Les aventures de Pinocchio - Carlo Collodi - E-Book

Les aventures de Pinocchio E-Book

Carlo Collodi

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Beschreibung

"Pinocchio" est un roman pour enfants écrit par Carlo Collodi. Il raconte l'histoire d'une marionnette en bois nommée Pinocchio, créée par un menuisier nommé Geppetto. Pinocchio aspire à devenir un véritable garçon et souhaite s'émanciper de son état de marionnette. Au fil de ses aventures, il rencontre différents personnages tels que le Grillon parlant, le Chat et le Renard, ainsi que le Sage Turc qui lui donnent des conseils et des leçons de vie.
Cependant, Pinocchio se laisse souvent emporter par sa naïveté et son impulsivité, ce qui l'entraîne dans des situations difficiles. Il ment, désobéit et se fait souvent punir. Il est même transformé en âne à un moment donné, avant de retrouver sa forme originale.
Finalement, Pinocchio apprend à travers ses erreurs et devient plus mature et responsable. Il finit par se sacrifier pour sauver son père Geppetto, qui avait été capturé par un terrible monstre marin. Grâce à son acte héroïque, Pinocchio est récompensé en devenant un véritable garçon, prouvant ainsi que les qualités qui font de nous des êtres humains sont la bonté, la sincérité et la compassion.
 

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Carlo Collodi

LES AVENTURES DE PINOCCHIO

Histoire d’une marionnette

Traduction de Claude Sartirano

1883

Chapitre 1

Comment Maître Cerise, le menuisier, trouva un morceau de bois qui pleurait et riait comme un enfant.

Il était une fois…

– Un roi ! – vont dire mes petits lecteurs.

Eh bien non, les enfants, vous vous trompez. Il était une fois… un morceau de bois.

Ce n’était pas du bois précieux, mais une simple bûche, de celles qu’en hiver on jette dans les poêles et dans les cheminées.

Je ne pourrais pas expliquer comment, mais le fait est qu’un beau jour ce bout de bois se retrouva dans l’atelier d’un vieux menuisier, lequel avait pour nom Antonio bien que tout le monde l’appelât Maître Cerise à cause de la pointe de son nez qui était toujours brillante et rouge foncé, comme une cerise mûre.

Apercevant ce morceau de bois, Maître Cerise devint tout joyeux et, se frottant les mains, marmonna :

– Ce rondin est arrivé à point : je vais m’en servir pour fabriquer un pied de table.

Sitôt dit, sitôt fait : pour enlever l’écorce et le dégrossir, il empoigna sa hache bien aiguisée. Mais comme il allait donner le premier coup, son bras resta suspendu en l’air car il venait d’entendre une toute petite voix qui le suppliait :

– Ne frappe pas si fort !

Imaginez la tête de ce brave Maître Cerise !

Ses yeux égarés firent le tour de la pièce pour comprendre d’où pouvait bien venir cette voix fluette, mais il ne vit personne. Il regarda sous l’établi : personne ! Il ouvrit une armoire habituellement fermée mais, là non plus, il n’y avait personne. Il inspecta la corbeille remplie de copeaux et de sciure : rien ! Il poussa même la porte de son atelier et jeta un coup d’œil sur la route. Pas âme qui vive ! Mais alors ?

– J’ai compris – dit-il en riant et en grattant sa perruque – cette voix, je l’ai imaginée. Remettons-nous au travail.

Empoignant de nouveau sa hache, il en asséna un formidable coup au morceau de bois.

– Aïe ! Tu m’as fait mal ! – se lamenta la même petite voix. Cette fois, Maître Cerise en fut baba. Il resta bouche bée, la langue pendante, les yeux exorbités, comme la figurine de pierre d’une fontaine.

Mais d’où peut bien sortir cette voix qui fait « aïe » ? Pourtant il n’y a personne ici. Ou alors ce morceau de bois aurait appris à pleurer et à se lamenter comme un enfant ? C’est impossible. Le bout de bois que voici, c’est du bois à brûler, une bûche comme une autre, juste bonne à mettre dans le feu pour faire cuire une casserole de haricots. A moins que quelqu’un ne soit caché là-dedans ? S’il y a quelqu’un, on va bien voir ! Tant pis pour lui.

Il saisit à deux mains le pauvre morceau de bois et se mit à le cogner sans pitié contre les murs de la pièce.

Puis il tendit l’oreille pour entendre les lamentations de la petite voix. Il attendit deux minutes, mais rien ne se manifesta. Il attendit cinq minutes, dix minutes : toujours rien !

