Les histoires d’amour se terminent toujours bien - Frédérique Fatier-Prudent - E-Book

Les histoires d’amour se terminent toujours bien E-Book

Frédérique Fatier-Prudent

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Beschreibung

Lila vit une histoire d’amour idéale, mais un grain de sable perturbe cette perfection. Marc, son mari, entreprend un geste romantique qui, loin de séduire, déclenche une réaction imprévue. Entourée de fausses amies et d’un passé inavoué, Lila devra choisir entre préserver une illusion de bonheur ou briser un cercle de trahisons silencieuses. Les mots, les gestes et les émotions se confrontent dans un jeu complexe où tout peut basculer. L’amour saura-t-il les sauver, ou sera-t-il leur pire ennemi ?

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Attirée par la délicatesse des relations humaines, Frédérique Fatier-Prudent, après des études de lettres, s’est naturellement orientée vers l’enseignement. Son roman "Les histoires d’amour se terminent toujours bien" est né du désir de concilier ses deux passions : la littérature et l’exploration des émotions humaines.

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Seitenzahl: 246

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Frédérique Fatier-Prudent

Les histoires d’amour

se terminent toujours bien

Roman

© Lys Bleu Éditions – Frédérique Fatier-Prudent

ISBN : 979-10-422-6747-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Lila était paisiblement allongée sur la plage. Elle avait pris soin de choisir un ensemble d’accessoires offrant un camaïeu de rose. Serviette, chapeau, maillot, tout permettait de souligner la beauté de son corps qui ne correspondait pas forcément aux critères actuels. Mais il était beau dans le respect, l’attention et l’amour qu’elle lui portait. Elle avait poussé la coquetterie jusqu’à choisir un livre à la couverture rose pour taquiner tous ceux qui rejetteraient l’idée que le rose puisse être sa couleur préférée. Tandis qu’elle savourait les caresses du soleil qui brunissait sa peau, largement aidée par cette nouvelle potion magique garantissant un bronzage parfait ; son époux accomplit, d’après lui, le geste le plus romantique. Elle lui avait raconté ses lectures de magazines Barbie dans lesquels Ken multipliait les tendres attentions. Et lui, il avait retenu celle-ci. Excité et assuré d’augmenter son capital séduction, il prit une poignée de sable qu’il emprisonna dans sa main afin de le répandre en un filet d’or.

— Aïe ! Mais qu’est-ce que tu fais ?

Il avait décelé, dans ce partage de lectures, un désir de vivre la même aventure, d’assouvir un fantasme. Il voulait, à son tour, être poète. Qu’avait-il fait du passage où elle précisait trouver cela ridicule parce que les grains de sable dans les yeux étaient gênants et douloureux, parce que le sable était pollué par des mégots de cigarettes et quantité de déchets impensables. Et qu’en plus, ces grains s’agrippaient aux cheveux de manière tenace.

Leurs amis observaient cette scène, tels des spectateurs avides de drame. Ils les avaient surnommés « le couple parfait qui ne se dispute jamais ». Ce surnom sonnait comme un reproche. Leurs cerveaux, habitués aux fins malheureuses, aux horreurs, aux disputes et aux critiques ne pouvaient pas admettre le bonheur qui transcende les heurts et les pleurs.

Ils se regardèrent tous, sourire en coin, émanant des ondes négatives qui polluaient l’atmosphère. À cet instant, nul n’aurait pu convenir si la pollution du sable reçu par Lila était plus élevée que celle de l’air.

Brigitte, amoureuse de l’amour, mais jamais des hommes, multipliait les conquêtes qui se terminaient régulièrement, en violentes disputes ; s’était déjà projetée, comme toutes les femmes présentes à ses côtés, et avait élaboré le seul scénario possible en réponse à ce sable reçu dans les yeux. Ce qui lui semblait chuchotements s’apparentait davantage à des paroles bien audibles. Ceux qui n’étaient pas parvenus à déployer leur aura protectrice pouvaient entendre :

— Quoi ! No way ! Mais le mec me fait ça, mais je divorce sur le champ. Je hurle tout en lui balançant du sable au visage.

