Les enfants de la lune - Tome 1 - Aenor DeWinter - E-Book

Les enfants de la lune - Tome 1 E-Book

Aenor DeWinter

0,0

Beschreibung

Dans un royaume dominé par la violence, le roi Aegnor et ses sujets rejettent la magie, la considérant comme une menace pour leur communauté. Le monde est divisé entre les opprimés et les persécuteurs, mais l’élue, le « porteur de la lumière », aspire à réunir les peuples marginalisés pour restaurer l’ordre. La magie, bien que présente, est bannie et Andamora, le berceau de ce monde, marquée par le pouvoir et l’influence, a été construite au prix du sang et de la sueur. Le Nord, en proie à des malheurs constants, parviendra-t-il à se libérer de l’oppression ? À travers les âges et avec le soutien de nouveaux alliés, le cours de l’histoire pourra-t-il finalement basculer ?

À PROPOS DE L'AUTRICE

Aenor DeWinter puise son inspiration d’Aliénor d’Aquitaine, une reine médiévale réputée pour sa fougue et son courage, des traits qu’elle recherche ardemment en elle-même. De cette admiration est né le personnage de Wilwarin, une version héroïque de l’auteure. Le nom Winter évoque subtilement l’hiver, un hommage à son esprit empreint de magie et à sa passion pour les paysages enneigés, similaires aux vents du Nord.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 542

Veröffentlichungsjahr: 2024

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Aenor DeWinter

Les enfants de la Lune

Hiver sans fin

Tome I

Roman

© Lys Bleu Éditions – Aenor DeWinter

ISBN : 979-10-422-1808-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Je dédie ce premier roman à mes proches, à ma famille et en particulier à ma mère qui en plus d’avoir été une lectrice passionnée, a été une correctrice intransigeante, m’ayant permis de tout refaire en mieux.

Je dédie ce roman aux lecteurs de fantasy et ou d’horreur psychologique. Si comme moi, vous aimez les romans du « Seigneur des Anneaux » et du « Hobbit », mais aussi la saga du « Trône de fer » et tant d’autres comme les nombreux romans thrillers psychologiques qui m’ont fait frissonner. J’espère que vous prendrez autant de plaisir à cette lecture que j’en ai prise durant ces quatre longues années de travaux.

Je dédie enfin ce roman à ceux qui comme moi rêvent de vivre de leur plume. À ces jeunes ou moins jeunes, je leur dirais de ne jamais rien abandonner. Peu importe l’issue de la vente et la production des écrits, l’important est de faire ce qu’on aime. Peu importe que nos livres arrivent en tête des ventes et qu’ils finissent par être achetés par une grosse maison d’édition. Le plus important est que des lecteurs liront vos livres et qu’ils l’aimeront, qu’ils soient nombreux ou non. Peut-être même que cela donnera des idées à ceux qui rêvent d’écrire un livre.

N’ayez pas peur, saisissez-vous de votre plume, laissez libre cours à votre imagination sans contrainte et écrivez…

L’imagination, c’est l’art de donner vie à ce qui n’existe pas, de persuader les autres d’accepter un monde qui n’est pas vraiment là.

Paul Auster

Généalogie

(Succession ou filiation)

L’île du roi

Osvald (père) – Gwilwileth (mère) – Wilwarin (fille)

Freya (amie de Wilwarin)

Déarbhail (chef du village)

Astrid (la veuve du forgeron)

Aurélia (sorcière, sœur aînée d’Elanor)

Kingdoor

Aegnor (roi) – Elbereth (reine) – Amlach (fils, prince) – Elwing (fille, princesse)

Astaldo (frère d’Aegnor, amant secret d’Elbereth)

Constantin (main du roi) – Daemon (fils de Constantin)

Demeter (chef des armées)- Ancastre (fils de Demeter, meilleur ami d’Amlach)

Daenara (héritière d’Euphérion, sœur incestueuse de Bronweg « monstre d’Euphérion » chassé par son père Tugdual)

Reyna (cousine de Daenara)

Huren (mage sorcier)

Aulendur (apothicaire)

« Vents du Sud »

Illéandra

Elzéar (dirigeant, pas de femmes ni d’enfants)

Erebus (conseiller du dirigeant)/femme décédée/Cerridween (fille aînée)/ Orsana (fille cadette)

Gennady (Grand seigneur)/ Moera (épouse décédée)/Aerin (fille)/Gavrin

Jehanne (sœur de Moera, ancienne maîtresse de Gennady)/ Morgana (fille illégitime de Jehanne & Gennady)

Azzuria

Manalwanée (dirigeant, fiancé à Aerin)/Athalwanée (frère cadet et pupille de Tugdual, dirigeant d’Euphérion)

Euphérion

Tugdual (dirigeant)/épouse non connue morte en couche/Bronweg (décédé)/Daenara (héritière légitime, chassé par son père et à retrouver refuge à Kingdoor)

Leif (commandant des armées, conseiller principal de Tugdual)/

Reyna (cousine de Daenara, réfugiée à Kingdoor)/père et mère décédée.

Euphédion

Ivor (dirigeant, polygame, un fils adoptif venant du Nord)

Alaric (conseil principal d’Ivor)/Baldéric (fils aîné)/Hagan (fils cadet)

« Vents du Nord »

Hommes du Nord

Harald (chef de clan)/Brighid (1ère épouse)/Hérulf (fils aîné)/Olaf (fils cadet)

Ingrid (seconde femme d’Harald))/Kristen (fille aînée)/Sigrid (fille cadette)

Harbard (cousin d’Harald)/Thorsten (cousin d’Harald)

Einar (chef de clan)

Jaromir/Priamos/Sybrid

Wolfborn (ancien esclave d’Harbard, libéré par Wilwarin, appartient au clan des Hommes Loups)

Hommes Loups

Bjornulf (Hommes loups alpha, époux de Wilwarin)

Wulf (Homme loups oméga, 2nd époux de Wilwarin)

« l’esprit du loup blanc » (esprit du premier homme-loup, créateur du clan, sage et conseiller)

Aerdenlia (forêt enchanteresse, domaine des Elfes blancs)

Aldaron/Celeborn/Othar/Omion/Elros (grands sages)

Daerion (époux de la princesse Elwing, décédé [tué pour l’exemple])

Dorian (ancien maître de Daerion, ancien amant)

Sorcières

Biar (chef de clan des sorcières blanches, concubine d’Asta, tuée sur le champ de bataille)

Asta (sorcière, anciennement vivant avec ses parents dans une grange et receuillie par les sorcières)

Aurélia (sorcière grise, sœur aînée d’Elanor)

Anassa (sorcière blanche, ancienne maîtresse de Briar)

La playlist de l’écrivain

Chapitre I

La sorcière

— Celtic Music – For the King
— Celtic Music – Sword of Kings
— Aubrey Ashburn – Lelian’as song
— Folkturia – Fantasy Castle
— Hans Zimmer – Interstellar (Medieval Main theme)
— Lana Del Rey – Medieval Style
— Under Siege (Ancient Epic Battle Music)

Petit message aux lecteurs

J’espère que votre lecture se déroulera bien et que le choix de cette playlist vous permettra de vous fondre dans ce décor ô combien particulier. Le monde d’Andamora n’attend plus que vous.