– J’ai compris – dit-il en s’efforçant de rire et en se grattant la perruque – voilà la preuve que cette voix qui fait « aïe » sort tout droit de mon imagination ! Remettons-nous au travail.

Et parce qu’il avait eu très peur, il s’essaya à chantonner pour se donner un peu de courage.

Posant sa hache, il prit le rabot pour rendre bien lisse et propre le bois mais, alors qu’il rabotait, il entendit un petit rire :

– Arrête ! Tu me fais des chatouilles sur tout le corps !

Cette fois, le malheureux Maître Cerise s’effondra, comme foudroyé. Quand il rouvrit les yeux, il était assis à même le sol.

Son visage était décomposé. Une terrible peur avait changé jusqu’à la couleur de son nez qui, de rouge, avait viré au bleu foncé.

Chapitre 2

Maître Cerise offre le morceau de bois à son ami Geppetto qui le prend pour se fabriquer une marionnette extraordinaire capable de danser, de tirer l’épée et de faire des sauts périlleux.

C’est alors qu’on frappa à la porte.

– Entrez – dit le menuisier, sans avoir la force de se relever.

Un petit vieux tout guilleret entra dans l’atelier. Il avait pour nom Geppetto mais les enfants du voisinage, quand ils voulaient le mettre hors de lui, l’appelaient Polenta au motif que sa perruque jaune ressemblait fort à une galette de farine de maïs.

Geppetto était très susceptible. Gare à qui lui donnait de la Polenta ! Il devenait une vraie bête et il n’y avait plus moyen de le tenir.

– Bonjour, Maître Antonio – dit Geppetto – Qu’est-ce que vous faites assis par terre ?

– J’apprends le calcul aux fourmis.

– Grand bien vous fasse !

– Qu’est-ce qui vous amène chez moi, compère Geppetto ?

– Mes jambes ! Maître Antonio, je suis venu vous demander une faveur.

– Me voici, prêt à vous rendre service – répondit le menuisier en se relevant.

– Ce matin, il m’est venu une idée.

– Voyons cela.

– J’ai pensé que je pourrais faire une belle marionnette en bois, mais une marionnette extraordinaire capable de danser, de tirer l’épée et de faire des sauts périlleux. Avec elle, je pourrai parcourir le monde en dénichant ici ou là un quignon de pain et un verre de vin. Qu’en dites-vous ?

– Bravo Polenta ! cria la petite voix, celle qui sortait on ne sait d’où.

A s’entendre appelé ainsi, Geppetto devint rouge comme une pivoine et, fou de rage, se tourna vers le menuisier :

– Pourquoi m’offensez-vous ?

– Qui donc vous a offensé ?

– Vous m’avez appelé Polenta !…

– Mais ce n’est pas moi.

– Ben voyons ! Ce serait moi, par hasard ! Moi, je dis que c’est vous.

– Non !

– Si !

– Non !

– Si !

S’échauffant de plus en plus, ils passèrent des paroles aux actes. Ils s’agrippèrent, se chiffonnèrent, se griffèrent et se mordirent.

Le combat fini, Maître Antonio avait dans les mains la moumoute de Geppetto et Geppetto se rendit compte qu’il avait entre ses dents la perruque grise du menuisier.

– Donne-moi ma perruque ! – cria Maître Antonio

– Et toi, rends-moi la mienne et faisons la paix.

Chacun ayant repris sa perruque, les deux petits vieux se serrèrent la main et jurèrent de rester bons amis pour la vie entière.

– Donc, compère Geppetto – dit le menuisier pour sceller la paix retrouvée – que puis-je faire pour vous être agréable ?

– Il me faudrait du bois pour fabriquer ma marionnette.

Tout content, le menuisier fila prendre sur l’établi le bout de bois qui lui avait fait si peur. Mais comme il s’apprêtait à le remettre à son ami, le bout de bois se dégagea d’une violente secousse, lui échappa des mains et alla frapper durement les tibias du pauvre Geppetto.

– Eh bien, Maître Antonio, voilà une jolie manière de faire des cadeaux ! Vous m’avez quasiment estropié !

– Mais je vous jure que ce n’est pas moi !

– Alors, c’est moi !

– C’est la faute de ce bout de bois

– Je vois bien que c’est du bois, mais c’est vous qui me l’avez envoyé dans les jambes !

– Moi, je n’ai rien envoyé !

– Menteur !

– Geppetto, ne m’offensez pas, sinon je vous appelle Polenta !

