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Brisé par le chagrin, Byul-ho s’accroche aux lambeaux de vie après l’accident qui a plongé son frère dans un silence irréversible. De son côté, Ji-hyun endure les assauts d’un quotidien impitoyable, marqué par l’isolement et la cruauté. Leur rencontre, improbable et fragile, surgit comme une lueur vacillante au cœur de la nuit. Tel un ballet de deux astres solitaires, leurs existences meurtries s’effleurent, portées par une quête muette de consolation, de lumière et, peut-être, d’un salut partagé.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Anaïs Lajus Labalte explore, à travers ce premier roman, la solitude, la douleur et la fragile lueur de l’espoir. L’écriture lui permet d’exprimer l’indicible et de faire entendre les silences intérieurs. Ses personnages incarnent une humanité à la fois vulnérable et lumineuse.
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Seitenzahl: 1018
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Anaïs Lajus Labalte
Les âmes vagabondes
Roman
© Lys Bleu Éditions – Anaïs Lajus Labalte
ISBN : 979-10-422-7641-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À toutes les âmes perdues,
qui errent dans l’immensité de leurs pensées,
comme des étoiles mortes dans un univers sans fin
Trigger warnings
– Violences physiques/psychologiques
– Harcèlement
– Parents toxiques
– Anxiété
– Traumatismes
– Chantage
– Consommation de drogues/d’alcool
– Pensées suicidaires
Notes
Prenez bien en compte les trigger warnings et ne vous forcez pas à lire juste pour lire. Les TW ne sont pas là pour décorer, ils sont importants et donc à prendre en compte.
Je vous déconseille cette histoire si vous avez moins de 16 ans.
Ce récit se déroule en Corée du Sud et inclut certaines appellations coréennes entre les personnages, notamment les termes d’adresse utilisés pour désigner des personnes plus âgées. Par exemple, hyung (형) est une appellation employée exclusivement par les garçons pour s’adresser à un garçon plus âgé qu’eux, souvent en signe de respect ou d’affection. Les filles, quant à elles, utilisent d’autres termes comme oppa (오빠) lorsqu’elles parlent à un garçon plus âgé. Je suis donc consciente de ces distinctions culturelles et linguistiques, et je tiens à préciser que hyung ne serait normalement jamais utilisé par une fille envers un garçon. Toutefois, pour des raisons de fluidité narrative et d’intention stylistique, ce terme pourra exceptionnellement apparaître dans la bouche de la protagoniste dans des cas très rares. Ce choix est volontaire et ne reflète pas une méconnaissance des usages coréens, mais bien une liberté prise dans le cadre de la fiction.
Tout au long de ce livre, certains mots coréens apparaîtront dans le texte. Leur signification sera systématiquement précisée lors de leur première apparition dans chaque chapitre, afin de faciliter la compréhension du lecteur. Cependant, il est important de garder à l’esprit qu’une langue ne se traduit jamais parfaitement, surtout lorsqu’elle est profondément liée à une culture différente. Les nuances, les implicites, les rapports sociaux codifiés en Corée du Sud n’ont pas toujours d’équivalents exacts en français. J’ai donc fait de mon mieux pour rester fidèle à l’esprit et aux subtilités de la langue coréenne, tout en rendant le texte fluide et accessible pour un lectorat francophone. Je vous remercie par avance pour votre indulgence face aux éventuels écarts, simplifications ou choix d’adaptation. Ce travail est animé par le respect et l’amour de la langue coréenne, et par le désir de partager une culture aussi riche que complexe.
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Atmosphère
– Softcore | The Neighbourhood
– Drugs & Money | Chase Atlantic
– Born To Die | Lana Del Rey
– Watch | Billie Eilish
– Daddy Issues | The Neighbourhood
– Doin Time | Lana Del Rey
– Cinnamon Girl | Lana Del Rey
– W.D.Y.W.F.M | The Neighbourhood
– Dancer in the Dark | Chase Atlantic
– Afraid | The Neighbourhood
– Summertime Sadness | Lana Del Rey
– Say yes to Heaven | Lana Del Rey
– Uncomfortable | Chase Atlantic
– Nervous | The Neighbourhood
– Reflections | The Neighbourhood
– Video Games | Lana Del Rey
***
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Une est sur YouTube et l’autre sur Spotify.
La souffrance n’est pas un sentiment, mais une monnaie d’échange par laquelle l’humanité s’est éteinte, remplacée par une violence si cruelle qu’elle en devient abstraite, prête à tout engloutir sur son passage. C’est parfaitement ce qui se passe, ici, dans cette école.
Aujourd’hui, tout est étrangement calme, tandis que notre professeur principal, monsieur Park, un homme d’un certain âge avec des cheveux grisonnants et de petites lunettes, poursuit son cours de littérature coréenne avec passion. La classe est toujours assez calme quand ce professeur nous fait cours, il est le seul à se faire respecter. Les rayons de soleil filtrent à travers les fenêtres, éclairant le visage de chaque élève. Alors que nous nous apprêtons à aborder un nouveau chapitre, monsieur Park s’arrête dans son élan. Son regard se perd sur nous, comme s’il était en train de réfléchir profondément à quelque chose juste avant de prendre la parole.
— Nous allons accueillir un nouvel élève.
C’est à ce moment-là que l’on toque à l’une des portes de la salle de classe.
Tout le monde tourne la tête vers celle-ci alors que le professeur autorise la personne à entrer. Un jeune garçon apparaît, dont le visage est bien proportionné et symétrique.
Ses yeux sont d’un noir profond et ont l’air très expressifs malgré son état visiblement léthargique. Ses cheveux, noirs comme l’ébène, sont soyeux et couvrent son front. Ses sourcils sont assez droits, son nez est bien dessiné, et sa bouche, dont les lèvres sont légèrement pulpeuses, est fermée. Ses joues sont légèrement bombées, ses bras sont le long de son corps.
Il est vêtu de l’uniforme gris de l’école, et d’un sac à dos bien posé sur ses deux épaules.
Il pose son regard sur le professeur, son visage n’indique rien.
Pourquoi son regard a-t-il l’air si triste ? Pourquoi a-t-il un comportement si léthargique ?
Tout comme une planète vagabonde se trouvant seule dans l’immensité de l’espace, sans ancrage.
— Viens te présenter.
Il entre dans la salle de classe d’un pas peu sûr, sa présence captivant immédiatement notre attention. Il s’approche de monsieur Park avec une démarche monotone. Sans un mot, il vient se poser à côté de notre professeur alors que son regard sombre balaie la classe, observant chacun d’entre nous.
Sa présence, bien que silencieuse, est indéniablement puissante.
— Je vous présente Soek Byul-ho. Il nous vient tout droit de Baekseong. Soyez gentil avec lui, n’hésitez pas à lui montrer l’école et à l’aider à s’intégrer.
Un silence pesant s’installe dans la salle. Monsieur Park est connu pour sa nature optimiste et bienveillante, malgré l’allure stricte que lui donne son costard sombre. Son visage affiche un sourire chaleureux, mais ses yeux scrutent attentivement la classe, cherchant peut-être quelque chose qu’il ne veut pas voir.
Les élèves, d’ordinaire turbulents et bruyants, sont étonnamment calmes. Monsieur Park, bien qu’il puisse ressentir cette ambiance étrange, choisit de garder son optimisme intact.
Peut-être que c’est sa façon de protéger son esprit des vérités difficiles à accepter, ou peut-être est-ce simplement dans sa nature de voir le meilleur en chacun.
Quoi qu’il en soit, il continue de sourire, espérant que ce silence inhabituel ne cache rien de sombre.
Si seulement il savait.