— Tu m’étonnes, j’aurais fait une crise. C’est inadmissible, c’est un total manque de respect. On nage en plein délire. Moi qui pensais que Marc était quelqu’un de bien ! Je suis déçue.

— En même temps, ça nous rassure, la perfection n’est pas de ce monde. Je pense que cet événement annonce la fin de quelque chose, un passage à une autre étape.

Elles éprouvaient une joie qu’elles ne parvenaient même pas à dissimuler, trahissant ainsi des années d’envie et de jalousie. Étaient-elles les véritables amies rêvées de Lila ou leurs blessures et traumatismes avaient-ils pris le dessus sur leur capacité à aimer, et à se réjouir du bonheur de l’autre ? N’auraient-elles pas pu chercher à minimiser la situation en insistant sur l’intention de Marc ?

« L’enfer est pavé de bonnes intentions ! » avaient-elles grommelé.

Rien, aucun mot, aucun geste, vraiment rien ne permettait à Marc de trouver grâce à leurs yeux. Elles crièrent haro et le condamnèrent sans autre forme de procès.

Heureusement, Lila avait ce don. Elle était cette magicienne, elle savait transformer toutes les énergies négatives qui l’environnaient en une bulle remplie d’amour. Et dans la situation actuelle, la bulle était énorme.

Alors que Marc se confondait en excuses, réalisant que son acte était tout sauf romantique, elle gardait ce silence nécessaire à l’alchimie. Il dura encore et encore. Cette larme perla sur son visage. Serait-ce là son premier échec ? Deviendrait-elle rose de colère ainsi assortie à tous ces éléments qui visaient à sublimer sa bonté ?