Prologue

Des bruits de pas se firent entendre à travers la forêt, les arbres regardèrent silencieusement, les oiseaux n’osèrent plus chanter. Très vite, les pas accélérèrent. Il était certain que quelqu’un fuyait… Il régnait dans l’atmosphère un air pesant, une lourdeur ne pouvant signifier qu’une seule chose, un mauvais présage était sur le point de s’abattre…

Les pas se rapprochèrent. Une plume se coucha sur le sol. Contre toute attente, la forêt ne semblait pas avoir peur, bien au contraire, elle se réveilla, s’illumina, gagnant de la force… Petit à petit, on put distinguer une ombre, c’était un être humain, une femme ! Elle courait haletante en direction de son destin, il émanait d’elle une certaine force, de la bravoure, du courage, elle ne fuyait pas, bien au contraire, elle allait de l’avant. Derrière elle se tenait un loup ! Ce dernier la suivait comme son ombre, un lien les unissait. La Forêt s’animait, les arbres parlèrent ensemble, les oiseaux reprirent leur chant, les fleurs s’ouvrirent, laissant leur beauté éclater aux yeux de tous…

Puis tout s’arrêta. La jeune femme avait disparu et à la place se tenait un papillon. Le loup s’inclina puis se mit à hurler, très vite rejoint par les hurlements d’autres loups. Le temps s’assombrit, la lumière se dissipa, dans le ciel survint une éclipse…

Isadora se réveilla haletante, couverte de sueur. La vieille dame tenta de reprendre sa respiration et ses esprits, elle se leva doucement de son lit et se saisit d’un papier et d’une plume. Voilà de longs mois que les rêves avaient commencé à hanter ses nuits.

Pourtant, Isadora les connaissait bien, elle était l’une des « sages » du royaume, elle pratiquait présages et sciences divinatoires depuis sa naissance, que l’on estimait autour de la création de ce monde, d’Andamora…

Malheureusement, elle était bien vieille et son esprit était la plupart du temps absorbé par sa consommation excessive de plantes hallucinogènes. On ne venait la voir que pour consulter son avenir, lire les lignes de la main. Tous la considéraient comme « folle ».

Isadora se moquait bien de ce que l’on disait d’elle en temps normal, mais depuis l’apparition du premier rêve, il y a dix mois, elle sentait que quelque chose était en train de se produire et elle aurait bien aimé qu’on la croie ! Seule son amie Yora la comprenait, il était bien difficile en effet d’échapper aux prédictions.

Isadora eut beau se forcer, elle ne parvint pas à dessiner de mémoire l’apparence que pouvait avoir la jeune femme, elle se contenta des maigres indices dont elle disposait (une plume, un loup, un papillon et une éclipse).

Isadora reprit une bouffée de sa fumée. Une plume, un loup, un papillon et une éclipse. Alors qu’elle s’apprêtait à reprendre une nouvelle bouffée de sa drogue, une illumination la frappa, semblable à un éclair lui traversant le corps, électrisant toutes ses cavités nerveuses !

Serait-il possible ? Après toutes ces années, l’élue est enfin arrivée ?

— Que Vhaja, notre mère à tous, nous bénissent ! (s’exclama ahurie Isadora).

L’heure est-elle enfin venue ?

Isadora savait qu’il serait impossible pour elle de retrouver le sommeil même si nous étions en pleine nuit. Saisissant sa feuille et sa plume, elle rédigea une longue lettre à l’intention de son amie prophétesse Yora. Il allait falloir de longues heures avant qu’elle ne la reçoive et le temps était son ennemi, mais elle n’avait pas d’autres choix. Isadora sut au fond d’elle que très vite les choses allaient s’accélérer et elle se demanda alors à quel moment son homologue Huren l’apprendrait et en informerait le roi Aegnor.

Cent longues années que le dénommé Aegnor s’était autoproclamé Roi d’Andamora après une guerre causant la scission entre les quatre continents peuplant notre monde. Les peuples aujourd’hui se livraient bataille. Il était triste que de vieilles ententes soient réduites à de sempiternels affrontements, et tout cela dans l’unique but de s’enrichir.

S’il était bien question de ce à quoi elle pensait, la paix pourrait de nouveau être envisageable ! Isadora se redressa fièrement de son fauteuil. En un instant, elle retrouva une vigoureuse jeunesse, une mission l’attendait ! Elle devait partir trouver cette fille et Yora lui serait d’une aide très utile !

« Que le règne du faux roi s’éteigne et que la paix renaisse ! »

(Isadora jeta au feu sa pipe et se tourna vers son hibou Ailes-Grises).

— Eh bien mon cher, il semble que nous ayons de lourds travaux devant nous. Commençons.

Le roi se tenait penché sur son balcon. Cela faisait des mois qu’il était tendu, ne sachant pas réellement ce qui pouvait le tracasser ! Il était Roi et tout en effet pouvait le contrarier. Il savait qu’il n’était point aimé et il lui faudrait encore du temps et de l’énergie avant que tous ses sujets le considèrent comme légitime.

Il fallait dire qu’Andamora n’avait pas de bonnes relations avec les rois. La légende disait qu’aucun roi ne fut jamais proclamé. Aegnor lui-même fut bercé dans son enfance par les récits fantastiques de dragons, d’Elfes, d’hommes et de nains.

Malheureusement pour lui, son propre père Adunakhor était un être diabolique, méprisant sa femme et ses enfants. Aegnor tentait tant bien que mal encore aujourd’hui d’expurger le sang de ce paternel si détesté.

Il n’était pas comme lui, il n’était pas cet homme que l’on décrivait ! Depuis son autoproclamation, il avait entendu des choses à son sujet toutes plus loufoques les unes que les autres. On disait qu’il tuait ses esclaves et buvait leur sang.

Malheureusement, ces rumeurs étaient très courantes quand il était question des « Elfes Noirs », son peuple. Il était vrai que son clan était à part, mystérieux, renfermé et pratiquant l’inceste.

Aegnor avait bien une sœur ainsi que deux frères, mais cette dernière avait disparu depuis de longues années, son frère aîné aussi diabolique et hideux que leur père étaient tous eux morts. Il ne lui restait que son plus jeune frère Astaldo, plus concentré sur l’étude des livres que sur la politique ou l’armée.

Aegnor s’agrippa à la rambarde du balcon, le temps était suspect. Cela faisait environ dix mois qu’il avait du mal à dormir, happé par des rêves qu’il ne comprenait pas. Son sage Huren ne parvenait pas malgré ses soins à détendre complètement le roi, dont l’anxiété augmentait à mesure que l’heure du sommeil arrivait.

— Père ?

Aegnor se retourna pour trouver sa fille Elwing à deux pas. Cette dernière s’approcha sans attendre la permission, elle lui caressa le dos et l’embrassa sur la bouche.

— Tu as besoin de te détendre ! (lui sourit-elle, une légère lueur malicieuse dans le regard).

La relation qu’il entretenait avec Elwing n’était un secret pour personne. C’était une chose normale d’avoir des liens intimes entre membres d’une même famille, au sein de leur terre. Cela était autrement au sein de Kingdoor où les différents peuples et coutumes se confondaient !

Leurs corps se mélangeaient sous les draps. Après l’amour vint la passion, une passion dévorante qui les consomma l’un après l’autre. Auprès d’Elwing, Aegnor se sentait compris, épaulé dans sa tâche, rassuré.

Confortablement allongés l’un contre l’autre, Aegnor sombrait peu à peu dans les bras de Morphée tandis qu’Elwing se tenait dans ses bras.

— Tu sais ce que je souhaite !

Je te serai fidèle jusqu’à ma mort, ne servant que toi ! Notre sang est pur, bien plus important que tout autre manant. Nous sommes les descendants de la Déesse Celebrian, nous sommes des êtres suprêmes.

— Nous en avons déjà parlé, Elwing !
— Certes, j’ai entendu que mère et toi vouliez me marier. Tu sais que je ne peux faire semblant d’aimer un homme sans intérêt, mais je le ferai si cela est important pour toi. Néanmoins, tu peux comprendre que j’ai certaines conditions à émettre.

Elwing et Aegnor se firent un sourire entendu et Aegnor inclina légèrement la tête, signe qu’il était d’accord avec la proposition.

Aegnor se releva et s’étira, il se déplaça face à la fenêtre. Quelque chose se préparait, il en était convaincu, voilà des mois qu’il en rêvait. Le visage d’une femme le hantait, elle semblait l’attendre chaque nuit.