Mais derrière ce masque, il y a peut-être une part de lui qui sait que quelque chose ne va pas. Peut-être qu’il a remarqué les regards furtifs échangés entre certains ou les chuchotements étouffés qui s’élèvent discrètement dans la classe. Peut-être qu’au fond de lui, il ressent que quelque chose n’est pas normal, mais qu’il choisit délibérément de ne pas le laisser transparaître.
Byul-ho, avec ses yeux d’un noir profond, parcourt une nouvelle fois la salle de classe du regard, scrutant chaque recoin. Son regard pénètre et explore chaque visage, chaque pupitre, chaque feuille accrochée au mur.
Puis, d’un mouvement lent, il tourne la tête pour fixer le professeur qui lui parle.
— Tu peux aller t’asseoir.
Le nouveau pose ses yeux sur la seule place libre. Une table au milieu de la salle, et s’y dirige lentement.
Arrivé à celle-ci, il sort délicatement ses affaires de son sac à dos, prenant soin de les poser avec précision. Chaque stylo est aligné et chaque cahier est ouvert à la bonne page. Pendant ce temps, le professeur reprend le cours, nous donnant des instructions et nous distribuant des exercices à réaliser.
La salle se réveille alors, chacun se plonge dans son travail, le bruit des crayons grattant le papier. Cependant, alors que le professeur s’éclipse brièvement, un élève assis à une table voisine se lève soudainement de sa chaise. Il se plante devant une fille. Le visage du garçon arbore une expression hautaine.
Ses yeux scrutent intensément la fille. À cet instant, le silence règne, seulement brisé par le bruit du stylo de Byul-ho sur le papier qui n’a pas été perturbé par la présence de celui qui est passé devant pour se mettre face à la table de la fille.
Lee Hyun-woo.
Un jeune garçon âgé d’un an au-dessus de notre classe. Il est respecté par tous, mais malheureusement pour de mauvaises raisons.
La grande majorité d’entre eux ont peur de lui, puisqu’il aime s’amuser avec ses amis en harcelant les autres élèves. Physiquement, il est plutôt grand, dépassant la plupart des personnes de cette classe. Ses cheveux sont sombres, noirs. Son regard est froid, dénué de toute gentillesse. Ses sourcils sont plutôt arqués, et son nez est droit lui aussi. Sur son visage, il n’y a rien qui inspire confiance.
Son expression est souvent fermée malgré son sourire malsain, avec des sourcils froncés en permanence. Ses lèvres sont rondes, mais pincées, donnant l’impression qu’il est constamment mécontent, prêt à faire souffrir quiconque ne l’écoute pas, ce qui fait de lui un mec populaire auprès des autres pour de tristes faits.
Il se met à parler, un air malsain plaqué sur son visage.
— C’est marrant. Je me demande combien de temps tu vas tenir en faisant semblant de ne pas me voir.
La classe entière a les yeux rivés sur eux. Sauf Byul-ho.
Cette fille, une jolie rousse aux cheveux courts et aux traits fins, est l’une des seules élèves à tenir tête à leur groupe. D’ailleurs, ils ne lui font jamais de mal et je n’ai jamais compris pourquoi.
Parce que Hyun-woo ne supporte pas qu’on lui tienne tête et encore moins qu’on le prenne de haut.
Seo-yeon ne relève même pas la tête, les yeux sur son téléphone.
— Je ne fais pas semblant. Tu n’es juste pas intéressant.
Les yeux de Hyun-woo parcourent le téléphone que la fille tient entre ses mains avant d’éclater d’un rire dépourvu de joie.
Une lueur traverse ses yeux. Une lueur qui donne froid dans le dos, surtout lorsque l’on sait de quoi il est capable.
Puis, In-su, Hak-kun, Man-shik et Sang-ook, ses fidèles amis, arrivent et se placent derrière lui.
Cho In-su est presque aussi grand que Hyun-woo, leur taille est quasiment identique. Ses cheveux sont aussi sombres que lui, bien coiffés et rasés légèrement au-dessus des oreilles.
Il est son ami le plus proche, leur lien est très fort, mais personne ne sait exactement pourquoi. Ses yeux sont noirs, mais légèrement plus clairs que ceux de Hyun-woo, mais cela, c’est perceptible seulement quand on passe beaucoup de temps avec eux ou à les observer. Sa chemise d’uniforme est ouverte, révélant un simple t-shirt clair en dessous, tandis que ses mains sont dans les poches de son pantalon.
Han Hak-kun est le plus calme et le plus discret, mais aussi le plus fourbe. C’est celui dont je me méfie le plus.
Il est légèrement plus petit que les autres, avec des cheveux ébouriffés et rebelles, blonds avec quelques mèches bleues. Il a des yeux aussi sombres que la nuit. Sa chemise est boutonnée jusqu’au dernier bouton, lui donnant faussement l’air studieux.
Kang Man-shik, quant à lui, est plus imposant. Malgré sa taille similaire à celle de Hak-kun, c’est un garçon assez sportif. Hyun-woo se sert de lui lorsque vient le moment d’intimider les autres, pourtant ça se voit qu’il cherche juste à être intégré dans un groupe. Ses yeux, un peu moins ouverts que ceux des autres, ses cheveux sont également sombres, et sa chemise est à moitié fermée.
Et enfin, Jung Sang-ook. Il est le plus réservé du groupe. Il n’a pas vraiment l’air méchant, mais ses fréquentations ont eu raison de lui, même si je soupçonne qu’ils ne lui ont pas vraiment laissé le choix. Je le connais depuis plus longtemps que les autres puisqu’on était dans la même classe avant, lors de nos années collège. On n’a jamais été proches, au contraire, il était plutôt timide, mais j’ai vu son changement, malheureusement pour lui pas en bien. Maintenant, il sème la terreur avec sa bande.
Physiquement, il ressemble aux autres, avec des traits fins, qui sont moins sombres comparés à ceux de sa bande. Mais la mesquinerie n’émane pas de lui. Ses cheveux sont bien coiffés dans une coupe semblable à une coupe au bol, ses cheveux cachant son front.
— Toujours la même grande gueule, hein ? Tu devrais apprendre à fermer ta bouche, ça pourrait t’éviter pas mal d’ennuis.
Ses yeux la fixent intensément. Pas elle.
Hyun-woo a un sourire en coin.
— C’est fascinant…
Il arque un sourcil.
— Quoi ?
Elle lève enfin la tête, ses yeux sombres se plantant dans les siens.
— De voir à quel point tu as besoin des autres pour exister.
Son sourire s’efface quelque peu. Derrière lui, ses amis échangent des regards.
Sans prévenir, il donne un coup de pied violent dans sa table, ce qui fait trembler les objets posés dessus. Il s’avance ensuite d’un pas, posant ses mains fermement sur la surface en bois.
— T’as pas changé, Seo-yeon. Toujours aussi agaçante.
Elle hausse un sourcil, amusée.
— Et toi, toujours aussi pitoyable.
Visiblement agacé, Hyun-woo ne détourne pas le regard et, d’un geste brusque, il arrache violemment le téléphone que la fille avait entre ses mains. Elle n’a même pas un mouvement de recul. Elle ne semble pas non plus apeurée. C’est ça, pour moi, qui est vraiment fascinant. Il se penche légèrement vers elle, son ombre couvrant la moitié de son visage.
— T’as vraiment aucune idée de ce que je peux te faire, pas vrai ?
Ji-hye ne cille pas.
— Oh, je sais très bien. C’est juste que ça ne m’impressionne pas.
— Tu te crois supérieur ?
Son calme absolu le rend fou. Son poing se serre, mais il est coupé par le professeur qui fait son retour en classe, mettant ainsi fin à ce début d’altercation.
