Les Élémentaires - Sébastien Moyon - E-Book

Les Élémentaires E-Book

Sébastien Moyon

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Beschreibung

Depuis sa naissance, Jake n’a connu qu’un pays en guerre. Les Élémentaires, des personnes remarquables pouvant maîtriser les forces de la nature, ont déclenché un conflit assassin qui dure depuis la nuit des temps et qui menace d’exterminer leur peuple. À la suite d’un événement tragique, Jake qui n’aspirait qu’à une vie tranquille devra malgré lui faire partie de ce combat sans merci, car si les Élémentaires ont commencé cette bataille, un autre Élémentaire se doit de la terminer.

Jake réussira-t-il à assurer la survie de sa communauté ?


À PROPOS DE L'AUTEUR 

Sébastien Moyon a toujours eu de l’appétence pour les histoires non consensuelles. Les Élémentaires, son premier ouvrage, est le résultat des mois de réflexion et de trois ans d’écriture acharnée.

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Seitenzahl: 533

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Sébastien Moyon

Les Élémentaires

Roman

© Lys Bleu Éditions – Sébastien Moyon

ISBN :979-10-377-8570-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Partie I

1

Il doit être à peu près huit ou neuf heures du matin. Je le sais parce que je viens de regarder à travers les volets de ma chambre et je commence à apercevoir les rayons du soleil dans la pièce.

Je n’ai quasiment pas fermé l’œil de la nuit, comme la plupart des nuits, d’ailleurs, cela fait une bonne semaine que les rebelles ont repoussé la ligne de front juste à dix kilomètres avant Beroc, mon village. La nuit, quand tout est calme, on entend très bien les assauts de l’armée sur la ville des insurgés, plus au sud. Chaque nuit, je me réveille en sursaut, en pensant que c’est la maison d’à côté qui a explosé, mais un jour ce sera peut-être la réalité.

Je sors de mon lit, enfile mon tee-shirt de la veille et mon jean, et je traverse ma chambre, descends les escaliers et rejoins le salon. J’essaie d’être le plus silencieux possible pour ne pas réveiller ma sœur. Je me fais chauffer un café, comme à mon habitude, et je m’installe à table. C’est le rituel du matin qui m’aide à me réveiller, comme la plupart des personnes.

J’allume la radio qui parle des derniers combats. C’est le même discours tous les matins, d’aussi loin que je me souvienne, il n’y a eu que des avancées et des reculées sur la ligne de front, depuis des années, sans venir ici pour autant. Mais quand j’y réfléchis, il est vrai que ces derniers temps les combats sont beaucoup plus actifs qu’auparavant, c’est sûrement le fait que les rebelles doivent sentir leurs pertes de la ligne de combat et tentent le tout pour le tout pour reprendre la main.

« Et merde, sérieux, il est trop tôt pour penser à ça ! »

Je vais me préparer tranquillement dans la salle de bains, j’allume et le néon clignote un petit moment avant de s’allumer correctement, je me regarde dans le miroir au-dessus du lavabo et je vois à travers mon reflet que je manque cruellement de sommeil, j’ai des cernes sous les yeux, la barbe courte, mais mal taillée, et mes cheveux sont ébouriffés.

« Oui, bah c’est bon, je me passe un coup d’eau sur le visage et on verra la suite plus tard. »

Je sors de la maison et prends la direction de la sortie du village, il fait bon ce matin, le soleil éclaire de mille feux toute la ville et commence à chauffer doucement. Je marche dans la rue, la route est faite de pavés recouverts de poussière. Je passe devant les épiceries de Beroc qui ouvrent leurs portes et sortent leurs marchandises. Dans certaines rues, on aperçoit les affiches qui ont été collées sur certaines maisons du bourg, elles montrent un soldat en tenue noire, avec des lignes rouges sur ses épaules, qui m’observe avec un regard plein de crasse, mais plein d’espoir, me tendant la main avec dessus, écrit en gros, « la guerre touche à sa fin, rejoignez-nous pour ramener la paix dans votre pays ». Cette phrase me fait sourire à chaque fois que je la vois et je me demande si un slogan aussi patriotique peut vraiment enrôler du monde.

Je continue à marcher, toutes les rues se ressemblent, ce n’est pas grand, à part des chemins de terre, des maisons carrées avec des plantes grimpantes dessus et cela jusqu’à l’extrémité de la ville, guère plus.

Je passe le pont pour franchir le fleuve qui traverse la ville et qui lui sert d’entrée et je m’assure qu’une fois passé dessus et en dehors de Beroc, personne ne m’observe, je glisse sous le pont rapidement en passant sous la rambarde et en me balançant en dessous. J’enlève tout un tas de broussailles et récupère mes flèches, ainsi que mon sac à dos noir qui contient des gants et de la corde en supplément, si besoin. Je descends un peu plus bas, au ras de l’eau, et j’y pose mes mains, le liquide translucide se met alors à faire des vaguelettes, puis petit à petit, il me laisse un passage sec jusqu’à mon arc en bois qui est caché entre deux pierres. Il ne vaut pas grand-chose, mais j’y tiens et les initiales en or gravé dessus le rendent unique. Je récupère le tout, place les flèches dans le sac, sors de ma cachette et reprends ma route en direction de mon point de rendez-vous.

Je suis le cours d’eau pendant une bonne heure et demie. J’adore passer par là, on n’y croise jamais personne et le paysage est reposant. Je continue encore un peu à le suivre, jusqu’à ce que j’arrive à un grand rocher, près d’un arbre où ses branches flottent avec le vent au-dessus de l’eau. C’est toujours là qu’on chasse tous les deux. Je n’entends rien, mis à part le vent sur les feuilles d’arbres, l’eau qui coule tout le long de la forêt et quelques oiseaux qui se parlent entre eux. Je dépose mon sac sur les rochers, en face de l’arbre, à côté de la rivière et m’étire, je souffle un peu. Ce qui est étrange c’est qu’elle devrait déjà être arrivée.

D’un coup, je sens un poids dans mon dos me déséquilibrer et me pousser en avant, mon cœur a dû s’arrêter de battre pendant un moment quand je manque de tomber. Je sens des jambes autour de ma taille et des bras m’enlacer autour du cou.

C’est Nissa qui vient de sauter du rocher, sur mon dos : « Il n’y a vraiment rien à faire, t’es toujours à la bourre, ça ne changera jamais, ce n’est pas possible », dit-elle en m’embrassant sur la joue et en me souriant.

Elle descend, satisfaite de m’avoir fait peur.

« T’es pénible, j’ai failli avoir une attaque. »

« C’était le but, la prochaine fois, tu arriveras peut-être à l’heure. Cela fait une heure que je t’attends, moi », me dit-elle, avec un clin d’œil.

« Ça va, toi » ?

Je me concentre et fais soulever un filet d’eau de la rivière, avec ma main, et lui balance au visage : « Oui, ça va et depuis le temps, tu devrais avoir l’habitude », en lui faisant un sourire forcé.

« T’es sérieux, et c’est moi la chieuse ».

Elle porte une veste kaki avec un tee-shirt blanc et un jean délavé. Elle souffle, s’essuie le visage et détache ses cheveux blonds qui lui arrivent un peu plus bas que les épaules : « Ça, tu n’étais pas obligé, tu vas peut-être pas me croire, mais je me suis lavée ce matin, moi ».

