Les duels, suicides et amours du bois de Boulogne - J.-P.-R. Cuisin - E-Book

Les duels, suicides et amours du bois de Boulogne E-Book

J.-P.-R. Cuisin

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Extrait : "Mes lecteurs ne seraient que très imparfaitement satisfaits, si, les introduisant de suite et sans aucuns préparatifs sur mon théâtre agreste, ainsi que dans tous les secrets de mon BELVÉDÈRE AÉRIEN, je ne les préparais d'avance à ces augustes mystères. Il en est de même de tous les plaisirs de la vie ; le prélude, ainsi que tous les détours enchanteurs par lesquels on arrive au cœur d'une jolie femme, composent la majeure partie de nos jouissances".

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Seitenzahl: 108

Veröffentlichungsjahr: 2016

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Point d’honneur odieux préparé un beau laurier… Couronne en rougissant le front de ce meurtrier !…
Un superbe discours préliminaire

Sur l’utilité indispensable de ce petit chef-d’œuvre, ainsi que sur la singulière découverte de l’ARBRE CREUX ; le tout terminé par son INAUGURATION

Mes lecteurs ne seraient que très imparfaitement satisfaits, si, les introduisant de suite et sans aucuns préparatifs sur mon théâtre agreste, ainsi que dans tous les secrets de mon BELVÉDÈRE AÉRIEN, je ne les préparais d’avance à ces augustes mystères. Il en est de même de tous les plaisirs de la vie ; le prélude, ainsi que tous les détours enchanteurs par lesquels on arrive au cœur d’une jolie femme, puis enfin au trône de la volupté, composent la majeure partie de nos jouissances. L’art des accessoires, en tout, forme, la plupart du temps, le mérite du fond ; et l’amour même perdrait tout son empire, si on le dépouillait de son arc, de ses flèches et de son carquois. De cette vérité incontestable, je vais passer à quelques explications rapides sur le singulier hasard qui me rendit le possesseur mystérieux de l’ARBRE MAGIQUE, principal mobile de cet opuscule, et les voici. Marié depuis quelques années, devenu l’époux d’une femme charmante, ma chère MÉLANIE, père d’un aimable enfant, ma jolie NINSKI, maître d’une fort belle fortune, et habitant un des plus beaux hôtels de la rue Cerutti, à la Chaussée d’Antin ; je croyais avoir touché le terme de toutes les félicités, et je dois l’avouer, au sein de toutes ces prospérités, dans les bras même de ma douce amie, au théâtre, au bal, dans les cercles les plus brillants, de froides vapeurs, témoignage avant-coureur d’une sourde mélancolie, se répandaient sur mon front chargé de nuages ; je n’en adorais pas moins ma femme, mais je fis m’avouer à moi-même qu’elle ne suffisait plus entièrement à mon bonheur. En me mariant, je lui avais sacrifié mes plus chères habitudes, surtout mon goût effréné pour l’OBSERVATION DES MŒURS.« Tu me caches un secret, mon ami, me dit Mélanie, un jour. Ton âme n’est pas dans son assiette, et tu formes un désir que je ne puis satisfaire ; parle, parle, explique-toi, mon cher Courville, et je me sens capable d’ôter de mon bonheur pour ajouter au tien. »

À ce discours plein de franchise, des larmes me roulèrent dans les yeux ; je serrai Mélanie sur mon cœur, et ne lui dissimulai plus dans une entière expansion, que j’aimais à la fureur à scruter, à voir, à examiner les actions, les mœurs et le caractère d’autrui, à faire le petit De Jouy, enfin, et à prendre la nature sur le fait. J’ai puisé, lui dis-je, cette manie, cette originalité dans la lecture de Théophraste, de La Bruyère, et d’Aristophane ; enfin je ne cachai pas à ma femme que, du moment que j’arrachais un secret à la société, je me trouvais plus glorieux que Jason le fut après la conquête de la Toison d’or.