— Qu’est-ce que vous faites ? Retournez à vos places.
Hyun-woo et ses amis écoutent attentivement et se dirigent vers leurs tables respectives. Ils s’assoient alors que le professeur reprend le cours.
***
L’après-midi s’est déroulée dans un calme étonnant et la fin des cours a sonné, faisant se lever tous les élèves dans la précipitation, tous ayant envie de sortir d’ici, tandis que le professeur sort lui aussi de la classe. C’est l’un de mes moments préférés, lorsque tout le monde part.
À chaque fois, c’est l’instant où je me retrouve seule, dans le calme. On est autorisés à rester dans l’école autant de temps que l’on veut, alors j’en profite toujours pour me concentrer sur mes devoirs ou réviser mes cours, seule.
Cependant, aujourd’hui est différent. Je ne suis pas toute seule, Byul-ho est resté assis à sa table, visiblement concentré sur ses cours.
Je ne fais pas plus attention à lui que ça et me concentre à nouveau sur les miens, laissant les minutes défiler.
Après quelques minutes, monsieur Park revient dans la salle, un paquet de feuilles dans les bras. Son regard croise le mien, mais il n’est pas étonné de me voir ici, il a l’habitude.
— Ji-hyun, tu sais que tu peux rester dans l’école, mais je vais fermer la salle de classe. Tu devrais aller à la bibliothèque.
Il n’attend aucune réponse et pose son regard sur Byul-ho, toujours plongé dans ses cahiers.
— Toi aussi Byul-ho.
Le concerné lève ses yeux pour les mettre dans ceux de notre professeur alors que ce dernier reprend.
— Suis Ji-hyun, elle va te montrer où est la bibliothèque.
Monsieur Park a dit ça en me désignant d’un coup de menton, ne laissant pas vraiment le choix à Byul-ho ou à moi-même.
On ramasse tous les deux nos affaires dans un calme olympien, remettant tout dans nos sacs respectifs.
Puis, je me dirige vers l’une des portes, celle que les élèves prennent le plus souvent, située au fond de la salle, sachant que Byul-ho est derrière moi.
Je me retourne, regardant le professeur qui avait ses yeux sur nous.
— Au revoir, monsieur, à demain.
— À demain, ne restez pas trop tard, reposez-vous.
Il nous le dit accompagné d’un sourire tandis que je me retourne. Byul-ho est sur mes talons, silencieux.
On marche à travers les couloirs, les élèves de l’école étant tous partis. On se dirige vers la bibliothèque.
Les murs sont ornés de posters colorés et de travaux d’art réalisés par les élèves qui sont malheureusement délabrés à cause d’autres lycéens d’ici. Certains murs sont tagués d’insultes. Cette école est vraiment différente de celles que nous pouvons voir en Corée.
Ici, l’irrespect est maître, puisque la grande majorité des élèves ont tout simplement été transférés pour mauvais comportement dans leurs anciennes écoles, pour décrochage scolaire ou encore à cause de leur situation précaire.
C’est loin d’être une école prestigieuse et il est difficile d’entrer dans une école supérieure par la suite, une fois passée par ici, puisqu’elle est très peu prise au sérieux.
Après quelques minutes de marche, nous arrivons enfin devant une imposante double porte en bois, reconnaissable entre mille.
Je m’empare de la poignée puis ouvre, laissant entrevoir l’immense pièce qui s’étend devant nous, remplie de livres à perte de vue. L’odeur caractéristique du papier nous enveloppe et j’aime ça.
Il y a deux étages ouverts qui surplombent la pièce, avec un escalier en colimaçon au fond de la bibliothèque et des tables de travail soigneusement disposées.
Étonnamment, cet endroit est l’un des seuls encore intacts de cette école, et il a toujours été un lieu dans lequel je me suis sentie à ma place. Un endroit sûr où presque personne ne vient et où je peux enfin être tranquille pour respirer.
— C’est ici.
Je me dirige près des escaliers, Byul-ho toujours derrière moi.
— Tu peux rester jusqu’à maximum vingt heures, mais si tu souhaites rester plus longtemps, tu dois t’inscrire sur une liste que tu peux récupérer à l’accueil. Ils te demanderont de payer vingt-deux mille won1 pour un semestre et te donneront une clé.
Il ne répond pas, mais je n’attendais pas spécialement de réponse. On monte les escaliers et, arrivés au premier étage, on se dirige vers une table au fond de la bibliothèque, où Byul-ho s’installe, posant son sac au sol.
Il sort sa trousse, alors je fais la même chose avec mon cahier, puis nos regards se croisent. J’arrête alors tous mes mouvements.
— Est-ce que j’ai le droit de me mettre à la même table que toi ?
Je lui demande doucement, ayant peur d’avoir sorti mes affaires sans même lui avoir demandé d’abord.
Peut-être qu’il veut être tranquille ou seul. Après tout, on ne se connaît pas. Mais mes questions s’évaporent en même temps qu’il secoue la tête, me faisant comprendre que je peux. Puis, il sort ses écouteurs et les enfonce dans ses oreilles, alors que son propre regard suit ses mouvements.
Mes yeux divaguent sur son cahier. « Les lois de la thermodynamique. »
C’est le chapitre que nous avons commencé il y a quelques jours.
Je fronce les sourcils. Comment est-ce qu’il a récupéré nos cours ? Est-ce que c’est lui qui les a demandés à monsieur OK ?
Il prend silencieusement son cahier dans ses mains et le lit. Ses yeux parcourent alors les lignes. Il n’était pas là lorsque nous avons commencé ce chapitre, mais il ne me semble pas perdu ni bloqué par quoi que ce soit.
Je pose à nouveau les yeux sur Byul-ho, l’observant silencieusement.
La concentration mange son visage.
Le silence règne dans la bibliothèque, seulement interrompu par le bruit léger des pages qu’il tourne.
Alors que je m’assois sur une chaise, aux côtés de Byul-ho, dans le silence complet de la pièce, je sens le regard scrutateur de celui-ci qui suit attentivement mes mouvements.
Il veut sûrement s’assurer que je ne me colle pas à lui.
J’ouvre mes cahiers à mon tour et, à partir de ce moment-là, les minutes passent.
Elles défilent sans que l’un de nous deux parle ou fasse attention à l’autre, la tête plongée dans nos cours, chacun de notre côté. Mais soudain, un bruit violent résonne, faisant vibrer la table sur laquelle je travaille.
Ce coup, asséné avec force, me fait sursauter violemment.
Prise de panique, je lève la tête et mes yeux se posent sur Hyun-woo, accompagné de son plus proche ami In-su.
Tous deux arborent un sourire dérangeant qui étire leurs lèvres.
— Tu nous remplaces déjà ?
Hyun-woo me dit ça d’une manière faussement accusatrice en faisant un signe de tête en direction de Byul-ho.
Ce dernier n’a même pas sursauté, mais a tout de même relevé la tête.
— Et bah qu’est-ce que t’as ? Tu ne réponds pas ? T’as perdu ta langue ?
Il rigole légèrement, laissant apparaître un sourire en coin. In-su aussi rigole tandis qu’il passe un bras autour de la nuque de son meilleur ami.
— C’est impoli de ne pas répondre à son seonbae2.
La voix d’In-su ne me dit rien qui vaille, malgré son large sourire pendant que je fonds de peur sous le regard de Hyun-woo.
Un silence pesant s’installe. Mes yeux sont plongés dans ceux de l’aîné, comme si le temps lui-même avait suspendu son cours.
Mais il n’y a rien de chaleureux dans son regard, seulement de la haine. Une angoisse profonde me serre les entrailles.