Chapitre 2

Une voiture se gara bruyamment, détournant ainsi l’attention de tous, l’espace d’un instant. Cette perturbation sonore s’accompagna d’un message divulgué par le biais d’une chanson tout droit sortie de ce bolide. Aucun tympan n’aurait pu résister à cette invasion acoustique… « Les histoires d’amour finissent mal en général ! », pouvait-on entendre. Brigitte et Béija éclatèrent de rire en y voyant un signe. Elles décidèrent qu’il s’agissait de la réponse à toutes les questions que Lila devrait se poser. À vrai dire, Lila, réfugiée dans sa bulle, ne se posait aucune question. Elle semblait plutôt réfléchir à la manière judicieuse de concrétiser ses décisions. Mais ce ne serait pas l’urgence du moment ! En effet, cette intervention lourde en décibels avait déclenché des réactions différentes chez chacun. Elle avait su s’immiscer et dévoiler le pire ou le meilleur. Il n’y avait jamais d’égalité de réaction face à un événement. Ce dernier se connectait volontiers aux événements passés logés dans nos mémoires. Et cette connexion se passait très mal pour Marc. Cette mélodie, ces paroles, ces voix, ces odeurs, toute cette combinaison avait déclenché un souvenir atroce. Souvenir qu’il avait raconté à Lila, dès le début de leur relation. Elle lui avait proposé de se faire aider, mais par orgueil ou par peur d’être jugé et critiqué, il avait refusé jusqu’au mois dernier. Il avait décidé de s’adresser à un hypnothérapeute. Il était en pleine phase de guérison. Pourtant, il était trop tôt pour cette phase d’exposition, il n’y était pas encore préparé. Alors ce qui lui rappela son traumatisme, les coups et les agressions verbales de son père durant son enfance, ce qu’il ressentit comme une menace de mort et qui aiguisa son sentiment d’impuissance, envoya cette alerte au cerveau qui déclencha son mécanisme de défense. Augmentant sa production d’hormones de stress, accélérant son flux sanguin et son rythme cardiaque, son cœur battait si fort qu’il aurait pu exploser, ses poumons en hyperventilation ne lui permettaient plus de respirer normalement. Cette peur de mourir tout en voulant mourir pour échapper à ça. Il se sentait comme ce petit enfant qui ne pouvait pas fuir devant cet adulte trop puissant. Devant ce stress trop violent à même de le tuer, son cerveau avait décidé de le paralyser. Il avait besoin de sortir de ce corps, de s’échapper de cette réalité pour rester en vie. Les B² observaient cette scène sans empathie, sans comprendre que sa peur avait atteint son paroxysme. Elles le pensaient aussi faible que lâche, jouant la comédie pour attirer la pitié. Voilà ! De telles réactions motivaient son silence, son refus de se faire aider, de peur d’être qualifié de menteur, d’être incompris. Sans s’en rendre compte, elles avaient revêtu le masque sombre de ceux qui jugent les femmes violées affirmant qu’elles auraient pu se défendre et que leur inhibition valait consentement, déclarant qu’eux auraient su réagir. Oubliant simplement que l’instinct de survie choisissait la réaction qui lui semblait la plus adaptée à la situation, sans préméditation. Ces décibels brisèrent la bulle de Lila qui se leva immédiatement et serra si fort son mari dans ses bras qu’elle aurait pu l’étouffer. Quelle ironie ! Lui qui était en pleine lutte pour sa survie ! Elle lui murmura à l’oreille, avec la plus grande des tendresses, des mots que nous ne connaîtrons jamais. Puisque l’amour libère de la peur, ses mots devaient être des mots sortis du cœur. Il émanait d’elle tellement d’amour qu’elle parvint à transformer cette atmosphère délétère en air salutaire. Marc, tremblant, en sueur et presque en pleurs, avait repris ses esprits dans les bras de sa douce. Brigitte et Béija n’avaient pas pris la mesure du drame qui venait de se jouer sous leurs yeux. À vrai dire, leur niveau de conscience ne le leur permettait pas. Elles n’étaient ni malveillantes ni insensibles, mais elles n’avaient pas grandi. Elles avaient choisi de demeurer ces reines du lycée, ce trio redoutable surnommé les B²+ L ou le BLB. Elles étaient toutes les trois, les plus belles du lycée et ce « pretty privilege » leur octroyait tous les droits et leur ouvrait toutes les portes. Mais très vite Lila en eut assez de n’être que belle ! Cette prise de conscience avait été déclenchée par le décès d’un ami de fac. En pleine introspection, elle s’était interrogée sur les souvenirs laissés. « Ah, Lila, c’était une belle jeune femme ! » Cette image l’avait remplie de terreur. Dès lors, elle préféra se remplir d’amour au point qu’il déborde afin d’atteindre tous ceux qui la croisent. Quelle belle réussite !

— C’est ici que nos routes se séparent ! prononça Lila.

Chapitre 3

Son calme olympien perturba tous ceux qui n’avaient pas bonne conscience. Toute l’assistance était suspendue à ses lèvres. Les B², lucides observatrices de la scène, en proie au doute, ne comprenaient pourtant pas les signes envoyés par la nature. Elles, si promptes à les décrypter pour les autres, n’avaient pas perçu ce vent qui s’était levé brusquement au point d’ébranler le sable qui fouetta leur corps avant d’arriver jusqu’à leurs yeux. Obscurcissant leur vision, il les avait privées d’un soleil couchant qui disparaissait majestueusement, transportant avec lui tous leurs espoirs de victoire, dans cette eau paisible. Oui, même la mer s’était tue ! La couleur rose qui prédominait dans le ciel ne permettait aucune hésitation. La nature avait bien une préférée. Elle ne cesserait de lui rappeler cette alliance. Elle qui les avait toujours choisies allait-elle agir différemment et s’affirmer sans peur de dévoiler cette femme nouvelle. La bien-aimée répéta cette phrase.

