Les caméléons ou l(i)éonscamés du Lanver - Abou Diako - E-Book

Les caméléons ou l(i)éonscamés du Lanver E-Book

Abou Diako

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Beschreibung

Un généticien cherche à répondre au désir controversé de jeunes femmes souhaitant éclaircir leur teint. Une découverte stupéfiante surgit lorsqu’un patient en mort clinique, après une injection létale, développe un vitiligo fulgurant. Son collègue, sceptique, propose une alternative sous forme de spray, alimentant une rivalité féroce au sein de l’hôpital. Mais l’affaire prend un tournant dramatique lorsque des accusations de pratiques illégales éclatent, attirant l’attention d’Interpol. Entre rivalités, scandales et mystères, chaque révélation bouleverse les certitudes. Jusqu’où sont-ils prêts à aller pour défendre leurs vérités ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Naviguant entre poésie, essais, contes, nouvelles et romans, Abou Diako explore une diversité de genres littéraires, offrant à ses lecteurs des univers riches et variés, empreints de réflexion et de créativité. Après "Les prémices du Néo-Monde", publié aux éditions Le Lys Bleu, il revient avec "Les caméléons ou l(i)éonscamés du Lanver".

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Seitenzahl: 222

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Abou Diako

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les caméléons ou l(i)éonscamés

du Lanver

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Abou Diako

ISBN : 979-10-422-6177-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

Repères

Les caméléons du Lanver

 

 

 

Lanver, c’est le nom du navire. Verlan (à l’envers phonétiquement) une espèce de labo géant pour changer de couleur, mettant la peau à l’envers à l’instar des CAMÉLÉONS en épousant le teint de l’ambiant. En VERLAN, le roman qu’on peut lire dans les deux sens, du haut vers le bas et vice-versa. Tout autant ici, les personnages portent des noms qui évoquent leurs atouts ou leurs manies et que leur portrait dépeint. Et on les désigne pudiquement en verlan comme pour conjurer ce mauvais sort, ou masquer leurs tares. Du coup, on en use comme des objets de lieux et instruments, d’un monde à VERSAN (ANVERS pour symboliser l’Europe) et son verlan, étant le cap de cette odyssée.

 

 

 

 

 

Incipit

 

 

 

Après un long séjour en Europe, Docteur Barou, de retour au bercail, décide de venir à la rescousse de la gent féminine obnubilée par une peau claire et le teint beige. Le généticien mène des recherches pour trouver un moyen de vaincre ces maux des jeunes filles qui s’échinent à se blanchir la peau pour plaire aux hommes.

 

Et ce produit miracle regerme à la suite d’une injection létale pour euthanasie à un malade en mort clinique qui développe un vitiligo fulgurant. Ce patient s’en sort ragaillardi avec une peau éclaircie. Après un temps d’élucubrations, Dr Barou, se fondant sur cet exploit, concocte un prototype, dont les composantes sont tirées de celle létale pouvant provoquer une dépigmentation de la peau et le dénomme « Aviva ».

 

Parallèlement, son compère docteur Khan, lui, peu convaincu, s’ingénie à produire un spray, mais se heurte à un cas Vidco 91, une fille chauve et la peau blanchie après la prise du vaccin « Zénécartsa ». Il va s’en procurer un stock fabriqué par l’Institut Reutpas sous prétexte de vacciner l’équipage du Verlan.

 

Dr Khan, très futé, fera porter le nom « Aviva » à son vaccin avec des adjuvants, un cocktail d’injection. Il opte ainsi d’exploiter le créneau des candidats à l’immigration afin de leur procurer une parade au profilage racial, aux tracasseries ou délit de faciès dans le pays d’accueil des beiges et rouquins, et de se fondre dans la foule de ces autochtones, le temps d’un séjour.

 

Sur ces entrefaites, une guéguerre larvée se déclare, entre médecins cupides. Menaces, coups bas ou de jarnac, duplicité, abus de confiance, crimes par négligence du lucre, luxure et autres suicides qui rythment ici le quotidien feutré et éthéré des alcôves hospitalières.