Je ne sais pas ce que Byul-ho peut bien penser, espérant au fond que la musique qui se joue dans ses oreilles soit assez forte pour qu’il n’entende rien. Mais cette idée est vite balayée quand je sens ses bras bouger, et que j’entends un boîtier se refermer. Sûrement celui de ses écouteurs.
Je suis totalement obsédée par la terreur que Hyun-woo fait naître en moi. Et je sais pertinemment que le regard de son ami est toujours posé sur ma personne.
— Viens, on a des trucs à faire.
Hyun-woo vient de me donner cet ordre en souriant dangereusement, accompagnant son sourire d’un clin d’œil.
J’ai peur.
Plus que personne, à cet instant précis, je rêve de pouvoir me téléporter loin d’eux. Mais sachant que je n’ai pas d’autre choix que de me soumettre, je referme mon cahier dans un geste lent.
Je range mes affaires dans un silence complet. Mes mains tremblent alors que je me lève de ma chaise, mes jambes semblant peser une tonne.
Une fois debout, je m’approche de mes deux tortionnaires, évitant soigneusement de croiser le regard de Byul-ho, trop terrifiée et honteuse. Hyun-woo, d’un geste possessif, passe un bras autour de mes épaules, m’emprisonnant de lui.
Puis, sans un mot, il m’entraîne avec lui vers la sortie, In-su à nos côtés.
Je sais parfaitement ce qu’il va se passer, je sais ce qu’ils comptent me faire subir. Je sais qu’ils ne cherchent qu’à me blesser, à me faire souffrir et ça me remplit d’une peur profonde, d’une angoisse qui s’insinue dans chaque fibre de mon être.
Une fois dans un coin isolé de l’école, il me pousse avec force, me faisant perdre l’équilibre. Mes jambes fléchissent sous l’impact, mais je parviens à me stabiliser. Il se plante devant moi, In-su près de lui, et je peux voir un sourire monstrueux se dessiner sur le visage du plus grand.
Ses yeux, emplis d’une lueur malsaine, se fixent intensément dans les miens. Il cherche à me sonder, à sonder mon âme, à savoir à quel point j’ai peur. Il le fait tout le temps.
Je peux presque entendre les pensées qui s’activent dans son esprit.
Soudain, sans le moindre avertissement, son poing s’abat sur mon visage avec une violence inouïe. La douleur est fulgurante, un éclair blanc qui traverse mon crâne. Je m’écroule contre le mur qui se trouve derrière moi. Mon dos heurte violemment la surface froide, sentant mes os craquer sous l’impact. La douleur est insoutenable.
Alors que j’essaie désespérément de reprendre mes esprits, je sens un autre coup, cette fois-ci au centre de mon corps. La douleur se propage maintenant dans mon ventre. Alors que je m’effondre par terre, les larmes aux yeux, un bras enroulé autour de mon ventre meurtri, je lutte pour reprendre mon souffle. Pour trouver ne serait-ce qu’un peu de répit dans ce cauchemar qui semble ne jamais vouloir prendre fin.
Puis un autre coup, suivi d’un autre, puis encore un, et ça continue sans fin. Les coups pleuvent sur mon corps, sans relâche, comme une pluie torrentielle. Je ne peux même plus les compter, tant ils se succèdent à une vitesse effrayante. Chaque impact est une décharge de douleur, une déchirure dans mon être. Les insultes fusent de toutes parts, comme des flèches acérées, visant à blesser mon âme autant que mon corps. Les mots sont aussi violents et brutaux que des poignards plantés dans mon cœur déjà meurtri. Je peux entendre la voix de Hyun-woo, reconnaissable entre mille, qui résonne dans mes oreilles avec une cruauté insoutenable. Sa voix, empreinte de mépris et de sadisme, me hante et me glace jusqu’au plus profond de mon âme.
Et alors que je sens ma vision se troubler, des taches sombres apparaissent devant mes yeux. Je lutte pour rester consciente et ne pas succomber. Ils s’arrêtent soudainement. Je sens un crachat arriver sur moi alors que leurs rires résonnent dans l’air. Ils semblent satisfaits puisque je les entends s’éloigner peu à peu.
Le silence qui suit est assourdissant, même oppressant.
Je reste allongée sur le sol, incapable de bouger, mes yeux fixés sur le plafond au-dessus de moi. Les larmes que je retenais avec tant de force se libèrent enfin, coulant sur mes joues en cascade. Après avoir passé un temps interminable à pleurer, j’essaie de rassembler mes esprits, de me relever tant bien que mal. La douleur au visage est si intense qu’elle me fait grimacer à chaque mouvement.
Pourtant, il est inquiétant de préciser que c’est de loin d’être l’une des pires choses qu’ils m’aient faites.
Je sens chaque partie de mon visage me faire souffrir, les bleus, les contusions, les marques de violence. Mon front est en feu, une douleur lancinante qui irradie jusqu’à ma tempe et ma joue. Mes côtes me lancent des douleurs aiguës à chaque respiration.
Je marche seule dans ces couloirs vides.
Comme les planètes vagabondes qui dérivent seules dans l’immensité de l’espace.
Puis, je franchis les portes de l’établissement, la nuit qui vient d’apparaître m’agresse à son tour, contrastant violemment avec la lumière artificielle qui émane de l’école.
Le vent frais caresse mon visage pendant que le silence pesant résonne à mes oreilles. Les lampadaires éclairent faiblement mon chemin alors que je sens les frissons parcourir mon corps.
Les bruits de la ville se font entendre au loin, les voitures qui passent, les conversations étouffées, mais tout cela semble si lointain, comme si j’étais coupé du monde.
Je me trouve sur le chemin peu éclairé qui me ramène chez moi, mes pas claquant doucement sur le sol. Les étoiles scintillent dans le ciel sombre, tandis que la lueur de la lune éclaire doucement ma route.
Lorsque j’arrive devant mon bâtiment, je peux observer que les fenêtres sont éclairées par une faible lueur.
Je grimpe les marches de l’escalier en béton qui mène aux étages supérieurs. Et une fois à mon étage, épuisée, je pénètre directement dans un couloir étroit, sans avoir besoin de passer une porte. Les escaliers se trouvent directement dans le hall. Les murs sont recouverts d’un papier peint défraîchi. Arrivée devant le numéro correspondant à mon appartement, je m’avance puis tape le code de celui-ci.
Un clic se fait entendre et la porte s’ouvre donc je pénètre dans mon modeste lieu de vie. La porte s’ouvre sur un petit sas pour enlever les chaussures, les retirant évidemment à mon entrée. Ce sas donne, quant à lui, sur un petit couloir ouvert. Sur le mur gauche, des placards, un réfrigérateur intégré pour que ça soit un peu plus esthétique et surtout, un gain d’espace. Un lavabo avec un four et des plaques de cuisson. Une machine à laver à côté, et encore des placards. Face à la machine à laver se trouve un lit blanc, posé à même le sol. La couverture et les oreillers sont eux aussi dans les tons blancs. Une petite télé est au-dessus du lit et une table de nuit est juste à côté.
À droite de la porte d’entrée, il y a une autre porte, celle de la salle de bain.
Les murs sont blancs, sauf celui à droite de la porte d’entrée qui continue jusqu’au côté où est placée la tête de lit qui lui est en bois. Le sol est quant à lui en parquet. Face au lit, il y a une petite table avec deux chaises, blanches, elles aussi.
Je me dirige avec hâte vers la salle de bains où se trouve une toilette à côté d’un placard noir avec posé dessus, un robinet blanc, un miroir installé derrière, sur le mur. À droite des toilettes, une douche avec une petite paroi en verre. Il y a du carrelage aux murs et au sol.