Elle était là, le regardant, tapie dans l’ombre, son regard d’un vert émeraude le défiait ! Elle savait qui il était bien entendu, mais elle n’avait pas peur. Serait-il possible qu’elle soit une sorcière ?

Aegnor les avait pourtant conduites à l’errance. Elles vivaient recluses sur le continent des Terres de l’Ouest, personne à ce jour n’avait retrouvé leurs traces. Elles n’avaient pas disparu, elles se regroupaient devenant plus fortes de jour en jour et plus nombreuses. Aegnor en était convaincu.

Mais la magie qui circulait dans l’air n’était pas leur œuvre, quelque chose semblait s’être réveillé.

Un instant… Non ! Cela était impossible ! Il ne pouvait s’agir de cela.

Aegnor avait un secret ! Un secret avec lequel il était parvenu à vivre jusque-là, mais qui aujourd’hui menaçait d’être révélé.

Sa peur prit le dessus, il devait mettre un terme à tout prix à cette ignominie.

— Elwing ! Rhabille-toi, retourne dans ta chambre.
— Qu’y a-t-il ? Qu’as-tu vu ?
— Je te dis de partir, je n’ai pas à te parler de quoi que ce soit, j’aimerais être seul !

À contrecœur, elle se leva doucement et se rhabilla. Vexée de cet affront, elle partit en claquant la porte.

Aegnor se retrouva seul, en proie à ses démons. Les deux mains jointes en prière, il leva les yeux au ciel et débuta sa lamentation.

— Celebrian, ma déesse ! Montre-moi le chemin.

La chasse avait été prometteuse, il avait eu de la chance cette fois, sa famille ne mourrait pas de faim.

Diarmait était perdu dans ses pensées, il ne regardait pas autour de lui. Après tout, cela faisait des années que la sublime forêt de Verdeuil avait perdu de son éclat et ne méritait plus que l’on s’y attarde.

Les feuilles de ces arbres autrefois d’un vert éclatant n’étaient plus que marron foncé, les fleurs étaient continuellement desséchées, le sol recouvert d’herbe gelée, le soleil et la chaleur semblaient s’être exclus de ce lieu, personne ne pouvait dire depuis quand le malheur y avait élu domicile.

Les villageois avaient volontairement laissé propager les rumeurs depuis plusieurs siècles, la majorité jugeait que le règne d’Aegnor en était directement responsable.

Après tout, il était issu de la lignée des Elfes Noirs et ces derniers avaient la triste réputation d’apporter le malheur. Déjà que les rumeurs de consanguinité avaient bien terni leur image et leur réputation, mais ils étaient en plus craints.

On disait d’eux qu’ils pratiquaient les sacrifices humains, tuaient de jeunes enfants et des bébés, buvaient leur sang dans le but de garder leur éternelle jeunesse…

Comment Aegnor avait-il pu ainsi gagner la confiance de ses sujets ? Lui qui de plus priait une autre déesse bien différente de Vahja, déesse semblable à nous mortels…

Au loin, des cris éclatèrent au sein de sa ferme, Diarmait pressa le pas. Il sut instantanément ce qui se passait, il devait se hâter !

Isadora se réjouissait ! Après cinq jours de marche, elle venait enfin d’arriver à sa première destination ! Elle n’avait aucune certitude que son plan pouvait marcher, son instinct l’avait amenée en ces lieux où une grande puissance magique régnait. Elle sentit que quelqu’un l’attendait, quelqu’un qui devait avoir besoin d’elle.

Elle suivait depuis de longues minutes un homme dans les bois avec des cadavres de lapins qui lui pendaient à l’épaule. Ce dernier était perdu dans ses pensées et ne remarqua pas la vieille dame qui le suivait au pas.

Un cri retentit au loin et l’homme courut dans sa direction. Isadora comprit qu’elle ne devait pas le perdre de vue, malgré son âge avancé, elle se précipita à sa suite aussi vite qu’elle le put !

Les cris l’épuisaient, l’anéantissaient, Rhéa se sentait impuissante face au tourment de sa fille adorée, cette enfant qu’elle avait eu tant de mal à avoir et que Vahja, prise de pitié, leur avait accordée à elle et à Diarmait. Asta était différente.

C’était souvent le cas pour les enfants dits « nés de la lune ». Ils étaient malheureusement un fardeau pour leur famille. Ils étaient aussi très isolés et développaient des « capacités » qui leur coûtaient l’incompréhension et bien souvent l’exclusion de la communauté.

Asta était encore si jeune et pourtant si mature. Ses visions avaient commencé à se développer sous la forme de rêves, alors qu’elle n’avait pas cinq ans. Elle avait appris à les retranscrire en dessin. Petit à petit, ceux-ci révélèrent des détails sur la vie passée de ses parents.

C’était à partir de ce moment que Rhéa était tombée malade. Asta avait aujourd’hui seize ans et voilà près d’un an que ses visions devenaient de plus en plus incontrôlables, elle entrait alors en transe, complètement possédée par ce qu’elle percevait.

Quand cela cesserait-il ? Rhéa avait beau être novice en magie, elle savait bien que les magiciens et autres sorcières étaient chassés, exilés dans les terres isolées, condamnés à une errance sans fin. Aujourd’hui, elle en venait à prier que son enfant lui soit retiré.

La fièvre était tombée, Asta ouvrit les yeux et essaya de s’adapter à l’obscurité. Une migraine horrible la frappa. Cela avait beau être quotidien, elle ne s’habituait pas à la terreur que lui déclenchaient ses visions, de plus en plus intenses et réelles.

Une main lui tendit une tisane dans un geste chaleureux, Asta prit la tasse sans vraiment y prêter attention.

— Comment vous sentez vous, mon enfant ?

Asta, encore endormie, releva la tête et alors qu’elle pensait trouver sa mère ou son père à son chevet, elle fut interloquée de voir une dame étrange assise au bord du lit. Cette femme ne lui semblait pas inconnue, bien qu’elle ne sût dire pourquoi.

— Je vous connais, n’est-ce pas ?

La vieille dame lui sourit et l’espace d’un instant, son visage s’illumina. Oui, il était évident qu’elles se connaissaient.

— En effet, toi et moi avons beaucoup de choses en commun. Nous sommes semblables !
— Vous n’êtes pas une guérisseuse ! Alors qui êtes-vous ?
— Je suis comme toi Asta, je suis différente !
— Comme moi ?(Un éclair d’illumination lui traversa les yeux.) Vous êtes une sorcière ?

Isadora regarda autour elle, légèrement inquiète. Il n’était pas recommandé de nos jours d’évoquer ce sujet, bien qu’avec son âge avancé, elle ne fût en aucun cas superstitieuse.

— Ma petite, avec le temps, tu dois comprendre que l’on ne peut dire certaines choses à haute voix. Les espions sont partout, on ne peut faire confiance à personne. Pourquoi crois-tu que les êtres magiques soient autant persécutés ?
— Mais de quoi parlez-vous ?
— Les sorcières ont été exilées, il y a plus de deux cents ans ! Personne ne sait véritablement ce qui leur est advenu. Certains pensent qu’elles ont toutes été tuées ! Ce ne sont que des balivernes, des rumeurs qui se répandent, ceux qui y croient se sentent rassurés. Vois-tu, les sorcières sont puissantes et tout ce qui est puissant est une arme pouvant servir le pouvoir et tout le monde veut une part de pouvoir.

De plus, les sorcières ne sont qu’un petit clan au sein du large cercle des êtres magiques.

— Pourquoi me parlez-vous de tout cela ? Que savez-vous de moi ?
— Je sais que tu es destinée à faire de grandes choses ! Ton heure est venue !

À cet instant précis, une vision traversa Asta dans toutes les fibres de son corps. Elle se vit au milieu d’un champ de bataille. Des corps brûlés, morcelés, jonchaient le sol. En s’y attardant, elle remarqua parmi les centaines de milliers de corps, des femmes et des hommes, des nains, des Elfes, des loups, des guerriers. Nul doute que la bataille fut sanglante et ce n’était certainement pas la première.