– Espèce d’âne !

– Polenta !

– Imbécile !

– Polenta !

– Macaque !

– Polenta !

Trois fois Polenta, c’était une de trop. Geppetto se jeta sur le menuisier et ils s’étripèrent de nouveau.

La bataille terminée, Maître Antonio se retrouva avec deux griffures de plus sur le nez, l’autre avec deux boutons de moins à sa vareuse. Leurs comptes réglés, ils se serrèrent la main et jurèrent de rester bons amis la vie entière.

Sur ce, Geppetto prit le fameux morceau de bois et, après avoir remercié le menuisier, rentra chez lui en boitillant.

Chapitre 3

De retour chez lui, Geppetto se met tout de suite à fabriquer sa marionnette et lui donne le nom de Pinocchio. Premières espiègleries de la marionnette.

La maison de Geppetto se réduisait à une petite pièce en rez-de-chaussée qu’éclairait une soupente. Le mobilier était des plus rudimentaires : un siège bancal, un mauvais lit et une table complètement délabrée. Au fond de la pièce brûlait un feu dans une petite cheminée. Mais ce feu était peint sur le mur, en trompe-l’œil. Une casserole, peinte elle aussi, bouillait joyeusement près du feu envoyant un nuage de vapeur qui semblait être de la vraie vapeur.

Arrivé chez lui, Geppetto prit sans attendre ses outils et se mit à tailler le morceau de bois afin de confectionner sa marionnette.

– Quel nom lui donner ? – se demanda-t-il – Je l’appellerai bien Pinocchio. Ce nom lui portera bonheur. J’ai connu une famille entière de Pinocchio. Le père, la mère, les enfants, tous se la coulaient douce. Et le plus aisé d’entre eux se contentait de mendier.

Ayant trouvé le nom de sa marionnette, il se mit à travailler sérieusement. Il commença par sculpter la chevelure, puis le front et les yeux.

Les yeux terminés, imaginez son étonnement quand il s’aperçut qu’ils bougeaient et le regardaient avec impudence.

Ces deux yeux qui le fixaient énervèrent Geppetto. Il dit d’un ton irrité :

– Gros yeux du bois, pourquoi me regardez-vous ainsi ?

Pas de réponse.

Alors il fit le nez, mais le nez à peine fini commença à grandir. Il grandit, grandit, grandit tellement qu’il devint, en quelques minutes, un nez d’une longueur incroyable.

Le pauvre Geppetto avait beau s’éreinter à le retailler, plus il le retaillait pour le raccourcir, plus ce nez impertinent s’allongeait

Après le nez, il sculpta la bouche.

Mais la bouche n’était même pas terminée qu’elle commença à rire et à se moquer de lui.

– Arrête de rire ! – dit Geppetto, vexé. Mais ce fut comme s’il parlait à un mur.

– Arrête, je te répète ! – hurla-t-il d’une voix menaçante.

Alors la bouche cessa de rire mais lui tira la langue.

Geppetto, pour ne pas rater son ouvrage, fit semblant de ne rien voir et continua à travailler.

Après la bouche, ce fut au tour du menton puis du cou, du ventre, des bras et des mains.

Les mains achevées, Geppetto sentit qu’on lui enlevait sa perruque. Il leva la tête et que vit-il ? Sa perruque jaune dans les mains de la marionnette !

– Pinocchio !… Rends-moi tout de suite ma perruque !

Mais au lieu de la lui rendre, Pinocchio la mit sur sa tête. La perruque lui mangeait la moitié du visage.

Ces manières insolentes avaient rendu triste Geppetto, comme jamais il ne l’avait été de toute sa vie. Il se tourna vers Pinocchio et lui dit :

– Bougre de gamin ! Tu n’es même pas fini que tu manques déjà de respect à ton père ! C’est mal, mon garçon, c’est mal !

Et il sécha une larme…

Restaient cependant à fabriquer les jambes et les pieds.

Quand Geppetto eut fini, il reçut un coup de pied en plein sur le nez.

– C’est de ma faute – se dit-il alors. J’aurais dû y penser avant. Maintenant c’est trop tard.

Après quoi, il empoigna la marionnette sous les bras et la posa sur le sol de la pièce pour la faire marcher.

Mais Pinocchio avait les jambes raides et ne savait pas encore s’en servir. Geppetto le prit alors par la main et lui apprit à mettre un pied devant l’autre.

