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Jake est allé au bout de ce qu'il pouvait supporter de sa vie excessive, entouré de la folle énergie de la capitale où il vit. Dans un dernier recours de reprendre sa vie en main, il part vivre chez ses grands parents pendant un mois d'été. C'était sans compter Dylan, le voisin que tout semble lui opposer, mais qui lui offrira plus qu'une simple compagnie...
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Seitenzahl: 302
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Le temps d’un été, c’est tout ce qu’il faut
À mes lecteurs et lectrices qui me font vivre une incroyable aventure depuis plus de deux ans
À mes meilleur.es ami.es qui sont mes plus gros soutiens
À ma bêta lectrice qui a fait un travail remarquable
À ma famille qui est toujours de bon conseil
À Stray Kids, le compas dans la tempête
En espérant que cette lecture vous apporte apaisement et moments de joie, je vous souhaite un bel été en compagnie de « Le temps d’un été » !
Recommandations musicales :
Les albums Dream Machine et 2001 de Tokio Hotel
Les albums Meds et Loud Like Love de Placebo
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
«Tu es sûr que tu veux y aller ? »
Le jeune homme à la tignasse décolorée tourna la tête vers sa mère, ses mèches volant doucement autour de son crâne. Il cligna des yeux en remarquant l’air inquiet de sa mère, et sourit lorsqu’il croisa son regard.
« Oui maman. Tu l’as toi-même proposé, je trouve toujours que c’est une bonne idée. »
Alizée hocha la tête, mais elle semblait encore préoccupée. C’était la première fois que son fils partait loin d’elle aussi longtemps. Le temps d’un été, dans un environnement qui ne lui était pas du tout familier. Pourtant, il allait être bien plus en sécurité là où il allait séjourner. Mais elle avait l’habitude d’avoir son fils chez elle, quand il était là du moins.
« Je vais chez mamie et papi, je risque rien. Je vais pas me jeter sous une moissonneuse-batteuse. »
La taquinerie de son fils la fit rire avec lui. Après tout, ils l’avaient décidé ensemble. Son fils avait besoin d’air, d’un nouvel air. Il était à peine à l’âge adulte, il avait tout juste vingt-un ans. La vie ne semblait même plus lui apporter grand-chose. Comme s’il avait déjà tout vu, tout vécu, alors que sa mère le voyait toujours comme son petit garçon. Elle était peinée, elle s’en voulait et avait l’impression d’avoir loupé quelque chose. Son petit garçon avait vécu tant de choses qu’elle aurait aimé lui éviter, mais elle n’avait pu le retenir.
« Jake, tu m’appelles, hein ?
— Bien sûr maman, dès que j’arrive. »
Jake se leva du lit de sa chambre où il terminait de boucler sa valise pour prendre sa mère dans ses bras. Il était à peine plus grand qu’elle, mais il aimait sentir qu’il pouvait tout de même la protéger. C’était grâce à sa mère, grâce au lien qu’il avait tissé avec elle, qu’il avait réussi à se reprendre. Enfin, il espérait que cet été lui apporte vraiment ce renouveau qu’il cherchait.
« Et tu aides tes grands-parents. Ils sont très heureux de t’accueillir pendant ces vacances, mais tu dois aussi les aider.
— Oui, j’ai prévu ma meilleure salopette pour jouer au garçon des champs. »
Malgré l’amusement dont faisait preuve le garçon, sa mère savait qu’il était content de partir de la capitale cet été. Un mois pour se retrouver avec lui-même, profiter de la tranquillité de la campagne que ses grands-parents lui offraient. Ils savaient tous les deux que c’était un bon choix.
« Tu veux pas que je t’accompagne à la gare pour ton bus ? s’enquit-elle. »
Jake lâcha sa mère et lui adressa un nouveau sourire, en la sentant déjà fébrile.
« T’inquiète pas maman. Je vais prendre le métro, et je sais que t’aimes pas les au revoir sur les quais bondés de monde. Je voudrais pas que tu pleures en me voyant partir. »
Alizée donna une petite tape contre l’épaule de son fils qui éclata de rire. Mais ce dernier avait raison, et sa mère l’avait toujours regretté. Elle aurait aimé ne jamais avoir à pleurer devant lui.
« Allez, je finis ma valise et j’y vais. »
Sa mère le regarda se rasseoir devant sa valise pour la finir. Elle marcha lentement en arrière tout en regardant son fils, et malgré son inquiétude, elle sentit son cœur s’apaiser. Tous les tourments qui l’avait mené jusqu’ici allaient peut-être prendre fin grâce à cet été. Au moins, son fils le voulait autant qu’elle, alors la porte était ouverte pour un futur meilleur. Elle avait arrêté de rêver depuis que le père de Jake les avait laissés, depuis que son fils avait sombré dans une vie qu’elle aurait voulu lui épargner. Mais Jake était un garçon fort, elle n’en avait jamais douté, et l’espoir qu’elle plaçait en son futur brillait toujours. C’était un mois, pour tout changer.
