Les armées de Dieu - Stephane Luchmun - E-Book

Les armées de Dieu E-Book

Stephane Luchmun

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Beschreibung

"Les armées de Dieu" est un roman historique qui redonne vie à Jérusalem entre les années 132 et 135 apr. J.-C. À travers cette fresque épique, trois figures majeures émergent : Shimon Bar Kochba, dernier prince des Juifs ; le légat romain Quintus Lollius Urbicus ; et Esaïm, sage représentant des Nazôréens. Trois hommes, trois visions, trois peuples galvanisés autour d’une terre, d’une foi, d’un destin. Leurs rencontres, leurs confrontations et leurs partages transcendent les clivages de l’époque. Entre foi, amour, passion, trahison, rédemption et guerre impitoyable, plus de sept cent mille hommes s’affrontent pour une terre… et pour un Dieu.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Originaire de l’île Maurice, Stephane Luchmun, à l’approche de ses 50 ans, commence tout juste à déceler l’univers caché des textes bibliques. Après plusieurs études universitaires et diverses formations sur la Bible, il entreprend de réorganiser ce tumulte intellectuel à la recherche de cette pierre angulaire dont chacun se sert pour se construire. Il prend alors le risque d’ouvrir le paquet de la foi parentale pour proposer humblement une vérité, mais pas nécessairement la Vérité.

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Seitenzahl: 349

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Stephane Luchmun

Les armées de Dieu

Roman

© Lys Bleu Éditions – Stephane Luchmun

ISBN : 979-10-422-7005-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À tous ceux qui ont cru en moi,

et les autres,

je vous aime

Préface

Chers amis,

Je vous appelle amis, car dans ces pages qui suivent je me dévoile et partage avec vous un peu de mon intimité intellectuelle. Mon dévoilement, certes pudique, relève de mes expériences à la recherche de cette pierre angulaire dont chaque individu se sert pour se construire. Mon roman édulcoré de mes fantasmes littéraires concerne une période qui au gré de mes recherches a su m’envoûter. De l’an 132 à 135, l’humanité s’est encore enrichie d’un temps d’amour, de paix et de guerre. Une quête initiatique vers la volonté des hommes de servir leur Dieu et de préserver leurs acquis.

Une période où tout aurait pu basculer selon la volonté d’une puissance divine, exécutée par des hommes. Des centaines de milliers de morts pour une terre.

Malheureusement le combat continue toujours même si les armes et les visages ont changé. Toujours des armées pour un Dieu.

Détenteur d’un diplôme d’études professionnelles approfondies, et d’un Master 2 en stratégie, je délaisse mon armure de gestionnaire pour vous inviter à voyager, méditer, rire, fantasmer et prier pour ces hommes, femmes et enfants détruits pour la gloire d’un messie et d’une terre.

Laissez-vous porter par le récit et gardez votre liberté de soutenir ou de détester une idée ou un personnage. Certains acteurs ont vécu et d’autres qui ont pris naissance dans mes rêves. Je me suis moi-même arrogé le droit d’une adaptation des événements sans aucune malice. Loin de moi l’intention de m’en prendre à une quelconque foi ou religion. J’ai délaissé les carcans de mon enfance et ouvert le paquet de la foi parentale pour proposer humblement une vérité, mais pas nécessairement La Vérité.

Bon voyage !

Stéphane

À noter, pour aiguiser votre curiosité, j’ai mis un * aux évènements, lieux, mythologies et personnages qui ont vraiment existé. Libre à vous de faire des recherches sur ces éléments de notre histoire…

Prologue

Après la mort par le supplice de la croix d’un certain Jésus de Nazareth, les Juifs, encore sous domination romaine, attendaient toujours la venue du messie.

Ce libérateur annoncé par les prophètes aurait permis au peuple élu de faire rejaillir sa gloire et faire El (El étant le nom sacré de Dieu) soit le Dieu de toute la terre avec Jérusalem comme centre du monde.

Une guerre intestinale opposait le Sanhédrin et les Zélotes. Le Sanhédrin, assemblée des sages, avait autorité sur Jérusalem et était toléré par les Romains ; il gardait l’autel de la foi et de la justice. Les zélotes, proches des pharisiens, prônaient la liberté du peuple, sentiment qui devait mener à la révolte.

Une première insurrection, connue comme la grande révolte, eut lieu en l’an 66 et opposa les forces juives aux forces romaines et consorts dans un ratio de 1 pour 4. La guerre prit fin avec la destruction du fort de Massada au sud-ouest de la mer Morte. Jérusalem et des temples furent pillés et détruits par les vainqueurs conquérants. Les derniers Juifs au fort préférèrent se suicider plutôt que de renoncer à leur liberté.

Cela étant, les Zélotes disparurent et le Sanhédrin perdit son pouvoir et influence. Les Samaritains, vomis par les juifs, parce que considérés comme infidèles à La Parole, allèrent s’installer sur les côtes. Les pharisiens, adeptes de la Torah, devinrent les nouveaux influenceurs de la région.

Sous l’administration romaine dont la devise était de diviser pour mieux régner, les provinces furent redessinées et appauvries économiquement.

D’autres timides tentatives d’insurrections furent rêvées ou même tentées quelques années plus tard, mais durement réprimées par les Romains.

Cinquante ans plus tard, l’empereur Hadrien régnait sur le monde. Le rêve des Juifs attendant le messie perdurait toujours dans les esprits et les attentes se faisaient violentes et destructives.