 

Tout finira par atterrir entre les mains de l’Ordre des médecins et une convocation et un risque de radiation du corps après la mort suspecte de l’épouse du docteur Barou et le dépôt d’une plainte, à la police, par des victimes, pour abus et usage de faux et pratique illégale, mais aussi la saisine d’Interpol suite à la mort du docteur Khan à « Verlan » et la disparition de migrants auxquels il avait promis une mue « caméléonesque ».

 

 

 

 

 

 

Les rideaux de fer tombent, des linteaux se tirent, les portes des gargotes ferment, des magasins, taxis-motos et piétons se disputent la chaussée et se pressent pour rentrer chez eux avant dix-huit heures pile. Dans un ballet simultané, les habitants de Karda vivent leur première soirée de couvre-feu. Après un dernier sursaut d’activité, on se barricade, les rues se figent inexorablement dans le silence.

 

La vie nocturne en berne, les alcôves bruyantes se muent en bunkers pendant au moins quatre semaines, il ne sera plus possible d’aller dîner au « Tangana1 » et le « Foondé2 » non plus accessible. Le couvre-feu annoncé concerne plus Karda et Sethi, la deuxième ville du pays. Cette première nuit de couvre-feu s’est, dans l’ensemble, déroulée dans le calme et le respect des mesures sanitaires. Peu avant « Timis », on ferme tout et baisse le rideau et les clients, comme les badauds, sont précipitamment rentrés chez eux.

 

Dans les rues, c’est le calme plat, un brin assourdissant, un peu affolant en pensant à ce virus grand tueur, des milliers morts dans le Nord. Une clameur semble s’ourdir comme provenant des ombres des noctambules retranchés dans les chaumières. Paradoxalement, des rats prennent d’assaut l’espace comme pavoisant, un trois, cinq puis deux chats s’en mêlent, en train de les guetter pour les pourchasser ou de les griffer, comme qui dirait pour infraction au couvre-feu.

 

La nuit « cramée », des moustiques prennent le relais : ils envahissent les lieux et survolent les rues désertées en « couinant », comme sirène hurlante, des véhicules, semblant manifester leur joie d’être à l’air libre sans être inquiétés d’attaques des « alcoviens » et leurs insecticides. Les nantis se retrouvent sur leur terrasse ou balcon pour observer scrupuleusement la survenue du monstre invisible Vidco -91 : Ici, c’est atavique, nul ne consent à rater aucun fait ou spectacle, on y tient de vivre la rue, d’une vue imprenable. Ces citadins, « ruards3 » invétérés, « encombrants » des rues, se dressent tout le long du balcon pour humer l’air et se sentir comme d’habitude, toujours dehors à toutes les heures à cause de la chaleur torride, ou de la promiscuité ; des claustrophobes à force d’y séjourner de jour comme de nuit, à la belle étoile…

 

Dans le quartier du Taupla, d’ordinaire très festif un vendredi soir, la rue, à toutes fins utiles, déserte, ne retient qu’une seule âme. Entre dix-huit heures et six heures du matin, il sera donc interdit ces prochaines semaines de circuler sur la voie publique sans dérogatoire. Les contrevenants s’exposent à une amende. Pour freiner la propagation du virus, les habitants d’une dizaine de localités, dont Karda et sa banlieue, des noctambules sont soumis depuis à un couvre-feu de dix-huit heures à six heures pour au moins quatre à six semaines. Plus de mille policiers et gendarmes sont mobilisés pour faire appliquer le nouveau dispositif.

 

Les carrefours du Teaupla, investis habituellement par des vendeuses de « Foondé », sont désertés. Quelques intrépides ou gamins sont adoubés pour tenter innocemment de gagner le pari de se procurer une hypothétique soupière de ce bouilli de mil pour le dîner, jouant avec les « sentiments » des forces de l’ordre. Les rares personnes, des vieillards ou assermentées, moins d’une dizaine qu’on aperçoit se pavaner sans soucier de quoi que ce soit, avec une bonne raison d’être encore dehors avec ou sans droit de passe.