Jake avait peu de souvenirs de la maison de ses grands-parents. Ils étaient les parents de sa mère, mais elle était partie de chez elle très tôt, et pas en très bon termes. Ce ne fut que lorsqu’elle accoucha de Jake qu’elle avait réussi à reprendre contact avec ses parents pour les inclure dans la vie de son fils. Jake se souvenait brièvement des quelques Noël où son père les avait conduit jusqu’au fin fond de la campagne, où des champs enneigés s’étalaient à perte de vue. Puis, son père était parti du jour au lendemain, et la vie de Jake avait pris un tout autre tournant, dans lequel ses grands-parents n’avaient pas été très inclus.
Il y avait eu des coups de fils, des messages et des lettres pour fêter les dates importantes. Noël, les anniversaires, la nouvelle année, lorsqu’il avait été diplômé de son lycée et accepté pour son cursus dans le digital. Jake n’avait pas vu ses grands-parents depuis ses neuf ans, plus de dix ans auparavant. Il était un peu stressé, il devait se l’avouer, mais il avait préféré offrir un sourire apaisé à sa mère lorsqu’il la salua sur le pas de la porte. Il avait refusé une énième fois qu’elle l’accompagne jusqu’au bus dans lequel il allait devoir regarder la civilisation disparaître au profit de la campagne pendant quatre bonnes heures, et il était parti avec son tote bag préféré et sa valise.
Un mois, c’était assez long. Il n’avait pas réussi à optimiser ses affaires, aussi il avait pris sa plus grosse valise. Il espérait arriver assez en avance pour qu’il reste de la place dans la soute du bus. Il sourit en arrivant dans le métro, les gens autour de lui allaient sûrement penser qu’il partait à l’aéroport pour profiter de son été comme n’importe quel étudiant le ferait, au bord de mer à écumer les bars et les clubs. Il n’eut pas le temps de faire plus attention aux autres, il en avait de toute façon perdu l’habitude. La musique qui résonnait dans ses Airpods se coupa subitement, lui signalant qu’on essayait de l’appeler.
«T’es pas déjà parti ?
— Salut May. »
Sa meilleure amie avait pensé à l’appeler. Cela le fit sourire à nouveau. Elle était la seule à qui il avait dit où il allait cet été. La seule qu’il pouvait considérer comme une vraie amie, une personne de confiance pour qui il était prêt à tout. Elle aussi, à l’instar de sa mère, pensait que c’était une bonne idée, de partir chez ses grands-parents cet été. Ils allaient se manquer, c’était la première fois depuis leur rencontre qu’ils seraient séparés aussi longtemps.
« Je suis dans le métro, là.
— Ok. T’auras du réseau chez tes grands-parents ?
— Demande pas l’impossible. »
Le rire de la jeune femme entraîna le sien, bien qu’il fut sérieux. Sa mère avait été incapable de la renseigner à ce sujet.
« Je sais juste que ma mère arrive à les appeler sur leur fixe.
— Ah ouais… Ils fonctionnent avec le fixe encore.
— Je te donnerai leur numéro si je vois que le portable passe pas.
— Tu vas faire une syncope mec. »
Jake était étrangement optimiste. Après tout, il avait spécialement choisi cette destination pour cette raison. Loin du monde, loin de tout, loin des réseaux. Il allait avoir du mal s’il ne pouvait pas contacter au moins sa mère et sa meilleure amie, mais c’était le prix qu’il était prêt à payer.
« T’as emmené de quoi t’occuper quand même ? Tes grands-parents aiment bien les jeux de société ?
— On va pas faire des jeux de société pendant un mois. Je vais les aider avec leurs tâches quotidiennes, et ma grand-mère a dit à ma mère qu’il y a des jeunes de mon âge dans le coin. Avec un bourg pas loin.
— J’ai vraiment trop hâte que tu me racontes. »
Jake aussi, avait hâte autant qu‘il était inquiet. Il n’avait aucune idée de ce qui résulterait de ces vacances. Il les prenait plutôt comme une remise en question de sa vie entière, mais il était content de prendre un peu d’air. Un air nouveau.
« Tu vas me manquer. »
Il sentit sa gorge se serrer. En fait, ça l’effrayait quand même un peu.
«Toi aussi. Tu sais que je suis dispo h24 si t’as besoin.
— Je sais. Mais profite de ton été toi aussi. Ne pense plus à moi.
— Impossible. Je vais profiter de mon été, mais je penserai à toi. Toi aussi, pense à toi.