Une fois ses jambes dégourdies, Pinocchio commença à marcher tout seul puis il se mit à courir à travers la pièce. Finalement, il passa la porte de la maison, sauta dans la rue et s’enfuit.

Et le pauvre Geppetto de courir derrière lui sans pouvoir le rattraper parce que ce polisson de Pinocchio filait en bondissant comme un lièvre. Ses pieds de bois frappaient le pavé de la rue en faisant autant de tapage que vingt paires de sabots.

Arrêtez-le ! Arrêtez-le ! criait Geppetto, mais les gens, dans la rue, voyant cette marionnette en bois cavalant comme un cheval arabe, étaient enchantés de la regarder et ils riaient, riaient, vous ne pouvez pas savoir comme ils riaient.

Survint heureusement un carabinier qui, entendant tout ce vacarme et croyant qu’il s’agissait d’un poulain qui avait échappé à son maître, se campa courageusement au milieu de la rue, jambes écartées, avec la ferme résolution de l’arrêter et d’empêcher ainsi de plus graves désordres.

Quand Pinocchio se rendit compte que le carabinier barrait la rue, il tenta de le tromper en lui passant entre les jambes mais sa tentative échoua.

Sans bouger d’un pouce, le policier l’attrapa carrément par le nez (c’était un nez tellement démesuré qu’il paraissait n’exister que pour être attrapé par les carabiniers) et le rendit à Geppetto qui, en punition, décida de lui tirer les oreilles. Mais imaginez sa tête quand, cherchant les oreilles, il ne les trouva pas. Et savez-vous pourquoi ? Parce que, dans sa précipitation, il avait tout simplement oublié de les faire.

Il le saisit donc par la nuque et, tout en le ramenant à la maison, lui secouait la tête et le menaçait :

– On rentre. Et quand on sera rentrés, on règlera nos comptes !

A ces mots, Pinocchio se jeta par terre et ne voulut plus marcher.

Immédiatement, curieux et badauds se rapprochèrent et commencèrent à former un cercle autour d’eux.

Chacun donnait son avis. Certains disaient :

– Pauvre marionnette, elle a raison de ne pas vouloir rentrer. Qui sait si elle ne serait pas battue par ce diable de Geppetto !

Et les autres, malicieusement, en rajoutaient :

– Ce Geppetto semble un brave homme ! Mais, en vérité, c’est un vrai tyran avec les enfants ! Si on lui laisse cette marionnette, il est capable de la mettre en pièces !

Ils firent et dirent tant et si bien que le carabinier libéra Pinocchio et conduisit en prison le pauvre Geppetto. Incapable de trouver les mots pour se défendre, il pleurait comme un veau et, tout au long du chemin, murmurait en sanglotant :

– Sale gamin ! Et dire que je me suis donné toute cette peine pour fabriquer une marionnette bien comme il faut ! Tout reste à faire ! J’aurais dû y penser plus tôt !

Ce qui arriva ensuite est une incroyable histoire. C’est cette histoire que je vais vous raconter maintenant.

Chapitre 4

L’histoire de Pinocchio et du Grillon-qui-parle. Où l’on voit que les méchants garçons ne supportent pas d’être contrariés par qui en sait plus qu’eux.

Voilà donc la suite, les enfants. Alors que le pauvre Geppetto était conduit sans raison en prison, ce polisson de Pinocchio, sorti des griffes du carabinier, descendit à toutes jambes à travers champs pour rentrer plus vite à la maison. Dans sa course folle, il gravissait les plus hauts talus, sautait par dessus des haies de ronces et franchissait des fossés pleins d’eau, exactement comme un chevreau ou un jeune lièvre poursuivi par des chasseurs. Arrivé devant la maison, il trouva la porte fermée. Il lui donna une bourrade, entra, tira tous les verrous et s’affala par terre en poussant un grand soupir de satisfaction.

Mais la satisfaction dura peu car il entendit, quelque part dans la pièce, quelqu’un qui faisait :

– Cri-cri-cri !

– Qui donc m’appelle ? – demanda Pinocchio, apeuré.

– C’est moi !

Il se retourna et vit un énorme Grillon qui grimpait lentement sur le mur.

– Dis-moi, Grillon, qui es-tu ?

– Je suis le Grillon-qui-parle, et je vis dans cette pièce depuis plus de cent ans.

– Ouais, mais maintenant c’est ma maison à moi – dit la marionnette – et si tu veux vraiment me faire plaisir, va-t-en tout de suite et ne reviens pas.

– Je ne partirai d’ici – répondit le Grillon – qu’après t’avoir dit une vérité essentielle.

