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Qui découvrira le secret de la Brèche, puissance énigmatique et seule capable de renverser le pouvoir tyrannique de Philippe Le Bel ?
Une communauté de sept aventuriers, hommes et femmes, se lance dans cette quête pleine de périls, de combats et d’énigmes à résoudre.
Mêlant aventures épiques, arts martiaux, jeux de l’esprit, érudition historique et érotisme intense, la communauté de la Brèche dessine un art de vivre romantique et gothique.
Laissez-vous entraîner par le souffle de l’aventure, de la quête du sens et de la sensualité, afin de goûter pleinement l’art de vivre de la Brèche !
À PROPOS DE L'AUTEUR
Expert en Intelligence Artificielle,
Philippe de Marcillac est un passionné d’histoire médiévale et de mythologie antique. Il pratique également les arts martiaux depuis de nombreuses années.
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Seitenzahl: 882
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Philippe de Marcillac
Le secret de la Brèche
Tome 1 – La clé dessens
A ma Véronique, Reine de mon coeur, esclave de mes passions.
Les petits voleurs sont pendus, les grands sont salués.
Wilhelm Wander - Deutsches Sprichwörter-Lexikon
La pauvreté fait les voleurs comme l’amour les poètes.
Proverbe Indien
Les voleurs font, en tuant pour voler, moins de mal que les généraux des armées, qui détruisent des nations seulement par orgueil.
Donatien Alphonse François de Sade, dit Marquis deSade
Quelque intégrité que nous ayons, on peut toujours nous classer dans une catégorie de voleurs.
Jules Renard - Journal 1887-1892
Sois brigand, sois voleur, mais ne cesse d’être juste.
Elif Uyanik
Moi Fénice, voleuse, tricheuse et maraudeuse de haute catégorie, en cette année 1358 et vieille de 70 ans, vais vous conter notre histoire. L’histoire de la Ligue de la Brèche.
Aussi incroyable que paraisse mon récit, aussi extraordinaires les actions accomplies avec mes compagnons, je jure devant tous les dieux qu’il s’agit de notre histoire véridique.
Comment accorder crédit à une personne de petite moralité telle que moi ? Moi qui ai tant menti et trompé pour arriver à mes fins ?
Parce que tous mes mensonges étaient au service d’une quête véridique. Que leur intention était bonne, bien meilleure que ceux qui se parent de vérité, les puissants que nous avons combattus du temps de ma jeunesse, du temps de la Ligue.
Vous qui me lisez maintenant - croyez-le ou non – vous devez votre liberté, votre existence, votre vie elle-même à ce que nous avons accompli, aussi noires nos actions furent-elles.
Ce récit n’est pas seulement une saga épique et aventureuse. C’est l’histoire d’un secret que nous avons percé, auquel un seul d’entre nous a eu véritablement accès, qui puise ses racines au fond de l’histoire et de l’humanité. Un secret qui garde intact son mystère même une fois révélé, le secret de la Brèche.
Un secret qui accompagne les humains de tous temps - même vous qui me lisez aujourd’hui - à travers les siècles. Si vous ne me pensez pas sincère, si vous ne faites confiance en mes vœux, alors vouez-vous au Diable !
Mais voici mon récit. 44 ans auparavant, j’étais une belle jeune fille, ne se doutant pas un instant de l’immense aventure qui l’attendait :
En cette année 1314, notre royaume de France, si lumineux et prospère autrefois, gémit sous la terreur du roi Philippe. Le maître des templiers, Jacques de Molay, vient d’être brûlé sous des prétextes totalement inventés.
Comme ceux qui sont issus des bas-fonds, je voue une admiration naturelle aux êtres lumineux, ceux qui savent rester véridiques, courageux et loyaux, toutes qualités qui me manquent tellement.
Je me sens pourtant bien plus proche des nobles Templiers, toute voleuse que je suis, que des puissants qui les ont condamnés. Je n’ai menti et volé que pour ma survie, jamais pour mon seul intérêt. Il y a une éthique du mensonge, celle de ma guilde de voleurs, qui devrait être enseignée aux gouvernants de notre monde.
Le roi Philippe s’appuie sur trois personnages d’une incroyable puissance pour asseoir son pouvoir, bien que leur trace ait maintenant disparu de tous les récits historiques. Enguerrand de Marigny ou Guillaume de Nogaret ne sont que des hommes de paille, ceux que l’on présente en surface.
La triade de Philippe le Bel, sa garde rapprochée, compte un membre de chacun des ordres principaux : les guerriers, les magiciens et les clercs :
–Le Comte William d’Anjou, guerrier surpuissant, blond comme les blés et faux comme le serpent. En façade, l’orgueil et l’honneur de la chevalerie, aimant les parades pleines d’oriflammes et d’armures rutilantes. Se prévalant de toutes les vertus de l’honneur et de la défense des faibles. Dans la pratique, à la tête de son armée de soudards déguisés en hommes d’honneur, il se livre régulièrement au pillage, au massacre et au viol. Dans les ordres de chevalerie, il y a la légende et la réalité. Bien peu de ceux qui ont été adoubés en sont dignes, parole de voleuse de la plus haute guilde !
–Ardine d’Aquitaine, magicienne de première force, sans conteste la plus puissante du royaume. Ardine a fait les meilleures études de notre temps, a cheminé de la Sorbonne à Prague, a suivi l’enseignement des archevêques de Canterbury. Aussi avide de pouvoir personnel qu’intelligente, elle sert fidèlement le roi Philippe aussi longtemps qu’il lui laisse les clés de la puissance. La magie fait une avec l’extension de son ego, de sa soif de reconnaissance. Cet extraordinaire moteur la rend attractive à qui ne sait pas regarder : habile à nouer des alliances, à flatter, à sembler ouverte et sympathique, elle ne mobilise ces qualités que dans la mesure où elle étend son réseau personnel. Ceux qu’elle gratifie de son amitié ne sont que des pions, pleine d’attention tant qu’ils sont utiles à ses avantages, jetés comme des déchets dès qu’elle ne perçoit plus ce qu’ils pourraient lui apporter. Elle possède une capacité surprenante à ce que tout soit centré sur ses propres intérêts.
–Ulfang de Belfort, véritable maître du pouvoir ecclésiastique du roi Philippe, homme de l’ombre, seigneur tout puissant de l’immense réseau des monastères, archevêchés et diocèses du royaume. Ulfang maîtrise cette sorte de magie propre aux clercs, censée provenir de leur vie spirituelle plus que de l’ancienne force des sorciers. Ses connaissances sont immenses, ainsi que sa sagesse sur les hommes et les choses, mais perverties par sa soif de pouvoir. Si sa puissance spirituelle est incontestable, il doit puiser dans ses tréfonds les plus noirs pour s’en servir. Agissant toujours au nom de la moralité et du bien commun, il est passé maître pour faire coïncider ceux-ci avec l’accroissement de sa puissance. Derrière une éthique en apparence inflexible, Ulfang est prêt à employer tous les moyens pour pousser ses pions, avec une prédilection pour l’usage de la torture et de l’assassinat politique par le poison. Des rumeurs persistantes font aussi état d’orgies charnelles qu’il préside personnellement, et d’un cheptel d’esclaves sexuelles féminines et masculines enfermés dans les sous-sols de l’Abbaye Royale du Moncel.
Pour compléter la Triade de Philippe, deux personnages de l’ombre, aussi légendaires qu’ils sont inconnus, peuplent les récits du Palais : un espion invisible d’une habileté diabolique ainsi qu’une empoisonneuse probablement douée de connaissances magiques de premier ordre tant ses potions sont destructrices. Le nom de ces deux exécutants des basses œuvres est toujours resté inconnu.
Le règne de Philippe est implacable, sous la férule de ces trois maudits et de leurs nombreux hommes armés et bien entrainés. Je n’ai vu que les Templiers capables de leur tenir tête, et c’est bien là la raison de leur élimination.