Elle a toujours la pêche et le sens de l’humour, c’est incroyable.

« C’est quoi ce MOI » ?

« Laisse tomber, tu ne comprendrais pas », me dit-elle en me tapant l’épaule.

« Mouais. On va peut-être s’y mettre, car le gibier ne va pas venir tout seul, si ? »

Nous commençons à marcher : « Ouais, c’est ça, change donc de sujet, mais bon, on va dire que tu as raison, déjà qu’on n’est pas en avance, ce serait bien de bouger ».

Son sourire affiche une légère provocation.

Nous continuons à marcher sur les rochers, un peu au-dessus de la rivière, et nous longeons les arbres. J’ai mon arc en main et une flèche, prête à être décochée, Nissa a le sien sur son dos.

« Tu as réussi à dormir cette nuit ? »

J’ai bien vu qu’elle avait l’air fatiguée, malgré son enthousiasme et son énergie : « Oui, un peu, mais ce n’est pas la folie, non plus, comme toi, je suppose ».

« Oui, et en même temps je ne vois pas comment on pourrait, avec les combats qui peuvent reprendre n’importe quand et à n’importe quelle heure ».

« Oui, c’est sûr. »

Elle met un moment avant de reprendre : « Mes parents sont de plus en plus inquiets, ils disent que les renforts de la Garde n’arriveront jamais à temps pour protéger Beroc des rebelles. »

En disant ça, je sens qu’elle est un peu anxieuse, c’est pourtant pas son style. Je ne sais pas trop quoi lui dire pour lui enlever ses inquiétudes : « Je me doute, c’est un truc de parents de s’inquiéter, les miens veulent partir rejoindre des amis dans le nord de l’état, à la fin de la semaine, le temps que ça se calme dans le coin ».

« Oui, je sais, ils se sont concertés et normalement on devrait partir en même temps que vous ».

Je sens une boule au niveau de l’estomac : « Vous venez avec nous ? »

« Non, mes parents voulaient aller sur la pointe, à l’ouest ».

Je laisse échapper un « Ha » de déception, ce qui la fait vite sourire.

« Oh, je vais te manquer. Sois pas déçu, mon petit, on se reverra après, dès qu’ils les auront dérouillés », me rassure-t-elle d’un ton ironique, au moins ça la fait rire.

« C’est bon, ne te fais pas d’idée, c’est juste que partir quelque temps c’est bien, mais quand tu n’as plus personne sur ton dos pour te titiller, tu dois t’ennuyer. Alors oui, dans ce sens, tu vas me manquer ».

« HAHA très drô… »

Et là, elle m’arrête, en mettant sa main devant moi :

« Attends ».

Après quelques secondes de silence, je lui demande en chuchotant : « Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’as-tu vu » ?

« Ouvre les yeux, Sherlock », et elle me montre des empreintes de pattes dissimulées sous un tapis de feuilles. Vu celles-ci, c’est certainement un sanglier.

« Bien vu, miss, je l’aurais vu si tu ne me déconcentrais pas tout le temps ».

« Ouais, c’est ça, me dit-elle. donne-moi donc un coup de main, pour monter à l’arbre, plutôt ».

Je tourne la tête à droite, puis à gauche, et me concentre sur l’eau de la rivière, à côté de moi, avec mon bras je la fais sortir de son lit et la ramène au bord de l’arbre et je lui fais prendre une forme d’échelle ou plutôt d’un mur d’escalade pour débutant. D’un mouvement sec, je ressers mon poing et l’eau commence à geler doucement : « Ça te va, comme ça » ?

Je ne le montre pas, mais je reprends légèrement mon souffle et m’essuie le front de quelques gouttes de sueur. Même si c’est impressionnant de savoir faire ça, je m’épuise toujours assez vite et dès que je relâche ma concentration, la glace commence à fondre, à cause de la chaleur.

« Parfait ».

Elle commence à grimper. Elle se sert de mes appuis de fortune, jusqu’à ce qu’elle atteigne les premières branches au-dessus de l’eau, elle monte toujours plus haut et, rendue au sommet, elle m’invite à la rejoindre. Je commence mon ascension et une fois en haut, j’admire le paysage paisible, au-dessus des arbres.

Elle me donne un coup de coude : « Tiens, regarde, il est là-bas ».

Nous descendons de quelques branches et Nissa prend appui contre l’une d’elles.

Elle sort son arc, ainsi qu’une flèche et tend la corde, en le mettant en ligne de mire. Elle est calme et respire doucement : « Attends, prends ton temps, il nous a pas v… »

Je n’ai même pas fini ma phrase que je vois la flèche partir, voler à travers les branches et finir sa course contre le tronc d’un arbre, à un mètre de l’animal. Celui-ci, surpris, se redresse, scrute les environs et par sécurité, se met à fuir un peu plus loin : « Merde, elle était pas loin » !

« Pas loin, tout est relatif, mais ce n’est pas grave, tu feras mieux la prochaine fois », lui dis-je, en la taquinant.

« Ça va, c’est bon, on continue ou pas. »

Je descends branche par branche et quand Nissa descend elle aussi, son pied glisse et elle commence à basculer en arrière, par réflexe, je la rattrape avant qu’elle ne touche le sol. Nous nous retrouvons nez à nez et elle me fixe, pendant quelques secondes, gênée, elle m’embrasse sur la joue en me remerciant : « Merci. Allez, on y va, sinon il va se barrer », elle se relève et me tend la main, pour m’aider à me relever, nous reprenons notre marche en direction de notre proie.

2

« Comment, c’est arrivé déjà » ?

« Quoi donc » ?

« Tu sais bien, le fait que tu sois devenu un super héros, prêt à protéger la veuve et l’orphelin. »

Elle sourit longuement, puis en voyant que je la dévisage, développe :

« Tu ne me l’as jamais raconté, je me suis dit que tu m’en parlerais quand tu le voudrais, mais j’avoue que ma curiosité commence à me tenailler et vu que ça fait un moment qu’on traîne ensemble, tu peux bien me le dire, maintenant ».

Je vois bien qu’elle y a mis les formes pour m’en parler et c’est vrai quand y pensant, j’ai toujours été très évasif sur la question, après tout, je ne la connaissais pas énormément, plus comme une connaissance de village, malgré que ce soit désormais la seule personne de mon âge et aussi ma seule amie :

« Bah, c’est venu comme ça du jour au lendemain, à mes seize ans ».

« Hein hein, tu ne peux pas être un peu plus explicite, c’est quand même un truc très rare ce qu’il t’est arrivé, il n’y a presque plus d’Élémentaire. Et en plus, tu pourrais rentrer dans la Garde et peut-être même faire gagner cette guerre grotesque ».

« Je ne suis pas un Élémentaire ! et cette guerre ne me concerne pas, c’est la leur, pas la mienne, je la laisse à ceux que ça regarde, elle se terminera bien sans moi, les rebelles commencent peu à peu à reculer, ce n’est qu’une question de temps ».

« OK, excuse-moi, je disais ça comme ça », renchérit-elle, en mettant ses bras en signe de défense et en reculant, toujours en se moquant, une fois n’est pas coutume.

