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Yannick, fervent admirateur de lettres, rencontre Chiara, une étudiante italienne, dans le calme feutré d’une bibliothèque parisienne. Leur passion commune pour la littérature les unit profondément, et leur amour est scellé par l’avènement de leur fille, Stefania. Mais tout bascule lors d’un voyage à Ndjindji. Ce qui devait être un moment de sérénité se transforme en un drame qui va fissurer leur bonheur. Fragilisée, Chiara se tourne vers le frère aîné de Yannick pour chercher du réconfort, un choix inattendu qui fait naître une tension sourde. Que s’est-il réellement passé à Ndjindji ? Leur amour pourra-t-il survivre à cette épreuve ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Imprégné par la diversité des cultures qui l’entourent,
Joseph Steven Tchikaya Pandi puise son inspiration dans le gouffre qui sépare les traditions ancestrales de l’Afrique noire et les mœurs occidentales. Dans Les larmes d’une grand-mère bantoue, il éclaire la richesse des échanges entre ces deux univers, invitant à une réflexion sur l’héritage, la transmission et la coexistence des cultures.
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Seitenzahl: 98
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Joseph Steven Tchikaya Pandi
Les larmes
d’une grand-mère bantoue
Nouvelle
© Lys Bleu Éditions – Joseph Steven Tchikaya Pandi
ISBN : 979-10-422-4784-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Il y a des mots qui pleurent et des larmes qui parlent.
Abraham Cowley
L’amour reste, en dépit de tous les livres qui lui ont été dédiés, consacrés, un thème qui fait toujours couler beaucoup d’encre. Sûrement parce qu’il est une réalité qui est au cœur de nos vies. Tout être humain est en continuelle quête d’amour, du vrai amour et non de l’amour fou. Au-delà des déceptions, des trahisons, nous restons confiants et persuadés qu’un jour nous trouverons l’être aimé, l’heureux élu, notre moitié. Cette quête incessante, parfois inconsciente, fait que l’amour soit d’une certaine façon la thématique centrale de la vie. Que serait la vie sans amour ?
Ce thème devient encore plus épineux et même très sensible, quand sont impliquées des considérations de cultures et de couleurs. Le métissage culturel étant devenu une réalité omniprésente dans quasiment toutes les sociétés du monde, une œuvre littéraire qui met en relief les difficultés qui l’entourent me semble très utile.
L’amour, ne connaissant aucune barrière géographique ou culturelle, est de plus en plus au centre de ce métissage culturel. Les larmes d’une grand-mère bantoue offre cet avantage de comprendre les problématiques autour de cette question.
Il existe nombre de préjugés sur l’amour entre des personnes de cultures et de couleurs différentes. Le regard de la société sur ces cœurs qui s’aiment est souvent malveillant. Cela est dû au fait qu’autrui a du mal à se faire à l’idée que l’amour soit l’unique poumon dans ces couples. Il serait cependant imprudent et même absurde de prétendre que tous ces couples interraciaux ont toujours été animés par l’amour seul. Il est, en effet, certains couples interraciaux où l’amour n’est pas et n’a jamais été la motivation première.
Il importe de préciser que ces préjugés peuvent être vrais ou faux, selon les pays, ou mieux encore selon la mentalité et l’éducation de chacun. Certains pays, avec le temps ou devrais-je dire par la force des choses, ont fini par accepter ce phénomène. D’autres, par contre, ont encore du mal à l’accepter bien que la machine eût déjà été mise en route depuis belle lurette.
L’un des avantages d’un récit de cette nature c’est qu’il offre la possibilité de découvrir plusieurs cultures, traditions et coutumes en même temps.
Dans cet ouvrage, il y aura lieu de constater une exubérante insertion des tournures et expressions des langues locales. La nouvelle, Les larmes d’une grand-mère bantoue, ne se limite pas seulement à aborder la question des couples de couleurs différentes, mais aussi la problématique des couples de tribus différentes appartenant au même pays. En effet, avant même d’aller au-delà des frontières et de dénoncer cette réticence qu’ont encore certains pays, il paraît judicieux de rappeler que ce même phénomène existe parmi les peuples d’un même État. Et, à ce stade-là, ses effets sont encore plus destructeurs.
Ces préjugés ethniques créent une méfiance qui conduit les habitants d’une zone donnée à craindre de se marier ou même de tisser de simples liens d’amitié avec ceux de l’autre zone.