En même temps, un nouveau mouvement issu de Jésus de Nazareth qui prônait paix et amour germait dans la population. On les appelait les Nazôréens. Certains de leurs guides voulaient faire revivre le Sanhédrin pour propager leurs idées.

Les Juifs opprimés, dans le sang, toute tentative d’oublier La Parole et se cherchaient le messie. Le messie d’après les Juifs était celui qui allait réunir toute la famille des fidèles à La Parole en se mettant à la tête d’une armée et rendre la terre pure. Il n’était pas dit aucune part qu’il était le fils d’El. Hadrien dans un premier temps proposa de faire reconstruire le temple de Jérusalem, mais les Samaritains prirent leur revanche en demandant une de ces trois conditions ; réduire la superficie ou de l’augmenter ou le construire ailleurs. Chose impossible pour les Juifs. Plus tard Hadrien changea de stratégie et enleva le nom de Jérusalem et voulut ériger un temple à l’honneur de Jupiter dans la cité sainte.

En l’an 132, Shimon bar Kochba, à la tête de milliers d’hommes, reprit Jérusalem après avoir pris village par village par la force. Les Romains furent obligés de laisser toute la région de Judée aux Juifs.

Les forces romaines reprenaient des couleurs et le nombre de légions prêt à reprendre les terres se massait en Syrie, en Arabie, en Égypte et en dehors de la Germanie pour la reconquête à venir.

Le peuple décida de fêter son sauveur Shimon et de l’élever au titre de Prince et certains même comme le messie. Il régnait en maître à Jérusalem avec sa suite de dizaines de milliers d’hommes prêts à mourir pour la terre des élus.

Shimon jouait à merveille ce rôle de messie.

Chapitre 1

Alpha

La nuit était douce. Dans une ruelle de Jérusalem se trouvait une case semblable à ses voisines où juste une lumière indiquait que les lieux étaient habités. La demeure pour ce temps était le lieu de rencontre et de vie pour Esaïm et son jeune protégé Jamel.

Esaïm a toujours été considéré par les siens comme le représentant des Nazôréens, car ils étaient émerveillés par sa sagesse, sa manière de vivre et son calme.

Jamel demanda à Esaïm de lui raconter l’histoire des vieux parchemins qui s’étiolaient sur la table.

La pièce était sombre et la lumière des bougies ondulait avec grâce et jouait avec les ombres qui prenaient vie sur le mur en bois. Couleur cannelle, les murs sentaient encore cette rosée du Jourdain où l’on pouvait encore rêver de s’envoler sur ses eaux de nacre.

Jamel avait neuf ans et prenait déjà ses marques dans la petite maison où des gens allaient et venaient pour écouter le sage. Esaïm était toujours vêtu d’un pagne jadis marron, avec à la taille une ceinture en peau de serpent. Cet accoutrement n’était non seulement son unique richesse, mais plus encore un symbole de sa vie. Sa barbe blanche masquait son torse bruni au dur soleil de sa jeunesse passée dans les vignes.

Jamel redemanda à Esaïm de bien vouloir lui en dire plus sur ces écritures.

Formes et symboles cunéiformes transplantaient sur ces feuilles que seul Esaïm pouvait encore déchiffrer.

Esaïm était un produit de la grandeur et de la fin de Massada*. Il avait grandi dans le désert. Son père haut dignitaire et grand érudit du temple de Jérusalem, était tombé en disgrâce après qu’il eut déserté les siens avant la destruction du fort. Esaïm avait eu l’éducation rigide et silencieuse de son père fuyant chaque contrée de peur d’être découvert. Il apprit les langues et écritures de la mer morte et laissait ces eaux modeler son corps. Il découvrit la passion d’une jeune jordanienne qui lui fit changer le lait de son corps en semence, liquide blanc euphorisant de ses désirs. Il connaissait la terre où la vie prenait forme et devenait breuvage de l’âme.

Depuis la fuite des romains, Esaïm apprit à connaître Shimon bar Kochba*, à l’aimer avant de devenir plus tard un de ses plus farouches opposants. Esaïm ne comprenait pas cette fureur de croire que son peuple choisi, pouvait sans vergogne, écraser ce nouveau bourgeon qui suivait avec quiétude et folie, les pas d’un dénommé Jésus. Souvent menacé par les partisans de Shimon, Esaïm prenait plaisir à exacerber cette haine en souriant à ces soi-disant géniteurs de mort.

Il pressentait qu’en cette année, une révolte contre Shimon allait surgir, mais gardait espoir que Dieu allait intervenir pour sauver tout son peuple.

Il regarda l’enfant et vit en lui son propre reflet rajeuni. Cette soif de connaissance et du questionnement qui libère l’âme. Il décida enfin à répondre aux appels du gamin non pubère, en lui dévoilant l’histoire d’un dénommé Jésus de Nazareth*.

Esaïm ferma les yeux, et l’on pouvait sentir une chaleur douce émaner du corps du maître. Une odeur d’acacia mélangé au bois de santal faisait communion entre l’esprit d’Esaïm et son corps. Il prit trois longues respirations et son pouls n’était plus qu’un simple mouvement insipide qui maintenait encore une circulation sanguine dans sa tête.

Les rumeurs de guerre étaient loin. Malgré la petitesse de la pièce, les bougies semblaient carburer à une nouvelle énergie et éloigner tout mal du lieu.

Esaïm commença son enseignement par une question.

— Qui est Dieu pour toi, Jamel ?