– Bon, alors grouille-toi de me la dire.

– Malheur aux enfants qui se révoltent contre leurs parents et abandonnent par caprice la maison paternelle ! Jamais ils ne trouveront le bien en ce monde et, tôt ou tard, ils s’en repentiront amèrement.

– Cause toujours, mon Grillon, tant qu’il te plaira : moi je sais que demain, à l’aube, je partirai d’ici car si je reste, il m’arrivera ce qui arrive à tous les enfants. C’est à dire qu’ils m’enverront à l’école et, que cela me plaise ou non, on m’obligera à étudier. Or moi, je te le dis en confidence, étudier ne me va pas du tout. Cela m’amuse beaucoup plus de courir derrière les papillons et de grimper dans les arbres pour dénicher les oiseaux.

– Pauvre petit sot ! Tu ne sais donc pas qu’en agissant ainsi tu deviendras le plus beau des ânes et que tout le monde se paiera ta tête ?

– Oh ! La barbe Grillon de malheur ! – cria Pinocchio.

Mais le Grillon, qui était patient et philosophe, au lieu de prendre mal cette impertinence, continua sur le même ton :

– S’il ne te plait pas d’aller à l’école, tu pourrais au moins apprendre un métier, de façon à pouvoir gagner ta vie honnêtement.

– Tu veux que je te dise ? – répliqua Pinocchio, qui commençait à s’énerver – Parmi tous les métiers du monde, un seul me conviendrait parfaitement.

– Et ce métier serait ?…

– Celui qui consiste à manger, boire, dormir, m’amuser et me balader du matin au soir.

– Pour ta gouverne – lui répondit le Grillon-qui-parle avec son calme habituel – je te signale que ceux qui pratiquèrent un tel métier ont tous fini leurs jours à l’hospice ou en prison.

– Cela suffit, Grillon de malheur !… Si la colère me prend, gare à toi !

– Pauvre Pinocchio ! Tu me fais pitié !…

– Et pourquoi, Grillon ?

– Parce que tu es une marionnette et, ce qui est terrible, que tu as donc la tête dure comme du bois.

Rendu absolument furieux par ces dernières paroles, Pinocchio se leva d’un bond, s’empara d’un marteau sur l’établi et le lança à toute volée vers le Grillon-qui-parle. Peut-être crut-il qu’il ne le toucherait même pas.

Malheureusement, il le frappa en plein sur la tête, si bien que le pauvre Grillon, après avoir fait une dernière fois cri-cri-cri, resta collé au mur, raide mort.

Chapitre 5

Pinocchio a faim et cherche un œuf pour faire une omelette. Mais au moment de la manger, l’omelette s’envole par la fenêtre.

La nuit commençait à tomber. Pinocchio ressentit un petit creux à l’estomac et se rappela qu’il n’avait rien mangé.

Ce petit creux, chez les enfants, grandit rapidement. En peu de minutes, il se transforme en véritable faim et cette faim, subrepticement, devient faim de loup, une faim colossale.

Le pauvre Pinocchio commença par se ruer vers la cheminée où fumait une casserole et voulut enlever le couvercle pour voir ce qui cuisait. Mais cette casserole n’étant qu’une peinture murale, imaginez sa stupeur ! Son nez, déjà long, s’allongea encore plus, d’au moins quatre doigts.

Alors il se mit à courir comme un fou dans toute la pièce, fouillant dans toutes les boites, inspectant les placards à la recherche d’un peu de pain sec, d’un croûton quelconque, d’un os pour chien, d’un restant de polenta moisie, d’une arête de poisson ou d’un noyau de cerise, bref de n’importe quoi à se mettre sous la dent, mais il ne trouva rien, absolument rien, rien de rien.

Or la faim grandissait et grandissait toujours. Cette faim provoquait en lui l’envie de bailler et ces bâillements étaient si conséquents que sa bouche s’étirait jusqu’aux oreilles. Il baillait, crachotait et sentait que son estomac lui descendait sur les talons.

Désespéré, il se mit à pleurer :

– Le Grillon-qui-parle avait raison. Je n’aurais pas dû me révolter contre mon papa ni me sauver de la maison. Si papa était là, je n’en serais pas réduit à bailler à en mourir ! Oh ! Quelle sale maladie que d’avoir faim !

Mais voilà qu’il lui sembla voir, dans un tas de poussière, quelque chose de rond et blanc, comme un œuf de poule. Il se jeta dessus d’un seul bond. C’était bien un œuf.

