bêtes-là, ceux qui prenaient le grand Faso pour leurs proies. Je voulais être chasseur, non la proie. Parce que je savais qui j’étais. J’étais Baye Osei Ifri, le protecteur élu du royaume du grand Faso. Mon devoir était de soutenir la reine Lueji dans sa quête de justice et de paix et de veiller à la protection du royaume et de son peuple.
— Tu devrais arrêter de suivre autant ton père. Tu sais qu’ils n’aiment pas ça.
— Comment pourrais-je apprendre de lui, mère, s’il ne me laisse même pas toucher à son épée.
— Il craint simplement que tu te blesses toi-même. Tu devrais plus te concentrer sur des études que sur ce que fait ton père. N’oublie pas que la connaissance est aussi une forme de pouvoir.
— Et pourquoi cela ? Je sais parfaitement, du moins je l’ai vu utiliser l’épée et ça ne m’a pas l’air très compliqué. Je suis déterminé à apprendre, à me perfectionner.
— Depuis quand as-tu une langue aussi pendue ? Dasanya Sikwuragirma1.
— Et si je devenais comme mon père ? Un Mukuru ? Il en est bien devenu un, lui. Je veux suivre ses traces et protéger notre terre.
— Pour un premier enfant, j’avais de grands espoirs que tu te maries plus tard et que tu fondes une famille. Kungeiyani Ikwesuyambarin hubarunya ya kinvita ?2
— Nafudasoka koacinajiye yao Uvantune yade umafaruci...3 Je veux être celui qui mange et non qu’on mange. Éradiquer le mal dans le Faso reste mon but principal. Marcher sur les pas de Kemite et Nyami mes ancêtres. Je veux suivre ses traces et protéger notre terre.
À cet instant, la femme resta abasourdie devant la réponse que son jeune garçon âgé seulement de six ans venait de lui donner. Il venait de lui enlever les mots de la bouche au point de ne plus trouver d’arguments pour le convaincre d’être le fils qu’elle avait toujours voulu avoir, celui qui était censé suivre la voie qu’elle aurait elle-même tracée. L’enfant, encore très jeune, avait la conviction qu’un jour, il deviendrait un grand guerrier. Peut-être était-il encore trop jeune pour faire de tels rêves, Ou bien était-ce simplement le caprice d’une mère déterminée à vouloir le meilleur pour son enfant, une détermination précoce qui brûlait déjà dans le cœur de son fils ?
Dans la cité de Řoteos, sous un ciel nuageux et balayée par un vent sableux, se trouvait une modeste maison construite en voûte et en bois comme les restes des maisons de la cité. À l’intérieur, cependant, on découvrait une touche de luxe. C’est dans cette demeure qu’on assistait à une discussion un peu rigide entre une femme d’un certain âge nommée Hadassa et son enfant. Malgré ses années, sa beauté et son charme demeuraient éclatants.
Elle portait une longue tunique ample, ceinturée de vert indigo, ainsi qu’une écharpe blanche en dentelle transparente qui couvrait ses cheveux courts blond-or et ses épaules. Hadassah Osei Ifri était renommée pour sa beauté inégalable et son sourire éclatant. À seulement dix-huit ans, elle était déjà l’épouse de Kengba Ifri et savait déjà comment entretenir sa maison. Hélas, c’est seulement à quarante-neuf ans qu’elle mit au monde son premier enfant. Convaincue à ses trente-deux ans qu’elle n’aurait jamais d’enfant, elle s’était résignée à seulement réaliser son rôle d’épouse. Cependant, elle conserva la foi qu’un jour, elle serait enfin comblée par la naissance d’un enfant. La persévérance vient à bout de tout, dit-on. Elle finit par obtenir ce qu’elle avait toujours désiré : un fils. Elle considéra ce présent inattendu comme un don divin et la largesse des ancêtres. Ainsi, elle lui donna le nom de Baye, signifiant « Père ». Au-delà de l’attente de Dieu pour son avenir, Hadassa avait d’autres ambitions pour son enfant. Elle espérait qu’il puisse poursuivre des études et devenir un érudit. Mais peut-on altérer ce qui est prédestiné ?
— Uwamai, 4pourquoi ne voudriez-vous pas que je suive les pas de Ubabai 5?
— Sais-tu quel est le pas de ton père ?
— Ehboyo6, défendre le grand Faso. Nous défendre contre les ennemis qui nous veulent du mal. J’adore vous écouter me lire certains contes, certaines fables, même des histoires que je peux à peine croire. Mais j’aimerais bien devenir un Mwanacandzera Faso. Je veux protéger notre terre, comme père le fait.
Hadassa déposa son livre sur la table et se dirigea vers la fenêtre.