Quant à moi Fénice, j’ai 26 ans en cette année 1314. Belle, la peau tannée et sucrée, dotée d’une longue crinière brune, je suis une spécialiste de la survie malgré mon jeune âge. Elevée dans les bas-fonds de Paris, je ne recule devant rien pour vivre. Aussi habile à chaparder que dans les jeux amoureux, je peux aussi bien tromper et voler que séduire pour m’en sortir. J’ai appris à me jouer des hommes, parfois en m’offrant entièrement à eux pour flatter leur sentiment de puissance, parfois en les dominant et les mettant à mes pieds, pour en obtenir ce que je veux. Je les sais sensibles aux deux sortes de plaisirs et en joue en permanence.
Je crains par-dessus tout – et je ne suis pas la seule – que l’oppression du règne de Philippe Le Bel ne devienne sans rémission et se perpétue sans limite à travers l’histoire. Le soir, au fond des tavernes, magiciens et prêtres déchus nous livrent des bribes de récits légendaires. La triade maudite de Philippe travaille d’arrache-pied à mettre la main sur une puissance ultime, appelée La Brèche. Si la triade s’en emparait, ce n’est pas seulement sur le royaume de France que Philippe étendrait sa main, mais sur le monde entier : l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne, les royaumes Germains et les empires Maures devraient tous plier et lui prêter allégeance. La puissance de La Brèche est telle que le pouvoir de Philippe se perpétuerait indéfiniment et sans limites à toute sa descendance, pour diriger le monde entier.
Personne ne sait en quoi consiste La Brèche. Certains disent que c’est un lieu, d’autres un artefact magique forgé par notre Seigneur. Elle est réputée receler le secret de la fécondité infinie, de l’activité incessante de la nature. Elle n’est compréhensible qu’aux géomètres, ces magiciens ou clercs maîtrisant sur le bout des doigts la science d’Aristote et d’Euclide, étudiée inlassablement dans les monastères.
Un des plus vieux et sages clercs qui nous a livré son récit – bien que devenu aveugle – sait que La Brèche rend fou celui qui n’est pas apte à la comprendre et que ceux capables de la connaître se comptent sur les doigts de la main dans toute l’humanité.
Il avait pu apprendre qu’un langage très particulier, appelé la matrice de tous les autres langages, était le seul permettant de saisir ce qu’était La Brèche. Que ce langage est le plus fondamental de tous, mais seulement pratiqué par les plus humbles, à l’imitation de notre Seigneur.
J’avoue que je n’y comprends rien et que j’ai du mal à démêler cet écheveau. Comment être à la fois un géomètre suréduqué et parmi les plus simples et les plus humbles ? Quel est le langage privilégié qui permet de comprendre profondément le secret de La Brèche ? Je suis une voleuse cultivée mais il ne faut pas m’en demander trop.
Wir müssen wissen, wir werden wissen. (Nous devons savoir, nous saurons)
David Hilbert
Pour savoir écrire, il faut avoir lu, et pour savoir lire, il faut savoir vivre.
Guy Debord
Ne cherche pas à savoir ! Sers ! Alors tu vas connaître et non savoir.
Gitta Mallasz
Le plus grand ennemi de la connaissance n’est pas l’ignorance, mais l’illusion de la connaissance.
Stephen Hawking
Fénice se dit que voilà un bien beau samedi pour délester des bourses, dans tous les sens du terme. Son terrain de chasse favori pour suivre quelque noble ou grand bourgeois, lui subtiliser sa bourse, lui proposer ses faveurs ou même les deux, est bien évidemment les abords du Palais de laCité.
Haut lieu du pouvoir royal et clérical, Enguerrand de Marigny venait d’en achever une complète reconstruction, un an avant notre récit. Peu savent que la rénovation du palais devait beaucoup plus à la magie d’Ardine et d’Ulfang qu’à l’action du célèbre coadjuteur du royaume.
Parfois Fénice se fond également dans le quartier du Marais. Longtemps excentré de la ville, le Marais est devenu un lieu couru de la noblesse en ce début du XIVème siècle. Elle aime le contraste entre cette nouvelle effervescence de la ville et le passé austère des monastères du quartier, du couvent des Célestins à l’Enclos du Temple. Les rues du Chaume1, Pastourelle ou des Haudriettes n’ont plus de secret pour elle. Le quartier doit beaucoup aux aménagements pratiqués par les Templiers, que le roi Philippe a remercié à sa façon…
Par curiosité personnelle bien plus que par intérêt, Fénice aime à parcourir le quartier des étudiants et scolastiques 2 après une journée de larcins bien gagnés. La compagnie des étudiants des prestigieux Collège de Sorbon3 et Collège d’Harcourt 4 lui plait au plus haut point. En d’autres temps, Fénice aurait suivi de longues études, de par son intelligence et sa curiosité naturelles.
Elle se gavait de logique aristotélicienne, de grammaire scolastique des maîtres Abélard, Thomas d’Aquin 5 et Gilbert de la Porrée tout autant que de la semence des jeunes étudiants avec qui elle conversait. Avec Fénice, les logoï spermatikoï chers aux stoïciens ou Rationes seminales de Saint Augustin prennent tout leur sens, et l’unité de l’esprit et de la réalité incarnée est brillamment démontrée par l’exemple.
Dévergonder de jeunes scolastiques l’amuse au plus haut point. Il n’y a rien de tel que ces purs esprits pour explorer profondément les plaisirs de la chair. Ils sont parfois de jeunes coqs dont elle goûte chaque moment de leur ferme virilité, soit des esprits tendres adorant la femme, qu’elle oblige à la servir comme une reine. Combien de ces jeunes étudiants ne furent-ils pas initiés par Fénice, ou passèrent leur langue entre chacun de ses orteils et tout le long de son intimité, sous les désirs de leur déesse. Elle en profitait pour devenir une dominatrice expérimentée, faculté qui lui servait grandement par la suite, dans le milieu des puissants.
Fénice ignore qu’un peu plus d’un siècle après elle, des artistes et philosophes passeraient tout comme elle des plus hautes activités de l’esprit aux pulsions les plus intimes, et que loin d’y voir une contradiction, ils y verraient l’exploration sans fard et par toutes les voies de l’âme humaine. Ces communautés d’artistes se réclamant de l’héritage platonicien en firent plus qu’une école mais un art de vivre, de l’esprit à la chair, du Phédon au Banquet, sous le nom de Renaissance. Les jeux intellectuels et érotiques de Fénice dans le quartier des scolastiques étaient en quelque sorte une préfiguration du Quattrocento.
Le dernier lieu de Paris que Fénice aime parcourir est non loin de celui des scolastiques, autour de la rue de la Harpe, le quartier juif. Elle avait noué de nombreuses amitiés avec le peuple de la Torah, dont malheureusement très peu vivaient encore à Paris ou même en France : 8 ans auparavant, Philippe Le Bel avait ordonné une expulsion des plus cruelles des juifs de France, dont beaucoup moururent de désespoir ou de pauvreté après leur spoliation et leur chemin d’exil. Le roi de fer avait pillé la communauté juive puis les Templiers, guidé par sa seule avidité, aiguillonné par William, Ardine et Ulfang.
Seule une minuscule communauté subsiste dans le plus grand secret, demeurant dans des domiciles cachés, autour de l’ancienne Yeshiva. Fénice aime à s’entretenir avec Rabbi Elijah, homme de grande sagesse et autorité morale de la poignée des survivants. Comment un austère Rabbin accepta-t-il l’amitié d’une maîtresse voleuse et séductrice ? Sans doute parce que l’un et l’autre savent aller au-delà des apparences et voir ce qui les anime véritablement.
L’école de la survie avait également noué entre eux des liens forts d’amitié et d’empathie, ainsi que la détestation du pouvoir inflexible et hypocrite qui les oppressait. Elijah avait enseigné quelques rudiments d’hébreu à Fénice, qui aimait les majestueuses lettres de la langue biblique, comme éclairées de l’intérieur par les flammes dusens.