 

À vingt heures, on se croit être à minuit. Dans ce quartier huppé de Karda, un des repaires favoris des « boy town4 » et des touristes dans la capitale d’avant pandémie, les rues se sont vidées en moins d’une heure. L’armée, elle, veille au grain plus que d’habitude pour un respect strict des nouvelles règles, imposant un couvre-feu, surveillant les frontières et les portes d’entrée que sont le port et les aéroports de Karda. Tout le pays est quadrillé pour espérer venir à bout de l’épidémie de virus, la liste des personnes testées positives à la maladie ailleurs s’allonge de jour en jour. La quasi-majorité des femmes adhère à cette démarche de l’État, car elles assument leur rôle de mère et se doivent de prendre leurs responsabilités quand la santé publique est menacée par ce monstre invisible qui fait des ravages dans les pays du Nord, en se servant des « Badienou gokh », des femmes relais au fait des communications en matière de Santé.

 

La galère du confinement à dix-huit heures se lit sur les visages renfrognés, anxieux. Et c’est parfois un casse-tête en termes d’organisation, notamment pour les familles où, entre le travail, le trajet pour rentrer à la maison, les courses et aller chercher les enfants à l’école, le quotidien est complètement chamboulé à cause du couvre-feu. Désemparés, on se sait plus quoi faire, s’affairer à quoi d’abord, du moins, c’est quoi la priorité.

 

Des policiers et gendarmes, déployés avec pour missions de protéger cet ennemi invisible, semblent enclins à combattre les populations réfractaires ou récalcitrantes à ces mesures privatives de liberté, en leur interdisant de traîner dehors ou simplement de se balader. Une double privation de liberté des agoraphiles noctambules et autres férus de « Dibbis5 ». Cependant, les écarts de conduite dont font montre certains membres des forces de sécurité sapent le moral, irritent les oisifs abonnés des palabres sous le lampadaire, à cause de leur excès de zèle, une sorte de fayotage pour montrer leur hargne contre cet ennemi terrible et mortifère. Et la fronde « sourde » des bosseurs de nuit, intrépides et contraints de braver l’interdit, risque d’épuiser la soldatesque et briser leur élan et toute l’énergie investie pour faire respecter cette nouvelle règle édictée par l’autorité.

 

 

Une heure trente du matin, le Lanver vient de jeter l’ancre et d’accoster au port, après une dizaine de jours au large de Karda. À bord, on dénombre plus d’une dizaine de passagers, l’équipage, et un médecin de l’organisation internationale de secours, proposant des soins gratuits trois jours durant, aux travailleurs de ce port d’escale et à leurs proches élargis. Le navire décharge, en catimini, sa cargaison hétéroclite de médicaments, de nourriture et des vêtements destinés aux populations démunies de l’hinterland, en confiant une demi-dizaine de containers au transitaire désigné par la capitainerie.

 

Riyou, le commandant du Lanver est d’origine soviétique, mais parlant couramment l’anglais comme le russe ; alors que le médecin de l’ONG, Dr Khan, parle sa langue d’origine en baragouinant, le français, un peu polyglotte, sert d’interprète, pour des cas critiques, lorsque le langage est pédant et celui des signes ne marche pas… Le commandant du bateau le Lanver Riyou connaît ce port pour ses fréquentes escales. La troisième fois qu’il accoste ici pour quelques semaines. Il y séjourne avec deux autres amis dont le Dr Khan, tous deux d’origine asiatique, par leur mère. Après un lustre d’absence, ils reviennent ici à Karda et y retrouvent leur pote Dr Barou, le représentant résident de leur organisation humanitaire. Dès leur descente, ils se calent un petit apéro sur la taverne du port, pour s’occuper du connaissement et confier la cargaison à acheminer vers les destinataires.