Mélanie avait de l’esprit, et soit qu’elle partageât en effet mes goûts, soit qu’elle le feignît, pour en diminuer à mes yeux le ridicule, elle parut enchantée de mes confidences. Ce sera charmant, disait madame de Courville ; tu auras l’œil sur les hommes, moi, je me charge de mon sexe ; on dit que je peins les travers à ravir ; ainsi, chaque soir, comme deux abeilles industrieuses, réunissant le miel de nos butins, nous enrichirons nos connaissances de mille piquantes découvertes. Pour moi, continua Mélanie, dans son babil charmant, j’ai déjà trouvé une maison opulente où l’on joue gros jeu, et où l’on ne reçoit que des femmes comme il faut ; l’écarté est la grande boussole, le pivot nourricier de ces brillantes coteries ; est là que je veux diriger mes premières tentatives. Mon plan est plus vaste et beaucoup plus neuf, interrompit Courville : ce n’est point Paris, ni le Palais-Royal, que je prends pour mon champ de bataille ; fis donc ! matière usée !… le BOIS DE BOULOGNE, Mélanie, oui le FAMEUX BOIS DE BOULOGNE, si fertile en coups d’épées ! ! !… Cela t’étonne ; tu crains déjà pour ma vie ; rassure-toi, ma toute belle ; au sein de toutes les vicissitudes et de tous les périls du monde, au sein des AMOURS, des DUELS, et des sanglants SUICIDES, je possède une retraite, un asile mystérieux, impénétrable même aux rayons du soleil ; cet asile, Mélanie, est un arbre creusé depuis un temps immémorial, car un habile nécromancien m’a assuré même que sa construction étrange remontait au temps des croisades ; les guerres de religion s’en firent sans doute un refuge contre l’ennemi ; ou il est possible encore que l’amour de quelque prince sous Charles VII et peut-être du temps de la ligue, imaginât ce singulier boudoir pour envelopper ses rendez-vous des ombres les plus épaisses du mystère. Pour moi, je suis plus porté à croire que, vu ses souterrains profonds, ses grottes caverneuses, et son issue lointaine au milieu des Champs-Élysées, ce fut plutôt autrefois un repaire de brigands, à ces époques malheureuses où les lois sans vigueur, laissaient au crime une audacieuse impunité. Quoi qu’il en soit à cet égard, je n’en suis pas moins devenu l’unique et heureux propriétaire de cet étonnant observatoire ; déjà je l’ai fait restaurer en secret, tapisser intérieurement, et rétablir les quatre portes latérales qui donnent sur les quatre points cardinaux du bois ; déjà, dis-je, chère Mélanie, à l’exemple des anciens Druides, j’ai fait la pieuse inauguration du temple par le sacrifice de deux colombes que j’ai immolées sur la pierre principale de la source qui murmure au pied de l’arbre creux ; et mes provisions faites en poudre, en armes, en comestibles, en vins, en signaux de toute espèce, il ne me reste plus qu’à prendre possession de mon trésor dont la restauration d’ailleurs m’a coûté deux cents louis ; puis enfin à ouvrir ma PREMIÈRE SÉANCE sous les auspices de ton aimable consentement et de ton approbation. Tu peux bien penser, Mélanie, que je n’ai pas du tout crue au ton prophétique et divinateur de l’oracle parisien qui m’a vendu son secret. Non, ma superstition ne va pas jusque-là. J’écarte ici avec soin la fable et le merveilleux, pour ne jouir que des tableaux vrais dont Messieurs les PARISIENS et surtout Mesdames les charmantes PARISIENNES vont me fournir les scènes piquantes et variées.

Mélanie ne dissimula pas qu’elle éprouvait un peu de jalousie dans une circonstance aussi délicate. La vue de certains duos trop voluptueux, pouvait faire naître des désirs qui ne seraient pas pour elle ; mais Courville s’empressa de la tranquilliser à cet égard, en l’assurant qu’elle ferait quelquefois des voyages à l’ARBRE MAGIQUE.

Tout fut donc réglé de part et d’autre avec le plus parfait accord : Mélanie embrassa son époux, pour cimenter la bonne intelligence et le pacte qui venait de se conclure. Le temps étant superbe, et tout étant préparé depuis quelques jours, Courville fit atteler sa jument mirza au cabriolet, et par le plus beau jour d’été, se dirigea vers le théâtre des diverses scènes dont il fait ici successivement la narration par BULLETINS NUMÉRIQUES.

En notre qualité d’éditeurs, cette coupe nous ayant paru ingénieuse, en ce qu’elle fait suivre exactement la chronologie des temps, nous l’avons conservée, d’autant plus que monsieur Courville, qui nous a permis de livrer son manuscrit à l’impression, a réglé lui-même l’ordre que nous devions suivre.

Nous terminerons donc ce petit DISCOURS PRÉLIMINAIRE que nous avons rédigé avec M. Courville, par nous unir à lui dans les vœux qu’il forme, pour que ce RECUEIL d’OBSERVATIONS reçoive du public l’accueil dont les intentions morales qui l’ont dicté, paraissent le rendre digne ; et, dans la flatteuse supposition d’une vogue, comme l’ARBRE CREUX existe encore et qu’on peut l’aller voir au sein de la forêt, nous inviterions M. Courville à y aller faire de nouveaux voyages dont un second ouvrage communiquerait les résultats à nos chers lecteurs.

En attendant cet agréable avenir, bornons-nous à nous occuper du présent par l’ouverture du PREMIER BULLETIN COULEUR DE ROSE, et faisons sentir par des faits l’utilité de ce petit chef-d’œuvre, où les Parisiens verront comme dans un miroir la conduite de certaines friponnes, et la lanterne magique en miniature de cette pauvre vie humaine.

PREMIER BULLETINCouleur de rose

Au nord-est de mon théâtre champêtre.

