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En juin 1944, alors que la France se libère, Thom, étranger au Village-sur-Loire, est accusé à tort de collaboration pour avoir secouru des réfugiés et perturbé le marché noir. Pris dans un tissu de mensonges, il se trouve plongé au cœur d’une machination où haines et rancœurs se déchaînent. Enfermé dans un univers hostile, Thom devra non seulement prouver son innocence, mais aussi défendre sa vision de l’humanité face à un juge implacable. Un roman poignant sur l’exclusion, la justice et l’engagement dans le tourbillon de la Libération.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Hervé Féat, auteur à l'écriture fluide, s’aide des mots pour partager sa vision du monde. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages à succès, dont Été 62, publié en 2022, préfacé par Boualem Sansal, et Achille, la promesse du pirate, lauréat du Prix jeunesse au Salon du livre insulaire d’Ouessant en 2017.
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Seitenzahl: 153
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Hervé Féat
Le village
Roman
© Lys Bleu Éditions – Hervé Féat
ISBN : 979-10-422-5407-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Un homme est fait de choix et de circonstances.
Personne n’a de pouvoir sur les circonstances, mais chacun en a sur ses choix.
Eric-Emmanuel Schmitt
Longtemps j’ai été intrigué par ce dossier ocre lié par une simple ficelle.
— Dis, papa, qu’est-ce qu’il y a dedans ?
Je le désignais, placé entre deux gros classeurs de couleur, au niveau supérieur du placard.
— Ce sont des écrits de ton oncle Thom.
— Celui qui est mort avant ma naissance ?
— Oui. Et ce dossier, il ne faut pas y toucher.
— Pourquoi ?
— Il contient des choses qui ne concernent pas un enfant de 11 ans.
— Quel genre de choses ?
— Des évènements graves. De la guerre.
Cette scène se passait en 1961 à Dijon. La guerre d’Algérie faisait rage. En avril, le putsch des généraux avait échoué et l’Organisation de l’armée secrète fomentait des attentats en Algérie, mais aussi en France métropolitaine. Les militaires, divisés par cette tragédie, étaient surveillés par le pouvoir gaulliste, en particulier ceux qui avaient servi en Algérie. C’était le cas de mon père, Martin.
Ce dossier m’intriguait. Avait-il un lien avec ces évènements ?
Un jour, en l’absence de mes parents, j’approchai un escabeau et avec précaution, je descendis le dossier et l’ouvris. Je m’attendais à trouver des documents frappés de la mention « top secret ». J’y trouvai un cahier d’écolier couvert d’une écriture appliquée. Des feuillets volants de doubles carbonés. Déçu, je parcourus quelques pages et relevai les mots Résistance, Secours national et Collaboration. Si je les avais déjà entendus, ils ne m’évoquaient que peu de chose.
Des années passèrent. Nous avions déménagé et ce dossier avait disparu de ma vue, enfoui dans le bureau que mon père avait aménagé dans le grenier. Au fil des conversations, il avait évoqué, par bribes, l’aventure de son frère. Rien qui ne permettait de la reconstituer. J’en retenais qu’il avait récupéré ces documents à la mort de son frère et qu’il y avait ajouté quelques notes personnelles.
Mon père disparut. Ma mère le suivit deux décennies plus tard. La maison dut être vendue. En triant les documents accumulés de nombreuses années durant, je tombai sur une chemise en carton de couleur ocre. Le dossier !
Bien précieux, je le rangeai avec les objets à emporter chez moi, décidé à en découvrir le secret si jalousement gardé.
Bien plus tard, à l’occasion d’un rangement, je le mis en évidence, décidé à prendre connaissance de son contenu et, me souvenant du mot de mon père, trouver ce qu’il renfermait de grave. Immédiatement je fus absorbé par cette trentaine de pages : c’était le cri d’un homme diminué par la maladie, victime de la haine et de l’injustice. Ce récit me bouleversa tellement que je vais tenter de vous en raconter l’histoire.