Des bruits de pas progressaient dans sa direction. Elle se retourna et ce qu’elle vit devant elle la stupéfia ! Un ours géant monté par une jeune femme couverte de sang, l’épée encore à la main.

À son cou se tenait une pierre lumineuse d’un bleu vif et en un instant toutes ses blessures se cicatrisèrent. Pour la première fois depuis un an, Asta put voir clairement le visage de la jeune guerrière. Elle était belle, sauvage. Cette dernière la regarda également comme si à cet instant elle ne voyait qu’elle. Elle lui sourit et en un quart de seconde, elle disparut avec l’ensemble du décor. Asta revint lentement à son état normal.

La vieille dame lui sourit d’un air satisfait. Asta se sentit gênée ! C’était la première fois que quelqu’un, autre que ses parents, la voyait en pleine transe.

Asta ne comprenait pas ce qui venait de se produire. De toutes ses visions, c’était la première qui était aussi claire. Elle se sentit étrangère à celle-ci comme si elle ne venait pas d’elle ! Mais… bien entendu… ce n’était pas elle qui l’avait provoquée !

— C’est vous n’est-ce pas ?
— Tu me crois maintenant ? Ce que tu as vu est ton futur et ce dernier est lié à quelqu’un d’autre, quelqu’un d’important pour toi, pour moi et pour Andamora. Tu es spéciale Asta, tu as un rôle à jouer !
— Il a trouvé preneur n’est-ce pas ? Croyez-vous qu’une femme puisse réellement le guider ?
— Nul doute si elle est bien entourée ! Mais elle aura besoin d’aide, de ton aide !

Le roi Aegnor a déjà lancé ses armées, ils viendront bientôt ! Ils cherchent une sorcière. Certainement une action du sorcier Huren. Le traître nous vend un à un afin de garder les faveurs du roi.

— Quand partons-nous ?

Assis sur un rocher, en haut de la colline, Ancastre réfléchissait, il réfléchissait encore et encore ! Son père Demeter avait toujours l’habitude de lui dire qu’un guerrier ne réfléchissait jamais suffisamment. Il devait étudier toutes les possibilités, anticiper chaque mouvement, chaque pas, chaque direction qu’emprunterait ou non sa victime.

En ce jour, Ancastre plaignait sa position ! Être le fils du chef des armées n’était pas un cadeau, il le savait. Il devait donner plus que les autres, il était jugé, le moindre de ses actes était passé au crible par un père qui ne le respectait pas davantage.

La grande armée du roi Aegnor était en position. Les troupes partiraient dans quelques minutes. Ancastre était fatigué ! Fatigué de cette vie. Tuer, piller et quelques fois violer. Ses compagnons d’armes appelaient cela « rendre justice », « On devait lutter contre les Rebelles », ceux qui se révoltaient contre les affaires du roi et du conseil restreint. Ancastre était différent ! Il voulait la paix, jamais il ne prendrait plaisir à violer une femme, tuer un homme ou un enfant pour le Roi !

Un mouvement se produisit à sa droite, des bruits de pas se rapprochèrent puis quelqu’un vint s’asseoir à ses côtés. L’avantage d’être aussi proche d’une personne faisait que l’on reconnaissait le bruit de ses pas, son parfum. On pouvait même prétendre savoir ce qu’il allait dire à l’avance…

Ancastre ne saurait dire depuis quand il était tombé amoureux de son meilleur ami ! Le Roi Aegnor ne tolérerait jamais un tel penchant. L’amour ne pouvait avoir le même sexe, surtout pas quand « l’affaire » concernait en partie son héritier.

En dépit de l’humiliation qu’il ressentait, cette difformité qu’il devait subir au quotidien, Ancastre était amoureux d’Amlach, le fils d’Aegnor. Ils étaient amis depuis l’enfance, ils avaient tellement partagé ensemble. Comment pourrait-il lui ouvrir son cœur ? Amlach était malheureusement pour lui beaucoup trop intéressé par les femmes, si bien que sa réputation n’était plus à faire.

Certains se demandaient même s’il pourrait un jour trouver une épouse étant donné son penchant pour les femmes de toutes conditions, qu’il considérait comme un devoir d’honorer.

La Guerre ! Voilà le sujet sur lequel il devait maintenant se concentrer. Une bataille se profilait à l’horizon, il devait rester concentré !

— Tu es bien calme ! Quelque chose ne va pas ?

Ancastre se détesta rien qu’à la façon dont son cœur avait réagi à la douce voix d’Amlach.

— Non ça va, je me mets juste en condition ! Je t’ai vu partir hier ! Je ne t’ai jamais vu te déplacer pour une fille aussi tard dans la nuit, et ce plusieurs fois, elle doit être importante.

Ancastre nota le nombre de fois où Amlach reprit sa respiration avant de lui répondre. Sept fois, c’était mauvais signe ! Dans quel mauvais plan son ami s’était-il encore fourré ? Lorsqu’il se tourna pour lui répondre, Ancastre sentit son cœur se serrer encore plus. Il remarqua le sourire timide d’Amlach.

— Elle l’est en effet ! Je crois bien que je l’aime Ancastre.

Cette fois, il pouvait se sentir encore plus mal, c’était fait !

— Bien voyons, elle doit vraiment bien te sucer pour que tu parles d’elle comme ça !

Ancastre n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’Amlach lui asséna un coup de poing en pleine mâchoire, le regardant d’un air mauvais et le pointant du doigt.

— Je t’interdis de parler d’elle en ces termes, tu ne la connais même pas !

Amlach fila furieux, laissant Ancastre seul au sol, la mâchoire ensanglantée.

Ces cauchemars continuaient encore et encore, sans interruption ! Des bruits de pas toujours plus assourdissants en grand nombre. Un corbeau face à un loup géant. Ils sont tous les deux profondément blessés, mais rien ne permet d’affirmer que l’un d’eux va mourir ! Un combat sans fin…

Un grand fracas finit par lui faire ouvrir les yeux, la sueur perlant sur son front et dans ses longs cheveux, elle s’assit lentement sur son lit et reprit ses esprits…

— Encore ce cauchemar, mon ange ?

Son père se tenait contre la porte l’air inquiet. Déjà plusieurs mois que sa fille était victime de ces rêves qui la hantaient jour et nuit.

Wilwarin se releva tant bien que mal dans son petit lit recouvert de paille, tentant de chasser son mauvais rêve et épongeant la sueur qui imprégnait ses vêtements. Elle se pencha pour saisir un pichet d’eau, se versa un verre et le but d’une traite !

Osvald s’approcha prudemment de sa fille, ne sachant que faire pour la soulager. Elle tremblait, l’œil hagard. Cela faisait trop longtemps que ça durait ! Quelque chose allait se produire et sa fille y était directement liée.

Wilwarin reprit doucement sa respiration lente et mesurée, elle s’assit sagement et se tourna vers son père qui prit place au bout du lit.

— Quelque chose se profile à l’horizon ! Je sens un grand danger, une certaine urgence.
— Je te crois ! Tu as toujours été une enfant spéciale et jusqu’à présent tes visions nous ont été bénéfiques.
— Cela n’a rien à voir cette fois-ci ! Nous devons nous préparer, ils vont bientôt arriver, le temps nous est compté.
— Qui ?
— Je crois que tu le sais déjà !
— Dans ce cas, il faut nous préparer !

Wilwarin acquiesça, se leva et se dirigea vers la porte d’entrée ouverte. Elle sentit au fond de son âme, de sa chair qu’un grand danger se profilait à l’horizon.

— Ils arrivent !

Plus tard dans la soirée, Osvald avait réussi à réunir l’ensemble du village pour une réunion extraordinaire. Les hommes, femmes et enfants s’étaient retrouvés sur la place principale. La nuit était déjà bien avancée. Tous, munis d’une torche, échangeaient de drôles de regard, pourquoi diable une réunion en pleine nuit ?