Le Paris que Fénice parcourait de ses jambes alertes, en chasse de la connaissance, de l’argent et de l’adoration des hommes, ressemblait à peu près à ceci :
Fénice se fraie maintenant un chemin au milieu de la foule bigarrée et bruyante de l’île de la Cité. Un grand bourgeois enveloppé d’hermine est sa cible : sa corpulence le rend inattentif. Ses mains nerveuses, agiles et gourmandes se faufilent sans bruit vers une bourse bien garnie. Elle va y arriver : plus que quelques pouces et elle mettra la main sur le précieux sac. Au moment où ses doigts ressentent déjà le triomphe, son poignet la brûle : on vient de la saisir, une main preste, blanche, frêle mais ferme l’attrape à l’instant !
C’est un jeune homme d’à peine son âge, probablement un scolastique au vu de son habillement, de sa pâleur et de son expression. La main gauche de Fénice est déjà sur sa dague : si elle est attrapée, c’est l’emprisonnement direct, le procès expéditif et la pendaison assurée ! Fénice a déjà eu à se battre pour sa vie et fuir, prise la main dans le sac. Tout son corps se tend pour se défendre.
Pourtant le jeune homme ne crie pas, n’alerte pas « à la voleuse » ! Il ne lui jette qu’un regard silencieux et réprobateur. Il l’empêche mais ne la livre point. Fénice ne veut pas le tuer mais donne un coup de dague vers sa main pour lui faire lâcher son poignet. Avant qu’elle n’ait pu piquer de sa lame, elle ressent une vive douleur à la main et la lâche, comme si elle avait été mordue !
Elle comprend d’un trait de quoi il s’agit : le jeune garçon possède au moins les pouvoirs magiques d’un novice. Fénice s’apaise car le grand bourgeois est déjà parti et la foule n’a rien vu : tout s’est déroulé très vite et silencieusement. Les deux jeunes gens restent face à face, comme s’ils conversaient.
–Pour qui te prends-tu ? lui lance la voleuse d’un ton de défi, relevant le menton. Tu n’es pas un homme d’armes, un des soudards déguisés en chevalier du comte William !
–Pauvre malheureuse, tu devrais me remercier : je n’ai alerté personne ! Ne peux-tu pas faire un travail honnête misérable fille ? Regarde-toi, tout montre le vol et la duperie chez toi !
–Oh, Monseigneur a de la moralité ? Monseigneur veut préserver sa Dignitas, sa Virtus ? Tu viens de me faire un petit tour de magie pourtant. Tu sais que les porcs de William n’aiment pas trop cela ! Ils auraient pu te coffrer tout autant quemoi !
Un temps interloqué par les locutions latines de l’effrontée, le jeune homme s’étrangle :
–Fille de rien ! Je suis scolastique au collège de Sorbon, expert dans la traduction d’Aristote, disciple de Saint Augustin et de Docteur Angélique, notre maître Thomas d’Aquin ! Toutes choses qui dépassent tes pauvres rapines !
–Oh, Monseigneur a des lettres ! Sache que j’en ai remontré à des dizaines comme toi, par le débat, par les livres et sur la couche ! Je peux te répondre dans la langue de Sénèque et de Cicéron, toute voleuse que je suis : je l’ai apprise avec tes condisciples, à l’école de la rue et des tavernes qui vaut bien tes scolastiques pompeux ! Je connais bien plus la vie que de petits oisillons tels que toi. Je ne compte plus ceux qui se sont retrouvés nus et à mes pieds parmi tes condisciples et qui en redemandaient ! Comment t’appelles-tu ?
–Théophile, répond mécaniquement le jeune homme, sonné par l’assurance de la chapardeuse.
–Oh, tout un programme, l’aimé de Dieu ! Cela promet !
Cette fois, la jeune voleuse ne démontrait plus des connaissances en Latin, mais en Grec ! Théophile passa de l’indignation à la curiosité amusée et irrépressible. C’était un jeune homme plus qu’intelligent, rompu à la rhétorique, aussi adoucit-il sonton :
–Bon, je ne voulais pas te faire la morale. Je voulais seulement te préserver, je déteste les hommes de William et du Roi tout comme toi tu sais ? Quel est tonnom ?
–Fénice, voleuse de la plus haute guilde de Paris, érudite et gourmande de garçons !, répondit crânement la jeune fille. Je n’ai pas besoin d’un chaperon, je me suis toujours débrouillée dans la vie. Tu as l’air d’avoir eu les meilleurs maîtres, désolé si je les ai insultés. Si tu veux que l’on converse et que l’on joue des tours aux hommes du Roi, je le ferai avec grand plaisir!, rit la jeune fille.
–Ce n’est pas un jeu Fénice, tu prends tout comme un amusement. Je cherche à mettre la main sur un objet magique de grande valeur avant que le Comte William ou Ardine d’Aquitaine ne le fasse.
–Tu prends à nouveau de grands airs : je peux être sérieuse quand cela devient nécessaire, tu sais ? J’ai même entendu parler de La Brèche et je sais l’enjeu terrible qui se trouve derrière.
–Tu as connaissance de La Brèche ? dit le garçon abasourdi. Tu as dû en passer de longs moments à discuter avec les scolastiques, toute la nuit entre deux ébats, reprit Théophile, visiblement émoustillé.
–Oui, La Brèche…, répond pensivement Fénice. Si tu savais comme je rêve de libérer sa puissance légendaire et me venger du pouvoir royal. Tu as beau me juger, tu ne connais rien. Mes parents ont été massacrés lors d’un des pillages du comte William, mon père torturé, ma mère violée ainsi que ma sœur ainée devant les yeux de mon père et sous les miens. Je n’avais que quatre ans.
Un maître voleur nommé Renard avait réussi à échapper aux soudards et a pu m’emporter avec lui pour me sauver. J’ai été élevée au sein de sa Guilde depuis l’enfance, Renard m’a appris tout ce qui me permet de survivre aujourd’hui, sauf les artifices féminins bien entendu. Je sais ce qu’il en est des « honnêtes gens » et de ceux que l’on réprouve : ils ne sont pas là où on le pense !
–Je suis désolé, répondit simplement Théophile. Raison de plus pour que je parvienne à trouver l’objet que je cherche avant les hommes duroi.
–Ne me dis pas que c’est de La Brèche dont tu parles !
–Oh non bien sûr, La Brèche dépasse largement le niveau qui est le mien. D’ailleurs nul ne sait si c’est un objet, un lieu, une formule magique ou quoi que ce soit d’autre. Non, ce que je cherche est bien plus simple, je sais qu’il s’agit d’un objet matériel et à peu près où il se trouve. Il recèle une magie puissante qui pourrait aider à trouver le chemin de la Brèche. On l’appelle l’Orbe de Conseil.
–Joli nom. De quoi s’agit-il ?
–On pourrait aussi l’appeler Orbe de l’Histoire ou Orbe du temps. C’est une sphère qui renferme une sorte de génie, capable de te donner les connaissances et les expériences d’il y a des siècles ou des millénaires, ou celles qui seront acquises dans plusieurs siècles dans le futur.
Le génie ne te donne pas de détails, il ne peut pas te dire ce qui va t’arriver personnellement pour prévoir ton avenir ou te rappeler ton passé. Il t’apporte les connaissances et les expériences connues de l’humanité longtemps avant toi ou après toi. Il te donne des conseils à partir de cela, comme si tu démultipliais ton savoir et tes expériences vécues pour savoir quelle décision prendre.
Il peut te parler de géomètres, de philosophes, de sages, d’artistes, de guerriers, de commerçants, de rois qui ont vécu avant ou après toi et te faire profiter de leur expérience. Il te racontera pour cela toujours une petite histoire, en rapport avec ta question, ta discussion, ta décision à prendre. Tu peux même poser l’Orbe autour du feu parmi tes compagnons et lui faire prendre part à la conversation.