Je me tiens devant ce miroir, fixant mon reflet. Les marques de leurs coups commencent déjà à se former sur ma peau. Mon visage semble triste, mes yeux sont rouges et gonflés, révélant les larmes que j’ai versées.
Je me penche un peu en avant, observant de plus près les détails de mon visage. Un énorme bleu s’étend le long de ma tempe, descendant jusqu’à ma joue.
Mes yeux étaient pétillants de joie à l’époque, enfin je crois, mais maintenant, et ce depuis bien longtemps, ils sont ternes et fatigués. Les cernes sous eux témoignent des nuits sans sommeil et des pensées tourmentées qui m’ont hantée.
Je me recule, me regardant toujours dans le miroir. Je me déshabille, laissant tomber mes vêtements froissés sur le sol carrelé. Je peux apercevoir une ecchymose le long de mes côtes, du côté droit, de différentes nuances, allant du violet foncé au bleu pâle.
Je me dirige vers la douche, où l’eau chaude m’attend avec impatience. En tournant le robinet, je suis enveloppée par un jet qui caresse ma peau meurtrie. Chaque goutte d’eau qui tombe sur moi est comme un baume guérisseur. Je ferme les yeux, me laissant emporter par la sensation que l’eau me procure. Les coups reçus tout au long de la soirée se font ressentir, mais l’eau chaude agit comme une thérapie pendant de longues minutes.
Je sors de ma douche, sentant les gouttes glisser le long de ma peau. Je m’enveloppe dans une serviette douce tandis que je quitte la salle de bain et me dirige vers mon lit où les draps propres et frais m’attendent. Je m’allonge, sentant la douceur du tissu caresser ma peau fatiguée. Alors que je me laisse aller, mon corps se détend et mon esprit se libère. La douleur physique que je ressens est aussi intense que la douleur mentale que j’ai endurée. Mais mes muscles se relâchent.
Je m’enfonce dans le matelas, laissant mon poids être soutenu par le lit. Je me sens enfin en sécurité, protégée de tout ce qui m’a tourmentée alors je ferme doucement mes paupières, tandis que le sommeil m’emporte peu à peu. Dans cet état de semi-conscience, j’espère secrètement que le sommeil me transporte vers un univers plus serein, loin de cette réalité effrayante.
Des pensées vagabondes, comme ces planètes solitaires errant dans le vide de l’espace, naissent dans mon esprit. Elles tournent, sans but précis.
J’espère ne plus jamais me réveiller.
***
Debout devant mon école, j’anticipe les réactions des autres. La peur serre mon estomac alors que je me demande comment ils vont réagir en voyant les marques laissées par les coups que j’ai reçus hier soir. Par chance, mon visage n’a pas trop enflé.
Cependant, je peux sentir la douleur perçante de l’hématome sombre qui marque mes côtes sous mon haut. Je me précipite dans ma salle de classe, le son de la cloche qui résonne dans les couloirs m’indique que je suis en retard pour le cours.
Mon cœur bat la chamade alors que je me dépêche de rejoindre la salle. Enfin arrivée devant la porte, je toque doucement.
— Entrez.
La voix de monsieur OK, notre professeur de physique chimie, se fait entendre.
Il a les cheveux noirs et les traits durs pourtant, c’est un professeur profondément gentil. Il n’est pas très grand et a des yeux sombres lui aussi.
Alors que j’ouvre timidement la porte, les regards des autres élèves se tournent vers moi. Seulement Byul-ho continue de travailler, ne me regardant donc pas.
Je me sens rougir, consciente de mon retard et de l’attention que ça suscite.
J’aimerais disparaître.
— Excusez-moi du retard monsieur.
— Ce n’est rien, assieds-toi, le cours n’a pas totalement commencé.
Alors que je me dirige près d’une place vide et m’assois, j’entends des chuchotements d’autres élèves.
Je finis par tourner la tête et mon regard croise automatiquement celui de Byul-ho.
Ses yeux profonds dévient sur le côté de mon visage, observant mon bleu.
Purée, pas ça.
Mon réflexe est de placer mes longs cheveux devant afin de le cacher un minimum. Le cours débute alors. J’essaie tant bien que mal de rester concentrée malgré la douleur qui me lance au niveau de mes côtes.
***
— … c’est comme ça que Lavoisier a trouvé que la masse totale des produits d’une réaction chimique est égale à la masse totale des réactifs.
Il jette un coup d’œil à l’horloge accrochée au mur.
— Ça sera tout pour aujourd’hui.
La sonnerie retentit juste après la phrase du professeur, annonçant la fin des cours de monsieur OK.
Il est donc l’heure de la pause du matin et certains élèves quittent la salle alors que d’autres restent dans celle-ci, attendant le prochain cours.
Mes yeux tombent sur Byul-ho qui se plonge à nouveau dans ses cahiers. Il me fascine.
Je croise mes bras sur la table, laissant ma tête reposer doucement sur eux. Mes paupières se ferment. La douleur sourde dans mes côtes s’éveille à chaque mouvement, me faisant hurler de l’intérieur.
Je ne fais pas attention au bruit autour de moi, mais j’aurais dû. Je ne me rends pas compte que tout le brouhaha cesse.
— Et bah alors, la belle au bois dormant, la nuit a été dure ?
Hyun-woo.
Pitié, il ne peut pas me laisser tranquille une journée ?
Je décide de ne pas faire attention à lui, essayant de lui faire croire que je dors.
— On t’a déjà dit que c’est impoli de ne pas regarder la personne qui te parle ?
Je maintiens ma position, gardant une respiration normale, toujours dans l’optique de lui faire croire que je dors. Malheureusement pour moi, il sait que ce n’est pas le cas.
D’un coup, une main agrippe mes cheveux et tire violemment. Ma tête se relève d’un seul coup.
Un gémissement de douleur sort de ma bouche et mes yeux tombent dans ceux de Hyun-woo, comprenant que c’est l’un de ses amis qui maintient ma tête de cette manière.
Hyun-woo, de ses mains sur ma table, se penche. Il approche sa tête de la mienne.
— Quand je te parle, tu ne m’ignores pas.
Je ne lui réponds pas, mais ses yeux restent dans les miens.
Il tend sa main vers mon visage, caressant de ses doigts mon bleu.
— Ça serait dommage qu’il t’arrive encore quelque chose, pas vrai ?
Voyant que je ne réponds toujours pas, il attrape ma mâchoire, la serrant dans sa main.
Il me fait mal.
— Lâche-moi.
Erreur.
Il me sourit, d’un sourire inquiétant et lâche ma mâchoire. Son ami garde sa prise sur mes cheveux alors que Hyun-woo se redresse.
Il regarde la classe, qui est presque entièrement remplie puis plonge à nouveau ses yeux dans les miens.
Je sens la prise sur mes cheveux se lâcher, mais sans le voir venir, il me met une énorme gifle qui fait tourner ma tête.
Ma joue me pique alors que mes yeux se remplissent de larmes. Je me redresse légèrement, mais garde la tête baissée alors que la personne qui me tenait vient se placer à côté de Hyun-woo.
Il s’agit de In-su.
Évidemment…
— Ferme ta gueule et ne me donne pas d’ordres si tu tiens à ta vie.
Puis, je les vois partir de mon champ de vision.
Mon ouïe me dit qu’ils s’éloignent et que, pour le moment, ils arrêtent de m’embêter.
Il vient de me gifler devant tout le monde.
Je me sens humiliée.