Gwilwileth émergea de son état, elle ferma doucement la porte de sa maison, pff si l’on pouvait appeler cela une maison. Jamais elle ne parviendrait à s’habituer à cette vie !

Une vie de pauvre paysanne, obligée de passer son temps à veiller sur son foyer et à soigner les légères blessures du quotidien, ce n’était pas la vie à laquelle elle aspirait.

Elle se tenait debout et regardait paresseusement les habitants de ce petit village passer un à un à côté d’elle, une femme, un homme, un vieillard puis un enfant, une famille complète puis son regard s’attarda sur les maisonnettes en bois, fabriquées par les paysans, des fermiers et des forgerons.

Voilà des années qu’elle était venue vivre en ces lieux, échappant à sa vie d’avant, elle avait trouvé Osvald et ensemble ils élevaient Wilwarin.

Elle avait eu une belle vie, habituée aux somptueuses demeures et châteaux, puis un incident eut lieu et elle dut fuir avec sa fille juste née.

Quelque temps plus tard, elle rencontrait Osvald.

Ce dernier lui apporta la stabilité, un foyer pour Wilwarin qu’il éleva comme sa propre fille.

La relation qu’il réussit à établir avec celle-ci la dépassa, devenant de plus en plus complice tandis qu’elle, Gwilwileth, s’éloignait, obsédée par son désir de fuite ! Elle et sa fille avaient toujours eu du mal à s’entendre, trop différentes, bien qu’elle reconnût certains de ses traits en elle, mais elle était trop sauvage.

Comment pouvait-on se contenter de cette vie après avoir connu ce qu’elle avait connu ?

Elle ne pouvait en aucun cas récupérer son ancienne vie, le danger était permanent et elle devait rester cachée, elle était coincée !

Absorbée par ses réflexions, elle ne remarqua pas l’arrivée de Déarbhail, leur chef. Les villageois s’écartèrent en signe de respect, s’inclinant légèrement, une action qui hérissa Gwilwileth, cet homme avait toujours eu beaucoup trop d’ambition.

Fier, celui-ci se positionna devant eux. Instinctivement, ils se mirent tous en cercle prêt à l’écouter et Gwilwileth se retrouva projetée au milieu.

— Mes chers amis, mes frères, mes sœurs, si je vous ai réunis ce soir c’est pour vous annoncer une terrible nouvelle ! Les armées du faux roi sont en route, elles vont venir ici dans notre village !

Des murmures commencèrent à parcourir la foule, des femmes se mirent silencieusement à prier la déesse Vahja pour leur salut, d’autres se mirent déjà à comploter pour protéger leur famille, leur village et toutes leurs récoltes.

Puis les cris résonnèrent et très vite les jeunes enfants se mirent à pleurer. Astrid, une vieille dame borgne la regarda fixement sans cligner de l’œil, sans même chercher à respirer. Bon sang, ce que cette femme pouvait la mettre mal à l’aise !

— Inutile de pleurer sur notre sort, mes amis, réunissons-nous et prions ensemble ! Notre déesse viendra à notre aide si nous prions ensemble main dans la main.

Il était inutile de discuter avec Dearbhail, il était vieux et croyez bien trop au pouvoir de la religion. Il n’était pas en mesure de veiller à défendre le village, néanmoins certains se joignirent à lui pour prier les bras en croix.

Une scission se créa instantanément parmi les villageois, entre ceux qui voulaient se défendre et ceux qui se lamentaient sur leur sort en priant.

— Mes amis, écoutez-moi ! Nous ne défendrons pas notre village en priant, nous devons nous battre, protégez notre foyer, notre terre, notre famille. Nous sommes ici chez nous, ils n’ont aucun droit de venir et de tout détruire !

Les acclamations suivirent, enfin, un homme qui n’était pas une lavette, prêt à défendre chacun. Gared était un homme jeune et fougueux, plein d’entrain, mais aussi très naïf et inexpérimenté. À ce moment seulement, il eut le sentiment de devenir un homme, un homme digne d’intérêt, un leader capable d’attirer l’attention de Wilwarin qu’il peinait à faire sortir de son esprit, son obsession était telle que personne ne l’ignorait.

L’air était lourd, le temps semblait s’être arrêté l’espace d’une minute. La foule continuait à bouger, à parler, mais aucun son ne lui venait. Elle regarda autour d’elle ahurie et constata avec effroi qu’elle était le seul témoin.

Ses yeux voguaient d’un endroit à l’autre, elle avait l’horrible sentiment d’être passée dans un autre monde, des yeux se posaient sur elle, la chair de poule frappa son corps et elle sentit comme une connexion dans son cerveau.

Wilwarin tenta de se calmer et de reprendre doucement sa respiration, il fallait qu’elle se calme et tout irait bien, juste qu’elle respire calmement et qu’elle se détende.

1... 2… 3…

Quand elle ouvrit de nouveau les yeux, elle eut la stupéfaction de voir face à elle, Astrid, la veuve du forgeron, elle ne la connaissait pas très bien, mais elle avait toujours la désagréable sensation qu’elle l’épiait, toujours dans l’ombre de sa petite maisonnette en bois, ne sortant jamais, ne recevant jamais de visite, personne ne cherchait à s’approcher d’elle, certains racontaient qu’elle était maudite, qu’elle pratiquait des rites sataniques en tuant des animaux voir même des nouveau-nés.

Pour une raison inconnue, Wil n’avait jamais eu peur d’elle malgré toutes les fois où n’importe qui d’autre aurait été effrayé. Plusieurs fois, elle l’avait croisée dans les bois, elle ne lui parlait pas, la regardait seulement et elle avait à chaque fois la sensation qu’elle « fouillait » dans son âme.

1… 2… 3…

Elle était toujours face à la vieille dame, elle se regardait l’une et l’autre, une sensation particulière émergeait en elle, des frissons puis un étourdissement, tout doucement elle sentit une barrière se rompre dans son cerveau comme un rideau que l’on sépare en deux puis un murmure se fit entendre suivi d’une voix. Elle la regarda dans les yeux et lui fit un petit sourire.

— N’aie pas peur !

Cette fois, c’était clair, elle lui parlait, elle lui parlait dans sa tête

— Vous êtes une télépathe !

Wilwarin était stupéfaite, elle avait envie de hurler, mais elle ne pouvait pas bouger comme si une force supérieure l’en empêchait.

— Qui êtes-vous ?
— Un jour, tu le sauras ! Mais avant cela, tu dois te préparer ! L’heure approche, ne perds pas une minute, trouve-le !
— Trouver quoi ?
— Tu ne peux rester ici, tu es en danger, ils sont tous en danger, il te faut fuir et aller au Nord.
— Danger ! Fuir ! Aller au Nord… Attendez une minute, qu’attendez-vous de moi ?
— Je sais ce que tu es, je sais ce que tu vois, ce que tu sens et ressens. Toi et moi savons qu’ils vont bientôt arriver, je peux même entendre le bruit de leurs bottes.
— Que voulez-vous dire ? Vous parlez par énigme, Madame !
— L’armée du roi sera bientôt là ! Ils tueront tout le monde, ils ne viennent pas pour discuter, ils sont chargés de trouver une sorcière et toi et moi savons que tu es celle qui répond le mieux à ce qu’il cherche.
— Mais je ne suis pas une sorcière !
— Peu importe qui tu es réellement et qui ils sont tous ! Seule toi comptes !
— Je ne peux les abandonner pour sauver ma peau, je ne suis pas comme cela, je ne veux pas être cette personne.
— En effet, mais tu as tant de choses à accomplir. Méfie-toi de tous, mais surtout du temps, il te donnera ce que tu dois posséder, mais tu ne peux le tromper, c’est lui qui tient les règles du jeu. Ferme les yeux, mon enfant ! Il est temps de te réveiller, nous nous reverrons plus tard.