« C’est ici que nos routes se séparent ! »

Blottie dans les bras de Marc, elle ne pouvait être plus claire. Ce dernier semblait savourer l’instant, retrouvant force et assurance. Une joie de vivre nouvelle le portait, à l’idée de ne plus jamais les revoir. Lila sans le savoir avait, par cet acte, guéri son syndrome de l’abandon.

Les B², elles, étaient complètement désemparées. Lila était leur rempart, leur lucidité, leur raison, leur oreille attentive, leur guide, leur conseillère, leur puits d’amour et de consolation. Eh bien, tout cela était trop pour une seule femme. Lila avait eu besoin de temps pour le comprendre, comprendre que le sacrifice ne valait pas le bénéfice. Elle qui ne les critiquait ni ne les jugeait, avait ressenti leur attitude comme une trahison et un manque de respect. Elle abhorrait les trahisons. Son honnêteté et sa droiture le lui permettaient. Cette pensée dominante, rivée à toute perspective de changement ou de choix motivés par l’amour, ne la quittait plus. Elle était persuadée que ce qui l’attendait serait faste, plus beau que ce qu’elle allait perdre.

Afin de faciliter les adieux, les cieux dans leur fureur, déclenchèrent un orage, obligeant les uns et les autres à regagner précipitamment leur véhicule. Pas d’explications, pas d’excuses ni de demandes de pardon. Un divorce ! À cet instant, elles découvrirent la solitude de la séparation et la complicité de l’union. Les conditions du mariage et du divorce différaient. La présence de deux êtres était nécessaire pour l’un, alors qu’un seul être suffisait à signifier l’autre. Eh oui, une décision de divorce pouvait être l’affaire d’un seul parti. En l’occurrence, Lila était juge et partie. Elle était de celles qui aiment inconditionnellement, qui offrent tout, qui pardonnent tout avec un seuil de tolérance remarquable. Était-ce la goutte d’eau, propice au changement, qui brisait le vase ou le simple carrefour qui révélait des voies pavées d’intérêts, de désirs et de perceptions différents. Il n’y avait pas de colère en elle, mais une simple et légitime envie d’ailleurs, de tourner une page de son histoire.

— Mais tu ne nous dis même pas au revoir, implora Béija sortie de sa voiture, plantée là, étiolée, affligée en quête de ce regard à même de dissiper son désespoir.

Ses larmes se mêlaient à la pluie. Ses gouttes caressaient sa peau au point de dévoiler sa nudité. Sa robe et son maillot blancs totalement trempés ne cachaient plus rien de ce corps, grand, mince et captivant. La pointe de ses seins dressés qui trahissaient ses frissons, la finesse de sa taille et le galbe de ses hanches ne laissaient pas indifférents les passants. Les plus irrespectueux se laissaient aller à des remarques salaces. Pourtant, sa tristesse avait ôté tout caractère sexy à cette scène. Elle restait là, immobile, les yeux tristes et rougis par les larmes, en quête d’approbation. Avait-elle oublié que le mendiant d’amour serait toujours la victime d’un bourreau ou de lui-même ! Avait-elle oublié que Lila ne se retournait jamais quand elle avait décidé de partir, que Lila ne mendiait pas et qu’elle n’aimait pas ceux qui voulaient réécrire le passé. Le passé et son lot d’expériences heureuses ou malheureuses était pour elle une force, un guide délicat et subtil susceptible de devenir ancre jetée dans un puits sans fond. Elle était ce bateau qui n’observait pas son sillage pour construire l’avenir.

— Il ne s’agit pas de dire au revoir, mais adieu ! dit-elle, impassible, en refermant la portière de la voiture.

