Les enquêtes de la famille Birling - Tome 1 - Laura Paulus - E-Book

Les enquêtes de la famille Birling - Tome 1 E-Book

Laura Paulus

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Beschreibung

Lucie Birling est une jeune détective à Haut Potentiel Intellectuel, consultante pour la police. En compagnie de l’inspecteur Isaac Léo, elle mène des enquêtes les unes après les autres. Cependant, lorsqu’elle tombe amoureuse de son binôme, la résolution de l’énigme en cours s’avère plus compliquée que prévu…


À PROPOS DE L'AUTEURE

Professeure de français, Laura Paulus aime lire et randonner. Forte de ses inclinaisons pour les mots et l’aventure, elle se plaît à inventer des personnages, façonnés à partir de ses perceptions et de son environnement, qu’elle met en scène dans des intrigues singulières et saisissantes à l’image de la richesse de son jardin littéraire.

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Seitenzahl: 127

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Laura Paulus

Les enquêtes de la famille Birling

Tome I

Lucie

© Lys Bleu Éditions – Laura Paulus

ISBN : 979-10-377-8883-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Il n’y a pas de bonheur intelligent.

Jean Rostand

Jour 0

Il vaut mieux se tromper avec tout le monde que d’être intelligent seul.

Marcel Achard

Lucie et Isaac attendaient sous la pluie sans faire un geste. Immobiles depuis de longues minutes, tous deux observaient le cadavre d’une femme. Elle était face contre terre, raide comme un piquet. Bien qu’on soit au début du mois de juillet, l’eau tombait dru depuis une semaine et la peau, apparente au niveau des poignets qui dépassaient de son grand ciré jaune, était fripée comme une pomme rabougrie. La capuche arrachée par la pression de l’homme qui l’avait tirée de l’eau sans ménagement laissait échapper des filaments de cheveux blonds jusqu’au bord du quai.

L’Ill n’avait pas débordé sur les berges, mais le remous était étonnement puissant pour un mois de juillet. Lucie Birling, détective privée, ne disait rien. Un observateur attentif aurait décelé, au froncement de ses sourcils, que la jeune femme était en train de réfléchir. Mais personne n’aurait pu deviner que sous cette tignasse rousse qui encadrait un visage blanc immatériel serti de deux yeux vert émeraude se cachait un cerveau à la fois brillant et dérangé. Dans le quartier des Côteaux de la ville de Mulhouse, Lucie Birling était à la fois crainte et respectée, elle voyait tout, entendait tout et déchiffrait votre regard plus vite que vous ne le pensiez. Peu à peu, sa réputation avait fait le tour de l’ancienne cité industrielle. Si elle se taisait en ce moment même, prête à se noyer plutôt que de ne faire qu’un hochement de tête, c’était pour résoudre l’affaire.

— Inspecteur Léo ?

Isaac Léo se retourna, visiblement contrarié :

— Chut ! Elle réfléchit… Ça fait deux heures que je me tais pour ne pas la troubler et vous venez de rompre le charme.
— Excusez-moi, Inspecteur, mais les témoins demandent s’ils peuvent rentrer chez eux. Dois-je leur dire que nous les appellerons plus tard ?

Isaac se gratta le menton un instant. C’était un homme d’âge mûr, grand et fin, portant une éternelle chemise à moitié ouverte, toujours froissée. Bien que souvent courtisé par les femmes de toute sorte pour son visage bien dessiné et ses yeux expressifs, Isaac, d’une grande timidité et surtout d’un grand cœur, se retrouvait célibataire depuis le décès de sa femme. Il vivait seul dans une immense maison alsacienne avec ses deux filles qui étaient pour l’une en 5e au collège Villon, pour l’autre à l’école primaire Jean Zay. En ce moment même, sans Lucie, son phare dans la nuit, il se serait senti plus seul que jamais. Il se forçait à ne pas regarder la jeune femme pour demander conseil.

— Oui, nous les appellerons un par un. Demandez-leur de rester chez eux jusqu’à nouvel ordre.