–Peut-il aussi te faire profiter de l’expérience des maîtres voleurs ou des courtisanes passées et futures pour rendre un homme fou au lit ? », reprit malicieusement Fénice ? J’espère que ton génie a un peu le sens de l’humour sinon tes conversations au coin du feu vont être mortellement ennuyeuses, finit-elle dans un grand éclat de rire. Qui t’a raconté cette histoire à dormir debout ?
–Toujours à railler petite voleuse ! Je tiens ce témoignage d’un écrit de maître Thomas d’Aquin lui-même ! Par exemple, l’Orbe a cité la parole d’un très grand géomètre qui vivra six siècles après nous ! Nous devons savoir, nous saurons ! a-t-il dit. Je trouve cette phrase du futur si belle que j’en ai fait mon credo. Hélas décédé6, le docteur Angélique ne peut plus en donner les détails de vivevoix.
–Je vois. Ta phrase préférée est d’un naïf... C’est mal parti pour bénéficier des secrets des courtisanes dans cinq ou dix siècles après le nôtre ! Encore que ton maître Thomas d’Aquin était un moine, et par mon expérience ce sont généralement les pires concernant la chose, fit-elle avec un clin d’œil. A moins qu’il ne passât ses divertissements entre deux sommes théologiques avec de jeunes garçons tels que toi, c’est très couru dans votre milieu paraît-il !
–Fille de rien, vas-tu te taire ! Tu ne respectes donc rien ? Te rends-tu compte de l’avantage que nous aurions sur les hommes du roi si nous avions un tel objet avec nous ? Nous pourrions utiliser le savoir des plus grands géomètres et naturalistes de tous les siècles à venir ! Peut-être les hommes du futur ont-ils percé le secret de la Brèche ou s’en sont-ils rapprochés ?
–Là-dessus n’y compte pas trop. Dans La Brèche, il semble y avoir autant d’intelligence du cœur que de la tête. Rien ne te dit que les scolastiques des siècles à venir seront de meilleurs hommes ou qu’ils auront réussi à faire progresser leurs semblables. Tous ceux qui le savent nous disent que La Brèche ne se donne qu’aux plus humbles et aux plus démunis, bien qu’il faille être un scolastique de première force pour commencer de la comprendre. Mais je te suis. Qu’elle nous rapproche ou non de La Brèche, ton Orbe nous donne une sacrée longueur d’avance sur nos ennemis.
–Tu vois bien. Tu es une maîtresse voleuse, voudrais-tu m’aider à retrouver l’Orbe ? Il y a des dangers et des pièges à affronter. Je possède la connaissance de l’Orbe mais pas la pratique qui permettrait de le dérober.
–Charmant. Et où se trouve ton objet magique ?
–Quelque part dans les sous-sols du Palatium de Terminis, dans le dédale des anciens thermes Romains7. Les témoignages de maître Thomas d’Aquin certifient que l’Orbe s’y trouvait, mais il a été perdu et personne ne sait dans quelle partie des thermes il se cache.
–Tu es fou ! Le Palatium de Terminis est actuellement bouclé par les hommes du comte William ! Cela grouille de soldats montant la garde en permanence !
–Je le sais. Les trois maudits conseillers du roi ont connaissance des témoignages de maître Thomas, c’est bien pour cela qu’ils ont verrouillé l’accès au Palatium. Ardine d’Aquitaine, la plus savante, connaît certainement les textes mentionnant l’Orbe du Conseil et elle ne peut qu’en avoir une connaissance poussée. Mais aurais-tu peur, intrépide maîtresse voleuse ?, se moque à son tour Théophile.
–Que nenni !, réplique Fénice, piquée au vif. Partons chercher ton globe ! Mais il nous faudra un peu de préparation au préalable.
1 De nos jours rue des Archives
2 Appelé par la suite Quartier Latin
3 Actuelle Sorbonne
4 Actuel Lycée Saint-Louis
5 Nous omettons le titre de « Saint », le docteur Angélique ayant été canonisé en 1323, soit 9 ans après le récit de Fénice.
6 En 1274
7 Palais donné par Philippe Auguste à son Chambellan Henri le concierge. Il sera acheté en 1340 par l’Abbé de Cluny, Pierre de Châtelus. Entre 1485 et 1510, l’abbé en charge de l’ordre fit construire ce qui est connu aujourd’hui comme l’Hôtel de Cluny, abritant le musée national du moyen-âge en plein Paris et la célèbre tapisserie de la Dame à la Licorne. Les thermes romains situés dans les fondations peuvent toujours être visités.
Le « séducteur » qui se vante d’initier les femmes aux mystères de l’amour : l’étranger qui débarque à la gare et propose au guide de lui montrer les beautés de la ville.
KarlKraus
La tradition populaire ne s’y est pas trompée, qui a toujours vu dans l’amour une forme d’initiation, l’un des points de rencontre du secret et du sacré.
Marguerite Yourcenar - Mémoires d’Hadrien
Comme dans toute initiation, c’est dans le fait même de survivre qu’est le triomphe.
Paul Auster - La chambre dérobée
L’âme certes n’est ni chair ni sang, mais elle emplit et la chair et le sang, pour leur donner lavie.
Hildegarde von Bingen
Celui qui peut dire de quel feu il brûle ne brûle que d’un petitfeu.
Pétrarque
Fénice et Théophile préparent activement leur expédition dans les Thermes du Palatium.
Confortablement installés dans la petite chambre de Fénice, au cœur du quartier général de la Guilde des voleurs dans lequel même William et ses gardes n’oseraient pénétrer, ils s’affairent autour d’un dessin du palais, d’un plan des Thermes, au milieu d’un fatras de cordes, clés, crochets, grappins, chaussons et poinçons d’escalade, tout le matériel du parfait monte-en-l’air.
Le quartier général de La Guilde est une forteresse souterraine imprenable, où rien n’a été laissé au hasard. Théophile y rencontre Renard, le protecteur et maître de Fénice, maintenant un homme âgé, aux cheveux et à la barbe en broussaille, mais d’un regard incroyablement sagace, celui d’un expert absolu de la survie. Le prince des voleurs semble avoir tout vu de la vie et connaît la psyché humaine bien mieux que le plus avisé des clercs.
Chaque porte, chaque passerelle, chaque corridor du repaire de la guilde est équipé de pièges mortels : herses tranchantes comme des rasoirs, fosses profondes, dards empoisonnés, que Renard peut activer ou neutraliser à volonté par d’ingénieux systèmes de poulies.
Toutes les entrées sont taillées à même la roche et comportent de longs passages où seul un homme à la fois peut passer, éliminant tout avantage du nombre pour un adversaire.
Des passages secrets permettent d’évacuer le repaire, par ailleurs constamment alimenté en réserves d’eau et en salaisons, pour fuir vers la campagne à des lieues de l’enceinte de Philippe Auguste, si un siège se prolongeait.
Enfin, un mécanisme d’ultime résistance permet de noyer le réseau de couloirs du repaire, construit sous la Seine, si ses habitants n’ont plus pour ressource que le sacrifice suprême.
Fénice entraine Théophile à des pratiques fort éloignées de son enseignement traditionnel. Le quartier général de la Guilde comprend un mur d’escalade pour que des escadrons de voleurs puissent s’y exercer. Théophile fait connaissance avec le sable rugueux sur les mains, les poinçons à enfoncer dans la muraille pour assurer ses prises, les chaussons cherchant toute anfractuosité. Nous sommes loin des débats scolastiques ! Si le jeune homme sait bien se faire silencieux et invisible, il est encore un laborieux escaladeur et quant au lancer du grappin, il se révèle tout simplement désastreux.
–Bon, tu me laisse crocheter les serrures, assurer les cordes avec le grappin et tu me suis du mieux que tu peux, lui lance sa maîtresse voleuse. Toute ta grammaire et ta logique ne seront pas d’une grande utilité dans les grandes crayères romaines ! J’espère au moins que tu sais te battre. Nous tâcherons de l’éviter mais si des gardes nous surprennent, il faudra frapper et fuir !