— Je t’ai vu l’autre jour alors que j’allais chercher du bois, je t’ai vu courir après un jeune hares afirik. Même si tu le voulais au fond de toi, tu étais incapable de le blesser.
— Je… Je ne souhaitais pas lui faire de mal. Je voulais en dompter un. Mais tout ce que j’ai réussi à faire c’est l’aider à s’enfuir.
— Si tu voulais le captiver, alors il fallait vraiment le faire. Parce que pour un chasseur, la plus grande peur, c’est de laisser sa proie encore respirer. Tu ne veux pas devenir une proie n’est-ce pas ? Alors, deviens simplement un véritable chasseur. Nokau njaka sikwyaimbarin7. Et si tu veux réellement dompter une créature de cette catégorie, change de tactique.
Soudain, la porte s’entrouvrit largement, laissant pénétrer la lumière aveuglante du soleil. On pouvait apercevoir dans ce rayon aveuglant une silhouette normale, un homme mesurant 175 cm. Il portait un petit lapin blanc sur son épaule, qu’il venait probablement d’attraper dans la forêt. Une fois la porte fermée, on pouvait très bien le distinguer clairement. Un homme d’une trentaine d’années, séduisant avec un mini-afro blond-or, Nawej était l’un des érudits les plus attrayants de la grande école de la cité. Il portait une chemise dashiki à manches longues noires, ornée d’un motif en or métallique, associée à un pantalon noir et des chaussures noires.
— Tu voudrais que je t’emmène à Zakouba ? C’est là où s’entraînent tous les jeunes qui aspirent à devenir un Mwanacandzera Faso.
— Oui ! s’écria Baye.
Aussitôt, Baye se leva, les yeux écarquillés, le regard exprimant l’espoir. Hadassa prit un seau de pommes de terre pour les éplucher, tout en jeta un regard attentif sur son petit frère.
— Malgré les intempéries, tu as trouvé un moyen de nous ramener de la viande fraîche, déclara-t-elle.
Comme signe de salutations, l’érudit Nawej mit sa main gauche sur sa bouche et sa main droite au niveau de sa poitrine, orientée vers le haut. Ensuite, il ramena la main gauche sur la main droite accompagnée des formules de salutations. Tout en inclinant légèrement la tête.
— Gainsuwa8, ma sœur, dit-il.
Par après, il déposa un baiser léger sur son front.
— Gainsuwa, mon frère.
Baye fit les mêmes gestes en prononçant les mêmes paroles de salutations, en s’adressant à son oncle.
— Gainsuwa, oncle Nawej.
— Gainsuwa, petit bonhomme.
— C’est vrai que nous irions ensemble ? Mère, me permettrez-vous d’y aller ?
Hadassa, toujours avec un sourire, regarda son fils et lui dit :
— Ton oncle a toujours un mot pour rire. Mon fils va donc nous chercher des gâteaux cuits à la vapeur. Voici deux perles pour deux délicieux gâteaux.
Baye fixa longuement les deux perles que lui tendait sa mère. Le visage impassible, sans mot dire, il sortit de la maison sous le regard souriant de cette dernière. Laissant seuls sa mère et son oncle.
Hadassa ne mit pas longtemps à faire comprendre son mécontentement à son jeune frère. En effet, l’érudit Nawej voyait en son neveu le fils qu’il ne pourrait jamais avoir. Il s’était engagé à consacrer toute sa vie au service du grand Faso. Être professeur à l’école des érudits était la seule chose qu’il voulait faire dans cette vie. En dépit des recommandations de sa sœur de se marier, il avait toujours rejeté cette idée. De plus, son choix avait été influencé par la naissance de son neveu. Il voyait en lui le nouveau joyau du royaume, doté d’un potentiel et de qualités incontestables. Au plus profond de lui, il était convaincu qu’il deviendrait le plus grand guerrier que la terre noire n’ait jamais connu.
Mais quelle mère cupide pourrait laisser son unique enfant et un jeune garçon âgé de seulement sept ans s’aventurer dans une guerre politique ? Hadassa, le cœur déchiré, avait du mal à consentir aux objectifs nébuleux de l’érudit Nawej.
Pendant ce temps, de l’autre côté du spectre, Baye déambulait dans les rues désolées de la cité après avoir acheté les gâteaux cuits à la vapeur pour sa mère. Il remarqua que les commerçants faisaient des efforts pour attirer quelques clients à chaque coin de rue. Il marcha si longtemps qu’il oublia de rentrer chez lui rapidement. Tout en marchant le long des murs, il faisait claquer le sachet transparent contenant les gâteaux. Comme si les murs lui servaient d’appui indispensable pour avancer dans la rue, comme si marcher en sautillant tout le long du chemin était une aventure passionnante pleine de dangers.