« Non, c’est bon, t’inquiète, bah, comment te dire, c’est assez compliqué, je pense que c’est vers dix-sept, dix-huit ans que tout s’est vraiment emballé, mais ça a pris du temps, je n’étais pas sûr de ce qui m’arrivait au départ. Un jour, pendant que je chassais avec mon père, j’ai décoché une flèche sur un cerf et quand je l’ai récupéré, j’ai été surpris de constater qu’en la retirant elle était en partie gelée.

« Ton père l’a vu » ?

« Non, il était plus loin et je ne lui en ai pas parlé du tout, je ne sais pas pourquoi, comme je te l’ai dit, je n’étais sûr de rien. Bref, petit à petit, j’ai remarqué des choses étranges, comme l’eau qui tournait dans mon verre, à l’approche de ma main ou un café qui gelait sous mes doigts.

« Ça t’a pas fait flipper ? » répond-elle, surprise.

« Moi j’aurais consulté, docteur, je deviens cinglé, je vois des choses que personne d’autre ne voit, qu’est-ce que je peux faire » ?

« Haha, très drôle, non, je n’ai pas flippé, miss. Ça s’est fait progressivement, mais le jour où j’ai compris que je devais être doté de… comment dire… de dons, c’est quand je me suis fait attaquer par une meute de loups, en forêt, un peu plus haut sur le cours d’eau. J’étais parti un peu en avance et mon père était censé me rejoindre plus tard. J’étais concentré sur les empreintes que je suivais et je ne les avais pas vus venir. Ils m’avaient encerclé et ils commençaient à se montrer agressifs et moi j’ai paniqué. Quand un des loups m’a sauté dessus, par réflexe, j’ai mis mon bras devant mon visage et il s’acharnait dessus. J’ai cru qu’il allait me bouffer, mais sans que je ne m’en rende compte, j’ai essayé d’attraper ma gourde qui était hors de ma portée avec ma main qui s’était posée sur l’animal blanc et, contre toute attente, celle-ci s’est levée et est allée se jeter sur sa gueule. Le loup m’a lâché et avant que lui et ses potes aient eu le temps de revenir à la charge, j’ai poussé mes deux mains vers lui, pour me protéger, mais imagine ma surprise quand l’eau est sortie de son lit et a repoussé les animaux, une fois, puis deux fois, et jusqu’à ce qu’ils se lassent et finissent par prendre la fuite.

« Arrête donc de te moquer de moi ! »

Je lui montre mon avant-bras qui a une trace de morsure, petite, certes, mais bien présente.

« Eh bien, c’est chaud ton truc, après t’as fait quoi » ?

« J’ai décidé de garder ça pour moi et de rien dire à mon père et, à partir de là, d’aller à la chasse tout seul pour essayer d’exploiter et de voir ce que je pouvais exploiter d’autre avec mes dons, à l’abri des regards. Je me suis entraîné à faire flotter l’eau, lui donner des formes, la geler à ma guise. Je ne suis pas encore totalement maître de ce que je fais, mais en quelques mois j’ai quand même pas mal progressé », lui dis-je, d’un air vantard.

« C’est vrai que tu es… balèze, mais exagère pas ! Et dis-moi pourquoi personne n’est au courant, à par moi » ?

« Ne le prends pas mal, mais à la base, je ne voulais rien dire à personne. C’est parce que tu m’as surpris que j’ai été contraint de te le divulguer ».

« Ouais et grâce à ça tu t’es fait une amie magnifique et exceptionnelle, dit-elle avec son grand sourire. Et tes parents, pourquoi tu le leur as caché » ?

« Ouais, mais t’as quand même flippé, au départ, et rappelle-moi ce que tu faisais à me suivre, déjà » ?

Elle lève les yeux au ciel : « Et si, évidemment, mais le jour où j’étais sur le point de leur dire, je les ai surpris à parler de la guerre ».

— Alors, déjà, pour clarifier, je te suivais pas, me lance-t-elle, le doigt pointé sur mon torse. Je t’ai croisé par hasard dans la forêt, elle est à tout le monde, non ? Ensuite, je n’ai pas flippé, mais j’ai été… comment dire… j’ai été surprise, et je te signale que j’ai gardé le secret.

« Ouais, je te l’accorde ».

« Et qu’est-ce qu’ils disaient à propos des combats ? Parce qu’il s’agit d’une conversation que beaucoup de personnes évitent ».

Sa remarque n’est pas fausse. C’est vrai que mes parents, ou tout simplement les adultes en général, n’en parlent jamais devant moi ou Moane, ma petite sœur. Je pense qu’ils ne veulent pas nous affoler et peut-être qu’ils n’en savent pas plus que nous, non plus.

« Tu sais, j’ai l’impression que les gens ont très peu d’infos, en fait. »

Je laisse passer un moment avant de reprendre : « Mais je les ai entendus raconter que ce conflit avait commencé bien avant la naissance de mes parents et même de nos grands-parents, que la guerre avait éclaté entre les Élémentaires qui se sont déchirés pour le pouvoir du pays. Ils se sont séparés en deux groupes, d’un côté, les protecteurs, qui sont aujourd’hui, la Garde et les pacifistes, qui sont, pour le coup, les rebelles.

Les combats détruisent toutes les villes qui les accueillent et ils ne sont jamais arrêtés. Ils sont beaucoup plus dangereux aussi. Ce qui fait que durant toutes ces années, les Élémentaires ont commencé à s’éteindre pendant la guerre, à mourir sur le champ de bataille et sans enfants, pour développer leurs pouvoirs, alors ce sont les civils qui se sont joints aux deux parties, devenant des soldats qui défendent leurs idéaux.

“C’est pour ça qu’aujourd’hui les combats ne se déroulent qu’entre gens ‘normaux’, quasiment plus personne n’a de dons dans ses gènes”. »

— Oui et il y a eu déjà trop de morts, mais cela n’explique pas pourquoi tu n’en as pas parlé à tes parents, quand tu les as découverts.

Elle affiche toujours ce petit sourire :

— Bah, étant donné qu’il n’y a plus d’Élémentaires, le peu de personnes développant des pouvoirs est forcément envoyé au sein de la Garde, pour qu’ils les aient à l’œil et surtout pour pas qu’ils se rallient aux rebelles. Je pense alors qu’expliquer à mes parents que je suis une personne qui par mon sang a déclenché une guerre, et que je dois partir la poursuivre, n’est pas une super bonne idée, pour renforcer les liens familiaux… Et j’ai entendu ma mère reprocher à tous les Élémentaires d’avoir amené la guerre dans le pays.

Elle se met à rire : « Oui c’est sûr, que vu comme ça… Je te verrai bien comme chef d’escouade et il y aura des affiches de toi partout en ville comme celle qu’on a déjà, mais avec dessus “CET HOMME A GAGNÉ LA GUERRE”. Quelle imagination ! »

« Non, merci, sans façon, je suis plutôt genre cocotier et sable blanc, à me la couler douce, que vainqueur de guerre. Euh, n’oublie pas que faire la guerre, c’est pas mal, car en général, tu as quand même pas mal de succès avec les filles », lui dis-je en plaisantant.