Théophile sait que Fénice peut manier la dague avec autant d’habileté qu’elle dérobe une bourse. Il a repéré dans sa chambre des fioles de ce qui est de toute évidence un poison violent, destiné à agrémenter la lame. La maîtresse voleuse sait donner des coups de dard mortels à celui qui menace savie.
–Je ne sais rien faire avec mes pieds et mes poings et encore moins avec des armes. Mais j’ai de très bons tours en réserve : rappelle-toi la morsure sur ta main lorsque tu as voulu me poignarder ! Ce n’est qu’une petite étendue de mes capacités. Je ne suis pas un maître sorcier de la taille d’Ardine d’Aquitaine ou Ulfang de Belfort mais je suis bien plus que novice. J’ai déjà eu à me débarrasser de plusieurs gardes royaux et crois-moi ils n’étaient pas à la fête !
Les deux jeunes gens s’excitent et s’enivrent d’action, se souriant de brefs instants avant de reprendre leur entraînement. Si Fénice est une athlète et acrobate accomplie, Théophile n’est pas dénué de capacités physiques pour un scolastique. Nantais d’origine, c’est un marin et un nageur accompli : rien de ce qui est nautique ne lui fait peur. Il s’est forgé des épaules et un thorax que l’on ne voit pas souvent parmi les écritoires des moines.
Fénice en est rassurée, car le Palais des Thermes va nécessiter de nager souvent. Pour comprendre ce qui attend les deux jeunes gens, il faut savoir que les Thermes de l’époque étaient beaucoup plus étendus que ceux que l’on visite de nos jours au sous-sol de l’hôtel de Cluny.
Ce dernier ne renferme plus que le frigidarium, soit une toute petite partie de l’immense complexe qui s’étendait sur 6000 m2 en l’an 1300, dans un quadrilatère délimité par les actuels boulevard Saint-Michel, Saint-Germain, les rues de Cluny et rue des Ecoles, débordant même jusqu’à la montagne Sainte-Geneviève.
De plus, le visiteur moderne ne voit qu’un seul niveau, celui des bains publics, mais un réseau de tunnels plus profonds comportant des pièces de service non ouvertes au public vient s’y rajouter, pour la maintenance des bassins telle que la vidange du frigidarium.
Enfin, le réseau hydraulique lui-même, plus profondément enterré encore, acheminait l’eau par des conduits et abritait les hypocaustes et pilettes, c’est-à-dire le système de chauffage par le sol des bassins.
Fénice et Théophile vont donc devoir parcourir un immense dédale de salles et de passages sur trois niveaux sous terre, patrouillé en permanence par les gardes sans merci du Comte William.
L’entraînement des deux jeunes gens a été poussé au plus haut point. Même Théophile ressemble à un voleur de la Guilde, habillé de tissu léger et chaussé de silencieuses poulaines dedaim.
Les voici réunis avec Renard, connaisseur de tous les passages secrets, de toutes les portes dérobées permettant d’investir les Palais. Il se dit que Renard peut même se rendre quand bon lui semble dans la salle du Trône du Palais de la Cité, pour écouter directement les audiences de Philippe Le Bel. Concernant le Palais des Thermes, le maître suprême des voleurs leur fait ses dernières recommandations :
–Pour le Palatium de Terminis, il n’y a qu’une seule façon sûre d’y rentrer : suivez le chemin de l’eau. Ne pensez même pas à escalader ses murailles où à y pénétrer depuis la rue : vous seriez immédiatement attrapés par les gardes du Comte William. Il vous faudra sortir de Paris et faire un long chemin jusqu’à Arcueil : nous vous prêterons des mules.
L’eau des Thermes de ce qui s’appelait alors Lutèce provient de l’aqueduc d’Arcueil depuis des siècles. Vous suivrez le chemin de l’Aqueduc plus loin de Paris encore, vers le sud. Les Romains acheminaient l’eau pour l’amener au bassin de captage de Wissous, où elle revenait ensuite vers Paris pour alimenter les Thermes.
Ces imbéciles de la garde royale n’ont laissé qu’une faible surveillance auprès du bassin de captage. Vous pourrez vous glisser sans trop de difficulté dans la bouche d’entrée et là vous nagerez jusqu’aux Thermes de Cluny. J’ai prévu quelques hommes de main pour réduire définitivement les gardes au silence s’ils se font trop pressants autour du bassin.
–Je dois vous remercier une fois encore mon Maître, dit Fénice avec un regard de gratitude. Mais comment sortirons-nous ? Nous ne pourrons remonter le conduit à contre-courant jusqu’au bassin de Wissous.
–Vous sortirez le plus simplement du monde, comme des serviteurs du Palais ! Ce sont les entrées qui posent des difficultés, personne ne vous contrôlera dans l’autre sens ! Une fois dans la place, vous vous dirigerez vers la sortie en ayant l’air le plus naturel possible. Nous vous avons préparé des vêtements dans un baluchon, ceux de simples serviteurs du Palatium. Il vous suffira de vous changer. Nous avons même fabriqué une fausse lettre de mission portant le cachet royal, si l’on vous demande pour quel motif vous sortez du Palais.
–Merveilleux, maître ! Théophile, as-tu de ton côté une petite idée de l’endroit où l’Orbe est caché ? Je nous vois mal parcourir des lieues dans le labyrinthe des Thermes infesté de gardes, sans savoir où chercher.
–Il y a bien une indication de maître Thomas d’Aquin, mais je ne vois pas ce que je pourrais en faire. Il dit : Pour trouver l’Orbe du conseil, ayez toujours en tête les saintes paroles : « Jésus-Christ fils de Dieu, sauveur ». Et respectez l’œuvre de Saint-Augustin, notre maître, particulièrement « La Cité de Dieu ». J’imagine que c’est une injonction à garder la foi pour trouver l’Orbe. Mais cela ne nous avance pas beaucoup sur un plan pratique…
–Effectivement, les saintes paroles ne nous seront pas d’une grande utilité, raille Fénice. Demain, il ne sera pas question de théologie ! Pas plus que ce soir d’ailleurs, ajoute-t-elle d’un ton énigmatique.
Le soir vient. Fénice et Théophile ont pris un bref souper8 dans le grand réfectoire des voleurs, en compagnie de Renard. Ils ont peu mangé : demain, il faudra être léger pour l’aventure souterraine et nautique qui les attend.
Avant de regagner leurs chambres, Fénice regarde bizarrement son jeune compagnon scolastique. Ses yeux brillent d’un éclat noir et cendré. Elle lui parle d’une voix rauque.
–Demain, nous risquons notre vie. Nous donnons tout pour lutter contre une tyrannie ignoble, nous nous battrons corps etâme.
Elle marque un silence, regarde longuement Théophile et reprend :
–Je veux goûter pleinement à la vie avant cette journée. Me gorger et me satisfaire des longues heures de cettenuit…
Elle pose ses doigts nerveux et gourmands sur le poitrail de Théophile, entrouvre sa chemise, la déboutonne et le caresse à même lapeau.
Le jeune scolastique est envahi d’une chaleur et d’un désir irrépressibles. Fénice agit a contrario de tous les codes amoureux qu’il connaît, en prenant l’initiative, en poussant ses désirs, en étant celle qui s’empare de sa chair.
Elle passe maintenant partout de ses doigts brûlants de désir, fouille ses endroits les plus intimes, fait comprendre qu’elle a l’intention d’être reine, de se servir et de se faire servir.
–Mmmm, tu es mince et musclé, d’un beau corps d’éphèbe, une chair tendre et de qualité, celle d’un garçon qui cultive les choses élevées, ce sera d’autant plus agréable de te déguster.
Théophile reste un temps interdit : l’expression crue et ouverte du désir féminin n’est pas habituelle. Il comprend que Fénice exigera que ce soit lui qui se mette entièrement ànu.
Il hésite encore un peu entre sa pudeur, ses scrupules moraux et la puissance de ses désirs. Il finit par se laisser submerger, se dit que c’est une expérience qu’il veut vivre. Il provoque à son tour les instincts de sa reine :
–Sers-toi. Fais de moi tout ce que tu voudras. Je suis à ton entière disposition.