Thom se redressa avec peine. Le lit de camp grinça sous son poids. Les hommes dormaient encore et un froid de gueux régnait dans la pièce. Il ajouta une bûche sur les braises encore rougeoyantes. Après avoir enfilé sa canadienne, il se rallongea les bras sous la nuque.
Dix jours. Déjà dix longs jours qu’il était enfermé avec ses compagnons d’infortune. Une dizaine d’hommes, prostrés, rêveurs, anxieux, instables. Rongés par l’inquiétude ou l’incompréhension. Il y avait là un médecin soupçonné de pratique d’avortements clandestins en rapport avec ce que l’on appelait la « collaboration horizontale » avec les troupes allemandes. Un grossiste en produits alimentaires accusé de stocker des marchandises destinées au marché noir. Un Breton, comptable dans une entreprise qui aurait collaboré et un ancien légionnaire, anarchiste, qui clamait haut et fort son dégoût pour les nouveaux maîtres de la France libérée et avait évité de justesse une exécution sommaire.
Calmement, Thom essayait de se remémorer le déroulement de ces derniers mois. En juin 1944 le débarquement allié avait donné le signal de la libération de la France. Les réseaux de Maquisards sortaient de clandestinité. Les Résistants de la première heure, qui s’étaient opposés aux nazis dès l’invasion de la France en juin 1940, avaient largement contribué au débarquement des troupes alliées. D’autres, qualifiés de résistants de la 25e heure, s’étaient découvert une âme de combattants à l’arrivée des Alliés. Restés dans l’attente, par peur de s’exposer pour certains, et pour d’autres, compromis avec l’occupant, ils se manifestaient maintenant bruyamment. Thom avait toujours cru qu’un jour la France inévitablement recouvrerait sa liberté. Quand, comment ? Il aurait été bien incapable de le prédire. Dans sa lettre de mai 1940 à son frère Martin, militaire stationné au Maroc, il soulignait le danger allemand et exprimait son désespoir de ne pouvoir participer à la défense de la Patrie. La France écrasée, comment contribuer à soulager les plaies de la guerre ? Le temps n’était plus aux « on aurait dû…, il aurait fallu que… ». Dès 1939, des milliers de personnes craignaient une agression allemande et fuyaient, sans ressources, sur les routes. Il fallait agir. Leur porter assistance. Répondre à leurs besoins immédiats. Vitaux.
Assister à la détresse de toutes ces personnes lui était insupportable : rapidement il chercha à organiser des secours. Puis, avec l’invasion nazie de mai 1940, le nombre de réfugiés submergea le Village-sur-Loire. L’improvisation n’était plus tenable, une solide organisation était indispensable. Pourtant, les habitants du petit pays n’y étaient pas enclins. Ils voyaient d’un mauvais œil l’inévitable coût qui en découlerait et le bouleversement de leur quotidien. Confronté à ces obstacles, Thom ne renonça pas. Les bonnes volontés et les moyens du bord devaient être mutualisés.
Les premiers groupes arrivés à Paris depuis l’Est de la France, réorientés vers la province, lui avaient laissé un souvenir douloureux. Des gens affamés, vêtus de hardes, les chaussures usées d’avoir trop marché. Des vieillards brisés précédaient des femmes aux yeux hagards et suppliants, un nourrisson aux bras et une ribambelle d’enfants accrochés à leur jupe. L’image de l’angoisse et de la misère. Il ne pouvait y rester insensible. Faute de pouvoir combattre, il fit de ce désarroi sa bataille. Cette misère le confortait dans sa décision d’aider, de secourir. Avec ses faibles moyens, mais avec une grande détermination.
Thom et les quelques bénévoles qui l’épaulaient se trouvaient débordés par les besoins croissants. Leur petite structure, reposant sur le dynamisme de quelques-uns, n’arrivait plus à répondre à la demande. L’ébauche d’un vestiaire avait été mise en place. Un entrepôt désaffecté avait été transformé en dortoir de fortune. Mais cela restait insuffisant.