— C’est ça, ouais, ne te la joue pas trop, quand même.

Elle me colle une pichenette sur le front : « Faut avoir des cicatrices, pour les attirer ».

Soudain j’entends un craquement plus loin, j’arme mon arc en sa direction, patiente quelques secondes et reprends la marche, à allure lente.

Elle marche derrière moi et chuchote : « Et tes parents » ?

« Quoi, mes parents ? »

« Bah, les dons se transmettent par le sang, donc un de tes parents doit en avoir non » ?

« Pas à ma connaissance, ça a dû sauter une génération et comme ils ont été adoptés tous les deux, le problème est résolu ». Nous continuons à marcher doucement.

« Dis-moi, tu emmèneras qui sur cette fameuse île » ?

Je ne lui réponds pas, je reste concentré et je stoppe net.

— Hey, t’arrête pas comme ça !

Je lui fais signe de se taire. Le sanglier sort de sa cachette et commence à fuir, je tire sur la corde de mon arc et décoche la flèche, elle siffle et file à toute allure et vient se planter dans son cou. L’animal tombe lourdement sur le sol.

« Pas mal, il a de la répartie ton truc, vu dans l’état dans lequel il est ».

« Arrête, c’est vrai qu’il n’est pas jeune, mais je t’ai déjà dit que je ne voulais pas m’en débarrasser. Il est transmis dans ma famille depuis un moment, le seul héritage que mes grands-parents biologiques ont laissé, à mon père. Et puis, c’est avec celui-là, que j’ai appris à chasser. Et puis l’arc n’a rien à voir dedans, c’est l’archer qui est bon ».

« Mouais, on ferait mieux de récupérer le gibier et de rentrer ».

Nous nous dirigeons vers le sanglier et après lui avoir retiré la flèche et l’avoir porté sur toute la route du retour, je ne sens plus du tout mes épaules, je le pose à l’entrée du pont et descends sous celui-ci. Je nettoie les initiales gravées dessus en or, E. P. Je me demande comment mon aïeul pouvait s’appeler. Je sépare la rivière en deux et remets mon arc à son emplacement habituel sous l’eau et cache mes flèches sous des broussailles situées dans l’angle du dessous du pont. Nous passons dessus et rentrons à Beroc.

3

Nous marchons dans la ville en direction de la boucherie pour donner le gibier et je constate que la ville a changé en l’espace de cinq heures. Elle qui était pourtant endormie à mon départ est désormais beaucoup plus active et méconnaissable, elle ressemble à une base militaire. Des soldats de la Garde sont arrivés dans la matinée et à présent, il y en a partout. Tous avec la même tenue du gars de l’affiche, tenue noire de la veste aux bottes, avec des liserés rouges sur les épaules. Les entrées et sorties commencent à être filtrées par des barrages formés par des blocs de sable, de barbelés et des palissades en bois. Je vois aussi des archers se mettre sur les toits en guetteurs et positionner des protections de bois pour parer les attaques de l’extérieur. D’autres commencent à mettre des armureries amovibles aux quatre coins des rues, où seront certainement disposées toutes les épées, haches et autres armes. Nous continuons notre tour en marchant, Nissa me fait signe de regarder à gauche, je vois des hommes dans un chariot blanc, dans une autre rue, qui escortent un véhicule rempli de matériel et plus loin, j’aperçois un homme avec une tenue identique aux autres, mais avec des liserés bleus, à la place du rouge, sur ses épaules. Il donne des ordres à des soldats, en leur criant de se dépêcher de monter les structures au milieu de la route, pour que celle-ci soit opérationnelle le plus rapidement possible. À sa façon d’aboyer, c’est certainement un gradé.

Je regarde Nissa qui inspecte tout ce qui se passe autour d’elle, tournant la tête dans toutes les directions, et je vois dans ces yeux de la crainte : « T’as vu le nombre qu’ils sont ? Il y en a partout ».

C’est vrai que c’est impressionnant, tous les soldats sont armés et certains ont même des arbalètes automatiques, les toutes dernières armes de la Garde.

Quand je croise le regard des militaires, je constate qu’ils sont aussi anxieux que nous.

« Ne t’inquiète pas, quand on y pense, c’est logique, les rebelles ont fait une percée sur nos lignes, il est légitime que la Garde prépare un avant-poste ici. Rassure-toi, les combats auront lieu plus loin, Beroc va servir de point de ravitaillement, le temps qu’ils les repoussent. » Je pense que j’essaie de la rassurer autant que moi.

— Je n’en suis pas si sûre, Jake, regarde les archers, les palissades, les soldats, tout ce qui se trame. Les combats vont venir ici.

— Si c’est le cas, la Garde nous préviendra pour qu’on puisse évacuer et de toute façon, nous partons dans quelques jours.

— Oui, c’est vrai, tu dois avoir raison, et en parlant d’évacuer, je suis désolée, mon petit, mais il va falloir que j’y aille, apporte-moi ce que tu me dois, demain.

— Je ne peux pas te l’apporter plus tard, en soirée ?

— Non, désolée, on a pas mal de choses à préparer avant de partir, mon père préfère qu’on se tienne prêts à tout moment, comme la ville devient un champ de bataille, je pense qu’il va vouloir accélérer les choses.

— OK, ça marche, on fait comme ça, je comprends, du coup je te donnerai ta part demain.

— Merci, à demain, Jake.

Elle prend la direction de chez elle et disparaît au coin de la rue.

Je continue toujours avec ce tas de viande sur mon dos et finis par arriver devant la boutique de la ville. Je laisse mon gibier par terre, je rentre dans l’établissement, les murs sont en bois foncés et on peut distinguer de la viande accrochée dans l’arrière-boutique, derrière le comptoir je vois un homme assez grand portant une chemise à carreaux bleus et un tablier blanc, au dos un peu arrondi, la cinquantaine et totalement chauve. Il se retourne et en s’essuyant les mains, affiche un grand sourire : « Jake, comment tu vas » !

— Salut Vlad, ça va et toi ?

— Bah, écoute, on fait aller, petit. Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

— Je suis allé chasser ce matin avec Nissa et on a récupéré un sanglier adulte, tu peux m’en donner combien ?

« Tout dépend de sa taille, petit. Nous allons examiner l’animal. C’est toi qui as visé » ? en me montrant la blessure dans la gorge.

« Oui, Nissa l’a raté et il a fallu que je lui montre comment on faisait », j’affiche un air fier.

— Arrête donc de la sous-estimer et méfie-toi, je sais qu’elle s’entraîne régulièrement, elle va finir par t’apprendre des choses, tu vas voir.

Il me fait un clin d’œil.

— Ou pas.

— Ouais, tu verras, bien gamin, enfin revenons à notre sanglier, je pense que je peux te proposer quatre cent cinquante Blutins et quelques pièces de viande, ça te va ?

— Ouais, ça me paraît pas mal, affaire conclue.

— Allez, suis-moi.

Nous passons derrière le comptoir et rejoignons le bureau, il me donne une enveloppe avec la liasse de billets. Je ne recompte pas, cela fait des années qu’on procède ainsi et Vlad est un ami proche de mon père, qui passe régulièrement nous voir. Je lui fais confiance.