— C’est fait pour.
— Je suis désolée que tu te sois senti obligé d’en arriver là. Je t’aime fort Jake. »
Jake soupira doucement en regardant l’arrêt du métro. Il était presque arrivé à la gare.
« Moi aussi May, je t’aime. Et merci. »
Il salua sa meilleure amie avant de raccrocher, et relança sa musique en poussant un nouveau soupir. Il garda son portable en main, replaça son sac sur épaule, et saisit la poignée de sa valise, prêt à sortir du métro. Son regard déterminé n’aurait jamais pu laisser paraître l’angoisse qui saisissait son ventre à cet instant. Pourtant, il était bien décidé, heureux même de revoir ses grands-parents, malgré tout ce qui avait pu se passer. L’eau avait coulé sous les ponts, et sa mère elle-même lui avait proposé cette solution. Ses grands-parents et sa mère avaient eu leurs différends, elle aurait sûrement dû écouter ses parents un peu plus et être plus attentive envers son fils, parce qu’elle s’était toujours interdite d’être envahissante. Mais Jake aimait sa mère du plus profond de son cœur, et il lui en était reconnaissant de l’avoir aidé à trouver cette échappatoire, au moins le temps de quelques semaines.
Il faisait déjà chaud dans la capitale. Le mois de juillet était presque fini, Jake espérait qu’il ferait moins chaud chez ses grands-parents, même si c’était rarement le cas en campagne. Ils n’habitaient pas en bord de mer, s’il faisait chaud, ce serait sans doute étouffant.
Il avait réussi à arriver un peu en avance au terminal de son bus. Le véhicule venait tout juste d’arriver. Quelques passagers faisaient déjà scanner leurs billets avant de ranger leurs bagages dans la soute. Jake s’arrêta à quelques mètres du bus, son cœur résonnant soudainement dans ses oreilles, couvrant presque la musique. C’était là, à quelques enjambées de lui. Cela paraissait si anodin, et pourtant il savait mieux que quiconque que ce serait le plus grand changement de sa vie. Après le départ de son père.
« Allez… »
Jake prit une longue inspiration en serrant la lanière de son tote bag, et il souffla en se décidant enfin à accéder au bus. Ainsi commencerait pour sa grande aventure. Un mois coupé du monde à la campagne. Vivre chez ses grands-parents à vingt-et-un ans, ça ne faisait rêver personne. Jake non plus. Encore aujourd’hui ce n’était pas ce qu’il allait appeler ses meilleures vacances. Mais il en avait besoin, et peut-être qu’il se remettrait enfin à rêver, au lieu de subir ses interminables insomnies les soirs où il ne sortait pas.
« Bonjour, votre billet s’il vous plaît. »
Jake déverrouilla son portable pour retrouver son billet électronique, et le chauffer le scanna avant de l’inviter à déposer sa valise. Elle était assez lourde, pour un mois -et heureusement que ses grands-parents avaient un lave-linge-, et puisqu’il n’était pas féru de sport, il dut s’y prendre à deux fois pour réussir à la faire glisser dans la soute. Il était le seul pour le moment à avoir un aussi gros bagage. Qui aurait envie d’aller se terrer au fin fond de la campagne pendant un mois, en plein été ?
Au fond de son sac, il récupéra son vieux paquet de cigarettes. Il n’en restait plus qu’une. Depuis que Jake avait pris la décision de changer son mode de vie, il avait essayé d’arrêter de fumer. Il en avait laissé une dernière, une semaine plus tôt, lorsqu’il avait vu son paquet arriver à sa fin. Une dernière cigarette, sur le quai de son bus, avant de quitter la capitale et sa vie d’étudiant débauché. Ça le fit sourire, et il regarda le bâtonnet de nicotine avec amusement avant de le coincer entre ses lèvres et de l’allumer.
La sensation de nicotine n’avait toujours pas quitté son corps. Il y était habitué, il fumait depuis ses quinze ans, d’abord en cachette de sa mère. Cette dernière n’avait jamais réussi à lui interdire. Parfois, par défi avec sa meilleure amie, il avait essayé de faire des pauses, sans succès. Une semaine, c’était généralement son record. Il ressentait déjà le manque, et alors qu’il tirait une bouffée, il se demanda s’il allait tenir. Comment allait se faire ressentir le manque ? Il n’y avait pas que la cigarette qui allait lui manquer, il tentait le tout pour le tout.