Elle qui les avait tant aimées paraissait si froide, si distante. Sans doute, cherchait-elle à maintenir cette congruence entre ses pensées, propos et actions. Elle ne s’encombrait pas d’un passé qui ne pourrait plus servir. Elle était dans l’acceptation de ce qui est, de ce moment présent qui est une offrande à honorer. Béija refusa le moment présent qu’elle désirait irréel, mais finirait par l’accepter par amour pour Lila. Brigitte, quant à elle, ne l’accepterait jamais. Seule dans sa belle voiture, incapable de lui offrir l’amour sain, assurément des prétendants qui ne l’étaient pas, elle était dépassée par ses émotions. De sa peau perlaient la colère, la rage et la haine comme tout être blessé en mal d’affection ne sachant pas se remettre en question. Elle vivait cet instant telle une injustice, une parfaite trahison de la part de celle qu’elle avait aimée si fort. Comment aurait-elle pu aimer l’autre sans s’aimer elle-même ! Son incapacité à aimer Lila pour ce qu’elle était, reflétait son incapacité à s’aimer dissimulée sous de faux-semblants et une apparence parfaite. Alors forte de son impuissance, elle choisit ce que choisissent les faibles, les lâches et les malheureux : la vengeance !

Chapitre 4

Le trajet retour se passa dans le silence. La tranquillité apparente ne reflétait en rien une paix intérieure, mais une résistance aux émotions et sentiments éprouvés sur le moment. En effet, Lila ressentait quelque tristesse à laisser derrière elle une partie de sa vie. Quand bien même celle-ci ne lui permettait plus d’avancer, elle avait ce petit pincement au cœur qui contrastait avec le bonheur intense de Marc qui tentait de le garder discret jusqu’à son arrivée dans le garage. Elle avait pour habitude d’utiliser la douche extérieure, proche de la piscine pour se rincer avant de pénétrer la maison. Ils avaient la chance d’habiter un lieu partiellement isolé des regards. Lila désireuse de savourer chaque instant de sa vie et de se délester de toutes ses émotions qui ne lui procuraient aucun bonheur se dénuda et chanta sous la pluie invitant son tendre et cher à la rejoindre. Ce dernier ne se fit pas prier. Laissant venir à eux et acceptant tout ce qu’ils ressentaient, ils chantaient et dansaient avec un regard profond qui traduisait leur amour extrême. La pluie, le froid, leur nudité et le caractère inédit de la situation exacerbaient leurs désirs. Jamais, ils n’avaient ressenti une attirance si intense. Les effleurements et les baisers de Marc étaient à eux seuls une invitation à mourir de plaisir.

Plus rien n’avait d’importance, ils avaient atteint un niveau de conscience recherché par quantité de maîtres spirituels. La bénédiction tombée du ciel, qui les purifiait de tout, semblait favoriser cette extase, ce parfait lâcher-prise et cette confiance. Ils se sentaient invincibles dans leur amour, dans leur union. La fusion de ses deux corps qui se donnent du plaisir jusqu’à l’orgasme, la jouissance d’un corps qui se vide et d’un autre qui se remplit se paraient d’un voile mystérieux. Ce don de soi, après avoir abaissé toutes les frontières, était aussi abandon et certitude de recevoir au-delà du possible. Ils avaient l’impression d’être les mythiques parties d’une seule pièce qui s’étaient enfin retrouvées. Dès lors, cette sensation ne les quitta plus.

La puissance de l’instant, l’exaltation de leurs sens donnaient toute sa mesure à la vie. Ainsi comblés par une émotion nouvelle à leur cœur et à leur vocabulaire, ils plongèrent dans la piscine alors que le soleil était réapparu. Il avait refait surface, désireux de les remercier pour ce moment de bonheur offert, pour ces ondes positives diffusées sans restriction.