Du haut de ses neuf ans, Jamel regarda le sage et ne comprit pas la question. Les criquets et le vent furent les seuls intrus au silence de la pièce.

Esaïm redemanda à Jamel :

— Décris-moi ton Dieu.

Jamel avec assurance répondit :

— C’est le Dieu d’Abraham* qui a créé toute chose et qui est le tout puissant dans le ciel avec ses anges. L’enfer à nos ennemis et le paradis dans le ciel pour nous !

Esaïm sourit.

— Et si je te dis qu’au-delà des nuages, il y a des multitudes d’étoiles et pas de paradis, et moins encore des dieux.

— Blasphème !

Jamel s’étonna de son audace à défier son maître.

Un bruit sourd se fit entendre au loin et le ciel était parsemé de lumières terrifiantes.

Jamel alla se cacher sous la table et comprit que Dieu se déchaînait dans les nuages pour prouver à son disciple ses torts.

Esaïm resta impassible et reprit tranquillement ses prières.

---

Après une nuit d’orage, les sentiers du village étaient le lieu de divertissement pour les ânes, trop contents de trouver cette boue réconfortante après les accès de colère divine.

Un messager, pieds nus, s’avança vers la modeste demeure d’Esaïm. Il bomba le torse et tenta de montrer sa supériorité musculaire tel un mâle voulant dévorer sa proie.

— Ouvre la porte au nom d’El, cria le gaillard.

Esaïm sortit avec douceur et rappela à Jamal qui dormait toujours :

— Personne n’invoquera le nom de notre Dieu sans raison et même pas pour qu’une porte s’ouvre.

Le messager recula et se cambra devant cette force surnaturelle qui émanait du vieillard.

— Shimon bar Kochba, notre maître à tous, m’envoie.

L’homme s’enhardit en puisant une force de ce nom et se redressant avec robustesse continua :

— Tu es attendu tout de suite dans sa maison. Je vais te montrer le chemin vieil homme.

Jamel s’était réveillé et fut surpris par l’insistance et l’assurance du visiteur à l’évocation du nom de Shimon. Il voulut défendre son maître, mais Esaïm prit son bâton et toqua sur le sol.

— Si ton maître me veut comme invité, allons-y.

Jamel resta silencieux et suivit les deux hommes sur le sentier entre les maisons. Les cris de femmes se faisaient déjà entendre et avec le vent et le soleil, une étrange odeur putride émanait des ruelles.

Shimon bar Kochba dégageait une puissance divine. Ses phrases étaient mesurées, analysées et méditées par la foule de croyants. Beaucoup se référaient à la mission kabbalistique, rêvaient d’un vrai messie juif, issue de ses terres pour une paix future.

Souvent aperçu sur son cheval blanc*, il avait le corps basané et une épaisse chevelure qui lui donnait une allure angélique. Sa barbe noire fournie lui donnait l’aisance d’un sage en devenir. Lui, c’était sûrement le sauveur et non ce pseudo-médecin prédicateur de Nazareth tué comme un agitateur en croix.

Shimon savait qu’il avait de l’influence sur son peuple et faisait souvent référence à un peuple libre où il rétablirait la royauté d’El sur Terre.

Il avait soigneusement choisi son fauteuil, taillé dans un seul tronc, orné de fleurs et sculpté de l’arbre de vie* pour symboliser son appartenance aux croyances de son peuple. De l’arbre de vie, qui, selon la Kabbale, représente les lois et la création de l’univers. Sur la sculpture, on pouvait distinguer les dix Séphiroth*, puissances créatrices. Les gravures étaient relevées par des feuilles d’or pour mieux dégager leur puissance.

L’atmosphère était joviale et des servantes aux seins à peine dissimulés par une soie légère, laissaient apparaître leurs pointes durcies par l’envie de servir leur prince. Elles se dandinaient avec des plateaux de fruits remplis à ras bord.

Pommes, poires, oranges étaient ostensiblement disposées sur de grandes coupes en argent devant le pseudotrône.

Des tissus de toutes les couleurs pour rappeler la tunique de Joseph* tapissaient les murs. Sa demeure reprenait les gloires passées du peuple choisi et symbole de richesse.

Des gens parlaient doucement à l’entrée de la maison de peur de susciter la colère du chef des lieux. Leurs parfums enivraient les demoiselles qui servaient avec une fausse pudibonderie. Elles étaient là à admirer les bagues aux doigts des invités, chacune plus étincelante que ses voisines, désignaient le statut de leur maître.

Esaïm ne parut pas déstabilisé ni ébranlé par tant d’éclats, mais eut quand même l’audace d’admirer la poitrine d’une servante qui flottait sous la soie.

Chapitre 2

La première confrontation

Le regard de Shimon s’obscurcit à l’entrée de son jadis ami.

— Dois-je te demander si toi et tes fils allez bien ?

Esaïm faisait référence à la phrase culte des césars à ses sénateurs en ouvrant le Sénat.

Shimon ne répondit pas à cette boutade.

Un des conseillers de Shimon haussa la voix en demandant si leurs oreilles allaient tolérer la langue des Samaritains en faisant référence à la langue araméenne que pratiquait Esaïm.

Shimon reprit :

— La seule langue des enfants du vrai peuple de Dieu est l’hébreu. Sous le toit d’Israël, aucune autre langue ne sera tolérée sous peine de rejoindre ses parents dans la géhenne.

Les sourires des riches sympathisants de Shimon faisaient plus de bruit que l’orage de la nuit dernière.