Il se retourna vers le petit bout de femme. Dans son dos, elle avait l’air si petite et si fragile qu’il avait envie de la serrer dans ses bras. Mais à 20 ans, avec un QI de 160 et des paroles cinglantes, le vieux briscard se doutait qu’il serait repoussé aussi sec. Il leva son visage vers la pluie et, comme il l’espérait, elle lui rafraîchit les idées.

— Oh mon Dieu ! sursauta-t-il.
— J’ai faim, Monsieur Léo.

Lucie se tenait maintenant devant lui et, lorsqu’il baissa la tête, il se heurta à son regard inébranlable. Elle l’appelait toujours monsieur, jamais inspecteur. Au début, il avait eu peur de perdre son autorité devant ses hommes. Déjà que de faire venir une privée était mal vu, mais en plus une petite jeune qui semblait piétiner les règles avec un naturel désarmant… Néanmoins, avec le temps, Isaac avait réussi à accepter ses bizarreries et même à les chérir. Il ne pouvait plus se passer d’elle et depuis deux ans ils faisaient une équipe bien mal assortie mais terriblement efficace.

— J’ai vu un burger au coin de la rue… ça te dit ?
— Ils n’auront pas de repas végétarien, j’ai lu leur carte en arrivant sur la troisième affiche en haut à droite du premier panneau d’affichage.

Ça aussi, il avait appris… à ne plus trouver étranges les affirmations précises et chirurgicales de sa coéquipière.

— Tant pis, je prendrai un soda, je n’ai pas faim de toute façon. Cette nana, ça m’a retourné l’estomac.
— OK M’sieur.
— Allez, viens, Petite Lumière, en route.

Lucie leva les yeux au ciel à l’évocation de son surnom que lui seul avait le droit de prononcer mais un sourire satisfait s’étira sur son visage. Isaac comprit deux choses : elle avait résolu l’affaire et elle l’aimait bien. Cela le mit en joie et il sifflota sur le trajet du retour, le martèlement de la pluie accompagnant ses notes gaies.

— Alors ? Dois-je te regarder dévorer ce truc encore longtemps ou bien aurai-je enfin le droit, moi aussi, de connaître l’illumination ?

Lucie lui jeta un regard distrait et tendre en mastiquant puis reporta toute l’attention de ses mignons yeux verts sur ce qu’elle appelait nourriture. Apparemment, cela pouvait encore durer. Résigné, Isaac finit son soda et jeta un coup d’œil sur les couleurs criardes du fast-food ; quand Lucie mangeait, toute discussion était vaine… Maintenant encore, la jeune femme ne cessait de l’intriguer. Non seulement ses capacités intellectuelles l’avaient rapidement rendue indispensable, mais encore son enthousiasme contrastait avec la propre lassitude de l’inspecteur. Connu pour son caractère taciturne, entouré de peu d’amis et souvent jugé grognon, voire agressif, Isaac ne comprenait pas la patience qu’elle manifestait inlassablement à son égard. Il la regardait manger et dans cet instant où elle semblait ignorer sa présence, il lui volait un peu d’elle-même, se repaissant de cette vitalité et de cette intelligence.

« Simple… » mâchouilla-t-elle en s’essuyant la bouche du revers de la main.

— Un meurtre…
— Pas du tout !
— Un suicide ?
— Meuh non, dit-elle d’un air compatissant. C’est pourtant évident…
— En m’expliquant lentement…
— C’est un accident ! sourit-elle tristement. La pauvre fille est tombée à l’eau il y a deux jours. D’ailleurs, c’est votre faute.
— Pardon ?
— Oui, tu te souviens, quand tes petits copains sont intervenus pour tapage nocturne : la fête sur les quais… vendredi soir… ? Ben dans la cohue, elle est tombée, plouf !
— Mais… comment tu…
— Comment je sais ? Ben, j’y étais, dit-elle en lui montrant son poignet. Le tampon d’entrée de la soirée… Tu n’as pas remarqué ? Elle a le même. L’immersion dans une solution aqueuse, en gonflant les chairs, conserve les encres au lieu de les effacer.