Personne n’a réagi et je ne saurais dire si c’est par peur ou parce qu’ils s’en fichent. Toujours est-il que la sonnerie sonne à nouveau et madame Lee, notre professeure de géographie, arrive.
Elle a les cheveux courts et blancs immaculés, mais pas un blanc de vieillesse. C’est un blanc venant d’une coloration. Elle est assez grande et élancée, ses yeux sont d’une forme magnifique, lui donnant un air de chat alors que leur couleur est également sombre. Elle est vêtue d’une jolie robe noire, dans laquelle ses formes sont parfaitement bien épousées, qui lui arrive aux genoux. Ses talons claquent sur le sol à chacun de ses pas.
Alors que le cours débute, je relève la tête.
Sentant un regard sur moi, je la tourne par réflexe.
Et mon regard tombe dans celui de Byul-ho qui me regardait déjà.
Assise sur ma chaise, mes bras reposent sur la table en bois sombre, tandis que ma tête est posée sur ces derniers, mes yeux sont fermés, j’essaie de me reposer. Ici, loin de l’agitation des élèves qui sont dehors dans la cour ou encore en train de manger. Je peux entendre leur rire et leurs cris qui se mêlent à l’air frais, créant léger un bruit de fond. Je profite du silence qui règne dans la pièce, sentant la chaleur du soleil qui filtre à travers la fenêtre projetant des rayons de lumière sur mon visage. Une légère brise de vent vient caresser mon celui-ci alors qu’il est dirigé en direction des vitres ouvertes. Quelques-uns de mes cheveux se soulèvent lorsque le vent est un peu trop fort en même temps que le bruit des rideaux se frottant les uns contre les autres me berce.
Je ne suis pas allé au réfectoire aujourd’hui, comme tout le temps d’ailleurs. Je ne vais jamais manger au lycée, généralement je reste dans ma classe soit pour réviser, soit pour dormir. Aujourd’hui, j’ai opté pour la seconde, ayant besoin de repos. Besoin d’oublier, laissant les pensées divaguer d’un sujet à l’autre.
Ce soir j’ai entraînement, et j’appréhende énormément la manière dont cela va se passer, surtout avec ma vive douleur dans mes côtes. Peu importe. Nam Ye-rim, ma coach, compte beaucoup sur moi. Elle nous prépare, mon binôme et moi-même, au championnat de patinage artistique de Corée du Sud.
Puis, un bruit. Une porte s’ouvre. Je garde les yeux fermés, priant intérieurement pour que ça ne soit pas Hyun-woo ou l’un de ses amis. Je me souviens de chacune de ses expressions faciales, aussi dégoûtantes soient-elles. Les pas se rapprochent alors que je sens la personne non loin de moi. Mon cœur bat plus vite redoutant la suite. Sans le contrôler, je serre mes mains en forme de poings, attrapant ma veste entre mes doigts, inquiète de savoir qui est ici et j’attends. J’attends que les insultes arrivent. J’attends que les coups s’abattent. J’attends que les ordres me disent quoi faire. J’attends. J’attends encore.
Mais rien. Rien n’arrive. Alors, malgré ma peur, je relève légèrement la tête et face à ce que je vois, mon cœur a failli s’extirper de ma poitrine. Mais ce n’est pas de l’angoisse, non.
C’est du soulagement.
Il ne s’agit pas ici de ceux que je redoutais, mais de Byul-ho. Mes mains se détendent et je respire plus profondément pendant que ce dernier s’est arrêté pas loin de ma table, devant la sienne, son regard intense. Le soleil éblouit son regard qui croise le mien.
Pour une fois. Pour une fois depuis plusieurs années, ce n’est pas Hyun-woo ou ses amis qui sont entrés dans cette pièce alors que j’étais seule.
Je repose ma tête là où elle était, fermant à nouveau les yeux alors que le bruit d’une chaise qui se fait tirer arrive à mes oreilles, me signifiant que Byul-ho compte s’asseoir. Le bruissement de ses vêtements me le confirme.
Tandis que je l’entends sortir ses cahiers, pensant pouvoir être encore tranquille, la porte s’ouvre à nouveau. Cette fois-ci, je n’ai pas le temps de me poser des questions, car une voix reconnaissable entre mille, celle de Hak-kun, arrive à mes oreilles.
Et mon cœur se met à battre un peu plus vite, car je sais qu’il est là pour moi.
— Lève-toi la belle au bois dormant, il faut que je te parle.
Ses pas se rapprochent rapidement et sans que je ne puisse réagir il pose sa main dans mon dos, attrapant brusquement ma veste. Il la serre dans son poing pour me tirer afin de me relever de ma chaise, me faisant quelque peu tituber. Il me lâche puis, sans parler, me fait dos, commençant à partir. Je me baisse, voulant récupérer mon sac à dos.
— Laisse tes affaires ici, tu n’en auras pas besoin.
Je relâche instantanément la lanière de mon sac, il retombe alors au sol, alors que mon cœur menace de lâcher, la peur grandissante.
Je relève la tête et tombe à nouveau dans le regard de Byul-ho, ancré sur moi. Le temps semble s’arrêter. Pourquoi est-ce qu’il me fixe de cette manière ? Mais tout se disperse lorsque ses yeux se tournent lentement, regardant donc derrière moi.
Je comprends alors qu’il regarde Hak-kun, qui, sans le savoir, s’était rapproché de moi. Sa main attrape violemment mon bras et me tire en arrière.
— Je n’ai pas tout ton temps alors viens là.
Et sans un mot de plus, il m’attire en dehors de la salle de classe. Il marche à travers les couloirs et lors d’une intersection, me pousse contre un mur. Mon dos heurte durement la surface en béton derrière moi, m’arrachant une grimace de douleurs. Hak-kun se place en face de mon corps, les mains dans les poches. Je lève les yeux et mon regard tombe dans le sien.
— Demain soir tu vas venir avec moi, on a un truc à faire. Tu m’attendras dans les toilettes en fin de journée. Et surtout tu fermes ta gueule et tu n’en parles pas à Hyun-woo.
J’écoute les ordres qu’il me donne, assimilant tous ces mots. L’appréhension vient se glisser au sein de mon ventre alors que le peu d’appétit que je commençais à avoir s’évanouit.
— T’as compris ?
Je hoche juste la tête.
— Parfait. N’oublie pas que si tu ne fais pas ce que je te dis, tu le regretteras. À demain, aegiya3.
Il aborde un sourire, ses yeux brillant de malice. Puis, sur ce, il me tourne le dos et part, les mains toujours dans ses poches comme si rien ne se passait et que tout était normal.
À chaque fois. À chaque putain de fois qu’il m’appelle comme ça, mon ventre se retourne, menaçant de vomir à tout moment tellement la honte m’assaille.
Je le déteste.
Il sait que je n’aime pas ça et il le fait, car cela lui fait plaisir de me mettre dans l’embarras.
Je me retourne et me dirige à nouveau vers ma salle de classe, la boule au ventre, les pieds traînant sur le sol. Arrivée dans la salle, Byul-ho n’est plus là. Je m’arrête en fronçant les sourcils. Je n’ai cependant pas le temps de me poser des questions, qu’une présence se fait sentir derrière moi, sentant un corps proche du mien. La panique le gagne alors, pensant qu’il s’agit de l’un de mes intimidateurs.
— Tu peux te décaler ?
Me demande une voix douce, sans méchanceté, sur un ton monotone presque léthargique.
Léthargique.
Le soulagement se fait ressentir à l’intérieur de moi alors que je m’avance puis me tourne, regardant Byul-ho dans les yeux.
— Excuse-moi.