— Allez, prends ce que tu veux dans la boutique et fiche le camp, j’ai du travail, moi.

Il paraît sec quand on ne le connaît pas, mais c’est sa façon de parler. Je passe par la boutique et je récupère en viande ce qu’il faut pour une semaine, je m’apprête à sortir et j’entends Vlad qui me dit « tu passeras le bonjour aux vieux ».

« OK, à plus tard ».

Je sors du magasin et rentre chez moi.

Sur le retour, je ne peux m’empêcher de me rappeler ma rencontre avec Nissa, le jour où elle m’a surpris à utiliser mes pouvoirs, pendant que j’essayais de comprendre comment ils fonctionnaient, elle s’était fait remarquer en faisant craquer des branches, en essayant de partir discrètement, j’ai été surpris et j’ai couru vers mon arc et l’ai armé en direction des broussailles. Je la revois sortir les mains en l’air et me dire « doucement, Robin des bois, c’est moi ».

— Nissa, qu’est-ce que tu fais là ? je baisse mon arc.

— Bah, rien je me promène et je t’ai entendu, alors je suis venue voir ce que tu faisais.

Je me doutais bien qu’elle avait dû me suivre et qu’elle n’était pas là par hasard, mais du moment qu’elle gardait ça pour elle…

Ce qui a été le cas, d’ailleurs, mais en échange de l’apprentissage du tir à l’arc, un échange équivalent et qui m’a amusé, du reste.

C’est à partir de là qu’on ne s’est plus lâchés.

En arrivant devant chez moi, je passe sous le porche usé par le temps et ouvre la porte d’entrée.

Je fais face à mes parents, qui s’arrêtent de parler à mon arrivée, ils sont à table et visiblement, m’attendaient pour manger. Je regarde l’heure sur la pendule située au-dessus d’un meuble sur lequel la radio est allumée, il est effectivement midi, ils m’attendaient.

Mon père me regarde en se redressant sur sa chaise et me demande si la chasse a été bonne, avec un sourire, en voyant que je pose un sac dans le frigo.

— Oui, plutôt bonne, lui dis-je en embrassant la tablée.

— Qu’est-ce que tu as pris ?

Mon père affiche un air dur la plupart du temps, mais il n’en est rien, c’est plus sa manière d’être et sa posture qui le laissent penser, ses cheveux noirs courts et ses yeux noirs lui donnent un air plus sérieux qu’il ne l’est en réalité, car quand on le connaît bien, c’est une personne bienveillante, sur qui on peut compter. Ma mère est tout son contraire, elle a une apparence douce, un regard chaleureux, toujours avec un sourire rassurant, mais voilà, mieux vaut ne pas lui chercher des noises, car elle est bien moins diplomate que mon père. Quant à ma sœur Moane et malgré qu’elle ne soit âgée que de 8 ans, je vois bien qu’elle est un mélange des deux, elle a les cheveux bouclés et châtains de ma mère, les yeux et le caractère de mon père.

Un sanglier, Nissa a repéré ses traces vers la cascade, dans le bois, au nord, on l’a traqué un petit moment, mais on a réussi à le rattraper, c’est pour cela que je ne suis pas rentré de bonne heure.

— « Ne t’inquiète pas, rien ne pressait », intervient ma mère.

— Tu es passé voir Vlad ?

— Oui, et il vous passe le bonjour.

— Bien, ça va, lui ? Fais-lui nos amitiés, si tu le vois avant nous.

— Oui, ça semble aller, tu le connais, il est toujours débordé.

Mon père débouche une bouteille et reprend : « Il t’en a donné combien pour ta chasse ? »

— Quatre cent cinquante Blutins, plus de quoi manger.

Mon père s’exclame : « C’est tout lui ».

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Ma mère me regarde et fait non de la tête : « Ce que tu lui as donné et ce qu’il t’a rendu en échange n’est pas équivalent, il t’en a donné pas loin du quart en plus. »

J’en reste étonné : « Non pas que je m’en plaigne, mais pourquoi » ?

— Il t’estime beaucoup, Jake, et depuis que tu chasses à ma place, il sait que tu fais du bon boulot.

il s’interrompt une ou deux secondes, puis reprend :

— Et que tu ne connais pas le marché. Je pense que c’est une façon de t’encourager, peut-être, il est comme ça, poursuit mon père, en servant chacun.

— Du coup, je te dois combien, papa ?

— Humm, laisse pour cette fois, c’est cadeau.

— Sérieux ? Bah merci, c’est sympa !

— Allez, mange.

Je reconnais qu’après le repas j’ai un coup de barre et cela doit se voir, puisque pendant qu’elle boit son café, ma mère me demande si ça n’a pas été trop dur de se lever, ce matin ?

— Ça se voit tant ? répondis-je, et je n’ai pour seule réponse que Moane qui me lance : « Ha bah oui, t’as une tête de cadavre », sympa… La sœur.

Les combats ne t’ont pas réveillé, toi ? je rétorque.

Oh que si, mais moi, je me remets plus vite, je suis jeune, me répond-elle.

Moane, viens donc ranger ta chambre avec moi, lance ma mère, en lui faisant signe de venir avec elle, ce que Moane fait, sans oublier d’émettre un grognement de désaccord.

Mon père est toujours là, il me fixe et un silence s’installe : « je ne dors pas très bien non plus, tu sais », annonce-t-il.

— C’est facile pour personne, en ce moment.

— Avec la Garde qui vient d’arriver en ville, les rebelles ne pourront pas venir ici, ce qui nous laisse plus de temps pour partir.

Partir, plus le temps passe, plus l’envie m’en manque.

— Pourquoi on ne reste pas sur place, si la Garde les retient plus loin, on n’a rien à craindre, non ?

— On en a déjà parlé, Jake, me dit-il calmement. C’est de l’anticipation.

— Je sais, excuse-moi.

— T’en fais pas. Sinon, Nissa, comment s’en sort-elle ? Elle progresse ?

— Elle manque de précision, mais elle repère les traces au sol, je lui ai appris avec la même technique que la tienne, après, à elle de s’entraîner, au tir à l’arc.

— C’est bien, bientôt elle chassera sans toi.

C’est vrai et elle pourrait sûrement le faire dès à présent, mais j’apprécie sa compagnie et le fait de reprendre à chasser seul, me démoraliserait un peu.

— Je m’en doute, oui.

Je débarrasse la table et mets le tout dans l’évier

— Tu sors, cette après-midi ?

— Oui, je vais voir ce que je peux faire. Je lui dis cela, prétendant ne pas trop savoir,

alors qu’en réalité, je sais exactement où je vais aller.

Il se frotte le visage avec ses deux mains et me dit : « Jake, tu sais que c’est une question de temps et que tout ira mieux une fois qu’on sera partis, je fais ça pour vous. »

Je passe derrière mon père et lui pose une main sur l’épaule, qu’il saisit.

Je sais papa et même si le départ ne m’enchante pas, je sais que tu fais au mieux et je te soutiens, quoi que tu fasses.

— Merci, mon fils.

Je me dirige vers l’étage et je lui souris… Mais la prochaine fois, choisis une destination de voyage au soleil.

Il lâche un petit rire étouffé « Oui, je te le promets ».