— Parle Shimon, pour quoi me faire quérir en ce si beau jour ?

Esaïm ne voulut pas donner la chance à Shimon de faire preuve de terreur et utilisa un vieux dialecte d’Araméen et d’hébreu.

Shimon comprit qu’il n’était pas nécessaire de relever la nuance d’Esaïm et reprit d’un ton plus léger :

— Mon cher ami, veux-tu que la parole de Dieu s’accomplisse en ces jours ?

Il attendit la réponse affirmative d’Esaïm, qui bougea légèrement la tête pour affirmer ces paroles.

— Alors pourquoi continues-tu à enseigner les paroles de ce fou à notre peuple bien aimé ? On a tous le devoir de suivre la loi de Moïse* et donc d’accepter La Parole. Ton Jésus est mort, cloué comme le meurtrier qu’il devait être et son corps volé par Pilate* pour casser notre foi.

— Es-tu sûr qu’il est mort ?

L’assemblée éclata de rire.

— Noé et nos autres prophètes ont vécu plus de 100 ans. Ton bâtard aura quel âge cette année ? Peut-être se cache-t-il dans ta barbe ou à ta ceinture ?

Cela eut l’effet de rendre l’atmosphère festive par les rires de sa cour.

— Sers-nous du vin et buvons au temple de Jérusalem… continua Shimon en regardant une jouvencelle attablée et admirant la scène.

Esaïm savait que refuser le vin devenait une offense encore plus grave qu’une insulte. Il aimait le vin et but une gorgée pour montrer à son hôte un semblant de savoir-vivre.

Shimon était ravi, car pour lui, ce geste d’Esaïm était un symbole de soumission aux regards des hauts dignitaires du temple présents à sa résidence.

— Je te le demande une dernière fois mon cher ami, sois avec le peuple, car je ne pourrais pas empêcher qu’il y ait un accident qui te rende aveugle.

— SPQR*, le Sénat et le peuple. Tu sembles ressembler de plus en plus à nos anciens occupants.

— Soit tu es avec nous ou contre-nous ! On connaît tous votre symbole secret, un poisson. Ce sera facile pour mes hommes de reconnaître les traîtres parmi les Juifs.

Il ne répondit pas à son interlocuteur et garda le silence. Mais son regard se fixa sur les yeux de Shimon et ses paupières semblaient ne plus bouger. Shimon sentit cette force de défiance d’Esaïm. Il comprit qu’il lui fallait un exemple pour montrer au peuple son autorité. Au loin, ses yeux se posèrent sur Jamal au-dehors qui suivait le spectacle. Il le reconnut et esquissa un sourire.

— Emmène-moi ce chiot Nazôréens !

L’ordre était donné au grand gaillard qui avait escorté Esaïm jusqu’à lui.

Jamel se fit projeter devant les pieds de Shimon. Sans perdre une seconde, d’un seul coup, son poignard coupa deux doigts de la main gauche du petit.

Esaïm regarda la scène sans bouger ni sourciller. Il continua à fixer Shimon dans les yeux. Shimon décida de monter les enchères et prit l’autre main du petit. Jamal avait déjà perdu connaissance devant le sang et la douleur.

Esaïm parla :

— Quel péché a-t-il commis pour que tu veuilles lui couper ses doigts ? Quelles paroles a-t-il piétiné pour mériter pareil châtiment ? Je vous le demande à tous : En vérité qui êtes-vous pour voler la vie de cet innocent ? Êtes-vous les nouveaux bourreaux de Rome pour combattre et mutiler un pur ?

En se basant sur leur propre droit hébraïque, Esaïm les remettait à leur place.

— J’ai entendu que tu devais tendre l’autre joue si on te frappe… reprit Shimon.

— Tu confonds toujours à ton âge, joues et doigts ? Peut-être tu te caresses et tes plaisirs solitaires sont faits avec ta joue, mais laisse l’enfant profiter un peu des joies de la vie.

L’assemblée semblait apprécier les joutes verbales des deux chefs.

Se sachant acculé par son geste, Shimon ordonna que l’enfant disparaisse de sa maison.

— En vérité Shimon, le sang destructif de Rome alimente ton cœur et t’éloigne de la Vérité.

— Quelle est la vérité selon toi ?

Esaïm resta silencieux. Puis il répliqua :

— La vérité est trop grande pour que toi Shimon, tu puisses un jour l’explorer. La vérité, tel l’horizon t’emmène vers Dieu, mais en même temps reste lointaine pour vous, voire inaccessible, car elle est infinie. Jésus nous a montré comment elle commence dans ton cœur.

Shimon, qui ne comprit que des bribes de paroles du sage, demanda qu’il soit enchaîné tout le temps que le soleil se montre.

Puis il ajouta :

— Toi mon ami qui réserve sa bienveillance sur mon peuple tout en le manipulant d’idées destructives, tu nous mèneras à notre perte.

Esaïm était déjà enchaîné et attaché à un joug.

Il essaya de parler, mais l’assistance se moqua de lui. Un des dignitaires avec son rubis en évidence sur son index lui montra du doigt et dit :

— Une bête ne parle pas et ne vit pas dans une maison. Les cochons te cherchent, vas-y vite à leur rencontre.

Esaïm avait momentanément perdu l’usage de l’ouïe et se faisait tirer dehors telle une bête de somme.