Il ne répond rien et me contourne simplement puis se dirige proche de sa table avant de s’asseoir à cette dernière. Je fais de même, me dirigeant également vers ma table. Mes yeux sont toujours fixés sur le garçon qui sort ses écouteurs pendant que lui a les siens sur ses cahiers.
Installée à ma place, je remets mes bras sur la surface de la table, ma tête appuyée dessus. Puis ferme les yeux.
***
La sonnerie sonnant la fin de la journée retentit alors tout le monde range leurs affaires dans un brouhaha intense. Je me dépêche de ranger mes affaires sans jeter un regard à qui que ce soit, fermant mon sac. Je le mets sur mon dos puis je cours en direction de la sortie. Malgré ma hâte, je ne peux ignorer la douleur qui me lance dans ma côte, endroit sur lequel Hyun-woo et In-su se sont acharnés hier, mais je tente de me concentrer sur mes pas.
Je ne dois pas croiser Hyun-woo.
J’aurais aimé dire que je ne veux juste pas être en retard pour mon entraînement, mais la vérité est toute autre. Je n’ai juste pas envie de croiser l’objet de mes tourments avec ses amis avant de m’entraîner. Les sévices qu’ils peuvent me causer peuvent m’empêcher de m’exercer et je ne peux pas me permettre de louper une session. J’en ai déjà beaucoup trop loupé cette année.
Je ne dois pas croiser Hyun-woo.
Je sors du bâtiment en courant, mon sac toujours sur le dos. La pluie se pose sur mon corps comme un baiser doux. Les gouttes d’eau se mettent à danser sur mon enveloppe corporelle au même rythme que mes pas rapides battant le pavé de la cour.
Je ne dois pas croiser Hyun-woo.
Mais alors même que j’avais passé la porte principale de l’école, me dirigeant à toute vitesse vers le portail, je sens une pression sur ma cheville et en un rien de temps, j’ai l’impression que mon estomac est dans mes talons.
Mon corps s’approche alors du sol et mon bras gauche s’écrase en premier sur les pavés alors qu’une douleur aiguë traverse ce dernier. J’essaie de me relever, mais un coup violent m’envahit au niveau de mon épaule, me faisant crier sans que je ne comprenne ce qu’il se passe.
— Doucement, ma jolie, on ne t’a jamais dit que c’est dangereux de courir sous la pluie ?
Hyun-woo…
Il me contourne et vient s’agenouiller devant moi. L’une de ses mains caresse mes cheveux d’une étrange douceur avant de les attraper et les tirer violemment. Ma tête se relève alors que ma nuque se tord.
— Pourquoi es-tu si pressée ?
L’intonation sur laquelle il m’a posé cette question me laisse comprendre qu’il sait parfaitement pourquoi je me suis précipitée hors de la classe. Mais alors qu’il allait ajouter quelque chose, une autre voix se fait entendre, non loin de nous.
— Hé, qu’est-ce que vous faites ?
Cette voix appartient à monsieur Park. La tête de Hyun-woo tourne dans sa direction alors qu’il relâche mes cheveux, se relevant par la même occasion.
— Rien du tout monsieur, Ji-hyun est tombée, je voulais juste l’aider à se relever.
Il attrape l’un de mes bras et m’attire pour m’aider à me mettre debout tandis que je passe mes mains sur mes vêtements pour retirer la saleté qui s’était accrochée.
— Pas vrai Ji-hyun ?
Hyun-woo me demande ça en passant un bras autour de mes épaules.
Je relève la tête et à présent je peux voir que monsieur Park est proche de nous, mais aussi que Byul-ho se tient à ses côtés. Nos yeux se rencontrent encore.
Alors que je ne disais rien, contemplant les orbites intenses du nouveau, le bras autour de moi se resserre, me forçant à répondre. Mon regard divague dans celui de notre professeur.
— Oui oui, ne vous inquiétez pas monsieur, tout va bien.
J’essaie d’être la plus crédible possible. Je ne dois pas laisser le doute s’immiscer à l’intérieur de monsieur Park, sinon Hyun-woo va me le faire regretter. Le professeur, qui semble quelque peu convaincu, abaisse son regard sur mon avant-bras.
Je suis la trajectoire de ses pupilles et vois une égratignure sur celui-ci, la chute me l’ayant provoquée. Par réflexe, je pose mon autre main dessus et offre un sourire à monsieur Park qui hoche finalement la tête puis s’adresse au garçon à mes côtés.
— Ceci dit, tu tombes parfaitement bien Hyun-woo. Il fallait que je te parle de ta note du premier devoir. Viens avec moi.
Sur ce, monsieur Park passe à côté de nous, ne se retournant pas. Hyun-woo le suit en me lâchant dans la foulée, mais il n’oublie pas de me donner une tape dans l’épaule. La même sur laquelle son pied s’est écrasé quelques minutes plus tôt.
Byul-ho est devant moi, mais je n’ose pas croiser son regard. Alors, je décide de reprendre la route, cette fois en marchant puisque je n’ai plus aucune raison de fuir.
***
Le bruit des patins sur la glace et ma main logée dans celle de Tae-yang, mon coéquipier, nos corps se synchronisent au rythme de la musique. Je me sens si bien.
Mon joyau à moi, c’est la glace. Aussi brillante que les pierres précieuses qui reflètent les douces lumières qui la touchent alors que les patins, dont nous devons nous munir, sont aussi tranchants que les côtés d’un diamant.
Nous continuons de bouger au son des accords de la musique qui se joue. Les grandes mains de mon binôme se posent sur mes hanches, de derrière. Il me porte dans les airs, mon corps se retourne puis se soulève.
Alors que je suis au-dessus de sa tête, mes mains sur les siennes tenant ma taille, je gaine l’entièreté de mon corps afin de garder l’équilibre. Mais c’est là que je le vois. Accoudé à la rambarde de la patinoire, ses mains croisées, les yeux fixés sur nous. Son regard est perçant de malice tandis que les néons de la patinoire se réfléchissent sur sa chevelure claire.
Hak-kun.
Lorsque son regard croise le mien, j’aperçois une lueur, que je ne saurais décrire, passer dans ses iris. La panique me gagne, mais j’essaie tant bien que mal de garder mon calme. Malheureusement pour moi, mon corps n’est pas du même avis puisqu’il me lâche et tombe en avant, emportant Tae-yang dans ma chute sous les hurlements de madame Nam.
Mon dos entre violemment en contact avec la glace froide tandis que ma tête, elle, est passée in extremis de s’exploser dessus. L’une des lames des patins de mon coéquipier rentre dans ma peau, sur mon bras, à travers mon haut noir, me faisant couiner de douleur.
Le déchirement est brutal et violent, je ne m’attendais pas à ça, alors je pleure. Telle une enfant, sans le contrôler. Mon corps allongé sur le côté comme une poupée, je ferme les yeux, priant intérieurement que tout s’arrête.
Pourtant, je sais ce que ça fait d’avoir mal. Il n’y a pas un seul jour de ma vie où mon corps se repose. Il est toujours le martyre de ceux qui se complaisent à être mes bourreaux.
Alors pourquoi maintenant ? Pourquoi, l’intérieur de mon être tout entier a l’impression de subir une déchirure aussi violente que si mon cœur se faisait arracher comme lorsque l’on sépare un arbre à ses racines ? Ce n’est qu’une chute lors d’un entraînement pourtant, mon âme l’a ressenti différemment, comme si cette fois, c’est elle qui parle, qui hurle le mal qu’elle ressent.
Je me demande souvent si elle veut quitter mon corps de temps en temps pour connaître la tranquillité. Pourquoi reste-t-elle ? Peut-être qu’elle aussi est contrainte de subir ce qu’elle n’a pas choisi. Un jour, peut-être, elle trouvera la force de s’en aller, la porte de sortie vers la liberté et à ce moment-là, j’aurais enfin la paix. Mon âme s’en ira et mon esprit aura la tranquillité.