Un jour de mars 1941, il fut sollicité par le Secours national, au titre de bénévole, pour prendre la responsabilité de l’antenne du Village-sur-Loire. Cette organisation gouvernementale proposait une centralisation régionale, des structures et des ressources. Dès octobre 1939, elle avait été réactivée par anticipation et pouvait répondre aux problématiques locales qui se posaient.
Marie-Louise, sa femme, était soucieuse. Cette nouvelle orientation ne lui plaisait pas.
— Thom, as-tu bien réfléchi avant de t’engager ? Tu as toujours refusé d’adhérer à tout ce qui pouvait ressembler à un parti, un syndicat ou même à une association. Et là, je te vois prêt à le faire !
— La structure est déjà opérationnelle. Le Secours national ne m’apportera que plus de moyens.
— Mais Thom, il y a Vichy derrière ! Tu risques d’y être assimilé ! Ne mets pas le doigt dans cet engrenage !
Thom avait entendu les arguments de sa femme. Son implication était déjà très avancée ; il lui était moralement difficile d’abandonner. De plus, s’il refusait, il serait écarté de toute action caritative, car le SN avait le monopole de l’aide aux déplacés. Après réflexion, il accepta la proposition avec des réserves. Sa qualité de Breton fraîchement arrivé pourrait rendre sa mission difficile. Une personne étrangère au Village risquait d’être considérée comme intruse si elle s’immisçait dans la chose publique. Il ne pourrait pas s’appuyer sur les relations de parentés et d’amitiés. La légitimité de son action pouvait être contestée. En revanche, il ne pouvait refuser la poursuite de l’action qu’il avait initiée au prétexte qu’il recevrait désormais ses ordres du gouvernement d’armistice, sous domination de l’Allemagne. Aider ses compatriotes dans le malheur restait sa priorité en dehors de toute orientation partisane. Cependant, personne n’est indispensable, il en était conscient. Était-ce par amour propre, pour ne pas se renier, qu’il accepta ?
Pourtant, il le pressentait : cet engagement risquait de lui porter préjudice. Chaque jour, Radio Londres tentait de discréditer cette organisation identifiée comme collaborationniste. Bien sûr, Vichy se glorifiait des efforts et des réussites des volontaires dans l’aide aux victimes et en faisait un élément de propagande. Thom se refusait à entrer dans cette guerre des ondes qui prenait les Français en otages. Porter secours aux personnes en difficulté n’était, ni s’engager en politique, ni cautionner l’occupant. Il regrettait ce manichéisme qui gouvernait la France et qui explosait en ces derniers mois de guerre et de libération.
Élevé dans un quartier populaire où la misère n’était jamais loin, il avait appris à rendre service, à aider. Jamais aucune de ses actions n’avait été dictée par l’attente d’une quelconque gratitude. Mais l’humain est parfois versatile. Des personnes qu’il avait soutenues l’avaient déçu par leur attitude. Des individus qui avaient bénéficié d’un appui et qui, à tort, se sentaient redevables, se détournaient de lui, croyant percevoir dans son regard une exigence de reconnaissance. L’âme humaine est complexe. Parfois il s’interrogeait sur sa propension à soulager les déshérités en les aidant sur le plan matériel ou moral. C’était un élan naturel. La solidarité familiale, la pauvreté qu’il avait côtoyée, les mains secourables qui s’étaient tendues, la fraternité d’armes dans la Marine, étaient des pratiques qui avaient construit sa personnalité.
Les premières heures dans ce lieu clos avaient été pesantes. Malgré des tentatives, ses compagnons de cellule restaient sur leur quant-à-soi. Une méfiance naturelle. L’époque était à la délation. Trop parler, s’exposer pouvait se retourner contre soi. Après quelques jours, pensait-il, l’atmosphère se détendrait. Petit à petit, la confiance se restaurerait, les langues se délieraient.
Ce bouillonnement d’idées ne l’empêchait pas de ressentir l’angoisse de l’enfermement, de l’attente qui les maintenait tous dans un état d’anxiété. Les jours qui s’écoulaient provoquaient chez certains une profonde apathie. La certitude réelle ou feinte de l’innocence laissait alors place au doute.