Elle lui fit un clin d’œil en prenant la dernière frite. Leurs doigts s’effleurèrent fugacement…

Quand Isaac termina son rapport, il fit quelques pas jusqu’à la baie vitrée qui occupait tout un côté du bureau des homicides, regardant le ciel prendre une teinte grisâtre au-dessus du bâtiment annulaire, tellement emblématique et surprenant dans cette ville aux mille et un visages. Lucie avait eu raison, encore une fois… Si la disparition de la jeune étudiante n’avait pas encore été signalée, c’est qu’elle habitait seule une petite chambre près de la place de la Réunion. Isaac l’imagina, solitaire, nouvelle dans la ville, chercher un peu de chaleur à une soirée et… tout s’arrêtait là, avant d’avoir commencé… Il se massa un instant les tempes en pensant à ce numéro de plus à la morgue, au coup de fil qu’il allait devoir passer dès que le jour serait levé alors que la nuit tomberait pour toujours sur les parents de la jeune fille.

Du bruit dans les couloirs lui apprit que l’équipe de jour arrivait, et il réunit rapidement ses affaires en espérant avoir le temps d’éviter le commissaire adjoint. À cet instant, Coraline entra, passant avec légèreté, et il se sentit rougir comme un adolescent quand elle lui dit bonjour sans même le regarder. Il hésita quelques secondes, debout, regardant la jeune agente de police s’installer, cherchant quelques questions ou remarques délicates et pleines d’esprit à formuler. Cet instant perdu passa en un souffle et rapidement ce fut son supérieur qui vint se planter devant lui. Sa mâchoire semblait encore plus prognathe qu’à l’ordinaire, ce qui n’indiquait rien de bon. Ses biceps gonflaient de manière provocante sa chemise :

« Inspecteur, j’ai lu votre rapport. C’est quoi ce passage où… »

L’adjoint chercha dans les feuillets serrés entre ses gros doigts avec un froncement concentré d’écolier appliqué qui fit sourire Isaac malgré sa lassitude.

« … où vous parlez, attendez, je cherche… voilà : d’accident causé probablement lors de l’intervention de la police… Non, mais vous vous rendez compte si les médias venaient à apprendre ça ?

— Non, je ne m’en rends pas compte et, à cette heure, j’avoue que je m’en f… Bon écoutez, je dois y aller. Vous m’excuserez. »

Contournant les yeux exorbités du commissaire adjoint, Isaac, sans se retourner, se hâta vers l’ascenseur. Il se disait qu’en faisant vite, il aurait peut-être le temps de saluer ses filles avant leur départ pour l’école et peut-être même, s’il n’abusait pas du café, de dormir une ou deux heures.

Jour 1

Mieux vaudrait encore un enfer intelligent qu’un paradis bête.

Victor Hugo

La première chose que Lucie entendit en se réveillant était le bruit que faisait sa mère dans la cuisine, les voisines du dessus qui chantaient en arabe et les deux collocs du bas qui regardaient la télévision allemande à fond… et cela avait toujours été ainsi. Depuis que sa grande sœur et son frère adoptif étaient partis vivre avec leur père, Bess et Lucie Birling habitaient toutes deux cet appartement exigu et défraîchi, comme il en existait des dizaines dans la cité des Coteaux. Quand Bess avait quitté l’Amérique pour suivre son mari français, elle avait cru mourir de bonheur : trois enfants et un homme parfait. Et puis Dan avait gravi les échelons de la société et elle, sans autre ambition que celle d’être heureuse, avait vu son mari s’éloigner peu à peu. Quand il avait convaincu Lily et Eloi de le suivre à Strasbourg, Bess pensa que son cœur allait lui tomber dans les chaussettes, mais il lui restait sa petite dernière, son petit génie et Lucie lui réchauffait l’âme. Avec un enfant, sans jamais réussir à parler correctement la langue, elle s’était résolue à enchaîner les petits boulots et avait remercié le ciel que l’État français fournisse des HLM si rapidement. Lucie émergeait doucement dans sa petite chambre d’enfant, et sa tignasse rousse semblait se noyer dans un amas de couvertures et de livres pêle-mêle. Elle s’était résolue à mettre entre parenthèses des études de psychologie quand son stage à la police nationale s’était transformé en une collaboration régulière. Elle aurait pu louer son appartement à elle… Mais elle n’éprouvait pas le besoin de partir et se sentait bien, avec le petit balcon qui donnait directement sur sa chambre. Lucie sortait et rentrait, souvent accompagnée, mais jamais sa main ne rencontrait la courbe d’un compagnon à ses côtés au matin, elle préférait dormir seule et le faisait comprendre à ses amants réguliers. Et ce jour-là, sans trop savoir pourquoi, en lisant Dostoïevski, dans sa chambre comme chaque matin, vêtue d’un seul tee-shirt virginal, elle se demanda, en relevant la tête, s’il en était de même pour monsieur Léo.