Les derniers passagers arrivaient. Lorsqu'il tira sur la dernière bouffée qui annonça la fin de sa dernière cigarette, il soupira longuement avant de la jeter dans le cendrier prévu à cet effet. Ses yeux se perdirent quelques secondes sur le monticule de mégots, et il sentit son cœur palpiter doucement. C’était symbolique, il eut l’impression de jeter sa vie passée en même temps. Jake savait qu’il ne tenait qu’à lui de changer les choses, de devenir une meilleure personne, de faire les bons efforts et les bons choix. Mais Jake avait encore l’adolescent en lui, celui perdu, sans repère, qui avait préféré goûter à une vie sans règles et sans restrictions jusqu’à en abuser. Jake n’en voulait plus de cette vie, il était encore assez jeune pour renverser la tendance. C’était pour cela qu’il partait, se donner une nouvelle chance pour faire de sa vie un meilleur endroit pour lui. Une vie dont il serait heureux et fier.
« Le bus va partir ! »
La voix du chauffeur le tira de ses pensées, et il regarda une dernière fois le cendrier avant de faire marche arrière, vers le bus qui avait démarré. Il vérifia sa place sur son billet en montant dans le véhicule, et il remercia sa bonne étoile quand il vit qu’elle était près de la fenêtre, sans personne à côté de lui. Le bus n’était pas plein, ce n’était pas la destination de rêve pour un été. Mais malgré tout, Jake en était content. En s’asseyant, il reprit son portable pour envoyer un message à sa mère, et sa rapide réponse le fit sourire à nouveau.
« On attache sa ceinture, et c’est parti. »
Les portes du bus se fermèrent, coupant les passagers de la chaleur déjà bien présente à l’extérieur. Le bus avait une petite climatisation, c’était agréable. Jake n’allait pas se plaindre pour ces quatre heures de voyage. Le véhicule trembla légèrement lors de sa marche arrière, et Jake regarda les bâtiments de la gare défiler par la fenêtre.
« Je pars… »
Son souffle s’égara contre la vitre. Il partait, enfin, pas de retour possible. Même si sa mère le lui avait demandé x fois, même si sa meilleure amie lui avait proposé de l’accompagner. Jake était parti, et pour une fois, il avait hâte de découvrir l’homme qu’il allait devenir après un mois d’été.
Le trajet fut assez long. Cela lui paraissait en tout cas bien plus long qu’à l’époque où son père les conduisait. Sans doute que les arrêts fréquents pour déposer certains passagers n’aidaient pas. Mais Jake ne s’en plaignit pas. Il resta sagement à sa place, se contentant d’une simple pause pour aller aux toilettes lorsque le bus s’arrêta à la gare de la dernière ville avant son arrivée. Le bus le déposait dans le petit bourg adjacent à la campagne où vivaient ses grands-parents. C’était son grand-père qui venait le chercher, et c’était déjà suffisant pour stresser l’étudiant. Il n’avait pas vu ses grands-parents depuis douze ans, il ne savait même plus vraiment à quoi ils ressemblaient.
Jake remercia le chauffeur qui l’aida à sortir sa grosse valise de la soute, lorsqu’il fut arrivé. Ils n’étaient que deux à s’arrêter à ce petit village de campagne, si peu peuplé alors qu’il était déjà dans le centre. Cependant, il s’étonna de le trouver assez vivant, en plein milieu de l’après-midi.
« Si vous n’avez rien oublié, je repars. Bon séjour. »
Jake se tourna pour voir le chauffeur remonter dans son véhicule. Il vérifia qu’il avait toutes ses affaires, et regarda avec un drôle de sentiment le bus partir. L’autre passagère partit sans demander son reste, laissant Jake suivre le départ du bus du regard, seul sur le trottoir qui servait de quai. Il n’y avait plus de retour en arrière possible, maintenant qu’il était arrivé. C’était étrange, lui qui avait toujours vécu comme s’il y n’y avait pas de lendemain, sans se soucier d’un quelconque retour, il sentit son cœur se serrer. Sa mère et sa meilleure amie lui manquaient déjà, mais une partie de lui était heureuse d’être arrivée.
« Jake ! »
Il sursauta presque en entendant une voix l’apostropher. Il se tourna pour saisir sa provenance, et il découvrit une vieille voiture pourtant très bien entretenue sur un parking en face. Un homme qui devait s’approcher des quatre-vingt ans lui faisait signe de la main, et Jake reconnut son grand-père. Il avait vieilli, effectivement, mais Jake n’eut pas de mal à recoller les souvenirs de son enfance. C’était le même visage un peu fermé, qu’un regard calme adoucissait. Ses cheveux étaient juste devenus tout blanc, et ses rides avaient gagné du terrain. Mais Jake avait de bons souvenirs avec ses grands-parents, même si son grand-père l’avait effrayé au début.
« Viens mon garçon. »
Il sourit à son grand-père en tirant sa valise derrière lui. Il le rejoignit sur le parking, peu sûr de la façon dont il devait le saluer.