La jeune voleuse ne se le fait pas dire deux fois. Elle saisit fermement sa culotte de ses deux mains et l’abaisse d’un coup sec, marquant qu’elle a l’intention de l’obliger à s’offrir. Théophile est entièrement nu et Fénice n’a gardé que le bas de ses vêtements, poitrine nue, dressée et brûlante de désir, pieds nus mutins et avides de se faire servir.
Le teint hâlé et sucré de Fénice excite Théophile au plus haut point. Il raidit à fond devant la voleuse qui se pourlèche, en sachant très bien que son attribut viril ne lui sera pas autorisé pour soumettre la belle mais au contraire être le jouet de son plaisir.
Elle le tire par le bras, l’amène devant le mur de la chambre, se saisit de son bassin et le tourne face au mur. Elle ne donne que des ordres brefs, fait comprendre quel sera lejeu :
–Face au mur, mains vers le haut, cambre-toi. Montre-moi tout et laisse-toi faire.
Théophile note qu’un anneau sort du mur à un peu plus de six pieds du sol. Il comprend qu’il doit lever et tendre les bras pour y placer ses mains. Fénice sort prestement une cordelette et attache ses mains à l’anneau. Il est ainsi entièrement à disposition, livré et offert.
–Mmmm, de jolies fesses, bien rebondies, fermes et musclées. Après ton regard ardent et volontaire, c’est ce que j’ai tout de suite remarqué en te rencontrant. Cela fait longtemps que je les mate, je vais enfin pouvoir me servir.
Théophile joue le jeu et s’offre entièrement. Fénice prend ses fesses à pleines mains, les pétrit, régale ses yeux et ses doigts. Puis les écarte avec les deux mains et oblige Théophile à tout révéler.
La jeune voleuse caresse lentement le membre du scolastique attaché, l’effleure de ses doigts agiles et taquins. Elle laisse traîner son regard et ses mains sur le magnifique bassin de son amant, souligne les courbes fermes et bien dessinées du regard et du doigt, échange un sourire mutin et complice avec le jeune scolastique. Théo gémit tout en brûlant de désir. Les mains de la voleuse sont chaudes et soyeuses, gourmandes et coquines. La poitrine conquérante de Fénice exhale le désir, tandis que Théo sent l’odeur sensuelle et musquée de l’intimité de la jeune voleuse.
Fénice se fait encore plus audacieuse. Elle veut tout goûter de son bel amant. Théophile sent soudain une langue goulue parcourir son intimité interdite, avide, gourmande. Il est d’abord scandalisé puis se laisse envahir par une chaleur sensuelle qu’il ne peut plus contrôler, sous le pouvoir de la langue de sa jeune reine. Attaché et entièrement à sa merci, il ne peut de toutes façons que se cambrer encore un peu plus pour se livrer à elle. Après une brève envie de révolte, il accepte le désir de la belle voleuse.
« Donne-toi corps et âme à elle. » pense-t-il. « Va jusqu’au bout.»
Elle pousse un petit cri de triomphe et de plaisir en voyant Théophile se soumettre à ses pulsions et se met à fouiller passionnément l’intimité du scolastique avec la langue, sous ses gémissements. Elle s’amuse de le voir céder, de le sentir résister un peu pour sauvegarder un peu de son orgueil de mâle, puis de finir par se laisser faire et accepter d’être livré en pâture.
En même temps qu’elle oblige Théo à s’offrir et à s’ouvrir, elle le caresse lentement, en évitant soigneusement de le faire jouir. Théo est tendu à l’extrême, jamais il n’a senti son membre aussi roide et désirant.
–Pitié ma reine, je n’en peux plus, j’ai besoin de jouir, crie Théo entre deux gémissements.
–Crois-tu qu’un jeune esclave comme toi a le droit de jouir ? Eh bien non !, réplique Fénice d’un air gourmant et amusé. Les gémissements reprennent de plus belle.
C’est une délicieuse torture que j’appelle « le contrôle », pour les jeunes gens intelligents et sensibles. Je te caresse lentement en même temps que je fouille ton intimité la plus secrète. Cela te rend fou de désir mais tu es dirigé et contrôlé pour te faire tenir très longtemps, car ton excitation est à mon service uniquement.
Seule moi ait le droit de jouir et je ne fais que commencer. Je veux être servie et ressentir de nombreux orgasmes, longuement et lentement.
Théo comprend le jeu. Au bout d’un quart d’heure de ce traitement, caressé lentement du doigt et de la langue dans ses parties les plus intimes tandis qu’il est attaché, le scolastique est prêt à se soumettre aux désirs les plus inavouables de la jeune voleuse, ce qui était exactement le point où elle voulait l’amener.
–Je suis à votre entière disposition ma Reine ! Assouvissez vos instincts, je vous en prie. Vous serez servie comme une Reine, obéie comme une Impératrice, vénérée comme une Déesse.
Fénice sourit largement et passe la langue sur ses lèvres. Elle n’en attendait pas moins de Théo : le jeune homme est ardent, déterminé : elle sait que son esprit exigeant veut explorer et connaître sans freins, qu’il ne transige pas avec cette vérité du désir et de l’amour.
Elle détache ses mains et l’amène maintenant sur sa couche. Elle fait se placer Théo mi-assis, mi couché, sur le dos mais légèrement relevé afin que son beau poitrail d’éphèbe musclé mais fin, son visage et sa bouche ourlée et sensuelles soient bien à disposition. Fénice s’assied face à lui, dans une attitude nonchalante et provocatrice. La peau lumineuse et hâlée de la jeune voleuse affole Théo, d’autant qu’elle est perlée d’une sensuelle sueur, exhalant son désir. Elle est cette fois entièrement nue elle aussi. Fénice se tient elle aussi mi assise mi couchée sur le dos, une jambe repliée sous elle et l’autre jambe tendue vers Théo, exhibant sans pudeur un adorable pied mutin, les orteils relevés et dirigés vers son visage.
Fénice n’a rien besoin de dire. Théo sait qu’elle aime voir un mâle amateur de jolis pieds féminins, elle lui en a fait de nombreuses allusions lors de leurs conversations philosophiques et érotiques. Il ne sait jusqu’où va ce désir, mais se doute qu’elle ne se contentera pas d’être massée et simplement embrassée sur la plante et les orteils. Lui-même avait ressenti plus d’une fois une très forte excitation à la vue des très jolis pieds nus de Fénice, leur cambrure nerveuse et mutine lui laissant entrevoir des désirs inavouables.
Il saisit doucement et comme avec adoration le pied qu’elle a nonchalamment étendu vers lui, le soutenant par le talon d’une main et accompagnant lentement son mouvement avec l’autre main sur le dessus du pied, comme enveloppant un trésor.
A son tour d’être audacieux : il porte le pied de sa déesse à sa bouche, pose quelques instants ses lèvres sur ses orteils et sur la plante avant de lécher celle-ci langoureusement.
Théo prend soin de servir chacun des orteils de la jeune reine, un par un, lentement. Puis de de lécher passionnément sa plante. Elle pousse des feulements rauques de jouissance. Théo sent qu’elle adore cette caresse, qui transmet immédiatement un plaisir puissant à son intimité, humide et ouverte.
Fénice est très touchée de cette attention de son chevalier servant. Elle devine qu’il veut la mettre à l’aise, lui montrer qu’elle ne doit pas craindre de se faire servir sans retenue. Sans doute la jeune femme ne savait jusqu’où elle pourrait aller pour cette première initiation. Elle n’est pas déçue par la sincérité et la volonté de son jeune amant, de ne pas se contenter de la demi-mesure des âmes médiocres.