 

Le Lanver est un navire hybride. Affrété par l’ONG humanitaire, bas pavillon d’un pays de pétrolier de l’extrême Orient et la propriété d’un magnat d’Amérique du Sud et embarque à bord près d’une dizaine de nationalités : un équipage cosmopolite, avec comme port d’attache un autre petit État insulaire sur la Méditerranée, sans foi ni loi, un paradis fiscal, faisant la jonction entre le nord et le sud. Le navire porte le nom de Lanver. Le magnat devenu mécène entend ainsi rendre hommage à son fief, adopté depuis qu’il s’est repenti, ancien bras droit de Le Pocha, le caïd du grand cartel de Linedémé. Ici, sur sa terre d’accueil, il s’est amouraché à une « versanaise » comme ses deux comparses Riyou et Barou avant de sceller un pacte avec l’édile devenu un grand ami.

 

L’armateur du Lanver a choisi de s’installer dans cette ville qui abrite le plus grand port d’Europe, un port de transit, peut-être pour passer inaperçu, se fondre dans la masse ; et à défaut de convaincre et gagner un marché des exportateurs établis ici, de transport maritime. Versan est le premier centre mondial du commerce des diamants : près de 90 % des pierres précieuses transitent par ici et les grands stylistes et artistes de renom ont rejoint ces lieux qui portent le nom légendaire de la motte alluviale décrivant l’emplacement du premier site. D’aucuns disent que Versan porte la main du géant, garant du port ; alors que d’autres esprits malins feraient allusion aux dizaines de millions de mains de laigocons coupés qui forment le soutènement du wharf, consolidés avec leur sang, le fondement de la richesse de ce site balnéaire, fief du bourreau et roi sanguinaire Poléo…

 

Barou semble à peine s’y intéresser à cette camelote déjà fourguée à l’autorité portuaire contrairement à la consigne habituelle. D’emblée, il profite du tête-à-tête avec son confrère Dr Khan pour lui confier son projet de la mue, faisant changer de peau, qui lui tient beaucoup à cœur, afin que les filles aient la couleur requise et plaire aux hommes noirs. Khan, hébété, croit d’abord à une affabulation, une blague de plus pour agrémenter la séance. Mais il arrive à le convaincre avec force d’arguments et arrosé de breuvage et réussit à le faire adhérer. Dr, comme tout chercheur, s’émerveille pour ce challenge du coup, mais donne son accord avec une réserve, exigeant le report sine die du retour en Europe. Khan, imbu de valeurs et perspicace, avec ses yeux un peu bridés, alors que Barou les a gros comme ceux d’un hibou, flaire autant que lui, les bons coups et, ce depuis leur premier contact, tombant sur une sinécure, une enquête épidémiologique très lucrative ; qui leur avait permis de gagner leurs premiers sous.

 

Barou sort d’une université du nord après dix ans d’études avec un diplôme de généticien ou chercheur en génétique. Il étudie et analyse les caractères héréditaires des êtres vivants, notamment des micro-organismes, aux êtres humains en passant par les animaux. Dr Barou, affecté à l’institut Teurpas, se tourne les pouces, du moins, un machin du genre ne sert que de relais, voire de communication. Sous les tropiques, on n’ose pas s’offrir une telle latitude d’inventer et fabriquer quoi que ce soit dans le domaine médical. C’est juste un espace d’expérimentation et de « cobayisation ».