Le temps qui prenait plaisir à les admirer avait perdu toute notion. Eux s’étaient harmonisés avec cette pause et demeurèrent silencieux. Leur connivence avait percé l’au-delà du silence. La lueur des regards échangés embrasait leur âme, offrant l’accès à un espace qui leur permettait de mieux se comprendre, de s’accepter et d’accueillir cette complexité humaine faite de forces et de faiblesses. Inconditionnellement, ils acceptaient de tout prendre et de tout apprendre. Marc avait réussi à faire tomber ce masque de l’homme bouclier devant offrir protection et secours à son épouse. Lila n’avait pas besoin d’être sauvée si ce n’était par elle-même. Cette dernière n’était pas une biche égarée dans sa naïveté. Il constata à regret que ce bouclier était devenu piège qui l’avait amené à s’oublier et à se perdre tout en la privant de sa liberté.

Il éprouvait le désir ardent de se sauver lui-même, de se retrouver et d’assumer la personne qu’il était. S’aimer soi-même pour mieux aimer l’autre. Grandir avec l’autre et grandir soi-même tout en contribuant à l’épanouissement de l’autre. Il était complètement dépassé par ces pensées de sagesse surgies de je ne sais où, songeait-il.

Leur étreinte avait souligné leur complicité faisant disparaître pour un temps, leurs singularités, il semblait ne former plus qu’un seul corps, qu’un seul cœur. Ils respiraient, battaient des yeux, aimaient au même rythme. Leurs expressions, leurs sourires et leurs rires étaient simultanés. De parfaits miroirs.

Le soleil avait, certes, retardé son coucher pour leur plus grand plaisir, mais il fallait bien que la nuit fasse suite au jour. Les nains de jardin s’étaient allumés automatiquement en vue de seconder ce rayon d’or. Néanmoins, rien ne remplacerait sa chaleur. Elle avait froid et son preux chevalier qui veillait scrupuleusement au bien-être de sa dame sortit de la piscine. En admirant ce corps musclé qui se dévoilait, un peu plus, à chaque marche, elle estima, ma foi, avoir plutôt bon goût. Voilà un bon parti, se disait-elle. Sa raison, rabat-joie, lui rappelait qu’un être humain ne pouvait être réduit à un corps, quand bien même ce corps était irrésistible. Après le moment qu’ils venaient de passer, elle ne le savait que trop. Qu’importe les rageux, elle avait le droit de le trouver beau et de s’en réjouir. Il quitta sa tenue d’Adam et la récupéra sur les marches de la piscine, la portant comme une princesse dont les pieds ne devaient pas fouler le sol. Ses attentions durèrent toute la soirée. Ils discutèrent toute la nuit, échangeant leurs ressentis sur la journée passée. Après l’épisode « grains de sable », ils se promirent, en riant, de parfaire leurs échanges. S’accordant tous les deux sur l’idée qu’une communication sincère, bienveillante et constructive garantissait la réussite de toute relation. L’amorce de leur vie nouvelle consisterait à modifier la déplaisante image véhiculée par leur surnom « le couple qui ne se dispute jamais ». Tout changement débutait par un élan du cœur, un déclic, une spontanéité inexpliquée. Une nouvelle page, un nouveau chapitre, une nouvelle vie s’offraient à eux.

Chapitre 5

(Partie 1)

« Et vivre sans aimer n’est pas proprement vivre. »

Molière

« Le verbe aimer se conjugue à tous les temps, mais il n’est beau qu’au présent : Je t’aime. »

« Tu dis que tu aimes les fleurs, tu les coupes.

Tu dis que tu aimes les oiseaux, tu les mets en cage.

Quand tu me dis “je t’aime”,

J’ai peur. »

Jacques Prévert

C’est ainsi que Lila occupait la majeure partie des deux dernières semaines de vacances qui précédaient la rentrée scolaire. Elle remplissait les pages du samedi et du dimanche, des notes, du répertoire et des dates d’anniversaire. Elle oubliait régulièrement les anniversaires de ses amies de classe ! À la rentrée, son agenda était déjà plein. Plein d’amour, de citations d’amour, de rêves d’amour, de rêve d’idylle ou de prince charmant. Son attitude pouvait paraître ingénue et prétexte à la qualifier d’Emma Bovary moderne, mais au-delà de toutes ces recherches, de cette application à recopier ses citations préférées sur l’amour, en prenant soin d’y rajouter des petits cœurs, de réserver l’encre rouge aux mots aimer et amour, elle cherchait à démontrer que l’amour était la seule condition de l’homme.