La jeune voleuse s’amuse à faire monter plus encore l’excitation de son bel amant. Elle caresse du pied tout le poitrail ferme et bien dessiné de son éphèbe, fait glisser la peau soyeuse de sa plante sur les pectoraux du beau scolastique. Puis remonte avec un sourire particulièrement coquin et vicieux jusqu’au visage et à la bouche sensuelle de Théo. Fénice prend son temps pour caresser du pied tout son visage, l’obligeant sans équivoque à venir l’adorer.
Théo répond à ce jeu d’un regard complice. Afin de surenchérir sur les désirs de sa reine, il prend lui-même délicatement le pied de Fénice entre ses mains, et le pose pleinement sur ses joues et sa bouche, le léchant avec passion. Le bel amant s’abaisse un peu plus, jusqu’à être quasiment couché sur le dos, se soumettant à la délicieuse tyrannie du pied de Fénice, le faisant passer partout sur son poitrail, son visage et sa bouche, servant sa plante et ses orteils d’une langue sensuelle, dans les moindres détails.
Fénice s’illumine d’un large sourire et d’un regard brûlant de désir, avide de fantasmes dont elle va pouvoir se régaler. Elle étend maintenant sans retenue ses pieds mutins à la peau sucrée, orteils relevés et provoquants, le deuxième peton agile de la voleuse s’étant joint au premier.
La petite maraudeuse pose lentement ses pieds sur le visage de Théo et le domine en ne retenant plus rien : elle tourne le visage de Théo en tous sens, piétine et passe lentement la plante, la fait rouler sur la langue du jeune homme, utilise ses orteils pour le contrôler et les lui faire lécher lentement un par un. Elle trouve le visage de Théo très beau lorsqu’il lui remet ainsi totalement son offrande.
A un moment, Théo relève légèrement le haut de son corps pour éviter de s’engourdir. Fénice fait alors un très beau geste. Elle place son pied sur le visage de Théo pour l’obliger à se coucher à nouveau, et une fois satisfaction obtenue, lui caresse lentement le visage et exige de se faire lécher. Elle marque ainsi qu’elle est reine et déesse.
–Tttt, Tttt, soumets-toi mon mignon. Je ne t’ai pas dit de te relever. Sers-moi bel esclave et lèche !
–Oui ma reine ! Régalez-vous lentement, je vous servirai jusqu’à votre entière satisfaction.
Fénice n’en peut plus. En même temps qu’elle se fait servir à satiété, elle amène les doigts de Théo sur son intimité. Le jeune scolastique caresse les lèvres humides de sa reine et fait ressortir doucement son petit bouton de rose. Il stimule lentement mais très régulièrement sa déesse en même temps qu’il lèche langoureusement ses pieds, dans cette position où elle peut tout à loisir lui caresser le visage ou lui ordonner de passer la langue selon son plaisir.
Le désir de Fénice d’être adorée comme une reine est très puissant. Elle sent une excitation irrépressible monter, embrasant son intimité profonde et jouit d’un premier orgasme. Le cri de la jeune voleuse est profond, long, réconfortant.
Fénice reste silencieuse quelques secondes. Théo sait à quoi elle pense et ce qu’elle ressent. Elle vient de se faire satisfaire, d’apaiser sa soif, mais son désir remonte plus puissamment en réalisant que ce n’était qu’un avant-goût. Avec un amant sans compromission comme l’est Théo, elle a l’occasion d’assouvir ses instincts pendant de longues heures.
Elle pose sur lui le regard charbonneux et velouté qu’il connaît bien. Sa respiration est haletante et remplie de désirs.
–Jusqu’où es-tu prêt à aller pour moi ? Acceptes-tu de me servir jusqu’à ma totale satisfaction ? Es-tu prêt à étancher ma soif et sais-tu qu’elle est inextinguible ?
–Oui ma reine ! Je serai à votre service pour faire monter lentement votre jouissance, aussi longtemps que vous l’aurez décidé. Soulagez toutes vos pulsions. Savourez autant que vous voudrez. Vous décidez entièrement du temps que chaque pratique va durer. Si vous souhaitez goûter un plaisir pendant des heures, je n’ai pas à le discuter, mais à vous servir tant que vous ne m’aurez pas dit d’arrêter.
Vous décidez également de l’intensité de vos fantasmes. Si vos désirs sont dévorants, je dois me livrer en pâture à eux sans aucune retenue.
La belle voleuse pose sur Théo un irrésistible regard démoniaque.
Elle a besoin à présent de satisfaction immédiate. Elle se couche nonchalamment sur le dos, écarte impudiquement les cuisses soumet son jeune chevalier à de nouvelles épreuves :
–Lèche mon intimité, mes lèvres nacrées et mon bouton de rose. Sers-moi bien, je veux que tout soit centré sur mon désir.
–Avec plaisir ma déesse.
Bien que jeune, Théo n’était pas entièrement novice dans les jeux amoureux. Sa belle stature et son esprit lui avaient valu déjà l’amour de plusieurs belles. Il devait déjà avoir l’intuition de sa gnose sensuelle, car il avait découvert dans ses expériences précédentes l’infinie exploration de l’intimité de la femme servie à pleine langue.
Il aimait à offrir à sa belle ce qu’il appelait « l’orgasme lent » ou encore « l’offrande royale ». Il faisait monter progressivement, à petit feu, le plaisir de la femme par de petits coups de langue doux et réguliers, en même temps que ses doigts exploraient doucement vers le haut de l’intimité féminine, l’extrême sensibilité de ses chairs.
De nos jours, l’on aurait dit qu’il recherchait le point G d’une belle, ayant compris qu’il n’est pas situé en un endroit précis, qu’il ne se montre qu’à celui qui a la patience d’offrir, qu’il faut prendre son temps pour ressentir chaque tressaillement intime de la femme pour qu’il se débusque. Il sent que chaque parcelle de chair est tendue et excitée, attendant la jouissance ultime.
La femme à qui il fait cette offrande ressent un orgasme réparti et distillé lentement sur une heure entière, comme un plat savoureux dont on se délecterait lentement en goûtant chaque cuillerée. Au bout de ce plaisir très lent, tout le corps de la femme devient chaud, rosissant, saillant et excité au plus haut point. Puis le soulagement vient, beaucoup plus profond et intense que lors d’un orgasme simple.
Théo aime voir tout le corps d’une femme s’ébranler et jouir d’un plaisir volcanique après une séance très longue de délicieux léchage. Il connait la nature multiorgasmique des femmes et est fasciné par cette puissance de leur désir. L’une de ses pratiques préférées est de leur donner un orgasme lent par la langue, puis faire glisser son membre très dur peu de temps après, lorsque son intimité est encore hypersensible.
Ses douces jouissent alors plusieurs fois lorsqu’il est en elles. Puis, il se remet à les lécher lentement pour les faire monter à petit feu. Et alterne ainsi des offrandes royales à la langue avec de puissantes pénétrations sur une intimité sensible à l’extrême. Ce jeu délicieux peut durer des heures, parfois une nuit entière. En voyant une femme tressaillir de dizaines d’orgasmes, mouiller la couche de sa cyprine, il prend lui-même un immense plaisir, semble débusquer un secret qui satisfaisait cette âme belle.
–Mmmmm, oui, oui, encore, ne t’arrête pas. Oui là, exactement là,oui !
Fénice goûte pleinement le service de son chevalier, se pourlèche de l’orgasme lent à un point dont elle n’aurait jamais rêvé. Au bout d’un long temps où elle est montée à petit feu jusqu’à une excitation extrême, Théo sent toutes ses chairs et les pointes de ses seins se tendre. Il caresse sa belle plus fort et régulièrement. Fénice pousse alors un cri guttural, profond, animal, de jouissance extrême. Elle se soulage entièrement dans la bouche de son amant.
A peine rassasiée, elle le fait monter sur elle, amène son membre viril tendu à bloc au fond de son intimité rendue ultra-sensible et goûte pleinement la force de son chevalier.
–Mmmm, ne va pas t’imaginer que tu me domines jeune étudiant, tu restes à ma disposition et à mes pieds.
–Oui ma reine. Je me contrôle et retiens ma jouissance pour votre plaisir.