4

Un peu plus tard, après avoir fait une petite toilette. Je récupère mon sac sous mon lit avec dedans un peu de matériel et je ressors seul, non pas que ça me dérange de faire un tour avec Moane, comme elle me l’a demandé, mais comme il n’y a pas d’école, ce sont mes parents qui font la classe et vu ce que je comptais faire, c’est mieux que j’y aille seul.

C’est à l’autre bout du village, dans un endroit un peu plus reculé, où plus personne ne va depuis sa fermeture, pendant une attaque des rebelles, il y a quelques années. Le lieu est fermé, entouré d’un mur d’environ deux mètres et la seule entrée est verrouillée depuis très longtemps, par un vieux portail rouillé et attaché avec une chaîne et un cadenas. Je regarde discrètement autour de moi, si quelqu’un peut me voir et je jette mon sac de l’autre côté, puis je prends mon élan et saute contre le mur, mes mains atteignent le bord et je me hisse jusqu’en haut, puis bascule de l’autre côté, en me laissant rouler sur le sommet.

Dans la cour, il n’y a que des gravats et d’anciennes lignes tracées au sol, avec de la craie pour délimiter un terrain de basket, avec un poteau et un panier à chaque extrémité, je continue à marcher le long de la façade intérieure, passe plusieurs portes, toutes fermées à clef, je le sais, car je les ai déjà toute essayées, lors de mes premières visites, ici.

Je tourne à droite et continue à avancer, je me faufile à l’intérieur du bâtiment, via un trou dans le mur, provoqué par une ancienne explosion, je rentre, je marche sur tous les gravats.

L’endroit est sombre, je continue à marcher à travers des bureaux, jusqu’à la porte qui mène à l’ancien gymnase. Il fait moins sombre que dans les pièces précédentes, grâce aux puits de lumière qui laissent entrer la clarté, par des fenêtres brisées et des trous dans la toiture. L’endroit n’accueille plus personne depuis très longtemps, car selon ce que ma mère racontait pendant la Grande Guerre des Élémentaires, ce lieu était une école pour apprendre à maîtriser leurs pouvoirs et un jour, il y a plus de cent cinquante ans, lors d’une attaque, le village pris d’assaut par les rebelles, ils s’étaient réfugiés dans l’enceinte du bâtiment avec ce qui restait de soldats, mais malheureusement, cela s’est terminé par un massacre et beaucoup de personnes ont trouvé la mort. Depuis, c’est devenu un endroit que tout le monde évite et aujourd’hui, c’est ma planque. C’est l’endroit où je me retrouve quand j’ai besoin d’être seul, de réfléchir ou encore, de fuir les problèmes.

Je récupère les morceaux de bois que j’avais trouvés, lors d’une précédente sortie en forêt il y a quelque temps, puis je balance le sac que j’ai emmené avec moi dans un coin de la pièce, monte dans les gradins et m’installe.

Mon père m’a appris à fabriquer les flèches, quand je l’accompagnais encore, c’est quelque chose que j’aime bien faire, ça fait passer le temps et occupe l’esprit.

Je sors un couteau de chasse dont on se sert pour dépecer les animaux morts et taille le premier morceau de bois. Puis, je coupe les morceaux trop longs et ensuite, je taille la branche sur la longueur, pour la rendre la plus lisse possible, je fais une entaille à l’extrémité, pour laisser entrer la corde de mon arc et, enfin, je taille l’autre bout, pour rentrer le projectile mortel. Cela me prend environ une demi-heure, mais je me suis fait une quinzaine de flèches, alors oui, c’est sûr, que ce ne sont pas des flèches en carbone, comme en possèdent les soldats, mais pour les avoir déjà essayées, je sais qu’elles sont très efficaces.

Une fois terminé, je descends de l’estrade et sors deux bidons d’eau que j’avais ramenés au début, quand j’avais découvert mes pouvoirs et que je range à côté d’un local rempli de matériel, j’ouvre les bidons et commence à me concentrer, car cette salle est également l’endroit où je m’exerce.

En me concentrant, l’eau sort timidement des récipients et à se regrouper, pour former une seule colonne, je lève ma main vers le haut et la colonne se met à monter et se dirige à ma gauche, comme un serpent, en ondulant au simple geste de mon bras, en la faisant tourner autour de moi, j’essaie de relâcher un peu ma concentration, tout en la laissant faire le tour et à mon grand étonnement, cela fonctionne : « OUI ! »

Je ne peux qu’être satisfait, même si elle retombe quelques instants après, en m’arrosant copieusement, c’est la première fois que cela fonctionne sans concentration et même si je suis à présent trempé par dix litres de flotte, l’exploit mérite quand même bien des félicitations, si quelqu’un était au courant et sur place.

Je m’essuie rapidement le visage et recommence, l’eau se met cette fois en forme d’escalier précaire qui s’appuie contre un des murs, je la bloque ainsi, pendant quelques secondes et avec la deuxième main, je la gèle en un rien de temps.

Je relâche toute ma concentration et regarde si la sculpture tient, je m’approche des marches, qui ressemblent plus à une pente et les gravis, je veux en tester sa solidité et au moins, ça me paraît résistant.

Je glisse debout pour redescendre et rends à la sculpture de glace sa forme liquide, je veux voir à quelle vitesse je peux déplacer cette masse d’eau. Je me concentre et la dirige très vite vers un panneau de basket, l’enroule et la ramène à moi, la refais tourner autour de moi, lui fais faire le tour du gymnase, raser le sol, le plafond et pour finir, l’envoie sur le rectangle au-dessus du panier et en serrant le poing, la pointe se change en glace et se propulse vers ce même panneau.

La vitesse est vraiment incroyable, mais au moment de toucher le panneau, je relâche et toute la masse de liquide s’écrase par terre et gicle dans le gymnase. J’entends des voix qui viennent par ici.

En effet, j’entends deux voix bien distinctes, ce sont celles de Nissa et Moane, mais que

font-elles donc, ici ? Personne ne vient jamais, je crois que même cet endroit ne me servira plus de havre de paix.

Je les ai vues franchir la porte du gymnase, tout en discutant, et quand elles m’aperçoivent, Nissa regarde Moane et lui dit : « Tu vois, je te l’avais bien dit qu’il serait là ».

— Exact, tu avais raison, répond-elle.

— Qu’est-ce que vous faites là, les filles ? je m’adresse à elles un peu sèchement.

— Ha bah, cache ta joie.

— On est venu te voir, répond Moane.

— Ah bon, pourquoi ? Je ne sais pas trop quoi répliquer, je suis si surpris, non pas que leur présence me dérange, mais plutôt que ma planque ait été découverte et que Moane aurait très bien pu voir mon tour de magie avec l’eau, si je ne l’avais pas entendu arriver.

— Bah, je voulais voir ce que tu faisais, mais comme je ne te trouvais pas, je suis allée chez Nissa, pour voir si tu n’y étais pas et elle m’a proposé son aide.

— Ha OK, bah j’étais là, mais comment m’avez-vous trouvé ?

— C’est pas compliqué, Sherlock, je t’avais vu rentrer, il y a quelque temps, du coup, j’en ai déduit que tu te réfugiais, là de temps en temps.

— Tu fais quoi ici ? me demande Moane.