« T’as bien grandi, fiston. Tu ressembles à ta mère. »
La remarque sonna comme un compliment pour lui. Il préférait ça que de ressembler à son père.
« Merci papi. Tu fais encore tout jeune. »
Son grand-père rit doucement, un son assez rauque qui prouvait son âge avancé.
« Dis pas de bêtise. Va mettre ta valise dans le coffre, ta grand-mère nous attend. Elle a fait un gâteau aux abricots. »
C’était le préféré de sa mère. Le sien aussi, puisqu’à chaque fois qu’ils étaient venus chez eux, sa grand-mère cuisinait ce fameux gâteau à l’amande et aux abricots. Jake sentit quelque chose de doux réchauffer son ventre. Ses grands-parents étaient heureux de l’accueillir cet été, il se sentit rassuré d’avoir pris cette décision. Dehors, il entendait déjà les grillons le saluer. Il était bien en pleine campagne.
« C’est gentil de sa part, remercia Jake lorsqu’il eut réussi à ranger sa valise dans le coffre. »
Il s’assit à côté de son grand-père dans la belle voiture qui semblait presque neuve. Elle sentait le propre, Jake fut presque étonné.
« Elle est belle ta voiture, c’est une ancienne pourtant, je me trompe pas ? »
Son grand-père lui jeta un regard amusé en démarrant le véhicule.
« Tu t’en souviens pas ? »
Jake secoua la tête en répondant à son regard. Son grand-père prit la route pour sortir du parking, ils avaient encore quelques minutes de trajet.
« Elle était un peu poussiéreuse quand t’étais gamin, elle avait pas été retapée depuis que je l’avais achetée, dans les années soixante-dix.
— Elle a cinquante ans ?
— C’est une Chevrolet El Camino. On l’a acheté avec Jeannette avant l’arrivée de ta mère.
— Oh, je me souviens, c’est la même voiture que dans Breaking Bad. »
Son grand père lui jeta un regard mi-confus mi septique, qui fit rire Jake.
« Vas-y doucement avec tes trucs de jeune génération…
— C’est une série qui a eu beaucoup de succès, un des personnages principaux l’a en noir et rouge.
— Je la préfère en bronze. »
Jake sourit en regardant la route défiler devant eux. Cette couleur allait bien à la campagne dans laquelle ils avançaient. Peu à peu, Jake sentit vraiment toute civilisation s’évaporer.
« Tu l’as retapée, du coup ? reprit Jake pour continuer la conversation. »
Il faisait chaud, aussi il avait ouvert la fenêtre, le vent jouant dans ses cheveux décolorés.
« Le petit-fils du voisin m’a aidé. Je sais pas si tu te souviens d’Emilien ? »
Jake secoua la tête, il avait déjà du mal à se souvenir de la maison où il allait vivre pendant un mois.
« Cette tête de mule qui vit avec sa femme à vingt mètres de chez nous. Son petit-fils est venu vivre avec eux pour les aider dans le travail des champs et de la ferme. Ce gamin est passionné de voitures anciennes, il m’a aidé à la remettre comme neuve. »
Jake tiqua à la mention du « gamin » .
« Y’a un autre jeune de mon âge ? s’enquit-il. »
Il vit son grand-père hocher la tête.
« Il s’appelle Dylan. Il est arrivé y’a cinq ou six ans je crois. Un chouette gosse, il nous aide aussi de temps en temps. Tu le verras sans doute, ça fera un jeune de ton âge. Tu t’ennuieras pas trop. »
Jake ne put retenir son sourire, à la fois amusé et touché que son grand-père y pense.
« T’inquiète pas… Je suis venu justement pour profiter de la campagne.
— Y’a pas grand-chose à faire l’été, fiston. On a été surpris avec Jeannette, du coup de fil de ta mère. Mais tu es le bienvenu, on est content de te voir.
— Moi aussi, souffla Jake. »
Il reporta son regard sur les champs de blé qui s’étendaient à l’infini de chaque côté de la voiture. Son grand-père semblait comprendre que c’était plus qu’une visite de courtoisie, pas simplement une envie de passer des vacances à la campagne, mais il n’allait pas le forcer à en parler.
« Comment va Alizée ? Elle me paraissait un peu fatiguée au téléphone. »
Jake fit la moue. Il était sans doute la raison de cette fatigue, rien n’avait été très reposant depuis le départ de son père.
« Elle l’est. Mais elle tient bon, c’est une femme forte. Elle était contente que je veuille passer l’été ici.
— J’espère qu’elle profitera de son été pour se reposer aussi… »
Les relations étaient un peu étranges entre sa mère et ses parents. Jake savait qu’elle avait fui le pensionnat de son lycée pour aller vivre chez sa tante dans la capitale. Elle avait toujours eu une relation un peu conflictuelle avec ses parents, et son mariage suivi de la naissance de son fils n’avaient été que des couvertures. Peut-être qu’un jour, sa mère mettrait elle-même les choses à plat avec ses parents.