Fénice remonte ses jambes en ayant Théo pleinement en elle. Elle pose ses pieds sur les épaules du bel éphèbe, s’écartant pour l’accueillir au plus profond de son intimité.
Les pieds mutins de la jeune voleuse sont juste à côté du visage de Théo et de sa bouche. Fénice commence à lui taquiner le visage avec ses pieds relevés près de sa bouche, à lui tourner les joues et à les caresser de ses petons agiles.
Théo n’a pas à se demander longtemps quelle est l’exigence de sa reine. En même temps qu’il est en son intimité, il lui sert les pieds, orteil après orteil puis tout le long de la plante, servant pleinement son désir.
–Mmmmm, oui, encore. Tu es très beau lorsque tu faiscela.
Fénice le domine en maintenant sa tête avec la main, les cheveux agrippés fermement, le forçant à se plonger sur son pied, pour le lécher selon son plaisir.
–Oui, oui, ça vient ! Encore ! Sers-moi mon bel esclave !
L’intimité de Fénice, régalée après l’offrande royale, jouit de ce nouveau plaisir. Chaque caresse de Théo sur ses pieds monte directement à son intimité comme une vague irrépressible de plaisir, augmentée par l’épanouissement du membre de Théo au plus profond d’elle.
Fénice hurle à nouveau de plaisir après s’être fait servir et tressaille d’un orgasme puissant, mouillant sa couche de grandes giclées.
Le bel éphèbe et la sensuelle voleuse s’arrêtent un instant, haletants et rassasiés. Théo est à la fois dévoré de désir et effrayé de l’emprise de sa jeune déesse. L’adoration des pieds veloutés de Fénice n’est-elle pas une forme de sacrilège ?
–Ma belle voleuse, n’est-ce pas devant notre Seigneur seul qu’il est juste d’adorer à ce point ? J’adore te servir ainsi, mais j’ai l’impression d’être idolâtre !
–Allons, allons petit scolastique. N’es-tu pas pourtant un disciple d’Aristote ? A travers les beautés de la création, c’est l’esprit que tu adores. La matière est illuminée par le sens qui la fait flamboyer, la beauté s’incarne dans le terrestre, qui cherche à la chanter. Et ce soir, la beauté de la création c’est moi !, conclût-elle en riant !
Le jeune homme est ébranlé. L’enseignement des scolastiques a toujours suivi deux branches : celle des clercs et celle des magiciens. Théophile n’a jamais envisagé d’être voué à la prêtrise, c’est la connaissance qui l’attire et dont il a soif.
A son époque, foi et connaissance étaient confondues dans une seule institution, mais les deux types d’hommes s’y trouvaient. Maître Thomas d’Aquin lui-même n’a-t-il pas défendu que l’usage et l’exploration de la raison étaient une voie vers la foi ? C’est avant tout la vérité que recherche Théophile, avant l’obéissance à Dieu.
Les jeux érotiques qu’il pratique maintenant avec Fénice ont ceci de fascinant qu’ils lui font toucher une vérité de l’être. Il est poussé tout autant par le désir que par la révélation de la psyché, de l’éternité du jeu amoureux.
–Mais est-ce te rendre hommage ou est-ce m’abaisser ? Ce que tu me demandes me fascine, car c’est tout à la fois beau et avilissant.
–Seulement beau réplique Fénice. C’est une finesse que tu n’as pas, par manque d’expérience. Je fais une grande différence entre les jeux que je pratique avec de beaux étudiants tels que toi, bien faits, d’esprit élevé, de caractère ferme, et les pièges dans lesquels j’entraîne les soudards de la garde royale ou les puissants.
Je n’ai aucun mépris pour toi en te dominant : je te sais supérieur. Je trouve justement beau qu’un garçon magnifique en tous points accepte de descendre de sa supériorité pour me rendre hommage. Je ne ferais pas une telle chose avec un homme que je méprise. J’aime te savoir fort et intelligent, mais je trouve encore plus irrésistible que, malgré ce caractère élevé, tu aies une petite faille et que tu me la montres.
Fénice poursuit sa philosophie personnelle du jeu amoureux :
–Lorsqu’un tel homme me fait son offrande, il s’humilie mais paradoxalement se grandit, fait un très bel acte d’amour en me montrant ses failles qui l’élèvent et non l’abaissent. Au terme de son initiation, il a montré ses faiblesses mais est devenu plus fort encore, dans une relation vraie.
Lorsque je domine un homme que je méprise, un soudard ou un puissant du roi, c’est très différent. Je veux l’avilir, le rabaisser, faire que ce soit dégradant pour lui. Rien de tel avec toi. Il faut une grande finesse d’observation pour ressentir cela, car extérieurement les pratiques se ressemblent. Mais parce que le regard que je porte sur l’homme que je domine est différent, cela change tout. Lorsque je l’estime grandement, s’il accepte de s’humilier pour moi, j’y vois la belle offrande d’une âme noble et le message touchant qu’il aime tout de moi et veut mon bonheur même en me laissant assouvir mes fantasmes les plus noirs.
Tu as déjà lu des romans d’amour courtois n’est-ce pas ? En filigrane, sans jamais que cela soit dit, le chevalier fait la femme reine dans les jeux sexuels. Lorsque la belle met son chevalier à l’épreuve, il n’est pas dit que certains jeux consistent à ce qu’il montre tout de lui, adore tout de sa reine, et accepte de dévoiler sa faiblesse devant elle seule en se soumettant à ses pieds. L’épreuve n’amoindrit pas le chevalier, elle le sublime.
Théophile comprend le désir de la jeune femme et lui-même rêvait d’offrir un jour ce bel hommage, en remettant sa force et son intelligence qui en faisaient un caractère dominant, aux pieds d’une reine pour la célébrer et élever ainsi ses sentiments au plus haut point. Il n’y a plus de péché religieux d’idolâtrie, seulement une perception accrue et véridique du monde, des sens et des sentiments, une débauche à la gloire de la création dans laquelle le sacré et le profane se confondent, le noble et le vil n’existentplus.
Théophile a l’impression de participer au grand mystère de la création en se plongeant dans l’adoration de Fénice, d’en saisir une partie du secret, montrant comment la beauté du sentiment est victorieuse même de l’abaissement. En cela, Théophile est plus gnostique que chrétien, une croyance aristotélicienne dans les mystères de l’univers et dans la volonté de les percer coûte que coûte qui lui aurait valu le bûcher.
L’intimité de Fénice est encore en feu. Théo est encore bien raide et ferme : il n’a pas joui, entièrement au service de sa maîtresse. Il s’est promis de se contenir et de se contrôler, afin de la servir intégralement. Il éprouve lui-même une excitation et une jouissance bien plus forte que s’il s’était soulagé directement : Théo fait partie de ses âmes masculines fines ayant compris combien la jouissance sexuelle féminine est plus variée, profonde et intéressante que la mécanique éjaculation masculine. Il sait que l’homme supérieur ne prend du plaisir que parce que la femme en prend au plus haut point.
–Il te reste à me prouver que tu es pleinement mon chevalier servant, mon adorable étudiant.
Après cette pause érotico-philosophique, la voix rauque et irrésistible de la musardine emplit encore la chambre de son désir.
–Oui mon impératrice, mettez-moi à l’épreuve pour satisfaire toutes vos pulsions.
–Mets-toi sur ledos.
–Bien ma reine.
Théo ne croit pas si bien dire. Car Fénice entreprend maintenant ce que nous appelons aujourd’hui le « queening ». Elle s’installe à califourchon au-dessus du visage de Théo qui est couché sur le dos, posant sa toison intime sur sa bouche et s’asseyant dessus. Elle place ses mains sur le mur d’en face, afin de garder un appui. Fénice va et vient avec son bassin, sur la bouche et la langue de Théo, l’obligeant ainsi à la servir. Encastré entre ses cuisses, il doit obéir, sa langue n’étant plus qu’un jouet pour le plaisir de sa maîtresse.