— J’ai fait quelques flèches et je voulais faire un peu de paniers après.

— Ah, cool, on peut jouer ?

— Oui, si tu veux, mais à une seule condition, tu ne dévoiles à personne cet endroit. D’accord ?

— Marché conclu.

— Bien, je sais qu’il y a de vieux ballons là-bas. En lui montrant un rangement derrière une grille.

Moane va en direction du local et je prends Nissa à part. Tu n’es pas bien de la ramener ici !

— Bah pourquoi, qu’est-ce qui ne va pas ? C’est vrai qu’elle ne pouvait pas le savoir.

— C’est là que je… comment dire… que je teste ce que je peux faire avec mes pouvoirs.

— Ha bah, comment voulais-tu que je sache, mais je sais que tu préfères qu’on te prévienne en arrivant, c’est pour ça que je parlais fort. (Elle regarde tout autour d’elle.) On a dû te déranger, vu toute la flotte qui est par terre.

— Je ne te le fais pas dire, enfin t’inquiète pas, j’ai fait mon exercice.

Moane revient en driblant avec son ballon, me regarde et me lance un « t’es prêt à te manger ta raclée, petit ? ». Nous nous regardons avec Nissa, après cette réflexion.

Il y a qu’une chose à faire, en lui prenant le ballon des mains et en le jetant dans le filet je lui dis : « Dans tes rêves ».

Une fois le match fini et qui s’est finalisé par ma victoire, face aux deux filles, nous rentrons à l’intérieur, pour reprendre mes affaires avant de partir, nous avons continué le match dehors, en raison de l’inondation du parquet. J’ai fait comprendre à Nissa qu’elle devait faire sortir ma sœur, le temps que je remette toute l’eau dans les récipients. Je lève le bras et essaie de récupérer le maximum d’eau sans que cela déborde, et j’y parviens. Je referme le tout et les remets derrière l’estrade.

En sortant, les filles m’attendent. C’est Nissa qui passe le mur en premier, suivie de ma sœur et enfin, moi. De retour au centre-ville, Nissa s’arrête au coin de rue.

— Je vous laisse là pour ce soir, il faut que je rentre, il se fait tard et normalement, je ne devais même pas bouger.

— Oh, t’es trop choux, tu as fait le mur rien que pour moi.

— Pas pour toi, mais pour ta sœur, Sherlock.

— On va rentrer aussi, de toute façon, on se dit à plus tard.

— Ça marche, et en nous faisant la bise, elle part.

Ma sœur me regarde en souriant : « Tu l’aimes bien, ça se voit ».

— Commence pas, allez, on rentre.

Après avoir traîné le reste de la soirée, je finis par me poser sur mon lit et reprends le bouquin que j’avais commencé, écrit par P. Lore, avant d’éteindre et de m’endormir.

5

Je n’ai pas très bien dormi, mais disons que c’est déjà mieux que la nuit dernière. Je suis à table, en face de ma mère qui prend son petit déjeuner. La pièce est silencieuse et j’ai l’impression qu’elle, comme moi, nous avons du mal à émerger.

Sans un mot, ma mère se lève et me demande ce que je vais faire aujourd’hui.

— Je ne sais pas trop encore, je n’y ai pas réfléchi, j’irai peut-être faire un tour par là.

Elle ne répond pas, se dirige vers l’évier et fait le peu de vaisselle qu’il y a.

— Je commencerai à préparer mes affaires dans la journée, lancé-je.

Elle se retourne et me sourit : « Oui, ce serait bien, tu connais ton père, si tout n’est pas prêt une semaine avant, il stressera et sera contrarié ».

Je lâche un petit rire en coin : « Oui, c’est sûr, mais je ne pense pas qu’on le changera ».

Après le repas, je décide d’aller voir Vlad, pour lui redonner une partie de la somme qu’il m’a donnée la veille, même si ça me fait plaisir qu’il m’en ait donné plus, je ne me sens pas très à l’aise. Sur la route qui mène aux commerces, j’aperçois un regroupement de personnes, devant un chariot de la Garde.

Je m’approche et me fraye un chemin dans la foule, j’essaie de m’approcher au maximum et je suis obligé de pousser, pour me frayer un passage jusqu’au-devant de la foule.

Il y a un soldat en tenue, mais celui-là a des bandes de couleur marron, avec des décorations, sur l’uniforme, sur les épaules, c’est assurément un capitaine ou un commandant. L’homme est brun aux cheveux courts assez fins, il est debout sur une estrade de bois et crie à la foule.

« Comme je viens de vous l’indiquer, vous n’avez rien à craindre des rebelles, messieurs-dames, nous sommes ici pour assurer la sécurité de cette ville ».

Les spectateurs parlent entre eux et quelqu’un prend la parole : « Si nous n’avons rien à craindre, pourquoi y a-t-il tant de soldats ici, ne devriez-vous pas être sur le front ? »

L’homme reprend en levant les mains et en faisant signe, pour calmer l’agitation ambiante.

— Je viens de vous le dire, nous sommes ici uniquement pour vous protéger, des renforts ont été envoyés sur la ligne de front, pendant que Beroc servira de zone de ravitaillement.

— Qu’est-ce qui nous garantit que la ville ne sera pas attaquée, s’ils arrivent à repousser vos renforts, cette guerre ne nous concerne pas.

— Écoutez, monsieur, lance le soldat d’un ton sec, il y a pas loin cent soldats qui arrivent du centre, non seulement ils ne franchiront pas l’enceinte de la ville, mais les renforts repousseront l’ennemi et ils seront obligés de battre en retraite et ne pourront plus passer par cette zone. Nous devons mettre en place un couvre-feu, pour votre sécurité.

Si ce qu’il dit est vrai effectivement, on n’a pas besoin de partir. Mais je ne pense pas que mon père le voit ainsi…

— Et comment un couvre-feu pourrait-il nous protéger ? s’écrie un autre homme.

En constatant que la tension monte petit à petit, je décide de m’éclipser et de reprendre le chemin chez Vlad.

Une fois passé la porte de l’enseigne, je l’aperçois en train de préparer un morceau de viande, pour une de mes voisines.

— Ha, c’est toi Jake, excuse-moi, j’en ai pour une minute.

— Je ne suis pas pressé.

Je le vois qui termine son emballage pour la vieille femme devant moi.

— Ça sera tout, Madame Tsirane ?

— Oui, merci, répond-elle.

Quand celle-ci prend la direction de la sortie, nous nous saluons mutuellement en nous croisant, puis je me dirige à mon tour au comptoir.

— Qu’est-ce que je peux faire pour toi, gamin ?

— Je suis venu te rapporter une partie de la somme que tu m’as donnée hier, c’est beaucoup trop.

— Ha ! C’est ton père qui a vendu la mèche, hein ! Jake garde donc ce que je t’ai donné pour toi, d’accord.

— Mais pourquoi autant ?

— Bah, si tu n’en veux pas, refile le surplus à Nissa, je suis sûr qu’elle le prendra, elle.

— Oui, ça ne fait aucun doute et j’irai lui donner une partie, mais je ne suis pas très à l’aise, quand même.