Le sol était devenu dur et semblait, par égard à son hôte attaché, ne plus vouloir respirer. L’air sec rendit la respiration d’Esaïm plus difficile. Le soleil à son zénith avait éparpillé la clameur de la foule. Il restait toujours un petit groupe de ses fidèles présents, qui essayaient de cacher leurs angoisses. On pouvait à peine voir leurs lèvres bouger, récitant des prières à Dieu au nom de Jésus.

---

Éloïse, la mère de Shimon, vint le voir pour lui reprocher son action du matin. Elle était svelte, corps couvert d’huile d’olive pour préserver sa couleur sel. Elle était toujours maquillée d’une légère ombre à paupières bleue, finissant sur d’un trait noir en forme de vagues, qui relevait ses yeux marron. Sa tunique en lin dissimulait ses seins lourds bandés par un tissu crème qui accentuait sa silhouette de jeune femme. Ses cheveux longs et bouclés étaient ornés comme d’habitude d’une fleur d’oranger.

D’une voix fluette, mais sûre d’elle, elle toisa son fils qui ne pouvait soutenir son regard, préférant fixer une des servantes.

— Pourquoi laisses-tu vivre ce traître ? Quand vas-tu comprendre que pour devenir le messie, tu ne peux laisser grandir des ennemis et leurs idéologies absurdes. Tu n’es qu’un faible et ton rugissement ressemble plus au miaulement d’un chaton effaré par son ombre !

Shimon semblait peu abattu par les propos sévères de sa mère. Il continua à désirer la servante qui laissait apparaître ses cuisses comme pour mieux attiser le désir de son maître.

Éloïse prit son poignard à la crosse de corne d’antilope niellé d’or et de diamants, et avec sa lame courbée, coupa une poignée de mèches de son fils et lui effleura le lobe de son oreille. Puis elle plaça sa lame sur sa gorge, traçant son chemin entre les longs poils de sa barbe.

La servante disparut sur la pointe des pieds laissant mère et fils seuls dans la pièce.

Il avala difficilement sa salive et sentait une chaleur émaner de son oreille. Des petites gouttes de sang tachaient déjà sa tunique. La pression de la lame se fit plus forte et Shimon retint sa respiration.

— Ai-je ton attention maintenant ?

Le sourire narquois de sa mère était perceptible. Une goutte de sueur traça sa route du front comme pour signaler toute son attention à sa mère.

— Esaïm doit mourir dans les prochains jours et nul doute qu’il te donnera des raisons pour que tu le tues et tu te débarrasseras de son corps afin qu’il ne devienne pas un martyr aux yeux de ses chiens.

Shimon acquiesça de ses paupières et la lame disparut de son cou.

Un des gardes de Shimon fit son entrée et indiqua à son chef qu’on avait délivré Esaïm de son supplice comme ordonné.

Shimon eut ce sourire d’un enfant gâté pris sur le fait après avoir volé un gâteau. Il regarda au-dessus de son épaule et sa mère n’était plus là.

Un pharisien entra avec un sourire charmeur et indiqua à Shimon qu’il était attendu à la synagogue pour l’enseignement.

Chapitre 3

Le prince de Jérusalem

Vêtue d’une tunique écarlate avec une ceinture blanche à la taille, Éloïse embrassa son fils sur le front. Elle mit un peu de sa salive sur ce lobe d’oreille qu’elle avait légèrement entaillé de sa lame ce matin.

Shimon se présenta au pied de la construction du temple. Les sacrifices d’animaux n’étaient plus permis par ordre de l’ancien tribun. L’air était léger et le doux parfum émanant de pétales d’orangers invitait à la rencontre avec Dieu. Shimon n’avait pas permis de recommencer ce rite après la renaissance de Jérusalem. Rome, dans sa stratégie de casser toute envie d’indépendance, avait renommé la cité sacrée des Juifs au nom d’Aelia Capitolina*. Shimon quant à lui, à travers ses premières actions de reconquête, avait effacé de toutes les inscriptions de ce nom latin des monuments érigés par Rome sur la terre du peuple.

Suivant sa destruction lors de la grande révolte, le temple se reconstruisait pour la troisième fois, identique à ses premières fondations. Cela faisait un an que Shimon avait repris Jérusalem des mains des Romains et sa grandeur était acclamée jusqu’aux contrées au-delà des murs de la grande ville. Seuls les Samaritains semblaient encore sourds à la proclamation de la liberté.

La foule déjà compacte se fit corps pour vouer son admiration devant son maître.

Shimon, tel un auguste, salua la foule et commença :

— La Parole est loi et la loi c’est à nous, le peuple choisi par Dieu pour délivrer le monde de toutes figures païennes. Nous avons le devoir d’être son bras armé et par sa puissance, rejaillira La Parole. Où sont nos jeunes, nos enfants ? Dans quel monde voulez-vous que les générations futures grandissent. Avez-vous envie que ces bébés un jour recommencent à adorer un veau ou un homme vêtu de lauriers ? Voulez-vous courber l’échine devant une sandale romaine et la lécher tel un chien ? Les infidèles de la Parole ne méritent plus de vivre sur nos terres. Et nous avons le devoir de partager La Parole au monde.

Shimon leva son glaive vers le mont et la clameur de la foule ne cessait de grandir.

