Les Coquillages de M. Chabre - Émile Zola - E-Book

Les Coquillages de M. Chabre E-Book

Émile Zola

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Beschreibung

Sous la plume naturaliste du maître Zola, voici un récit sensuel et drôle en pleine station balnéaire.

POUR UN PUBLIC AVERTI. Bourgeois parisien retiré des affaires, M. Chabre se marie avec la belle Estelle Catinot, 22 ans. Après quatre ans de vie commune, M. Chabre est toujours sans héritier et, sur les conseils de son médecin, il part quelques jours faire une diète de crustacés à la mer. Mais le littoral n'est pas seulement riche en iode : le couple y fait la connaissance d'un grand jeune homme, Hector, qui se dévoue pour distraire Mme Chabre, pendant que son époux souffre d'une indigestion de coquillages...

Un récit à l'humour grinçant où l'on retrouve un Émile Zola plus grivois qu'à son habitude.

EXTRAIT

La belle Mme Chabre avait alors vingt-deux ans.
Elle était adorable avec son teint de pêche mûre, ses cheveux couleur de soleil, envolés sur sa nuque. Ses yeux d’un bleu-vert semblaient une eau dormante, sous laquelle il était malaisé de lire. Quand son mari se plaignait de la stérilité de leur union, elle redressait sa taille souple, elle développait l’ampleur de ses hanches et de sa gorge ; et le sourire qui pinçait le coin de ses lèvres disait clairement : « Est-ce de ma faute ? ». D’ailleurs dans le cercle de ses relations, Mme Chabre était regardée comme une personne d’une éducation parfaite, incapable de faire causer d’elle, suffisamment dévote, nourrie enfin dans les bonnes traditions bourgeoises par une mère rigide. Seules, les ailes fines de son petit nez blanc avaient parfois des battements nerveux, qui auraient inquiété un autre mari qu’un ancien marchand de grains.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Émile Zola (1840-1902) est un écrivain et journaliste français. Il prône une littérature d'analyse s'inspirant des méthodes scientifiques. C'est ainsi qu'il entreprend son immense œuvre naturaliste, parmi laquelle figure une fresque romanesque en vingt volumes, Les Rougon-Macquart, qui dépeint le destin d'une famille dans la société française sous le Second Empire.

À PROPOS DE LA COLLECTION

Retrouvez les plus grands noms de la littérature érotique dans notre collection Grands classiques érotiques.
Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans « l'Enfer des bibliothèques », les auteurs de ces œuvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement.
Du Marquis de Sade à Alphonse Momas et ses multiples pseudonymes, en passant par le lyrique Alfred de Musset ou la féministe Renée Dunan, les Grands classiques érotiques proposent un catalogue complet et varié qui contentera tant les novices que les connaisseurs.

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1

Le grand chagrin de M. Chabre était de ne pas avoir d’enfant. Il avait épousé une demoiselle Catinot, de la maison Desvignes et Catinot, la blonde Estelle, grande belle fille de dix-huit ans ; et, depuis quatre ans, il attendait anxieux, consterné, blessé de l’inutilité de ses efforts.

M. Chabre était un ancien marchand de grains retiré.

Il avait une belle fortune. Bien qu’il eût mené la vie chaste d’un bourgeois enfoncé dans l’idée fixe de devenir millionnaire, il traînait à quarante-cinq ans des jambes alourdies de vieillard. Sa face blême, usée par les soucis de l’argent, était plate et banale comme un trottoir. Et il se désespérait, car un homme qui a gagné cinquante mille francs de rentes a certes le droit de s’étonner qu’il soit plus difficile d’être père que d’être riche.

La belle Mme Chabre avait alors vingt-deux ans. Elle était adorable avec son teint de pêche mûre, ses cheveux couleur de soleil, envolés sur sa nuque. Ses yeux d’un bleu-vert semblaient une eau dormante, sous laquelle il était malaisé de lire. Quand son mari se plaignait de la stérilité de leur union, elle redressait sa taille souple, elle développait l’ampleur de ses hanches et de sa gorge ; et le sourire qui pinçait le coin de ses lèvres disait clairement : « Est-ce de ma faute ? » D’ailleurs dans le cercle de ses relations, Mme Chabre était regardée comme une personne d’une éducation parfaite, incapable de faire causer d’elle, suffisamment dévote, nourrie enfin dans les bonnes traditions bourgeoises par une mère rigide. Seules, les ailes fines de son petit nez blanc avaient parfois des battements nerveux, qui auraient inquiété un autre mari qu’un ancien marchand de grains.

Cependant, le médecin de la famille, le docteur Guiraud, gros homme fin et souriant, avait eu déjà plusieurs conversations particulières avec M. Chabre. Il lui expliquait combien la science est encore en retard. Mon Dieu ! Non, on ne plantait pas un enfant comme un chêne. Pourtant ne voulant désespérer personne, il lui avait promis de songer à son cas. Et, un matin de juillet, il vint lui dire :

— Vous devriez partir pour les bains de mer, cher monsieur… Oui, c’est excellent. Et surtout mangez beaucoup de coquillages, ne mangez que des coquillages.