1… 2… 3…

En quelques secondes, Wilwarin était revenue à la réalité ! Elle remarqua la foule puis elle les entendit parler et crier, elle vit son père se placer au centre et prendre la parole, elle chercha la vieille dame en vain, aucune trace d’elle comme si elle avait disparu de la surface de la terre.

— Mes amis, vous savez que c’est la vérité, nous ne pouvons attendre que le sort s’acharne sur nous, nous devons nous battre, nous avons des droits ! Ils ne peuvent venir ici et tout mettre à sac.

Osvald repéra sa fille légèrement à l’écart, elle semblait hagarde ! Il était inquiet, depuis des années. Les pouvoirs de sa fille leur avaient été bénéfiques à tous à maintes reprises, mais à chaque fois un nouveau mal faisait son apparition et il ne savait jamais jusqu’où il l’emporterait.

Plus qu’une bénédiction de la déesse Vahja, c’était un fardeau pour elle, mais aussi pour ses proches.

Osvald n’était pas le père biologique de Wil et Gwilwileth ne lui avait jamais révélé l’identité de ce dernier. Il y avait trop de secrets, trop de non-dits et à ce jour c’était Wil qui en soufrait le plus.

Bon nombre de ses amis le soutenaient dans l’idée de protéger le village, ils n’étaient pas des soldats, mais cette terre était leur foyer et ils étaient prêts à tout pour défendre leurs biens.

Dans l’heure qui suivit, ils se réunirent afin de débattre d’un plan d’action et tous tombèrent d’accord sur l’idée de construire des forteresses autour du village et de mettre en place des pièges, notamment des fossés aux abords. Tout se mettait en place, mais Osvald le sentit. Cette fois, la bataille serait sanglante.

Assise confortablement à son bureau, Elbereth tenait dans sa main une petite peluche en forme de colombe, elle la fit tournoyer dans ses mains sans même y penser. Plongée dans ses souvenirs, elle ne remarqua pas qu’elle pleurait à chaudes larmes.

Un coup retentit à la porte, ce qui lui permit de se réveiller quelque peu ! Elle rangea la petite peluche dans son coffret et essuya ses larmes avec un mouchoir en dentelle. Elle se tourna face au miroir et affronta son reflet. Depuis quand suis-je devenue cette autre ?

Les coups retentirent de nouveau, plus fort cette fois, signe d’impatience et certainement de nervosité, inutile donc de faire attendre cette personne trop longtemps.

— Entrez !

La lourde porte en bois de chêne s’ouvrit pour laisser entrer Astaldo. L’homme arbora un sourire franc et sincère en croisant le regard d’Elbereth qui lui rendit son sourire. C’était toujours un plaisir pour elle, si seule et désolée, de recevoir la visite de son vieil ami. Il s’inclina face à elle et lui baisa la main.

— Ma reine ! Je pense que tu sais pourquoi je suis venu aujourd’hui !
— Et moi qui pensais que ma présence te manquait ! Que tu voulais seulement me voir !
— Bien sûr que tu me manques ! Mais tu sais que nous devons discuter !

Elbereth se leva de sa chaise et commença à faire les cent pas. La tournure de la conversation ne lui plaisait guère. Certes actuellement, elle savait qu’elle avait des torts et que le plan ne plairait pas à tous. Malgré tout dans toutes les manigances d’Aegnor, elle n’avait été généralement que peu impliquée. Mais aujourd’hui, il était question d’autre chose. Le plan qui lui avait présenté son époux quelques mois plus tôt lui semblait idéal, un moyen d’éponger une dette…

Elle se retourna vers son ami, prête à lui faire face et à exposer son point de vue.

— Je sais en effet que cela peut paraître dérisoire, mais tu sais très bien la peine et la douleur que j’éprouve depuis tant d’années !
— Tu ne peux subir à toi seule tout le mal qui fut fait, Elbereth ! Tu n’es pas pleinement responsable.
— Bien au contraire, en procédant de cette manière, on peut espérer de meilleures relations entre nos clans.
— Je ne peux te dire comment procéder, mais les relations entre Elfes Blancs et Elfes Noirs ont toujours été tendues, depuis la scission qui a séparé nos deux peuples, il y a plus de 3000 ans.
— Peut-être que nous ne sommes pas destinés à nous entendre, mais une union entre nos peuples, pourrait nous permettre à tous d’être sur un pied d’égalité.
— On parle tout de même de marier ta fille Elwing avec un prince Elfe Blanc ! Je ne pense pas que la princesse soit pleinement enchantée par cette nouvelle.
— Elle ne le sait pas encore ! Elle n’a pas son mot à dire Astaldo ! Je te rappelle que j’appartiens au clan des Elfes Blancs, cette union nous sera bénéfique de bien des façons.
— J’espère que tu sais ce que tu fais !

Astaldo tourna alors les talons et quitta la chambre de la reine.

Elbereth se tourna vers la fenêtre et plongea dans ses pensées, voilà des mois que les nuits étaient bien noires et les jours gris et sombres.

La reine était perdue depuis trop longtemps dans ses souvenirs, ses réflexions et sa solitude… La vie l’avait abandonnée, le temps avait eu raison d’elle.

Des gémissements se firent entendre, une main agrippa la paille sous elle, son propre corps se contorsionna face au plaisir accumulé. Toujours vêtue de sa sublime robe, le visage de son partenaire entre les jambes, la belle expira et libéra l’extraordinaire sensation de plaisir qui la faisait trembler alors, atteignant l’extase.

Tentant de reprendre ses esprits, Elwing essaya tant bien que mal de défroisser sa robe. Voilà des mois qu’elle et Huren, le mage sorcier au service de son père, se retrouvaient dans cette grange afin de se laisser aller à leurs penchants. Si d’un point de vue extérieur ils avaient simplement l’air de deux amants passionnés peinant à contrôler leur soif l’un de l’autre, la vérité était tout autre !

— Je suppose que tu as ce que je t’ai demandé ?

Huren se releva à la demande d’Elwing et fouilla dans sa veste. Doucement, il lui tendit une petite boîte rectangulaire d’une couleur sombre, très discrète. Elwing la saisit et l’ouvrit. Elle découvrit sept petites fioles très fines en verre, un liquide incolore à l’intérieur.

— Vous ne reculez devant rien n’est-ce pas Princesse ?
— Dans notre monde, les femmes n’ont d’autres choix que de se créer leur propre place si elles veulent survivre.

Elle se leva tranquillement, dépoussiéra sa tenue et le saisit par la nuque lui donnant un long baiser langoureux qui eut l’avantage de réchauffer leur corps, encore…

— Je te remercie, je te recontacterai si nécessaire !
— Ou peut-être que ce sera moi qui viendrai à toi !

Elwing se détacha de son emprise, la tournure des événements ne lui plaisait guère. Il était important qu’Huren sache à qui il avait affaire. Il serait bien dommage qu’il la mette en danger en voulant trop s’imposer.

— Je t’aime bien Huren, mais sache une chose, à vouloir trop jouer dans la cour des grands, on finit par se brûler les ailes, n’oublie pas qui tu es et où tu es. Je te l’ai pourtant trop dit, ne fait confiance à personne, ici tous ont quelque chose à cacher !
— Je sais Princesse ! Tout le monde ment ! Même vous, n’est-ce pas ?
— Surtout moi. Ne cherche pas à me trouver, c’est moi qui te trouverais.

Elwing tourna les talons en n’oubliant pas de soulever le bord de sa robe. Bon sang, qui a eu l’idée de ces rendez-vous clandestins en pleine bouse au milieu des abris à chevaux et de la paille sale.

Certes, le sexe en lui-même ne la dérangeait en aucun cas, c’était de loin l’une de ses activités favorites, mais elle commençait à en avoir marre d’avoir toujours besoin de se décrasser après ses petites polissonneries.