— Votre sang, c’est Dieu qui l’a créé, qui la rend rouge vif pour mieux nous unir. Vous êtes les bénis. Votre protection est assurée par Sa main. Peuple bon, grâce à La Parole, nous sommes sûrs d’être à sa droite. N’hésitez pas à condamner votre frère qui adore le faux prophète crucifié pour partager des idées d’abdications devant ces Seigneurs de pacotilles de Rome. Lui a déjà eu son compte et ses pseudo-suiveurs construisent déjà leurs croix qui vont les faire saigner. S’ils veulent continuer à adorer ce charpentier, on va devoir les aider à le rejoindre sur la croix, et ce après avoir réduit au silence les Romains. On va les chasser tous comme des chiens galeux et s’ils osent ne serait-ce humecter notre terre sacrée, nous catapulterons leurs cadavres jusqu’aux murs de Rome.

Refusons que notre sang soit mêlé aux étrangers du nord, du sud, d’ouest ou d’est. Restons purs, car Dieu le veut. Moïse ne nous a pas guidés vers notre terre pour qu’on la donne aux métèques. Vos pères et vos fils ont déjà fait l’ultime sacrifice et sont auprès de Dieu pour avoir défendu cette terre. Vous n’avez pas le droit d’oublier votre histoire : l’histoire de nos prophètes, l’histoire des justes sont vos histoires. Ces paroles ne sont pas de moi, mais c’est El Shaddai qui vous le dit à travers moi. Je suis son serviteur et humblement je vous guide vers La Parole. Écrasez tous ces non-croyants de votre poing et faites sourire le Dieu de David*. Laissez leur corps sur terre et les vautours cracheront leurs restes dans le désert pour faire vivre les autres bêtes. Croyez en moi et soyez mon glaive pour la gloire d’El Shaddai, le tout puissant.

Le visage de Shimon paraissait comme en état de transcendance. Il semblait rempli d’une force divine. Sa tunique blanche prenait une autre signification, une enveloppe pour véhiculer El et pour sauver le peuple. Il se sentait lui-même plus proche de Dieu et de La Vérité, non pas celle d’Esaïm, mais la vraie. Toutes raideurs ou blocages avaient disparu de son corps. Il se sentait léger. Devant son peuple, il se sentait roi, mais en même temps petit. Car il avait le devoir d’accomplir les paroles des prophètes et de mener le monde vers le vrai Dieu. Il eut l’illusion de voir Isaïe*, Jérémie* et même il put distinguer Jacob* et Moïse au loin. Par leurs présences lointaines, il fut réconforté de son sentiment de faiblesse devant le chemin qui était encore long. Ses visions réconfortèrent ses désirs et son devoir de rendre la terre pure, la terre bénie de ses ancêtres. Il chercha furtivement dans la foule sa mère ainsi que ses compagnons.

Des clameurs furent entendues dans toute la cité. Leur prince devenait leur messie tant attendu. Il était là, celui qui les délivrait du mal et qui faisait La Parole prendre vie.

De par un mouvement de sa main, le peuple se tut et il indiqua qu’il fallait rendre grâce à Dieu. Une grande tente était dressée à côté de la construction du temple. Le tabernacle y était déjà présent à l’intérieur garantissant le saint des saints des lieux.

Shimon brandit délicatement une Menorah faite en or massif. Elle avait ses sept branches, trois de chaque côté, avec une tige centrale. Une base richement sculptée et décorée de pommeaux et de fleurs.

— Nos artisans ont recréé cette Menorah pour qu’on puisse rendre grâce à Dieu. Elle sera allumée tant que notre terre ne soit pas rendue pure. Je vous promets que la vraie Menorah sera présente lorsque le temple sera achevé.

Une femme apporta avec reconnaissance envers son chef l’huile d’olive pour alimenter les lampes. Les prêtres prirent la Menorah et disparurent sous la tente.

Au fond de la cour, un vieillard connu pour demander la charité se retira subtilement derrière les rideaux. Il marcha tranquillement vers une petite case avec les murs en terre cuite et ouvrit une porte en bois. La case avait un pan de mur fait des remparts de la nouvelle Jérusalem et ses deux autres côtés mitoyens avec des locaux non habités tant que leurs conditions étaient vétustes.

Il ouvrit une trappe sous des fagots de bois dans la chambre principale et entra dans une pièce souterraine.

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Entre-temps, le temple était à la réjouissance et Éloïse donna le coup d’envoi des services pour la nourriture et le vin. Le peuple se rua sur le nectar servi. Il faisait peu de cas qu’il soit dilué avec de l’eau. Un feu de joie chauffait la grande place et éclairait les tonneaux de vin généreusement alignés prêts à être engloutis. Des hommes commençaient à griller plusieurs agneaux déjà remplis d’herbes et d’autres sels. Éloïse avait fait tuer 25 agneaux d’une étable voisine à la ville. Elle avait payé le tout au rabais vu qu’elle avait dit au berger que le sacrifice de ses bêtes allait lui apporter la gloire à Dieu et que sa famille sur les cinq prochaines générations serait bénite.

Les hommes éméchés commencèrent une ronde en l’honneur de leur nouveau Prince. Les femmes étaient venues à leur rencontre et mangeaient les restes. Des danses, des chants et des rires entourèrent la lumière et la fête semblait tenir éveillées les étoiles dans le ciel.

Chapitre 4

La rencontre des âmes

Durant la fête, vin et décadences étaient tolérés par Shimon pour garder son peuple sous sa coupe. Il avait compris la gestion des peuples par les Romains et savait que même si Dieu était la source de sa cohésion, les fêtes et le sexe devaient en être le dessert.

Trois femmes s’éclipsèrent de la fête et essayèrent de trouver le sage. Il n’était pas dans sa case et Jamel non plus.