Ça serait donc cela le bonheur ? La mort. La douleur est la seule vérité de la vie, c’est ce que dit Gustave Flaubert. Mais pourquoi ? Pourquoi faut-il souffrir ? Pourquoi la vie doit-être faite de douleur et de violence ?
C’est injuste…
Il y a de l’agitation autour de moi, mais je n’y fais guère attention. Mes yeux s’ouvrent uniquement lorsque l’on pose quelque chose sur mon épaule. Une main, je crois. Une main tremblante, fraîche, touchant délicatement mon membre par-dessus mon haut.
La voix de madame Nam parvient à mes oreilles.
— Ji-hyun, tu vas bien ?
Je ne lui réponds pas, mes yeux se perdent simplement sur son doux visage penché au-dessus de moi, déformé par la peur qui émane d’elle.
— Bordel, c’est quoi ton problème ?
C’est So-hee qui parle. Elle me semble agacée. Mes yeux se tournent sur sa personne alors qu’ils rencontrent son regard assassin. Puis elle se détourne et s’agenouille à la hauteur de son petit ami, Tae-yang qui est assis sur la glace.
Elle pose délicatement une main sur sa joue puis vient coller son front au sien en fermant les yeux. Derrière eux, la silhouette d’un jeune homme s’avance. Alors que mon regard se lève quelque peu, je m’aperçois qu’il s’agit de la raison de notre chute. Les mains dans les poches, son visage ne trahissant aucune expression hormis son regard profond, qui me captive sans cesse.
Madame Nam retire sa main de mon épaule et se relève.
— Je vais te chercher une poche de glace. On arrête l’entraînement pour aujourd’hui.
Elle se dirige hors de la patinoire et disparaît par une porte, en direction des vestiaires. Me voilà seule. Seule avec eux. Seule avec lui.
Il s’approche de moi, les mains toujours dans les poches puis s’accroupit face à ma personne.
— On ne sait plus tenir debout, aegiya ?
Son ton ironique me fait aussi mal que ma chute et voyant que je ne réponds pas, il surenchérit.
— Tu sais que c’est impoli de ne pas répondre quand on te parle ?
Alors qu’un sourire malsain se dessine sur son visage, So-hee apparaît dans mon champ de vision, les bras croisés sur sa poitrine.
— Tu ne pourrais pas faire attention à ce que tu fais ?
Son air crispé m’inquiète. Je ne voulais pas que cela arrive. Je ne le voulais pas. Pourquoi est-ce qu’elle me regarde de cette manière ? Pourquoi est-ce qu’elle semble si agacée contre moi ?
— Ce n’est rien So-hee, ça arrive ce genre d’accidents, ce sont les risques.
C’est Tae-yang. Je le sais, car c’est le seul qui est gentil avec moi. Enfin, c’est juste normal. Il n’est jamais méchant. Je me suis d’ailleurs toujours demandé comment est-ce qu’il pouvait être ami avec Hak-kun ou même le petit ami de So-hee. Ces derniers sont pourris de l’intérieur, comment est-ce qu’il peut être compatible avec eux ?
Je le vois s’agenouiller devant moi, posant sa main sur mon épaule.
— Tu vas réussir à te relever ?
Je partage un regard avec lui sans lui répondre. Il me caresse doucement l’épaule en me souriant gentiment.
— Je vais t’aider.
Il descend sa main et attrape mon bras pour m’aider à m’asseoir. Puis, avec son autre main qui se pose sur mon deuxième bras, il me relève. Je place les miennes sur ses épaules tandis que lui est toujours fermement accroché à mes bras.
Je titube un peu et lorsque je tente de poser correctement mes pieds au sol, un tiraillement vif se propage dans l’une de mes chevilles, m’arrachant un petit couinement.
— Ça va aller ?
Je hoche la tête, peu convaincante alors que madame Nam revient, une poche de froid en main. Pourtant elle ne revient pas sur la glace, restant en dehors de l’étendue blanche. Sans que je n’aie le temps de réfléchir, Tae-yang retire ses mains de mes bras alors qu’il passe l’un des siens derrière mon dos et l’autre sous mes jambes.
Ces dernières ne touchent plus le sol pendant que mes bras passent autour de sa nuque. Il me porte et je sens les regards de So-hee et Hak-kun brûler mon dos.
Tae-yang se déplace sur la glace, se dirigeant vers sa mère. Une fois sortie de la glace, il me garde dans cette position alors qu’il marche derrière elle.
Madame Nam s’assoit sur l’un des sièges des gradins, son corps élégant se laissant aller contre le dossier. Elle tapote doucement sur le siège à côté d’elle. Tandis qu’elle s’occupe de moi, Tae-yang se retourne et se lève, son regard glisse alors sur moi. Il se dirige vers la glace, rejoignant sa copine et leur ami qui attendent.
Madame Nam me regarde avec un sourire aimable, comme si elle voulait me rassurer. Mon regard, qui jusque-là avait suivi Tae-yang, se pose maintenant sur Hak-kun, qui me fixe déjà avec un visage fermé et inexpressif.
Je ne sais pas ce qu’il pense à ce moment précis, et je ne souhaite pas le savoir, car la simple vue de ses yeux me fixant me fait frissonner de peur. Ses yeux, sombres et profonds, semblent pénétrer à travers moi, comme s’ils cherchaient comment me blesser à nouveau. Il me fixe avec une intensité glaciale.
Avec toutes ses pensées, je n’avais même pas senti les mains de Madame Nam sur moi. Je me trouvais complètement absorbée dans ma propre réflexion. Je n’avais pas même pris conscience de la présence de ses mains sur ma cheville, de la douceur de son toucher.
Ce n’est que lorsque madame Nam s’adresse à moi, relâchant ma cheville, que je tourne la tête, me concentrant sur ce qu’elle me dit.
— Tu devrais prendre un rendez-vous avec un médecin pour avoir l’avis d’un professionnel. Mais je pense que tu as une entorse à la cheville. J’en ai déjà eu et tu en représentes les symptômes.
Je hoche seulement la tête, écoutant attentivement ce qu’elle me dit, sachant que je n’irai jamais chez le médecin.
— Tu as la cheville gonflée et tu auras sûrement une ecchymose d’ici ce soir.
Génial, encore une…
— Ne force pas sur ta cheville. Je te déconseille de courir ou de trop mettre de pression dessus. Laisse-lui le temps de s’en remettre. Ça n’a pas l’air d’être très grave alors tu devrais en avoir pour environ trois semaines.
— Et pour les entraînements ?
— Nous faisons une pause.
J’écarquille les yeux, la panique me gagne.
— M-Mais et le championnat ?
— Le championnat se déroulera en février. Tu as tout le temps de te reposer. Puis, si nous continuons les entraînements malgré ta blessure, ça peut être dangereux.
Je baisse vivement la tête, triturant mes doigts entre eux, les yeux rivés dessus. Une envie de vomir grimpe violemment en moi.
— Je suis désolée…
Une main se pose sur mon épaule, dans une douceur infinie, accompagnée d’un léger sourire qui orne ses lèvres.
— Ne t’excuse pas de t’être blessée Ji-hyun. Ce sont les risques. Toute bonne sportive se doit de passer par là.
Si elle savait que ce n’est ce qu’elle a en tête qui s’est réellement passé, je ne suis pas sûre qu’elle serait aussi conciliante. Mais je me garde bien de le lui dire.
— Je vais te raccompagner jusque chez toi.