La boucherie chevaline Gaillard jouissait d’une belle réputation à St Germain. Avant-guerre, René, le patron, achetait ses chevaux sur les champs de courses. Des animaux blessés qui ne pouvaient plus concourir. Mais, en ces temps de conflit, les bêtes étaient rares et pas toujours de première qualité.
René était un homme jovial, peu bavard, mais toujours souriant. Ses deux fossettes et ses yeux pétillants éclairaient son visage. Yvonne, sa femme et cousine germaine de Thom, tenait la caisse et la maison. À proximité du magasin se trouvaient quelques boxes dans lesquels il abritait les chevaux promis à l’abattage. René passait de longues heures dans son laboratoire à préparer des pièces de viande qu’il dénervait patiemment et transformait en rôtis, en filets et même en saucissons. La table des Gaillard était toujours bien garnie et Thom se trouvait à l’aise dans cette atmosphère laborieuse et bienveillante.
Un soir de décembre 1944, vers dix-neuf heures, on sonna à la porte. Le chien de la maison se déchaîna. La tante s’essuya les mains, surprise d’une visite à pareille heure. Lucien reposa sa cuillère dans l’assiette. Thom, immobile, attendait. Une voix se fit entendre :
— Ouvrez, gendarmerie !
René se leva pesamment et ouvrit la porte à deux gendarmes dont le premier fit le salut militaire et demanda :
— Est-ce que le dénommé Thomas Prigent se trouve chez vous ?
Thom se leva et s’avança.
— J’ai un mandat d’amener contre vous, lui dit-il d’une voix de stentor. Vous avez 5 minutes pour rassembler quelques affaires, précisa-t-il.
Livide, il tenta de demander des explications, mais le brigadier lui répondit qu’il n’en avait aucune à lui fournir.
Prévenu par Marie-Louise de l’effervescence au Village où la chasse aux collaborateurs, ou supposés tels, était ouverte, il ne fut pas totalement surpris. Pourtant il était inquiet. La « justice » sauvage et expéditive faisait alors rage. La cousine eut les jambes qui faiblissaient et dut s’asseoir.
— Où l’emmenez-vous ? demanda René stupéfait.
— À Versailles, répondirent-ils ».
Les mains menottées, par sécurité prétendaient-ils, le trajet jusqu’à la gendarmerie de Saint-Germain lui parut long et sinistre. La nuit était d’encre et les essuie-glaces balayaient une pluie incessante en grinçant de façon angoissante.
Thom fut placé dans une cellule où un clochard allongé répandait des effluves de mauvais vin. On lui donna un quignon de pain et une croûte de fromage pour tout repas. Deux jours passèrent sans qu’aucune autre information ne lui fût communiquée. Puis le matin du troisième jour, le planton lui intima l’ordre de rassembler ses affaires pour son transfert à Versailles.
Dans le fourgon aux vitres opaques, Thom apercevait le paysage par un interstice de la porte. Hypnotisé par ces images saccadées, son esprit s’était échappé. Il se rappelait les jours tranquilles d’avant-guerre, chez l’oncle Etienne en Bretagne. Une vie de labeur dans l’humble ferme baignée d’une rude bienveillance. En dépit de sa santé fragile, il prenait plaisir à participer aux moissons. Dès potron-minet, ils se levaient et après une rapide toilette et un déjeuner consistant, ils se retrouvaient dans les champs. Le solide percheron traînait la moissonneuse et traçait une large travée dans le champ de blé mûr. En compagnie de quelques journaliers agricoles, il ficelait les gerbes regroupées en meules. Le travail était harassant, à la mesure de son handicap. Le soir, il aimait à se reposer de cette saine fatigue en partageant le repas en une tablée bruyante, avant de plonger dans un profond sommeil.