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Dans une maison modeste, loin de chants et danses, Shimon apparut à Esaïm avec de la peine. Esaïm lui regarda avec beaucoup d’amour.

— Arrête veux-tu ? Tu dois me détester depuis ce matin. Surtout après l’épisode du petit. Comment va-t-il ?

— Qui veut le savoir ? Mon ami ou le soi-disant messie venu nous apprendre à nous suicider ? répondit tranquillement Esaïm.

— Tu sais que je n’ai pas le choix ! Les Romains seront bientôt à nos portes, le peuple a besoin d’un chef et elle m’y contraint…

— Pourquoi tiens-tu ce rôle d’usurpateur mon frère ?

Esaïm était un calme malgré les brûlures causées par le joug sur son dos.

— Nous avons perdu en deux fois notre temple, celui de Salomon et après la grande révolte. Nous avons besoin d’un symbole, d’une terre, la terre de nos ancêtres, d’Abraham, de David… Sinon, notre foi en El va disparaître.

— Cela suffit ! rugit Esaïm.

Il fixa Shimon avec une tristesse non dissimulée.

— Je ne suis pas assez saoul pour écouter ton discours et je ne suis pas un de tes partisans pour une gloire d’antan. C’est fini, Israël est fini, cette terre autrefois si fertile ne crache que du sang et la mort. Je te le redemande : Pourquoi fais-tu cela ?

Shimon avait le visage livide. Il fuyait le regard d’Esaïm.

— J’y crois vraiment, essaie de comprendre et je sais tu l’as saisi. J’ai la foi de David en moi et j’apprends auprès de toi la sagesse de Salomon. Le peuple a besoin d’un but, le peuple a soif d’indépendance. La Parole risque de disparaître et toute notre histoire si riche ne mérite pas cela. À chaque rencontre avec le peuple, je ressens El dans mon corps et je suis son serviteur.

— Tu commences à croire à ton propre discours dicté par ta mère je vois.

— Et toi mon frère, pourquoi m’opposes-tu toujours cette résistance et refuses de tendre la joue gauche ?

— Parce que je sais intimement dans chaque fibre de mon corps que je ne suis que le fils de Dieu. Il a envoyé Son fils pour nous donner une nouvelle alliance, celle de l’amour.

— Dieu est omnipotent et omniscient. Il ne change pas d’après tes envies et des saisons, lui répondit Shimon.

— Pourquoi pries-tu alors ? Pourquoi lui demander des grâces et que les Romains partent ? On peut faire changer certains plans de Dieu si cela est dans l’intérêt de ses enfants. Un père donnera tout à son fils, si cela est pour son bien. Ne le regarde pas comme un Père autoritaire.

— Tes idées sont farfelues. Tu es un juif et tu renies toute ton histoire et ce que tu es.

— Peut-être qu’après mes épreuves, j’ai plus tard ressenti qu’Il ne m’a jamais laissé tomber. Je me relève non pour moi, mais pour Lui. Je vis pour Lui qui est aussi mon Père. Mon message est celui de croire que tout homme a été créé et sauvé par Son Fils Jésus pour le bien. Ce n’est pas de ma gloire ni celle des Romains ou Juifs, ou encore moins d’un bâtiment ou d’une terre. Mais pour Lui.

— Et si tout disparaissait ? répliqua Shimon.

— Je fais confiance à Dieu. Un Père veut le meilleur pour son fils, même si cela doit passer par la mort. Si La Parole disparaît, et que par mes actions, elle renaisse !

— Les actions d’un cadavre ? ricana Shimon.

— Moi j’agis. Je ne reste pas là à prier, mais je fais ce que demande mon Dieu.

Esaïm redevenait calme et continua :

— Un corps peut bouger à dix ans ou même à 30 ans et rester sans vie et sans création. Les porcs bougent, mangent, suivent le troupeau et se jettent en haut des falaises, si un des siens commence à le faire.

— Justement je vis pour El et mes actions feront faire Sa Gloire ! Et je sais que Sa Gloire, tout comme David, Salomon et nos ancêtres, c’est d’élever nos voix vers Lui. Je suis aussi son serviteur. Et moi j’ai repris Jérusalem. J’ai vengé nos hommes morts et nos femmes violées. C’est toi qui te caches, tu manges notre labeur, bois notre vin et tu appelles cela agir ?

— Un silence est action, un baiser reste plus meurtrier qu’un sourire. Action d’un fils pour son Père dans le respect de l’autre. Je suis que son enfant. Il m’aime. Je l’appelle papa. Ce n’est pas un Dieu lointain sur les nuages. D’ailleurs il n’y a rien sur les nuages, que des étoiles sous la protection de mon Père. Il m’offre la liberté dans mes choix, dans mes actions. Je peux créer et défaire son œuvre, mais Il m’aime et sera toujours prêt à me pardonner. L’enfer n’existe plus, car La Lumière a vaincu les enfers. La Lumière me donne chaque jour le droit de croire et de faire Sa Volonté. Sa volonté est que je fasse le bien et que j’aime mon prochain quel que soit son rang, sa couleur ou de son lieu de naissance. Tant que j’aime mes frères, même celui qui m’opprime, je reste son enfant.

— Moi aussi j’aime El, répliqua Shimon agacé par le ton calme d’Esaïm.