Un rendez-vous galant ; un déjeuner folâtre ; de la crème, des œufs, du lait et des épinards. – Une pelouse un peu foulée… Une jarretière perdue, et une noce de village.

Ils sont passés ces temps des rêves poétiques,

Où l’homme interrogeait des forêts prophétiques ;

Où la fable, créant des faits prodigieux,

Peuplait d’être vivants des bois religieux.

Dodone inconsultée a perdu ses oracles ;

Nos vergers sont sans dieux, nos forêts sans miracles ;

Au sang du beau chasseur adoré de Cypris,

La rose ne doit plus son brillant coloris ;

L’eau ne répète plus le beau front de Narcisse,

Ce long cyprès n’est plus le jeune Cyparisse,

Ces pâles peupliers les sœurs de Phaéton,

Ce vieux tilleul Baucis, ce chêne Philémon :

Tout est désenchanté ; mais, sans tous ces prestiges,

LES ARBRES ONT LEUR VIE, ET LES BOIS LEURS PRODIGES… »

LES TROIS RÈGNES DE J. DELILLE, CHANT VI.

Oui, le célèbre poète a raison : « Les arbres ont leur vie, et les bois leurs prodiges… » Mon ARBRE MAGIQUE va bientôt en devenir la preuve, sans emprunter les secours de la fabuleuse mythologie : prouvons-le de suite par des faits.

Tout, à ce qu’il me parut dans cette première navigation, devait marcher sous les plus riants auspices ; l’amour devait enfler la voile, et la folie tenir le gouvernail. Arrivé silencieusement près du bouquet de bois qui conduisait par maintes sinuosités à mon ARBRE CREUX, tel que mademoiselle Elisa Garnerin se détache de son aérostat, et se confie aux hasards périlleux d’un parachute ; de même, je me séparai de mon cabriolet et de Tobie, mon fidèle domestique, pour m’abandonner, en nouveau Robinson, aux chances extraordinaires de ma petite île aérienne. Tobie fut témoin de mon heureuse installation, du mystère impénétrable dont j’y étais enveloppé ; il s’y convainquit qu’en supposant même une bataille livrée dans le bois, je ne pouvais courir aucun véritable danger, puisque j’avais, à tout évènement, la retraite des grottes et des profonds souterrains, ensuite une espèce d’arsenal pour me défendre, et nombreuses provisions de bouche, pour soutenir le siège. Il put donc tranquilliser entièrement ma chère Mélanie sur les appréhensions déplacées qu’elle aurait pu concevoir.

C’était un lundi ; le lundi à Paris est pour beaucoup de personnes une espèce de lendemain de noces ; les folies du Dimanche se prolongeaient encore dans cette journée, l’on fait (en expressions triviales) des farces et des bamboches complètes. Une demi-heure après que je m’étais mis en Vigie, je signalai sous pavillon couleur de rose et de lis, double emblème d’amour et de paix, une brillante calèche à la Beaumont qui, vent-arrière, cinglait à toutes voiles vers la mer du plaisir, conduite légèrement par des tritons quadrupèdes. Aussitôt je ferme les écoutilles de mon bâtiment immobile, et j’attends sous le vent, après avoir jeté l’ancre d’espérance. La calèche s’arrête à deux cents pas de distance. Une beauté touchante, mise en blanc, comme les vierges de Vesta, en descend, regarde à une petite montre qu’elle tire de son sein, en mettant le doigt sur sa bouche vis-à-vis ses gens. À l’abri d’une riche ombrelle, un cachemire jeté négligemment sur ses épaules, un livre et une gibecière à la main, voilà notre charmante inconnue s’engageant dans les replis, dans le labyrinthe du bois, mais comme une personne déjà très familière avec ces petits chemins tortueux ; et enfin elle s’avance droit sur mes domaines.

Comme le cœur me battait avec violence ! Je ne puis ici me dissimuler à moi-même que Mélanie avait raison dans ses conjectures jalouses. L’appareil mystérieux dont s’enveloppait ici la belle étrangère, était fait pour émouvoir délicieusement le cœur le plus fidèle.

Oui, c’est bien ici, dit l’inconnue, en jetant sa gibecière et son ombrelle sur le gazon, je reconnais bien cette source, les ondulations de ces eaux qui serpentent mollement sous l’herbe, cette cascade insensible, témoin de mes premiers serments ; c’est là que Monrose m’a juré un amour éternel ; c’est sur cet arbre que nos chiffres enlacés offrent l’image de l’union de nos cœurs ; c’est ici que cédant à des ardeurs inexprimables, ma vertu expirante n’a pu se justifier que par l’excès de ma passion. Voyons, dit-elle, si mes anneaux de l’année dernière sont encore dans l’eau sous certains cailloux… – Oui je les vois ! que de souvenirs délicieux ils me rappellent ! Au nombre de onze