Thom se souvenait des dernières moissons de juillet 1944 achevées dans l’incertitude. Les troupes alliées débarquées en Normandie se dirigeaient vers la Bretagne. Les combats se rapprochaient et les ouvriers agricoles se faisaient rares. Certains avaient fui, d’autres avaient rejoint le Maquis. L’oncle Etienne avait alors apprécié son aide précieuse qui avait permis de rentrer la récolte à temps.
Il ne s’était pas écoulé une demi-heure que la camionnette s’arrêta devant une grille. Un écriteau en indiquait le lieu : « Centre d’internement administratif, Caserne Noailles ». Un planton s’avança, échangea quelques mots avec le chauffeur, puis ouvrit la barrière.
À sa descente du fourgon, Thom traversa un enchevêtrement de couloirs et de pièces avant d’être introduit dans une salle déjà occupée par une douzaine d’hommes, la chambrée 28. Des lits superposés étaient placés le long des murs et au centre un poêle à bois peinait à chauffer la pièce. À la conciergerie, débarrassé de ses menottes, on lui avait remis un quart, une cuillère et une assiette en métal. Quand il entra, tous les regards se levèrent sans qu’il puisse y lire un quelconque signe de bienvenue. Indifférence ou méfiance ? Chacun avait ses préoccupations. Il avisa un lit inoccupé et y installa ses quelques affaires. Le silence était lourd. Il fut tenté de le rompre. D’un naturel avenant, il aurait souhaité se présenter, demander aux autres pourquoi ils se trouvaient là, et créer un lien d’infortune. Il se retint. N’allait-il pas au contraire se faire rabrouer, générer la méfiance, car bien trop bavard ? Peut-être un espion, un indicateur… En ce début d’année 1945, la suspicion était encore la règle. Les gens avaient vécu dans la crainte de l’occupant et maintenant dans celle de résistants autoproclamés. Les dénonciations étaient monnaie courante pour se débarrasser d’un voisin, d’un concurrent, d’un rival ou pour se refaire une virginité. À la Libération, les temps, loin de se rasséréner, connurent leurs lots de règlements de comptes.
Quand la parole commença à se libérer, avec une belle unanimité, tous clamèrent leur innocence et racontèrent les faits injustes qui leur étaient reprochés. Pour sa part, il restait persuadé que rien ne pourrait être retenu contre lui. Aider ses semblables n’était pas condamnable. Seulement il se trouvait là, avec eux. Alors qu’ils se racontaient, il essayait d’évaluer l’authenticité de leur histoire. Étaient-ils sincères ou essayaient-ils de se convaincre de leur innocence ? Il n’avait pourtant aucune raison d’en douter.
Le lendemain à la première heure, il comparut devant un greffier qui lui notifia les charges retenues contre lui. Il en resta perplexe. On l’accusait de dénonciation, de collaboration et accessoirement de vol et de fuite. Pas de précisions, bien sûr, il ne s’agissait que d’une signification. Des détails lui seraient fournis lors de sa première comparution devant le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction du dossier. Bien qu’il eût immédiatement cru à une erreur, Thom ne manifesta aucune opposition, persuadé que le malentendu serait rapidement dissipé. Par précaution, il demanda l’assistance d’un avocat. Il n’en connaissait aucun. Il lui en fut attribué un d’office. Ce dernier mit quelques jours à se présenter.
— Je suis Maître Bouchard, votre avocat.
— Bonjour Maître, sans perdre de temps, je vais vous donner quelques indications…
— M. Prigent, l’interrompit-il, je vais être franc avec vous. Je suis avocat stagiaire et, vu le nombre de dossiers que l’on m’a attribué, je n’aurai que peu de temps à consacrer au vôtre. Je pense qu’il serait plus prudent d’organiser vous-même votre défense.
L’avocat avait eu l’honnêteté de le lui dire.
Dès lors, cette tâche devint sa priorité. Nombreuses furent les heures consacrées à la rédaction minutieuse d’un mémoire de défense. Il souhaitait dérouler sa vie de son enfance à son interpellation. Ce serait sa vérité, sans artifices.