— Aimer c’est perdre sa vie pour lui en vivant une vie pour Dieu. Aimer ce n’est pas à chercher son plaisir. Tendre vers un amour d’Agapè et non d’Éros. Aimer c’est regarder l’autre trahir, lui dire que ce n’est pas la volonté de Dieu et le laisser faire tout en lui répétant que Dieu l’aime et qu’il peut toujours changer. Ce n’est pas imposer sa volonté, mais faire découvrir Sa volonté. Le plus difficile reste encore d’aimer ces êtres malgré leurs faiblesses et leurs perfidies. Aimer l’autre comme il est, et laisser Dieu le juger.

— Ce sera l’anarchie. Moi je suis chef d’un peuple vivant. Je ne vais pas inventer des mots sur des actions d’un guérisseur il y a plus de 100 ans. Mais on est d’accord mon ami. Sa volonté est de faire perdurer notre peuple et réduire le culte des païens.

Shimon semblait ravi d’égaler son maître à penser.

— Non, Sa volonté n’est pas réglementée par une série de paroles. Moïse a voulu conclure une alliance avec un Dieu lointain, dans les montagnes avec des lois et des rites précis. Il a enfermé Dieu dans une pièce. Je ne l’accuse pas de mal, car après ces années passées loin de son peuple, il fallait remettre de l’ordre et décrire un Dieu qui allait donner de l’espérance et réveiller les consciences. Mais Sa volonté nous a été expliquée par Jésus, nous n’avons pas besoin de symboles ou de lieu plus grandiose qui toucheraient les étoiles. En silence, demande à ton Père de rétablir la paix dans ton cœur, de le laisser agir dans ta vie. Donne-lui la permission de faire naître ses paroles dans ton esprit et que tes actes soient toujours pour ton prochain. Ne te perds pas dans cette relation non plus, tu as le droit de lui demander des grâces, même égoïstes tant qu’elles ne blessent pas l’autre. Et surtout pardonner à l’autre et refuser tout mal, même de tuer cette fourmi pour le plaisir. La Parole te dit de ne pas dire Son nom pour rien, moi je te dis de vivre de Son nom et que chaque parole Lui rende grâce, paix, amour, vérité et justice. Crie Son nom, sois homme et dis-Lui ta colère ou ton incompréhension. Demande-Lui la paix. Dans tes jugements, accepte que l’autre est différent et ne te comprenne pas. La loi n’est pas dictée pour ou par la foule ou le peuple. Elle n’est pas révélée à certains qui la monopolisent. Elle est pour tous les peuples. Tes choix, ton glaive doivent être justice non humaine, mais divine.

— Donc j’ai le droit de guerroyer ?

— Oui, si c’est pour sauver le pauvre de la misère et rétablir l’équité ou si ta propre vie est menacée. Tes actions doivent toujours relever de l’amour pour Dieu et les autres. Mais pour cela, tu dois aimer et être une source de richesse. Et Dieu seul sait ta foi, tu n’as pas à juger la foi de ton prochain. Le guider, mais non lui forcer.

— Toi-même tu as renié les règles de ton père et la foi de ta famille. Tu as changé pour un monde utopique et une croyance en un dieu placide et qui laisse son peuple recommencer à errer dans le désert de son imagination. L’anarchie et cette liberté ne vont pas de pair avec l’homme. Tu auras besoin de symboles, de statues, et certains mettront de nouvelles règles et rempliront le vide par des préceptes inventés pour le lieu et la période où ils vivront. Je ne peux pas permettre à cette vision de cataclysme d’arriver sur nos familles. On a besoin de l’histoire qui nous guide à travers ses lois et sa culture pour la paix. Ta croyance en ton dieu deviendra liberticide. La Parole nous guide vers ce Dieu avec obéissance, amour et paix.

— Je crois en l’Esprit saint qui permet de faire une polyphonie des langues des autres peuples et que tous se comprennent. Plus de cacophonie de la tour de Babel*, où tous se parlaient d’une seule langue, sans se comprendre. Dieu est là et prêt à agir avec le même amour pour toi, pour moi, pour les Romains et même les samaritains. Je respecte ta croyance et je ne t’impose pas la mienne.

— Fuis Jérusalem mon frère, pars, emmène tes partisans loin d’ici. J’ai envoyé mon médecin particulier pour soigner Jamel. Je n’ai pris que 2 de ses doigts pas très importants afin qu’il puisse toujours manier un glaive, se marier et avoir une descendance. Sauve-toi loin de moi ! supplia Shimon.

La scène troubla Esaïm qui le bénit et lui dit :

— Aime Éloïse, demande-lui d’aimer son peuple, pas juste son fils.

— C’est mon destin choisi par Dieu. Je ne peux pas me dérober pour mon plaisir, répliqua Shimon.

— Ton destin, c’est toi qui le choisis, assume-le. Dieu te montre le chemin. Il ne l’écrit pas. Fais-moi plaisir ce soir, vois Dieu comme ton papa qui t’a appris à marcher, vois-le comme celui qui a effacé tes larmes en pleurant sur la perte de ton cheval. Ose lui parler comme tu me parles, sans rites ou courber l’échine, mais comme son fils qu’il aime. Demande-Lui de t’aider à te trouver et à aimer ton prochain, sans gloire ni trompettes. Qu’il te rende libre.

— Je me sens libre. Une liberté qui vient avec ses responsabilités et toutes les conséquences que j’assume, même si je serais triste de devoir te perdre ou de tuer un ennemi.

Les deux hommes pleurèrent, mais pas pour la même raison. Esaïm gardait espoir que Shimon découvre qu’il était fils de Dieu et Shimon savait que c’était peut-être une de ses dernières discussions fraternelles avec son ami.