La première chose qu’Isaac entendit en se réveillant ne fut pas le bruit que faisaient Ambre et Alix en se disputant dans la mezzanine de la grande maison mais la sonnerie du téléphone. Il rêva en fixant des yeux le plafond de sa demeure qu’il chérissait tant ; une maison de bois à flanc de colline du Rebberg, avec vue sur les Vosges et sur la Forêt Noire allemande. Sous les poutres centenaires du toit, son lit, désespérément vide depuis que sa femme l’avait quitté. Et alors que la boule dans le ventre grossissait, la troisième sonnerie de son portable le fit sursauter et se reprendre. En cherchant à tâtons son téléphone, sa gueule de bois le fit grimacer.

« Mmmmhhhh allô…

— Inspecteur Léo ?

En entendant la voix du commissaire adjoint, Isaac fut tenté de raccrocher mais c’était trop tard et il se résigna à l’idée que la journée était foutue.

— Amenez-vous vite, c’est du sérieux… Et… Isaac ?
— Hmmm ?
— Venez avec la petite… »

En composant le numéro de sa petite lumière, Isaac se dit que finalement la journée pouvait encore être sauvée. Il débuta sa méditation matinale, le sourire aux lèvres.

L’inspecteur se gara devant l’immeuble des femmes Birling, espérant, vu l’heure matinale, que Lucie était déjà rentrée de sa virée au centre-ville. Sur le balcon, la mère de Lucie lui fit un petit signe de la main. À chaque fois, il avait l’impression d’être un adolescent qui venait chercher sa petite amie et cela le faisait rougir. Il devait avoir un air bien coupable.

— Holà, monsieur Léo !
— Salut Petite Lumière, tu grimpes ?
— Non, je conduis.

Isaac descendit de la voiture mi-amusé, mi-inquiet. Ça allait donner.

En allumant la radio, Beautiful Day de U2 résonna dans leurs oreilles. Lucie passa les vitesses les unes après les autres et ils furent bientôt sur l’A35 roulant à plus de 150 km toutes fenêtres ouvertes. Une heure pour faire Alsace/Haute-Saône, c’était le pied !

— Youhou !

Isaac se détendit, il s’était rarement senti aussi bien. Le sourire de Lucie éclairait son âme et soulageait son cœur.

Lorsqu’ils descendirent de la voiture, Isaac était si grisé qu’il ne remarqua pas de suite le légiste qui dictait des notes à Coraline. Mademoiselle Birling, sensible au trouble de son inspecteur préféré, posa sa paume dans le bas de son dos, avant de lui glisser comme pour le rassurer :

— Ne fais pas attention… Avec l’invention du dictaphone et d’internet, ils auraient pu se passer d’agente faisant office de secrétaire.

Son estomac se noua, Petite Lumière : 1 point, Jolie Agente : 0. Il était temps de quitter le ring et de commencer l’enquête.

Le cadavre d’un homme en tenue de chasse gisait sur le dos dans un fourré. Seules les bottes pointées vers le haut étaient bien visibles, dépassant étrangement des herbes, comme si l’homme faisait un somme avec non pas deux mais un trou rouge au côté.

Ahmed, le jeune légiste sur les lieux, commença à dresser la liste des choses qu’ils devaient savoir :

—