Il continua ainsi jusqu’à ce qu’il atteigne la limite de la cité, marquée par la présence de la grande forêt de dajin. A cet endroit, il fut frappé par une vision inattendue. Devant lui s’étendait une forêt luxuriante, somptueuse, dense et aride à la fois. Bien que l’aventure soit tentante, il était strictement interdit à la population de la franchir, au risque de mettre sa vie en danger. En effet, bien qu’elle paraisse trompeuse à première vue, dajin était tout aussi dangereuse pour quiconque s’y aventurait. Selon la légende que sa mère, Hadassa, lui racontait, la beauté de dajin était semblable à celle d’une rose, reflétant la pureté et la beauté. Les épines, bien que visibles, ne nous empêchaient point d’y toucher. La légende affirme également que la forêt de dajin a été créée dans le but de protéger le peuple Faso de l’invasion extérieure, et elle comportait des espaces très périlleux. Pénétrer dans cette forêt signifiait ne pas en ressortir vivant.
Baye, conscient du danger, hésitait à y entrer. Pourtant, il demeurait immobile devant lui. Soudain, il sursauta en entendant une voix douce qui avait perdu de son intensité :
— Tu ne devrais pas la regarder aussi longtemps, sinon elle finira par te charmer.
Lorsqu’il leva la tête, il aperçut une personne vêtue d’une majestueuse robe blanche en tissu doux ornée de complexes broderies dorées sur le devant. La tenue était accompagnée d’un long tissu mousseline jaune qui couvrait la moitié de son visage, laissant apparaître ses profonds yeux gris.
— Tu ne devrais pas non plus me fixer ainsi, lui conseilla-t-elle.
— Vraiment ? Mais pourquoi ? Qui êtes-vous ?
— Il est beau n’est-ce pas ? Je suis exactement comme ce dajin. Snami umutum darodukun nami.9
Face à cette longue phrase inattendue, Baye fronça les sourcils et admirait encore plus la beauté séduisante de ses yeux. Elle glissa une perle baroque en or dans la poche de sa chemise ankara verte quelques instants plus tard.
— Pourquoi me donnez-vous cela, madame ?
En ricanant, elle lui répondit :
— Elle serait mieux en ta compagnie qu’en la mienne. Je ne pourrais plus la garder longtemps, car elle ne m’est plus d’aucune utilité.
— Ne vaut-il pas mieux acheter plein de gâteaux avec ?
— Utilise-la comme bon te semble. Achète tout ce dont tu as besoin, même des gâteaux si tu le souhaites. Seulement, utilise-la à bon escient. En ce qui me concerne, elle a déjà servi.
Aussitôt qu’elle eut prononcé ces mots, elle disparut aussi soudainement qu’elle était apparue, laissant le petit garçon devant le dajin, béat. Alors qu’il était sur le point de succomber à la tentation de s’introduire dans la forêt séductrice, il entendit soudain des cris de détresse et de pleurs qui venaient de chaque rue. La cité tout entière était plongée dans la panique. La population, submergée par la peur, essayait tant bien que mal de trouver un abri. La lourdeur du vent devenait de plus en plus excessive, faisant vaciller les feuilles des arbres dans tous les sens. D’énormes pélicans bleus étrangers venaient d’atterrir sur le sol Kemi. Ces créatures étaient utilisées comme chars de combat aérien par les étrangers masqués. Leurs pattes gigantesques écrasaient tout ce qui se trouvait sur leur trajectoire si nécessaire.
— Viens par ici, petit ! Sinon tu finiras par te faire aplatir, susurra un homme assez âgé caché derrière un mur.
Baye prit alors conscience de la gravité de la situation. En effet, pour lui, l’intégrité territoriale du grand Faso venait d’être encore une fois violée par les étrangers. Alors, il alla se planquer comme tous les autres. Les wataru, au nombre de cinq au total, venaient de traverser les remparts du royaume.
Pour certaines personnes comme Baye, c’était la première fois qu’elles rencontraient physiquement des étrangers, et elles laissèrent la peur les submerger. Cependant, d’autres savaient que peu importe le défi qui se présenterait devant eux, Mwant Nyami et Mwant Kemite seraient prêts à les aider à défendre les intérêts du royaume.
Un jeune héros d’une vingtaine d’années, armé d’une hache, sortit alors de sa cachette, et proclama très fortement :
— Wandaye ikuweyuzowaka kuizaikazo wataru kun umpaƙasi kwuo ! 10Sachez que nous défendrons le grand Faso à tout prix.
Sa colère et son courage entraînèrent les autres à sortir de leur repaire et à dégainer leurs armes. Alors, un wuri toujours assis sur la créature prit la parole avec une voix plus amicale.
— Gainsuwa uwanemaizi 11. C’est ainsi que le peuple du grand Faso accueille donc des invités ?