Elle croyait fermement en la bonté de l’homme et en la création d’un monde de paix et d’amour.

À la traditionnelle question des fiches de présentation : « Quel métier voulez-vous faire plus tard ? »

Avait-elle envie d’écrire en rouge : construire un monde de paix et d’amour et faire disparaître tous les conflits sur terre. Mais…

« Qui la prendrait au sérieux ? »

Sa seule garantie serait la moquerie. Elle s’inventait des désirs et des professions. Au fond d’elle-même, elle brûlait de devenir cet instrument pacifiant. La tâche lui semblait si difficile, elle se sentait si seule. Peu à peu, cette vigueur, cette fougue, cette intrépidité de la jeunesse s’étiolaient telle une flamme balayée par les railleries.

Certes, bon nombre de ses amies se prêtaient au jeu et lui proposaient pléthore de citations à empiéter l’espace des devoirs à noter, mais pour elles, cela n’était que distraction. Elle grandissait avec cette frustration, ce sentiment d’impuissance tout en gardant une petite lueur d’espoir. Astronaute avait-elle fini par écrire. À la lecture de cette réponse, tous les profs avaient ce regard, ces mots qui s’échappaient de leurs yeux à défaut de pouvoir être prononcés. Mais ! Vous n’êtes pas un homme, avaient-ils envie de hurler. Ils préféraient se taire, loin de la peur de briser ses rêves, plutôt certains que la vie lui enseignerait. Astronaute, cosmonaute, elle ne devint rien de tout ça.

Elle avait gardé pour seul rêve de jeunesse celui de construire un monde meilleur. Elle y contribuait à travers son métier de coach. Son besoin de donner et de recevoir ce naturel élan du cœur n’avait changé en rien. À vrai dire, elle n’avait que ce modèle. Ses parents étaient parfaitement amoureux et heureux, ils conjuguaient le verbe aimer à tous les temps. Ils étaient si attentifs, si attentionnés l’un envers l’autre que tous leurs enfants en avaient fait un modèle universel du couple. Une famille catholique installée au premier rang de l’église pour assister à la messe du dimanche. Basile, le fils aîné était enfant de chœur, Elisabeth sa mère était chantre et Lila faisait partie de la chorale. Ils participaient activement au bon déroulement de la messe. Matthieu, son père s’occupait de la quête, en l’absence de grand-mère Jane, qui prenait soin de ses frères et sœurs trop jeunes pour être des membres actifs.

Voici un beau tableau qui ne cachait rien sous des couches de peinture. Sa famille était équilibrée et équilibrante. Ses parents qui avaient eu une enfance difficile s’étaient promis de fonder une famille heureuse et épanouie. Lila aimait les voir discuter tous les soirs sur la terrasse. Ils considéraient les événements du jour. La fin de leur entrevue était signalée par l’apparition de la rose rouge. Chaque soir, Matthieu ou Elisabeth recevait une fleur, sans jamais désigner l’offreur, après toutes ses belles années, leur complicité avait permis qu’ils se comprennent et se complètent. Aucune soirée ne s’était terminée sans fleur, aucun vase n’avait reçu deux fleurs en même temps. Après ce rituel, les enfants accourraient dans leurs bras afin de récupérer tout l’amour qu’ils s’étaient offert. Le dimanche matin, ces âmes pures étaient joyeuses d’admirer le bouquet constitué de toutes ces roses reçues, symbole de leur affection, de lien qui se construit, qui se modèle, qui s’améliore et s’entretient tous les jours.