« On arrive. »
Après une vingtaine de minutes de route, la voiture s’engagea dans un petit quartier composé de quelques grandes maisons, toutes reliées à des granges. Elles étaient assez éloignées, et son grand-père s’arrêta devant un vieux hangar, entre deux maisons plus rapprochées. Alors Jake se rappela, la maison de ses grands-parents, et leurs voisins qu’ils connaissaient depuis leur emménagement ici.
« Et voilà fiston. Tes vacances commencent. »
Jake se pencha légèrement pour pouvoir regarder la maison de ses grands-parents. C’était une belle maison ancienne, protégée d’un toit de chaume et érigée de vieilles pierres qui gardaient bien la fraîcheur. Elle était entourée d’un grand jardin d’où il vit sortir deux poules, et il sourit. Ça n’avait rien à voir avec tout ce qu’il avait vécu jusqu’à présent, ce qui le rendit encore plus satisfait de sa décision. Ici, il allait vraiment pouvoir reprendre sa vie à zéro.
« Jake ! Quel bonheur de te voir, entre mon garçon ! »
Jake sourit à sa grand-mère en tirant sa valise derrière lui. Il avait refusé que son grand-père l’aide, bien que celui eut remarqué qu’il avait déjà du mal à la sortir du coffre. C’était déjà un miracle qu’elle soit rentrée dans la voiture, Jake avait hâte de la poser dans sa chambre et ne pas y toucher pendant un mois.
« Bonjour mamie, je suis content de te voir aussi. Vous m’aviez beaucoup manqué. »
Ce n’était pas un mensonge. Jake était un garçon honnête, c’était une des rares qualités dont il pouvait se vanter, selon lui. Enfant, il avait apprécié les moments passés avec ses grands-parents. Il aurait aimé les avoir dans sa vie pendant son adolescence, mais jamais il ne blâmerait sa mère pour ça. La vie était faite ainsi, et maintenant qu’il avait l’âge pour la prendre en main, il se décidait enfin à le faire.
« Tu as fait bon voyage ? Tu dois être fatigué avec toute cette route et la chaleur.
— Ça va, j’ai retrouvé un peu d’énergie en voyant papi. »
Son grand-père les suivait sur la petite allée de pierre qui traversait une entrée verdoyante. Jake se souvenait que derrière la maison, le jardin qui la contournait donnait sur un grand verger. Les pommes et les poires devaient être mûres.
« Mais quand-même, reprit sa grand-mère en ouvrant la porte de la maison. La vieille femme était un peu courbée, signe du temps qui avait passé et de la vieillesse qui l’atteignait petit à petit. Mais elle rayonnait, son sourire illuminait son visage tanné par le soleil. Quelle idée de venir passer ton mois d’août chez tes grands-parents, à ton âge… »
Jake sentait qu’il ne dérangeait pas, jusqu’à maintenant. Ses grands-parents semblaient vraiment heureux de l’accueillir. Ils étaient juste étonnés, ce qu’il comprenait.
« J’avais besoin d’air, répondit-il simplement.
— Le bord de mer, c’est plus chouette pour un jeune adulte comme toi. Tu es sûr de ne pas vouloir passer tes vacances avec tes amis ? »
Jake regarda l’entrée dans laquelle il s’avança. Elle était faite en bois, un ajout à la maison qui lui donnait plus de charme. Jake commençait déjà à voir des outils posés ci et là, il devait tenir son désordre de ses grands-parents.
« Je t’assure mamie, je suis vraiment content d’être ici. »
Il adressa un sourire sincère à sa grand-mère qui lui répondit sur le même ton. Jake trouvait sa grand-mère très jolie, elle ressemblait à sa mère. Enfin, sa mère lui ressemblait. Leur sourire en disait toujours long, c’était de famille.
« Tu vas dormir à l’étage, tu veux pas que je t’aide à monter ta valise ? »
Jake regarda son bagage avant de discerner l’escalier qui montait, entre l’entrée et le salon. Il fit la moue, mais secoua néanmoins la tête.
« T’inquiète pas papi, ça va aller.
— Je t’ai vu avoir du mal à la sortir du coffre. Grandir en ville ne t’a pas aidé à te muscler.
— Maurice ! »
Malgré la pique, quelque peu méritée, Jake ne put retenir son rire.
« C’est vrai, répliqua-t-il alors que sa grand-mère fronçait les sourcils auprès de son mari, mais je veux pas que tu te casses le dos.