Les habitants se regardèrent mutuellement. Ils étaient non seulement surpris de voir les étrangers franchir les murs du royaume avec tant de légèreté, mais aussi de les entendre parler leur langue. Ils se mirent à questionner sur l’efficacité du pouvoir de Néhéma.
— Comment serions-nous amis si vous vous introduisiez à tout bout de champ dans les murs du royaume ? Nous déclarez-vous ouvertement la guerre ? continua-t-il avec un ton menaçant.
Il ajouta ensuite :
— Allez peuple Faso. Défendons notre héritage !
La foule, soudainement rassurée, saisit toutes sortes d'armes prêtes à affronter les nouveaux venus. Les armes fermement serrées dans leurs mains, ils crièrent à pleine voix d’un même élan :
— Suwelaviriƙararia ! Umbanodinkai, Ungikamcira fuye Uqisokwadi ! 12 Pour la défense de notre terre ! En avant !
Ce mouvement d’ébullition générale ne semblait pas avoir d’effet sur les étrangers masqués. Au contraire, ils semblaient imperturbables. Leur présence sur le sol du grand Faso n'était évidemment pas le fruit du hasard. Ils avaient des raisons bien précises pour être là. Est-ce que cela avait un lien avec le Néhéma ?
À trois kilomètres de leur position, on pouvait entendre des rythmes rapides émis par les énormes pattes des Mokélé-Mbembé en pleine course. Ils remarquèrent rapidement la présence d’une troupe d’élite de la puissante armée de kuvhima chikwata, supposée être sous le commandement du quatrième Mukuru Kengba Ifri.
Une fois arrivés sur place, les hurlements infernaux des Mokélé-Mbembé épouvantaient les pélicans géants des wataru, qui émettaient eux-mêmes des cris stridents. De chaque côté, les animaux guerriers se débattaient frénétiquement, en faisant trembler toute la cité. Immédiatement, ils furent maîtrisés par leurs maîtres respectifs.
Après tout ce tumulte Chiyuweli13 Shomari Mbande prit la parole d'une voix gutturale :
— Nous nous excusons pour notre retard. Nous sommes chargés de vous escorter jusqu’à la résidence principale de la reine.
Le jeune héros, tout comme le peuple, était sidéré par ce qu’il venait d’entendre. En effet, les étrangers étaient strictement interdits d’entrer dans le royaume, quel que soit la raison de leur visite. De plus, les conduire jusqu’à la résidence principale était considéré comme une rébellion, passible de mise à mort immédiate. Il se tourna ensuite vers lui.
— Que feront les wataru dans la résidence de la reine ? Que faites-vous des règles du grand Faso ? Vous défiez notre souveraineté ? Fuye ne maeraga kwuo ezotsalama ? Suwethi uvantune !14
D’un regard pétrifiant du Chiyuweli Shomari, le jeune héros recula d’un pas.
— C’est un ordre de Sa Majesté la reine Lueji. Voudriez-vous vous opposer !?
— Bien sûr que non. Je v…
— Quiconque empêchera cette escorte, quelles que soient les motivations, sera éliminé.
Avec une arrogance, un wari muni du cheich blanc prit la parole.
— Nous avons assez perdu de temps comme ça, soupira-t-il. Le vent est assez fort. Nous risquons de succomber.
Comme prévu, le chiyuweli Shomari conduisit le wari jusqu’à la résidence principale de la reine sans plus attendre. Cependant, les autres wataru restèrent sur place sous la surveillance des kuvhima chikwata.
Baye, qui avait tout vu sans ciller, sortit de sa cachette. Il profita de l’accalmie, il se précipita à son domicile sans se retourner.
Après avoir parcouru toute la cité, il ouvrit la porte en grand. À l'intérieur, il trouva sa mère, son oncle, ainsi qu'un homme d'une soixantaine d'années vêtu d'un costume classique gris foncé composé d'une veste boutonnée longue cintrée avec un ornement au niveau de la poitrine et d'un pantalon slim. Tous étaient assis autour de la table. Tous étaient assis autour de la table. Surpris par l'arrivée brusque du petit garçon en sueur, ils le regardèrent attentivement. Bien qu'il semblât essoufflé, il parvint enfin à s'exprimer.
— Mère… je… m… j… v… viens… d… les wataru !
Les trois personnages se regardèrent à tour à tour,incapables de comprendre clairement ce que Baye tentait de leur dire. L’érudit Nawej ricana puis aida son neveu à prendre place à la table.
L’érudit Nawej ricana puis aida son neveu à prendre place à leur table.
— Peux-tu nous expliquer clairement ? Personnellement je n’ai rien compris à tout ce que tu as raconté.
Baye respira profondément, puis reprit la parole de façon claire.