— Des coquillages, docteur ? Vous croyez que des coquillages… ?

— Parfaitement ! On a vu le traitement réussir. Entendez-vous, tous les jours des huîtres, des moules, des clovisses, des oursins, des arapèdes, même des homards et des langoustes.

Puis, comme il se retirait, il ajouta négligemment, sur le seuil de la porte :

— Ne vous enterrez pas, Mme Chabre est jeune et a besoin de distractions… Allez à Trouville. L’air y est très bon.

Trois jours après, le ménage Chabre partait. Seulement l’ancien marchand de grains avait pensé qu’il était complètement inutile d’aller à Trouville, où il dépenserait un argent fou. On est également bien dans tous les pays pour manger des coquillages ; même dans un pays perdu, les coquillages devaient être plus abondants et moins chers. Quant aux amusements, ils seraient toujours trop nombreux. Ce n’était pas un voyage de plaisir qu’ils faisaient.

Un ami avait enseigné à M. Chabre la petite plage du Pouliguen, près de Saint-Nazaire. Mme Chabre, après un voyage de douze heures, s’ennuya beaucoup, pendant la journée qu’ils passèrent à Saint-Nazaire, dans cette ville naissante, avec ses rues neuves tracées au cordeau, pleines encore de chantiers de construction. Ils allèrent visiter le port, ils se traînèrent dans les rues, où les magasins hésitent entre les épiceries noires des villages et les grandes épiceries luxueuses des villes. Au Pouliguen, il n’y avait plus un seul chalet à louer. Les petites maisons de planches et de plâtre, qui semblent entourer la baie des baraques violemment peinturlurées d’un champ de foire, se trouvaient déjà envahies par les Anglais et par les riches négociants de Nantes. D’ailleurs, Estelle faisait une moue, en face de ces architectures, dans lesquelles des bourgeois artistes avaient donné carrière à leur imagination.

On conseilla aux voyageurs d’aller coucher à Guérande. C’était un dimanche. Quand ils arrivèrent, vers midi, M. Chabre éprouva un saisissement, bien qu’il ne fût pas de nature poétique. La vue de Guérande, de ce bijou féodal si bien conservé, avec son enceinte fortifiée et ses portes profondes, surmontées de mâchicoulis, l’étonna. Estelle regardait la ville silencieuse, entourée des grands arbres de ses promenades ; et, dans l’eau dormante de ses yeux, une rêverie souriait. Mais la voiture roulait toujours, le cheval passa au trot sous une porte, et les roues dansèrent sur le pavé pointu des rues étroites. Les Chabre n’avaient pas échangé une parole.

« Un vrai trou ! murmura enfin l’ancien marchand de grains. Les villages autour de Paris sont mieux bâtis. »

Comme le ménage descendait de voiture devant l’hôtel du Commerce, situé au centre de la ville, à côté de l’église, justement on sortait de la grand-messe. Pendant que son mari s’occupait des bagages, Estelle fit quelques pas, très intéressée par le défilé des fidèles, dont un grand nombre portait des costumes originaux. Il y avait là, en blouse blanche et en culotte bouffante, des paludiers qui vivent dans les marais salants dont le vaste désert s’étale entre Guérande et Le Croisic. Il y avait là aussi des métayers, race complètement distincte, qui portaient la courte veste de drap et le chapeau rond. Mais Estelle fut surtout ravie par le costume riche d’une jeune fille. La coiffe la serrait aux tempes et se terminait en pointe. Sur son corset rouge, garni de larges manches à revers, s’appliquait un plastron de soie broché de fleurs voyantes. Et une ceinture, aux broderies d’or et d’argent, serrait ses trois jupes de drap bleu superposées, plissées à plis serrés ; tandis qu’un long tablier de soie orange descendait, en laissant à découvert ses bas de laine rouge et ses pieds chaussés de petites mules jaunes

— S’il est permis ! dit M. Chabre, qui venait de se planter derrière sa femme. Il faut être en Bretagne pour voir un pareil carnaval.

Estelle ne répondit pas. Un grand jeune homme, d’une vingtaine d’années, sortait de l’église, en donnant le bras à une vieille dame. Il était très blanc de peau, la mine fière, les cheveux d’un blond fauve. On aurait dit un géant, aux épaules larges, aux membres déjà bossués de muscles, et si tendre, si délicat pourtant, qu’il avait la figure rose d’une jeune fille, sans un poil aux joues. Comme Estelle le regardait fixement, surprise de sa grande beauté, il tourna la tête, la regarda une seconde, et rougit.

— Tiens ! murmura M. Chabre, en voilà un au moins qui a une figure humaine. Ça fera un beau carabinier.

— C’est M. Hector, dit la servante de l’hôtel, qui avait entendu. Il accompagne sa maman, Mme de Plougastel… Oh ! Un enfant bien doux, bien honnête !