 

Très passionné, il ne trouve pas un cadre adéquat où travailler dans les hôpitaux. Et il n’existe pas de centre de recherche dans son pays moins avancé comme on dit là-bas. Du coup, il devient généraliste et apporte son aide en cas d’afflux à l’hôpital attenant ; il lui arrive de déserter les lieux. Comme bon nombre de médecins, il érige cette clinique avec un emprunt et un appui de l’État afin d’arrondir ses fins de mois, mais difficilement. Car il n’a pas la chance de s’installer devant un hôpital, emplacement idéal, déjà encombré, plus rentable, en captant les exclus ou les nantis cherchant une proximité « médicale » pour poursuivre leur traitement…

 

D’ailleurs, comme charité bien ordonnée commençant par soi, le must de cette camelote de l’humanitaire, des objets de seconde ou troisième main et des denrées en péremption pour l’usage, et parfois, la date limite de péremption étiquetée ou effacée est emportée par les médecins, bradées ou gardées dans le labo et à la maison. En outre, le matériel, quasi hors d’usage et la vétusté criante, est remis à une association locale pour faire de la propagande et servir sa clientèle locale au village…

La clinique de Dr Barou, mue en laboratoire génomique, se situe à un endroit de forte migration. Tous ces bras valides qui y aspirent, crèchent, sont en dehors du patelin. Tous les habitants, voire une bonne frange, ont un frère qui vit en Europe, aux Usa et dans les pays riches d’Afrique, mais prompts à investir sur eux et leur projet majeur : migrer. Ces derniers font vivre toute la communauté. Une manne qu’elle envoie chaque mois à leur famille pour vivre. Cependant, une frange de jeunes se trouve dans les océans après le chavirement de leur rafiot.

Un cimetière maritime garde provisoirement ces cadavres, possible de sortir de leur sépulture « liquide » une de ces quatre nuits et embaumer la terre entière, du moins empester le nez des « Blancs ».

indifférents et impitoyables, un brin complices pour non-assistance en danger. Et depuis, l’État et les pays d’accueil se sont ligués, comme cette Méditerranée, de ne jamais dégueuler cette horreur cachée qui leur tombera un soir sur la figure, même s’ils tentent de l’étouffer et de juguler cette folie meurtrière « Barça ou Barsakh6 ». Tout autant, ils tempèrent et étouffent l’aversion et l’indignation, de ces familles des naufragés, en octroyant une aide, après leur négligence coupable…

 

Dr Barou pioche son idée de là. Il croit que la solution se trouve ailleurs, en aidant ces jeunes à devenir des « transfrontières », des invisibles ou à défaut d’être des changeants de peau à l’instar des caméléons. Et depuis la première catastrophe avec des milliers de disparus, il s’ingénie à créer un produit qui transmute la couleur afin de la rendre conforme à celle des gens de cette contrée du nord, une migration « enrichie » par coloration plus adoucie et sans victime de noyade ou rapatriement.

Son job consiste à cerner le génome, en l’occurrence l’ensemble du matériel génétique d’un être vivant qui est codé dans l’ADN.

 

Et depuis son retour au bercail, il tente toutes sortes d’expérimentations pour repérer les points communs et les différences pouvant exister entre espèces, afin de pouvoir les améliorer. Au chômage technique, faute de projet de recherche adéquat, l’idée de modifier la couleur de peau l’habite comme une hantise. Et, il se plie à la règle et devient assidu, passant toute une partie de ses journées à l’Institut. Tous les matins, il « élucubre », perce et séquence le génome. Du coup, l’idée du produit pour la mue fait tilt dans sa tête depuis un lustre, Dr Barou décide d’expérimenter ce process. Il pense à cette œuvre de salubrité « sociale » et de vaincre les maux de ces jeunes et de leur permettre de se fondre dans le commun des autochtones beiges, la mise au point de l’antidote du racisme envers les immigrés victimes du délit de faciès et de teint pour les candidats à l’émigration, une légion, casquant des fois plus des dizaines, voire des centaines de mille à des passeurs sans garantie d’arriver à bon port mais avant tout des filles qui se tuent à s’éclaircir la peau…

 

Il se lève un matin et comme par hasard, tombe sur ce paradoxe d’euthanasie, en lieu et place du trépas, ravive un mort clinique et une forte desquamation de l’épiderme. Ce qui l’incite à décrypter ce phénomène ou seripendité que l’Ominicient offre à la race noire afin de mettre fin à ce suicide « hécatombique » du « mbeukami7 »…