— Écoute gamin, si je te l’ai donné, c’est parce que ça fait des années que tu me ramènes de quoi faire tourner ma boutique avec de la viande de qualité, prends-le comme une sorte de cadeau d’au revoir.

— Tu pars, toi aussi ?

— Je ne sais pas trop encore, petit, tout le monde, dans cette ville se fait la malle, à ce rythme-là, il ne restera pas grand monde pour commercer.

— Mais pourtant, les soldats nous assurent que la situation est sous contrôle.

Il me regarde et se met à rire : « Et tu crois toutes leurs conneries ? »

En y réfléchissant, je ne sais même pas trop quoi en penser.

— Oui, t’as peut-être raison.

Une personne rentre dans le magasin.

— Je vais te laisser Vlad, je te dis bon courage.

— D’accord petit, à plus tard.

Une fois rentré chez moi, je monte à l’étage, sors un sac et je commence à préparer quelques affaires. Je ne pensai pas que tout tiendrait dedans, un album photo, des vêtements, deux livres, voilà tout ce que contient ma vie, aujourd’hui. J’ouvre l’album et regarde les souvenirs, je vois mon père et moi en forêt, lors d’une battue, ma mère et Moane rangeant la maison, lors de notre emménagement, il y a longtemps, je vois Vlad et mon père qui s’affairent au barbecue. J’ai tourné toutes les pages de l’album pendant près d’une demi-heure, je le range dans le sac, avec le reste de mes affaires et je le referme.

Je mets le sac dans un coin de ma chambre, prends l’argent en trop et je redescends, pour sortir de la maison. J’aperçois mon père qui bricole sur notre chariot, je ne sais pas trop ce qu’il fait, mais il est certainement en train de préparer le départ, lui aussi. Je prends la direction de chez Nissa.

J’arrive à sa porte et frappe. C’est son père qui vient ouvrir.

— Oh Jake, comment tu vas ?

— Bonjour, ça va merci, et vous ?

— Ça va, ça va.

— Nissa est par là ?

— Oui Jake, mais elle ne peut pas sortir, elle est occupée.

— Ça ne sera pas long, j’ai quelque chose à lui remettre.

— Donne-le-moi, je lui transmettrai…

Il n’a pas le temps de finir sa phrase, que Nissa arrive.

— C’est bon papa, juste cinq minutes, on n’en a pas pour longtemps.

« Très bien. »

Son père s’éloigne en fermant la porte derrière lui.

Elle reste à l’entrée : « Bon bah, ça me rassure de voir qu’il n’y a que mon père qui soit stressé par le départ ».

— Oui, tu as vu, lui qui d’habitude si calme.

Elle poursuit.

— Tu as quelque chose pour moi ?

— Oui, je suis venu te donner ce que je te devais, pour la chasse d’hier, on a un peu plus du fait de la bonne générosité de Vlad.

Elle me sourit, ah bon, c’est sympa, on a dû lui faire pitié.

Un sourire s’empare de mes lèvres : « Oui, on peut dire ça ».

Je lui tends la bourse qu’elle saisit aussitôt : « Au moins tu pourras payer l’auberge à tes parents, pendant le trajet. »

— Oui, ou je vais le garder pour moi, plutôt, me répond-elle, mutine.

— Non, mais t’es sérieuse, quel rat ! je rétorque en lui tapant sur l’épaule.

— Hey ho ! Ce ne sont pas eux qui sont allés le chercher, ce sanglier, hein, en me rendant mon coup.

— Oui, c’est vrai et ce ne sont pas eux qui se sont levés non plus à l’aube, tu sais quoi, on est trop gentils avec eux.

Elle se met à rire : « Je te l’ai toujours dit. »

Il y a de nouveau un petit blanc, puis elle ajoute : « Je suis désolée, mais il faut que je rentre, je dois aider mes parents ».

— Oui, ne t’inquiète pas, je rentre pour en faire autant.

On se fait la bise et je me retourne, je pars et j’entends : « Jake ! »

Je me retourne, elle est à moitié cachée par la porte entrouverte : « Merci d’être venu ».

— De rien.

Elle referme la porte.

Plus tard dans la soirée, nous sommes tous trois autour de la table à discuter avec mes parents, ma sœur, elle, doit être à l’étage, à jouer. Nous évoquons quelques souvenirs du temps passé, quand mes parents et moi étions tout juste installés, la rencontre avec Vlad et les parents de Nissa, la construction de notre maison. Je vois bien qu’ils sont nostalgiques de toute cette époque et le fait de partir renforce ce sentiment. Je profite de ce moment pour évoquer l’idée de rester, même si je ne pense pas que cela va marcher.

— Pourquoi on ne reste pas ?

— On en a déjà parlé à plusieurs reprises, Jake, on ne peut pas prendre ce risque.

— Mais personne ici ne veut partir et les soldats nous assurent qu’il n’y a rien à craindre.

— Tu crois vraiment qu’il n’y a rien à craindre, à deux pas d’une ligne de front et puis pour en avoir eu la preuve dans l’histoire, il peut suffire d’une seule personne pour renverser la balance.

— Tu parles des maîtres ? Mais les seuls qui restent sont du côté de la Garde, soit dans des bureaux, soit dans des unités d’élite.

— Oui, mais on ne sait pas et puis là n’est pas le souci. Toi qui parlais toujours de voyager, tu peux commencer maintenant.

— Oui, mais pas comme ça comm…

Ma mère m’interrompt, en montant un peu le ton et en levant la main, pour me faire taire « Stop ! »

Jake, tu en parles à Vlad, à Nissa, à ses parents, pas plus tard que la semaine dernière et à nous. Pour avoir la même réponse de tout le monde. N’insiste pas, c’est comme ça, point.

Je me lève, énervé, et quitte la pièce.

— Où vas-tu ?

— Me coucher, j’ai bien compris.

Ma mère prend une inspiration, mais j’entends mon père qui l’interrompt et lui dit de laisser couler.

Je monte et m’enferme dans ma chambre.

6

J’ai réfléchi au tour qu’a pris la discussion d’hier soir, même si je me doutais que ça finirait en combat de joute, ce n’est pas ce que je voulais, c’est pourquoi j’ai présenté mes excuses un peu plus tôt le matin. Ma mère était toujours remontée, de la veille, mais le fait de ravaler ma fierté et leur dire que je comprenais qu’ils avaient raison, et que je n’en reparlerai plus, a tout de suite détendu l’atmosphère. La matinée s’est déroulée plutôt normalement chez nous, en revanche, la rue était bien agitée et j’ai décidé d’aller jeter un œil, dans l’après-midi.

Je suis passé chercher Nissa, avant d’aller dans le centre. Une fois arrivés, nous constatons qu’une autre unité de soldats vient d’arriver, « C’est incroyable », me dit Nissa. Il y en a beaucoup plus que la veille, ils ont rajouté des fortifications, aux entrées, doublé les sentinelles, les archers ne sont plus uniquement à la périphérie de la ville, mais aussi sur les toits. Nous passons à travers les barricades et les pieux de bois, pour rejoindre l’extérieur de la ville.

Nissa me secoue la manche et me désigne du doigt, une quinzaine de soldats de la Garde, en train de creuser une tranchée « Jake regarde, pourquoi creusent-ils autour de la ville » ?