Lila, en ayant grandi dans cet environnement, ne pouvait à son tour que devenir une belle fleur nourrie de ce philtre. Sa vie était construite sur de solides bases, pourtant à sa frustration de bâtir un monde meilleur vint s’adjoindre celle de trouver un partenaire qui ressemblerait en tous points à son père.

« Aïe ! »

Quelle serait la conquête la plus dure ? Devrait-elle en sacrifier une ?

Non, elle ne voulait rien sacrifier, estimant qu’après tout, ces deux quêtes ne s’excluaient pas. L’une visait son bonheur et l’autre un bonheur universel. Toutes deux guidées par le sentiment le plus noble.

Donner était pour elle aussi agréable que recevoir. Elle aimait la beauté du don.

Mais cette fois-là, elle avait trop donné et si peu reçu (sa générosité avait été trop grande et le retour trop ingrat) créant un déséquilibre qu’elle seule ne constatait pas.

En effet, sa bonté et son image sublimée de l’amour avaient failli la perdre, l’installant dans une désastreuse relation. Cette faille avait attiré un homme toxique. Il n’aimait que lui et elle n’aimait que lui. Elle était aveuglée par son amour et lui l’aveugla par sa tendre éloquence, ses attentions et sa douceur. Elle lui avait parlé de son père parfait. Il endossa ce rôle pour un temps, oubliant que sa dulcinée avait déjà un père à la perfection inégalable. Il l’avait subtilement éloignée des siens. Stratégie visant à l’isoler pour mieux la manipuler. Après cette victoire, il se révéla autre. La mansuétude de Lila lui rappelait ses imperfections et son désamour de lui-même. Pour se sentir meilleur, il l’humiliait sans cesse, la traitant sans égard. Ses mots avaient changé, ils étaient bien moins tendres. Il la rabaissait dans le dessein de la convaincre qu’elle n’était rien sans lui, qu’il lui faisait un honneur en l’acceptant. Son raisonnement captieux avait fait d’elle une femme qui ne travaillait plus et qui se laissait imposer ses tenues. Malgré ce chantage affectif, Lila parvenait à voir un homme en souffrance, un malheureux égaré.

Oui, elle était comme ça Lila !

Son attitude en société différait tant que Lila en arrivait à s’interroger sur sa santé mentale. Avait-elle inventé ses propos dénigrants expectorés en privé. Ce soir-là, il lui fit mal, très mal.

Elle réalisa que certains mots pouvaient frapper aussi fort que les poings. Les blessures infligées par les coups étaient à visibilité immédiate, mais celles des mots, invisibles à l’œil nu, tailladaient à rendre fou, à tordre de douleurs. Elles étaient d’autant plus éprouvantes qu’elles transportaient avec elles la crainte de ne pas être cru.

Ses bases solides lui permirent de dire stop. Elle ne se laissa plus faire. Lui ne comprit rien, ses serres ne retenaient plus sa proie pourtant si docile.

La certitude de mériter mieux, la confiance en un avenir meilleur et sa volonté de transformer le monde la sauvèrent. « Ça suffit ! Je veux révéler la puissance de ce lien que crée l’amour. Il n’est pas à comprendre encore moins à intellectualiser, mais à vivre. Voilà ma mission ! » déclara-t-elle. Elle plia bagage, sans sourciller.

Elle le quitta sereinement, certaine qu’il n’aurait pas le courage de lui nuire. En considération de sa lâcheté, elle menaça de le dénoncer auprès des siens à moins de suivre une thérapie. Il accepta, car sa belle apparence et son honneur lui importaient plus que tout.

Lila n’avait pas inclus la souffrance sur son chemin de vie. Elle serait celle qu’elle avait décidé d’être et personne ne l’en empêcherait.

Chapitre 5

(Partie 2)

Marc, lui, avait grandi dans une famille déséquilibrée et déséquilibrante. Son père, malheureux dans son enfance, l’avait reproduite à l’identique. Les cris, les coups, les humiliations.