 

Dr Barou, l’homme un peu rondouillard avec sa tignasse, n’a que sa blouse qui fait de lui un médecin, petit de taille, mais grand de l’esprit, un peu roublard. Le pas alerte, il n’a pas une minute à perdre toujours dans une affaire, voire un « compromis », l’humanitaire ne lui incombe nullement, c’est le gain, le lucratif qui le fait bouger, n’hésitant pas à rouler dans la farine son vis-à-vis pour si peu ou juste par manie. Il porte en lui l’autre pendant de son prénom, le tortueux, malotru, le « gaucher » qui fait tout maladroitement sinon ramène la couverture à soi par une pratique insane, arnaqueur invétéré… « Doctor-taf taf » ou docteur éclair, pour son diagnostic et sa prescription d’ordonnance en un clin d’œil… Des soins en mode TGV ! D’aucuns le confondent à un pervers narcissique…

Du tac au tac, Dr Barou devine les maux du patient juste en déclinant se provenance de la banlieue ou des quartiers huppés ou résidentiels des riches : le palu ou la grippe pour le premier avec un protocole de « l’Act8 », un antalgique et la vitamine C ou fer alors que pour les seconds, c’est un laxatif, un antistress ou anxiolytique plus une restriction calorique. Dr Barou se veut au top, en phase avec son temps. Un peu farfelu, il en rajoute toujours sur ses soins, inventant des protocoles bizarres après un diagnostic alambiqué, il arrive qu’il fasse du tort, aggravant le mal…

 

Malgré le pic et la flambée des contaminés après une dizaine de jours, Karda offre un kaléidoscope identique aux vêpres, les Kardois se démènent pour la dépense quotidienne, la pitance du jour, d’aller au marché comme d’habitude. La vie semble suivre son cours normal, mais en apparence seulement : les habitants continuent de vaquer à leur train-train quotidien, mais avec célérité, départis de leur nonchalance après s’être gavé de « thièbou dieune », d’apéritifs, des fameux « trois normaux », les verres de thé, bien normés avec des goûts variant comme le Vidco et d’autres breuvages comme du « zrik » apéritif des maures, pour étancher la soif provoquée par la canicule qui les alourdissent et « gonflent » le bide, signe d’embonpoint et par-delà d’opulence.

 

Et depuis, la fin de l’après-midi, c’est le branle-bas de combat en lieu et place des guimbardes brinquebalantes, une marée humaine se déferle dans les rues et essaime l’autoroute à la marche, le pas alerte, ou en trottinant pour arriver avant l’heure fatidique ou boutoir. Les commerçants, habitués à jouer les prolongations jusque tard après la tombée de la nuit pour capter l’ultime franc des retardataires ou radins, hésitant à casser leur tirelire, s’empressent, penauds et frustrés, de fermer boutique, les tiroirs-caisses à peine remplis de francs… Un couvre-feu de vingt heures à six heures qui commence à s’éterniser et se faire ressentir sur le portefeuille dégarni, après quelques jours seulement d’entrée en vigueur, et déstabiliser tout le monde. Toutes les habitudes sont « confinées », réduites, voire en sursis, oui « tronquées », ayant plus leurs envergures, voire leur portée sinon perdues leur cachet…

 

Le Vidco impose un nouveau modus vivendi et operandi ; autrement, un nouvel ordre mondial avec sa race de masqués-confinées et « anosmique9s » puis programmables comme des puces humanoïdes… le transhumanisme qui se structure, comme un tantinet ironique le rengaines Karalo…

Et la crise du Vidco, l’audience du soir face à Karalo augmente. On rase les pâquerettes après avoir lancé les gamins de moins de dix ans comme éclaireurs pour tester les mailles du filet des forces de l’ordre déployées sur la zone pour le couvre-feu, avant rallier la palabre de nuit pour se gaver de pitance et de nouvelles provenant de cet homme qui connaît tout.