— Hé, qui entretient la ferme et les champs à ton avis ? »
Le rire du plus jeune redoubla, mais ses grands-parents ne furent pas d’humeur à commencer une querelle. Ils semblaient plutôt soulagés de voir leur petit-fils heureux, du moins, c’était ce que son rire traduisait.
« Je pense que t’es plus musclé que moi, avoua Jake en se calmant, mais quand même. La valise est lourde, mais j’y arriverai.
— On peut demander à Dylan de t’aider, sinon. »
Jake secoua la tête. Il en allait de sa fierté d’homme quand même, il n’allait pas demander de l’aide à un garçon de son âge pour l’aider à monter une simple valise. Il devait assumer, c’était sa faute d’avoir emmené autant de choses. C’était un comble, sa meilleure amie lui disait souvent qu’il voyageait trop chargé.
« Je vais la laisser là pour le moment, conclut-il. Et je veux bien me laver les mains.
— Bien sûr mon grand, viens. »
Sa grand-mère avait dû se dire que son petit-fils ne se souvenait pas de toute la maison. En longeant l’escalier qui menait à l’étage, ils arrivèrent dans le salon. Jake avait quelques souvenirs, surtout le rez-de-chaussée où il avait passé beaucoup de temps quand il venait. Deux grands canapés et un fauteuil entouraient une table basse en vieux bois, juste à côté d’une cheminée inutilisée. Un grand vaisselier coupait le coin salon de la table à manger, où trônaient déjà un plat garni. À l’odeur, Jake reconnut la tarte à l’abricot. Les murs étaient décorés de peintures et photos en tout genre, c’était une belle maison remplie de souvenirs choyés par leurs propriétaires.
« Tiens, tu peux te laver les mains dans la cuisine. »
Jake suivit sa grand-mère par la porte ouverte qui donnait sur la cuisine. Il avait surtout le souvenir qu’il avait adoré la cuisine de sa grand-mère. Elle ressemblait aux cuisines des magazines anciens, richement équipée et aux couleurs vintages. Jake sourit en regardant le calendrier suspendu au-dessus de l’évier pendant qu’il se lavait les mains. La date du jour était entourée d’un gros feutre rouge, et l’écriture tremblante de sa grand-mère avait écrit son prénom en gros. Il se sentait accueilli, ça lui faisait du bien.
« Maurice et moi dormons au rez-de-chaussée, lui rappela sa grand-mère lorsqu’ils revinrent dans l’espace à vivre. Tu as ta chambre et ta salle de bain à l’étage.
— Juste à côté de la chambre de ta mère. »
Jake s’était demandé si ses grands-parents avaient touché à la chambre de leur fille ou non, depuis son départ. Il ne sentait pas légitime de leur poser la question, il aurait la réponse par lui-même très vite.
« Installe-toi Jake, tu as faim ?
— Oui mamie, ta tarte me donne très envie. »
Jake s’assit à une des chaises libres. Son grand-père s’était assis en bout de table, et sa grand-mère prit place en face de lui en leur servant des parts.
« J’ai essayé de la faire refroidir le temps que tu arrives, pour qu’elle ne soit pas trop chaude.
— Elle a l’air délicieuse, merci mamie. »
Jake avait faim après ce long trajet. Sa mère n’était pas une grande cuisinière, et lui non plus. L’étudiant avait pris la mauvaise habitude des plats déjà préparés ou de commander à livrer directement. Cela faisait longtemps que Jake n’avait pas dégusté des bons repas fait maison, et il se souvenait de sa grand-mère comme d’une bonne cuisinière. Avec le potager et le verger, il ne doutait pas que tous leurs repas seraient bien frais. Un vrai dépaysement.
« Alors mon grand, reprit Jeannette lorsqu’ils furent tous servis, raconte-moi un peu. Alizée nous a dit que tu étais dans une école ? »
Après une première bouchée qui lui soutira un petit son de satisfaction, Jake hocha la tête. Il déglutit avant de répondre.
« J‘étudies dans le digital.
— Mmh, il va falloir être plus précis mon grand, rit sa grand-mère. »
Jake rit avec elle, et il prit une autre bouchée.
« C’est tout ce qui touche au web et au numérique.
— Internet ?
— En gros, oui.
— Et ça te fait travailler dans quoi, ça ? »
Jake ne prit pas la demande de son grand-père personnellement. C’était de leur génération, s’assurer qu’on avait un but derrière ce qu’on faisait, qu’un métier nous attendait après tout cet argent et ce temps dépensés.
« Dans la communication, par exemple… Travailler dans une entreprise, ou une agence qui aide une entreprise à communiquer auprès de ses salariés, ou à leurs clients.
— Ça a l’air très intéressant, ça te plait ? »
Sa grand-mère était toujours plus douce, Jake s’amusa à penser que sa mère était vraiment un mélange de ses deux parents.