Pour l’instant, un autre problème devait être résolu ! Il fallait cacher la boîte secrète et son contenu loin des regards, surtout celui de son idiote de mère qui avait la mauvaise manie de fouiner dans ses affaires.

À la sortie de la grange, elle tomba comme prévu sur sa dame de compagnie et amie Elanor qui montait la garde à côté de l’énorme porte verte.

— Princesse ! Les affaires ont été florissantes, j’ai bien cru que je finirais par camper ici.
— Je te remercie d’avoir veillé sur la porte, il est vrai que si un ennemi approchait il aurait fui face au danger que tu représentes.

Les deux jeunes femmes continuaient à marcher, passant devant bon nombre de paysans et de mendiants tendant les mains dans l’espoir de recevoir une pièce.

Elwing leur lança un regard en coin, absolument pas peinée par leur sort.

— Je commence à ne plus supporter la présence de ces rats. Les rues devraient être nettoyées.
— Voyons, princesse, ces pauvres gens n’ont nulle part où aller et leurs ancêtres vivaient sur ces terres bien avant que le roi y élise domicile.
— Voilà pourquoi je t’aime ma chère sœur, tu as un aussi grand cœur que le mien.

Les deux jeunes femmes éclatèrent de rire. Se tenant par la main, elles rejoignirent l’entrée principale du domaine.

Debout sur l’immense balcon dominant la salle du trône, le roi fut rejoint par son conseiller Constantin. Les deux hommes se lancèrent un regard entendu.

— Alors ? Je t’écoute ? lui demanda Aegnor, le regard toujours dirigé au loin.
— C’est bien ce que je vous disais mon roi, le colis lui a été transmis
— Bien ! Surveillez-la de loin, elle ne doit pas savoir que nous savons.
— Mes hommes sont déjà prévenus mon roi, il la piste actuellement.
— Faites très attention, elle est très maligne.
— Bien mon roi ! Des nouvelles de nos troupes ?
— Le Seigneur Demeter m’a envoyé une missive, ils approchent du village le plus proche. Ce n’est qu’une question d’heures maintenant.
— Oui, mes espions m’ont parlé d’une jeune fille et de sa famille. Ils vivent reclus en amont dans une ferme. Notre source affirme avoir déjà vu des choses se produire autour de l’enfant, il ne serait pas surpris qu’elle soit l’une d’entre elles.
— Une enfant ou une jeune fille ?
— Une jeune fille, mon roi, une mortelle moins de vingt ans.
— Elle n’est certainement pas encore formée pour ses pouvoirs ! Elles ne sont réellement dangereuses que bien plus âgées, elle ne causera pas de remous.
— Bien, mon roi, j’espère que nos hommes seront efficaces.

Sur ce, le roi se tourna vers son conseiller et ce dernier lui baisa la main en signe de respect puis le roi pris congé.

Constantin resta quelques longues minutes les mains sur le balcon puis il se redressa fièrement, il n’avait jamais remarqué à quel point cet endroit offrait le meilleur point de vue sur l’infini territoire du roi.

Un château si grand et si imposant, possédant ses propres jardins suspendus tout autour du domaine. Ces derniers étaient d’une beauté rare parsemés de statues élégantes représentant les divers membres de la famille du roi tel que son aïeul, le légendaire Feanor, le brûlé, l’un des nombreux porteurs de la lumière.

Il tirait sa légende du Caznur, une monstrueuse créature ressemblant à un gigantesque serpent avec des ailes. On raconte que cette bête pouvait mesurer plus de trente mètres. De sa descendance étaient nés les dragons, aujourd’hui exilés.

Au loin sur la place du marché, parmi la populace venue faire ses emplettes chez le boucher, le vendeur de légumes et de tapis, Constantin remarqua une silhouette bien connue.

Le mage Huren se promenait entre les allées et saluait la foule autour de lui. Il portait toujours sa foutue robe grise tel un mendiant. Cet homme se donnait bien plus d’importance que ne lui accordait sa position.

Depuis plusieurs années, il était au service du roi et il ne fut jamais d’une grande utilité. De plus, il avait toujours la fâcheuse tendance à connaître des secrets honteux, des secrets qui à long terme pouvaient mettre les principaux concernés dans des positions plus que précaires.

À mesure que l’influence de Constantin augmentait, il se jurait de faire diminuer celle d’Huren qui n’était pas d’une grande utilité. Constantin ne portait pas la vie de tous comme un cadeau, les vies les moins bénéfiques devaient être écartées.

Satisfait de son plan qui prenait forme, il s’écarta du balcon et de la chaleur extérieure plus qu’étouffante. Il se croisa les mains dans le dos et relevant la tête en signe de défi et de suffisance, il entra dans la grande salle bien décidée à mettre son plan à exécution.

« Il y avait un jeune homme fort, vivant au Nord, sur les terres que nul autre n’ose franchir. Des terres glaciales, où le froid pourrait tuer un homme.

Bélial, de son nom, n’était pas comme tous les autres, fier et robuste. Il avait juré de pouvoir franchir les terres de glaces, jusqu’à l’océan, là où dit-on vivait un peuple tout à fait hors du commun.

Bélial croyait sincèrement en la bonté des dieux, que face à son sacrifice, les dieux ne seraient plus en colère contre les actions des Hommes, la tribu d’où il était originaire.

Alors, Bélial s’arma de son courage et d’un petit sac à dos, prêt à partir à l’aventure, des obstacles, il allait forcément en rencontrer. Mais Bélial était spécial, il savait que les dieux le protégeraient, car après tout, il n’avait cessé de les prier, jour après jour depuis sa tendre enfance.

Puis un jour, sa mère mourut, emporté par disait-on, une forte fièvre, mais l’enfant n’en croyais pas un mot. La mort de sa mère fut l’élément déclencheur, celui qui le conduira à sa destinée, persuadé les dieux de l’écouter et donc de venir à leurs rencontres.

Bélial partit, seul, affrontant les périples et la nature sauvages qui allaient s’offrir à lui. »

La légende des aventures de Bélial, le sauvageon fut l’élément qui permit au Prince Guillaume de découvrir le Nord et ses richesses. Des siècles s’étaient écoulés, mais peut-être qu’au fond de lui, il espérait retrouver le petit garçon, car nul ne sait ce qu’il est advenu de lui.

Les Guerres au Nord se basèrent également sur la légende de l’enfant sauvageon, racontée sous un œil neuf du Prince Guillaume, seul à avoir survécu et à être revenu des terres lointaines.

Andamora base la plupart de ses légendes sur l’espoir et sur la foi. Car nul besoin selon de forces tant que nous espérons et que nous prions.

Agenouillé sur l’herbe mouillée, la main tendue vers le cadavre d’une biche, Diarmait tentait de contrôler sa respiration. C’était le douzième cadavre qu’il trouvait en l’espace de quelques jours, mais ce n’était pas le plus inquiétant. Elles n’avaient aucune blessure et pas de sang, elles semblaient juste endormies paisiblement.

Ce n’était pas normal ! La vieille dame avait raison, les animaux sentent le danger, celui-ci était à l’œuvre et il n’allait pas tarder à frapper.

Le chant des oiseaux s’était tu. L’air était froid et sec. Un épais brouillard s’était lentement installé. Il entendit un bruit sur sa gauche de plus en plus proche. Quelqu’un marchait, ses pas écrasaient les feuilles mortes au sol. Diarmait avait la chance de posséder depuis toujours une ouïe bien aiguisée. Il pouvait percevoir les sons à une distance bien au-delà de ce que tout être humain pouvait entendre. Doucement et toujours accroupi, il saisit de la main gauche une petite lame glissée dans sa botte. Les bruits de pas se transformèrent en bruit de courses, il se leva d’un bond prêt à attaquer le couteau à la main.