 

Sur Karda, on s’informe en sortant de la mosquée, dont les portes sont closes, ou de retour de marché, les épouses, filles ou nubiles se concertent, se filent des tuyaux et se tendent des perches puis se défoulent un peu avant de reprendre la corvée des travaux domestiques. Alors que les enfants ou les jeunes se décompressent et bravent le temps qui semble interminable dans l’oisiveté, le dénuement et l’ennui, voire l’anxiété sur ce que l’avenir leur réserve, et que rien n’augure de bon. Ici, dans l’antre de Karalo, tout le monde s’auto-invite, ces mêmes nubiles et des amis de son aîné de Mara, fanatiques, intégristes sur les bords viennent rôder ici pour être au fait.

 

Plus de vingt-neuf jours d’élucubrations, sans répit, Dr Barou décide du coup de finaliser ses recherches et procéder à une dernière mise au point de ce test clinique sur une cliente, après avoir instillé cette injection sur un échantillon de peau humaine que Dr Routa a subtilisé chez un confrère en plus d’un gommage comme exfoliant qu’elle avait déjà concocté, renforçant les actions de la piqûre. Et au bout d’une trentaine de minutes, cette peau mate semble virer au beige. Il n’en revient pas et ne peut contenir la joie que lui procure ce résultat :

Ça y est ! C’est fait ! Ça retentit du bureau de Dr Barou qui ameute sa petite troupe. Celle-ci qui accourt vers lui pour en savoir un peu plus. Ses collaborateurs, Dr Khan et Dr Routa, semblent un peu ébahis, déçus, du moins dubitatifs avec une pincée de joie pour éviter de le décourager et comme signe de solidarité. Alors, l’inventeur Barou lui continue de jubiler, en pensant certainement à la manne que ça pourra lui rapporter.

 

Pendant qu’il exulte, Dr Khan demeure stoïque, toujours sceptique sur le résultat de cette expérimentation bâclée, attendant de l’appliquer sur un vrai cobaye et en mesurer les effets secondaires, pensif comme mijotant un plus. Le visage radieux, mais avant tout soulagé. Dr Barou, lui, pense déjà, comme qui dirait, à ce que le produit va générer comme sous, ce que ça va procurer chez les femmes, une joie immense et un engouement pour une si belle œuvre de salubrité qui les honore. Si on sait que des milliers de femmes s’échinent et dilapident des fortunes rien que pour s’éclaircir la peau,

Dr Routa, un brin euphorique et soucieuse, elle aussi pense certainement aux dégâts et faux espoirs, les conséquences délictuelles. Déluré après cet exploit sans trop extérioriser cette joie, Barou semble avoir un peu perdu la tête.

 

Sur le coup, il se rue sur le vieux magnétophone presque hors d’usage, oublié depuis des lustres presque dans les vapes, il l’allume et introduit la première cassette à sa portée et se met à esquisser de petits pas de danse. Mais les acolytes ne lui emboîtent pas le pas… Routa l’adoube avec le tapotement des mains, mais Khan restant figé. Le temps d’euphorie très furtif, Dr Barou revient à la raison et s’affaisse dans sa chaise, devant sa machine et autres panoplies, le visage un peu fermé, concentré, il se remet au travail. Il poursuit les recherches sur cette peau humaine découpée sur un cadavre pour tester à nouveau la réaction après un moment de conservation du produit dans le frigidaire.

Dr Khan le rejoint, l’air inquisiteur, tournant autour de son collègue. Après un petit instant d’hésitation, il l’interpelle :

 

— Dr, ne penses-tu pas plus judicieux d’attendre demain pour peaufiner la chose ?

— D’accord, lui répond Dr Barou, avant d’ajouter, mais je veux juste être seul et terminer un petit truc.

— Dans ce cas, nous partons jusqu’à demain, réplique, Dr Khan !

OK, rendez-vous à dix heures, lui fixe.

— Dr, je dois aller chercher un cobaye pour mieux tester la piqûre.