« Oui… C’est cool. »
Il ne voyait pas trop l’intérêt de s’étendre sur ses études, ses grands-parents n’allaient pas y comprendre grand-chose.
« J’étais en stage jusqu’à la semaine dernière, c’est pour ça…
— Oui, ta mère nous a un peu appelé au dernier moment, mais on était ravis !
— Aussi étrange que ça puisse paraître… Tu peux profiter de ton mois ici, fiston. »
Le sourire de Jake se voulut reconnaissant. Il avait pris sa décision du jour au lendemain. Un jour de trop, une soirée de trop, Jake n’en pouvait plus.
« Tu reprends les cours quand ? s’enquit sa grand-mère.
— Mi-septembre.
— Tu auras un peu de temps en rentrant alors.
— Oui… Mais je suis content, d’être ici. »
Jake n’avait pas encore envie de penser au retour. Il savait que seules sa mère et sa meilleure amie lui manqueraient.
« D’ailleurs… Je me demandais, vous avez du réseau ici ? »
Ses grands-parents se regardèrent, et Jeannette sembla se rappeler, sa bouche s’ouvrant sur une onomatopée muette.
« Ah oui ! Dylan m’a aidé à comprendre un peu. Tu peux utiliser ton smartphone et ton ordinateur ici. Dylan nous a installé la box l’année dernière. »
Jake ne put retenir son sourire amusé. Perdus en plein milieu de la campagne, c’était déjà un grand pas technologique qu’ils soient équipés de wifi.
« Super… C’est juste pour appeler maman, et parler à ma meilleure amie…
— Mais tu as raison mon grand. On ne va pas te forcer à récolter les fruits tous les jours. »
Jake rit avec elle, puis il regarda son grand-père.
« Si je peux t’aider… Je suis pas très musclé, mais y’a bien des choses que je peux faire. »
Maurice hocha la tête, alors que sa femme se levait pour débarrasser leurs assiettes vides.
« Attends mamie, je peux-
— Non Jake, reste assis. On a un lave-vaisselle tu sais. »
Elle adressa un petit clin d’œil à son petit-fils qui se rassit. Son grand-père l’interpella.
« Je n’ai pas trop eu le temps de ranger la cabane à outils avant cet été. Et il y a eu beaucoup de fruits dans les arbres, tu pourras aider un peu. »
Jake hocha la tête, content de pouvoir être un peu utile à ses grands-parents.
« Tu as ton permis Jake ? »
Sa grand-mère revenait avec une grande bouteille de citronnade maison. Jake n’était pas contre une bonne boisson fraîche.
« Non, entre les bus, le métro et le taxi… J’ai jamais eu envie de le passer.
— Ah, la ville…
— Il n’en a pas besoin à la capitale, Maurice. À quoi bon ? »
Son grand-père secoua néanmoins la tête d’un air dépité, faisant rire Jake.
« Dylan a son permis, il pourra t’emmener dans le petit bourg d’à côté si vous voulez faire des sorties.
— Il y a les vélos aussi, rappela Maurice.
— J’aime faire du vélo ! »
C’était un des rares sports que l’étudiant appréciait. Parfois, en sortant du campus, lui et sa meilleure amie prenaient un vélo en libre-service pour se rendre à leur fast-food préféré.
« Il faudra sûrement le graisser un peu, le vélo de la grange.
— Dylan pourra aider. »
Jake commençait à être curieux, de ce garçon que ses grands-parents avaient mentionné plus de fois que leur propre fille.
« Ce… Dylan… Papi m’a dit qu’il était le petit-fils du voisin ?
— Oui ! répondit sa grand-mère en leur servant un verre de limonade. C’est le petit-fils d’Anne et Emilien, la maison la plus proche que tu trouveras ici. Il est adorable, il nous aide beaucoup aussi. Vraiment un chouette garçon, je n’aime pas qu’il en fasse autant, mais il ne nous laisse parfois pas le choix…
— Comment tu crois qu’on a réparé le toit de la grange ? »
Jeannette rit doucement, et Jake prit son verre, songeur. D’un côté, c’était agréable qu’il ait quand même un garçon de son âge. Il ne le connaissait pas, et malheureusement il avait quand même appris à se méfier des autres. Il risquait d’y avoir un gros choc des cultures, si Dylan vivait ici depuis cinq ans.
« On pourra organiser un dîner avec Anne, Emilien et Dylan, reprit sa grand-mère, guillerette. Tu verras, ils sont très amusants. On n’a plus l’âge pour sortir en discothèque, mais on sait se divertir ! »
Jake rit avec sa grand-mère.
« J’ai pas besoin de discothèque, mamie. Je suis ici justement parce que j’en veux plus.