Enfin, en ce qui concerne le style, le choix a été fait pour le moins complexe afin qu’aucun amalgame ne soit fait entre le protagoniste et le narrateur-personnage.
Des fleurs, pas naturelles, il me semble, des tissus blancs, roses et toute cette belle décoration habillaient si bien cette salle. Elle ne ressemblait pas à une salle de lecture ; les sièges étant disposés autrement. Les rangées, superposées les unes sur les autres, on aurait plutôt dit un amphithéâtre. Un jeune homme se tenait là, debout, devant d’éminentes personnalités, toutes assises et vêtues exactement de la même manière : en toges noires et rouges. On croirait des membres d’une même secte ; d’une même loge maçonnique peut-être. Je n’en sais rien. J’ai toujours été incapable de faire la différence entre les deux.
Ces augustes personnalités étaient assises deux à droite et deux à gauche d’une cinquième ; peut-être le grand maître de cette loge. C’est une femme, de surcroît. Pensais-je, quelle grande dame ! Elle est époustouflante et ressemble à une ministre de notre gouvernement. Rien que par ses allures, on sent qu’elle baigne dans l’aisance ; elle pue le fric, comme on aurait dit dans mon quartier. J’ignorais que les ministres du gouvernement enseignaient dans les universités. Comment aurais-je pu le savoir d’ailleurs ? Je n’en ai jamais fréquenté. Déjà que ce fut un véritable calvaire, pour moi, d’arracher mon diplôme de baccalauréat technique.
Était-ce une initiation à une science ésotérique ? Ça m’en avait l’air en tout cas. Tout le décor était planté pour donner cette impression. De telles initiations, me disais-je, se font de coutume dans le secret ; jamais dans l’enceinte d’une bibliothèque universitaire, qui plus est publique. Debout, au fond de cette salle, je me demandais en me grattant la tête : ne me suis-je pas trompé de salle ? Non, il me semble. Je venais à l’instant même d’apercevoir un visage qui m’est familier : c’est Mâ Ngoudi, ma belle-sœur, l’épouse de mon grand frère. Elle est assise au premier rang, et m’a l’air crispée ; son regard figé sur son fils.
Pas très enthousiaste à l’idée d’assister à cet événement, à cette cérémonie, j’étais arrivé en retard. Étant déjà au fond de la salle, je m’assis là, dans la pénombre.
Toujours debout devant ces illustres professeurs et docteurs, le jeune homme démontrait son art avec force et énergie. Les jurés, eux, écoutaient avec une attention religieuse chaque mot, chaque phrase qu’il prononçait. Lui c’est Yannick, le dernier fils de Mâ Ngoudi, ce qui signifie littéralement « mère des jumeaux ». Il est vêtu différemment des membres du jury. Il est en costume trois pièces bleu marine, avec une chemise à carreaux assortie des chaussettes à carreaux et une cravate noire. Pour couronner le tout, une petite pochette marron placée dans la poche extérieure de sa veste, assortie des chaussures marron sur mesure. Un vrai Congolais, me disais-je, il a bien marié les couleurs. Sans même que je m’en aperçoive, un sourire teinté de fierté s’était écrit sur mon visage.
Il exposait avec éloquence sur un thème qui m’était complètement étranger. Je l’entendais depuis le fond de la salle exposer son travail. J’entendais plutôt les échos de sa voix qui résonnaient dans toute la salle. Ses mimiques, sa gestuelle, son énergie et son assurance montraient qu’il avait la maîtrise de son thème de mémoire. Cela se voyait aussi par le hochement de tête de ces hommes de robe. On aurait dit qu’ils avalaient ses paroles telles des paroles d’Évangile. Tout le monde dans la salle était scotché à sa voix, bien que chaque terme juridique qui sortit de sa bouche fût insaisissable pour la plupart d’entre eux. Je ne faisais pas exception ; ses mots tombaient dans mes oreilles comme dans celles d’un sourd. On aurait dit qu’il utilisait un langage secret, un code réservé aux seuls initiés.