La joie de la marionnette fut indescriptible. Croyant rêver, il tournait et retournait cet œuf dans ses mains, le caressait et l’embrassait tout en disant :

– Et maintenant, comment vais-je le cuire ? En omelette ? A la coque ? Sur le plat, ce ne serait pas plus savoureux ? Oui, et c’est encore le moyen le plus rapide, j’ai trop envie de le manger.

Sitôt dit, sitôt fait : il mit un poêlon sur un brasero aux cendres chaudes et versa, faute d’huile ou de beurre, un peu d’eau. Quand l’eau commença à bouillir, tac !… elle fit éclater la coquille qui laissa s’échapper ce qu’il y avait à l’intérieur.

Or, au lieu du blanc et du jaune de l’œuf, sortit un petit poussin tout content et très poli qui, après une belle révérence, dit :

– Merci mille fois, Monsieur Pinocchio, de m’avoir épargné la fatigue de rompre moi-même ma coquille. Portez-vous bien et bonjour chez vous !

Puis il étendit ses ailes et, passant par la fenêtre restée ouverte, s’envola dans le ciel et disparut à l’horizon.

La pauvre marionnette en resta paralysée, les yeux fixes, la bouche ouverte, la coquille cassée dans la main. Le choc passé, il se mit à pleurer, à crier, à taper des pieds par terre de désespoir et, tout en pleurant, s’exclama :

– Le Grillon-qui-parle avait donc raison ! Si je ne m’étais pas sauvé de la maison et si mon papa était encore ici, je n’en serais pas réduit à mourir de faim ! Oh ! Quelle sale maladie que la faim !

Et, parce que son corps rouspétait plus que jamais et qu’il ne savait quoi faire pour le contenter, il songea à sortir pour une virée dans le voisinage, histoire de trouver quelque personne charitable qui lui ferait l’aumône d’un peu de pain.

Chapitre 6

Pinocchio s’endort les pieds posés sur le brasero et le lendemain matin ils sont entièrement calcinés.

Dehors, c’était proprement infernal. Un terrible orage tonnait avec fracas et la nuit s’éclairait comme si le ciel avait pris feu, un vent glacial tournoyait, sifflant méchamment, soulevant un immense nuage de poussière et faisant gémir tous les arbres de la campagne. Pinocchio avait très peur du tonnerre et des éclairs, mais la faim était encore plus forte que la peur. Alors il poussa la porte et, filant à toute allure, arriva dans le village une petite centaine de bonds plus loin, la langue pendante et le souffle court, comme un chien de chasse.

Tout était dans l’obscurité. Les boutiques étaient fermées, closes les portes et les fenêtres des maisons. Dans la rue, pas un chat. On aurait dit un village de morts.

Accablé par le désespoir et la faim, Pinocchio se pendit à la sonnette d’une maison et carillonna, carillonna tout en se disant :

– Quelqu’un finira bien par se mettre à la fenêtre.

Effectivement, un petit vieux apparut, son bonnet de nuit sur la tête et très énervé :

– Qu’est-ce que vous voulez à cette heure-ci ?

– Peut-être serez-vous assez aimable de me donner un morceau de pain ?

– D’accord, ne bouge pas, je reviens tout de suite – répondit le vieil homme qui croyait avoir à faire à l’un de ces vauriens capables de tout et qui, la nuit, s’amusent à tirer les sonnettes pour le seul plaisir de déranger les gens dormant tranquillement.

Trente secondes plus tard, la fenêtre s’ouvrit de nouveau et le petit vieux cria à Pinocchio :

– Mets-toi bien dessous et tends ton chapeau.

Pinocchio enleva immédiatement son couvre-chef, mais au moment où il le tendait, il reçut une bassine entière d’eau qui l’arrosa de la tête au pied comme s’il était un géranium desséché.

Revenu à la maison trempé jusqu’aux os, au comble de la fatigue et de la faim, n’ayant même plus force de rester debout, il s’affala sur une chaise et posa ses pieds humides sur le brasero aux braises rouges.

Il s’endormit ainsi et, pendant qu’il dormait, ses pieds, qui étaient en bois, brûlèrent petit à petit jusqu’à être réduits en cendre.

Malgré tout, Pinocchio continuait à dormir et à ronfler comme si ses pieds étaient ceux d’un autre. Il ne se réveilla qu’à l’aube parce que quelqu’un avait frappé à la porte.

– Qui est-ce ? – questionna-t-il en baillant et en se frottant les yeux.