Les bruits devenaient plus forts et bientôt ce ne furent plus des bruits de pas ou de courses, mais une voix, un chant qui se transforma en ultrasons. Complètement secoué et assourdi, Diarmait lâcha son couteau et le perdit dans les feuillages. Il se jeta au sol et se tordit de douleur. C’était comme si un millier d’aiguilles lui perçait le cerveau. Il sombra peu à peu dans un long sommeil alors qu’une ombre se plaçait au-dessus de lui. Il ne pouvait distinguer qu’une vaste aura. La personne se pencha plus près de son visage et il ne vit plus qu’une tache noire.

— Chut ! mon enfant ne cherche pas à résister, tu ne le peux. Cela est plus fort que toi !

Diarmait sentit son pouls s’accélérer. Complètement tétanisé son cerveau ne répondait plus. Il sentit un souffle sur son visage comme une brise d’été.

— Où est l’enfant ? Ton enfant ?
— Elle… elle… est… partie ! Voilà… deux lunes.
— C’est bien ! Tu as fait ce qu’il fallait, une bataille approche. Rassemblez-vous, il vous faudra être fort.
— Quoi ?
— Ils arrivent… ils arrivent…

Cette phrase résonna comme une mélodie. La voix était un chant hypnotique qui lui berçait l’âme. Plusieurs cris résonnèrent au loin. Les mêmes entendus il y a plusieurs minutes avant que l’ombre lui apparaissent. Justement, celle-ci poussa un énorme cri, bien trop fort pour lui. Il sombra dans un profond sommeil, les oreilles pleines de sang…

Quand Diarmait revint à la réalité, une présence le bousculait dans tous les sens. Il se réveilla en sursaut en poussant un cri comme s’il se réveillait d’un cauchemar, son épouse Rhéa en larmes et affolée se tenait au-dessus de lui.

— Mais enfin, cela fait des heures que je te cherche et je te trouve ici assommé.
— Chut ! Ça va, je vais bien.

Diarmait passa les bras autour d’elle et la berça tout en lui passant les mains dans les cheveux afin de la calmer, elle le repoussa et le regarda dans les yeux toujours aussi affolés.

— Te rends-tu compte, tu avais l’air… mort. Qu’aurais-je fait sans toi ?
— Hé… Hé, je suis vivant !

Elle passa ses doigts délicats sur ses oreilles, complètement choqué par les saignements maintenant secs qui avaient coulé jusqu’à son cou.

— Tu saignes !

Se passant les doigts sur le cou et les oreilles, Diarmait constata qu’elle disait vrai et tout lui revint en mémoire, l’ombre, les cris, l’aura magique. Il se résolut à n’en parler point à son épouse, déjà suffisamment perturbée et ce, encore plus depuis le départ de leur fille.

Il prit doucement ses mains dans les siennes et plongea son regard dans le sien

— Rhéa ! Mon amour, j’ai besoin que tu m’écoutes !
— Oui… oui, je t’écoute !
— Nous allons prendre nos affaires et partir !

Un éclat de joie parcourut le visage de Rhéa.

— Nous partons chercher Asta ?

Diarmait avala sa salive plusieurs fois, il ne pouvait lui mentir, mais il ne pouvait lui dire la vérité. Leur fille avait suivi un vieux sage dans le but de commencer une quête. Si tous avaient ri face à la stupidité de l’événement, Diarmait, lui, savait toute l’importance de la situation, habitué au pouvoir de sa fille. Au fond de lui, il savait que quelque chose l’attendait et qu’elle partirait un jour ! Il ne s’attendait juste pas à ce que cela soit aussi vite.

— Oui ! Nous partons la chercher !

Ils partirent au début de la nuit, bien décidés à aller de l’avant même s’ils avaient des buts différents, l’un cherchant leur enfant et l’autre fuyant la menace qui allait bientôt s’abattre dans les alentours. Diarmait eu une pensée pour les villageois et il se maudit de ne pouvoir les sauver, mais quand bien même. Qui pouvait croire qu’une ombre qui n’avait pas de visage ni de nom venait de l’avertir qu’un danger inconnu allait s’abattre sur eux et qui plus est que leur fille douée de pouvoirs magiques était la cible. Tout cela était rocambolesque. Résigné, Diarmait tourna les talons et rejoignit Rhéa qui l’attendait…

Marchant avec précaution afin d’éviter la boue, la jeune Freya suivait son amie bien en amont devant elle et décidée à trouver ce qu’elles cherchaient ! Elle souffla encore, fatiguée de cette marche forcée et des obstacles qui manquaient de lui tordre les chevilles.

— WIL !
— Qu’y a-t-il ?
— Nous ne trouverons rien ici, regarde autour de toi ! C’est tellement sinistre.

Levant les yeux au ciel, Wilwarin continua sa route. Pourquoi diable l’avait-elle emmenée ? Les deux jeunes filles étaient amies depuis l’enfance et bien qu’aujourd’hui leurs différences auraient dû les éloigner, il n’en était rien, elles étaient toujours aussi proches ! Bien que Wil ne lui avait toujours pas parlé de ses rêves et de sa rencontre avec la télépathe. Justement, la télépathe était la raison de leur présence ici. N’était-ce pas dans les bois que se trouvaient les êtres magiques ? En tout cas, c’était l’enseignement que lui avait inculqué Dame Yora dans son enfance. Le sage faisait office de préceptrice dans les villages environnants, venant à la rencontre d’enfants afin de leur parler des mythes et des légendes d’Andamora, de l’histoire des Elfes, des nains et même des dragons. Ce passage fascinait Wil depuis l’enfance. Aujourd’hui, elle se demandait ce qu’elle était devenue ! Elles étaient très proches, passant tout leur temps ensemble, Dame Yora lui répétait qu’elle aurait un grand destin.

Elle coinça son pied dans une roche et manqua tomber, ce qui eut l’avantage de la ramener sur terre. Freya se précipita convaincue qu’elle s’était blessée ! Elle l’aida à se relever et la regarda avec désapprobation.

— C’est bon tu t’es amusée ? On peut rentrer ?

Wilwarin dépoussiéra sa robe et inspecta sa cheville, Que Vhaja soit loué ! Ses chevilles allaient bien.

Elle poussa un soupir de soulagement et regarda autour d’elle, dans l’espoir que son instinct lui dise où aller.

— Wil sérieusement ! Est-ce que tu peux au moins me dire pourquoi on est là ?
— Je te l’ai dit, je cherche quelque chose.
— Et je vais devoir me contenter de ce maigre indice.
— Si tu veux partir, vas-y !
— Et te laisser seule ici. Pas question !

Wilwarin éclata de rire.

— C’est plutôt parce que tu crains de faire le chemin inverse seule !
— Bien très bien, ris, vas-y ! Mais je ne te laisserais pas seule.

Le bruit d’une branche craqué les alerta toutes les deux, instinctivement Freya se positionna derrière Wil, espérant que son amie la protégerait du danger. Les bruits augmentèrent, quelqu’un courait vers elles. La tension dans l’air était à son maximum, Freya tremblait comme une feuille courbée derrière Wil tandis que cette dernière contrôlait sa respiration afin de ne pas paniquer. Celle-ci compta comme à son habitude.

1... 2… 3…

Un énorme rugissement jaillit des bois, le temps s’épaissit, le brouillard fit son apparition recouvrant petit à petit l’ensemble de la forêt, les oiseaux ne chantaient plus, toutes sources de chaleur, de bonheur et de lumière semblaient s’être éteintes.

Derrière elle, Freya se liquéfiait de peur ! Elle devait à cet instant amèrement regretter d’avoir accompagné son amie. Elle se serra le plus possible autour du bras droit de Wil et tenta d’empêcher ses jambes de claquer l’une contre l’autre. Elle regarda autour d’elle essayant tant bien que mal de déterminer d’où pouvait bien venir la menace, mais le brouillard était si épais que la seule chose qu’elle pouvait distinguer correctement était son amie pressée contre elle.