Un monsieur chauve, avec sa barbe de trois jours, assis un peu plus devant, juste à côté de ma belle-sœur, n’arrêta pas de hocher la tête aussi. Il m’avait l’air de comprendre ce qui se disait. Celui-là, c’est son père, mon grand frère. Je l’appelle souvent « yaya » en guise de respect. Chez nous, yaya signifie grand frère ou grande sœur. Il précède toujours le prénom d’un aîné. Son père était un médecin célébrissime à la retraite. Célébrissime oui, mais à l’échelon national seulement. Tout le monde dans le quartier l’appelait « doc », même les plus petits l’appelaient « tonton doc ». Il était très courtois en tant que voisin, mais en tant que père, il était sévère, autoritaire, comme tous les pères africains traditionnels ; pas ces nouveaux pères africains modernes matrixés par la société occidentale.
Mâ Ngoudi ne détourna pas une seule fois son regard de son fils. Elle se laissait enchanter, transporter et parfois bercer par cette belle mélodie juridique venant de son fils. Elle n’arrêta pas de somnoler pendant tout l’exposé. Cela s’explique : elle est l’archétype même de la maman africaine traditionnelle ; pas très instruite, une vraie mère poule, une femme au foyer.
La chaleur étouffait certains dans la salle, car la climatisation était en panne. On aurait cru qu’elle les étranglait, à tel point qu’ils suaient à grosses gouttes. Les odeurs de ces corps qui transpiraient se mêlaient, tels des porcs dans une fange. Les pochettes leur servaient désormais d’éventails. Le soleil, à cette période-là de l’année, atteint souvent son zénith sur la ville verte, Brazzaville, ex-Mfoa, ancienne capitale de la France libre. Mon vieil ami, le vieil André s’en irritait quand il m’entendait proférer de telles sottises. Il me toisait et me répondait – ancienne capitale de la France pilleuse, oui.
Elle est loin d’être pieuse, pensais-je, perdu dans mes pensées. Or, le vieil André ne faisait pas allusion à la piété. Je confondais, à chaque fois, ces deux sons, bien que leurs sens soient antinomiques. La piété reste une vertu inattingible pour une pilleuse.
Après environ vingt minutes, il termina son exposé et le public l’acclama. La présidente du jury prit la parole et, après plusieurs phrases, ouvrit la séance des remarques et questions. Par son accent, je déduisis qu’elle venait de l’Afrique de l’Ouest. Je déduisis aussi que ce n’était donc pas notre ministre du gouvernement. Au-delà de son petit accent, elle parlait avec un tel calme, une telle sérénité, une telle éloquence que sa voix domptait, dominait toute la salle. Je refusai de croire que c’était le fruit de quelques efforts ou d’un travail acharné. Ça se sentait que c’était un don. Je compris enfin d’où ce jeune homme, mon neveu qui est pourtant plus vieux que moi, tenait ses aptitudes d’orateur. Ça me saoulait de l’entendre s’exprimer ainsi quotidiennement. On croirait ce vieil Arthur Schopenhauer.
Chez nous, à Ndjindji, bizarrement, le neveu peut être plus vieux que son oncle. C’est une réalité qui est omniprésente ; nul besoin d’explications.
Les quatre hommes de robe et la présidente du jury posèrent tour à tour deux ou trois questions auxquelles répondit avec brio le jeune homme. La présidente du jury, professeure agrégée du CAMES, titulaire de la chaire de Droit public dans la plus grande Faculté de Droit de Dakar, ne manqua pas de poser des questions pièges. Questions auxquelles le jeune homme répondit du mieux de ses connaissances, mais à tâtons. Par ses balbutiements, je m’aperçus qu’il avait été surpris par ces questions ; moi non. Cette femme, par son attitude, m’inspirait le sérieux et la rigueur. J’étais même tenté de croire qu’elle ne doit jamais rire avec ses étudiants, ou leur raconter quelques anecdotes, quelques petites blagues, question de détendre l’atmosphère et leur permettre de mieux digérer les notions juridiques abordées. Combien ennuyeux doit être son cours magistral, pensais-je !
J’entendis des termes comme jurisprudence, litispendance, arrêt, Conseil d’État, Cour suprême…, autant de termes qui m’étaient totalement étrangers, mais qu’eux manipulaient comme si c’était leur alphabet. La séance des questions prit fin, et le jury alla dans une autre salle pour le délibéré. Ils rejoignirent ensuite la salle quelques minutes après, et prononcèrent le délibéré sans faire durer le suspense. Ce fut une mention très honorable pour le jeune homme.