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Veröffentlichungsjahr: 2020
M.C.A. Roudier
Les lois de la famille
Roman
© Lys Bleu Éditions – M.C.A Roudier
ISBN : 979-10-377-1049-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Nous voici tous réunis aujourd’hui,
Dans ces lieux, en famille.
Toutes les familles ont leurs secrets,
Plus ou moins fort, plus ou moins frais.
Certaines les admettent,
D’autres les rejettent.
Vous voici dans le second camp…
Eh bien, je suis ici pour tout dévoiler !
Et croyez-moi bien qu’il était temps.
Tout ce qui était caché sera maintenant révélé.
En effet, avant ce soir, la lumière de la vérité sera là,
Et même si elle vous brûle les yeux,
Ce n’est pas mon problème ; elle nous sauvera.
Puisque je sais tout, je n’attends pas d’aveux.
Puisqu’il faut qu’une justice règne,
Permettez-moi que notre honneur déteigne.
Les voici, les lois de la famille,
Celles qui nous amènent à l’oubli,
Celles qui font souffrir, défaillir,
Mais qui nous interdit de mourir.
1– Nous sommes unis
2– Il faut cacher ce qui détruit
3– Si un membre tombe, le reste suit
4– Le silence nous épargne de la souffrance
5– Rien est pire que la mort, rien n’est mieux que la vie
6– Gardons pour nous ce qu’on pense
7– L’inceste est interdit
8– Ôter la vie aussi
9– Suit le troupeau
10– Ne pense jamais à ton égo
11– Tu vis pour Dieu
12– Donc, suis nos ordres et n’ouvre jamais les yeux.
Cela faisait plus de trois ans que je n’avais plus entendu parler d’elle… Trois ans… Et pourtant elle était là… D’ailleurs, je n’ai jamais su pourquoi elle était partie… Personne n’a voulu me le dire… Il s’était passé quelque chose ce jour-là, le jour de ses 18 ans. Sinon pourquoi aurait-elle disparu de nos vies comme ça, du jour au lendemain ? Et puis chaque fois que je parle d’elle aux autres, ils restent silencieux… C’est presque pire que la réaction de ma mère Victoria qui se mettait à pleurer comme si elle voulait vider toute l’eau de son corps…
Et maintenant, je ne pourrais même plus la voir pleurer ni l’entendre parler en reniflant avec Fabien, le soir, quand il se faisait tard, quand j’étais censé dormir tôt parce que j’allais au collège le lendemain et que je devais rester éveillée pendant les cours.
Parfois, quand j’écoutai bien, j’arrivai à saisir quelques mots, juste assez pour comprendre qu’ils discutaient d’Emma. « Elle croyait bien faire », murmurait ma mère en sanglotant. Ces mots étaient vides de sens pour moi, qu’est-ce que ma sœur avait bien pu faire avant de disparaître ?
Ce qui était sûr pour moi, c’est qu’il s’était passé quelque chose à l’anniversaire d’Emma, quelque chose qui s’était passé pendant que je jouais dehors avec ma cousine, Lilas, et mon petit frère, Benjamin. Je m’en souviens comme si c’était hier. Pour fêter sa majorité, elle avait invité toute la famille, sauf notre père, parce qu’elle n’a jamais été en bon terme avec lui… du moins, c’est ce que ma mère m’avait dit… et je n’ai jamais su pourquoi non plus… Enfin, elle avait invité pratiquement toute la famille, pour la dernière fois… Elle avait insisté, il fallait que « tout » le monde soit présent… Là non plus, encore, je ne sais pas pourquoi… C’était aussi le dernier jour où je l’avais vue, avant aujourd’hui…
Après des dizaines de mois d’absences, elle était revenue. Et oui, c’était bien elle, aux funérailles de notre mère. Des membres de la famille la dévisageaient comme si c’était elle qui l’avait tuée. Moi, je savais que c’était faux, mais je lui en voulais d’avoir fait pleurer maman et de nous avoir quittés… de m’avoir laissée, d’être partie… Pourquoi ? Pourquoi avait-elle disparu si précipitamment… sans rien me dire… même pas une lettre ni un coup de fil, rien ! Trois années de long silence que mon cœur traduisait comme de l’indifférence et du mépris.
J’avançais vers elle, en ravalant ma surprise et ma colère. Elle sourit en me voyant.
Franchement pour sourire à un enterrement, surtout à celui de sa mère, il fallait être complètement insouciante, à moins que ça ne soit de la provocation. D’ailleurs, sa tenue de deuil n’était pas vraiment sombre, pour ne pas dire pas du tout ; elle portait un short bleu turquoise avec un débardeur blanc décolleté. Ses cheveux, blonds autrefois, avaient été teints en noir. Je trouvais cela de très mauvais goût et je me demandais ce que devait en penser ma famille.
En m’approchant d’Emma, je remarquai une jeune femme qui l’accompagnait. Elle était brune avec des cheveux coupés très court et des yeux d’un vert brillant. Un premier détail me choqua, et je voyais bien que cela embêtait quelques membres de la famille ; elles se tenaient la main. Cela me fit comprendre la situation, à 17 ans, j’avais déjà eu quelques expériences amoureuses pour savoir ce que signifiait ce comportement. Tout ceci n’était pas sérieux et complètement irréfléchi ! Emma allait s’attirer de gros ennuis, non seulement par ma famille, mais aussi par la police qui recherchait toujours le meurtrier de ma mère. Et avec cet accoutrement et son attitude, elle avait l’étoffe du parfait petit coupable qui essayait de narguer les enquêteurs. Mais bon sang, c’était insensé ! Pourquoi était-elle revenue ?
Lorsque je fus arrivée à sa hauteur, elle me présenta sa copine sur un ton jovial complètement déplacé et qui m’agaçait fortement :
« Salut Alyssa ! Ça fait longtemps ! Je te présente Philippine…
— Mais tu peux m’appeler Phil, si tu veux, la coupa cette dernière en me faisant un signe de la main pour me saluer. Enchantée, je suis navrée pour ta mère.
— Alors qu’est-ce que tu dis de beau ? » enchaîna ma sœur avec le même sourire irritant.
Je n’en croyais pas mes oreilles, des années qu’elle avait disparu de mon existence, des mois de vide sans elle, des mois de réflexion, d’inquiétude sur son départ précipité et la chose qu’elle me sort après ça, c’est « qu’est-ce que tu dis de beau ? » … sans compter ce comportement euphorique dont n’importe qui se serait passé lors d’un enterrement. Mais qu’est-ce qu’elle voulait en venant ici avec son indécente marginalité ?
« Oh, attends, je crois voir Joris, là-bas, avec ses parents. Je vais aller les saluer, en plus je dois discuter avec eux de… Enfin bref (elle se tourne vers sa copine) Phil, je te laisse avec ma sœur prend bien soin d’elle… à toute à l’heure. », me lança-t-elle avant de courir vers notre cousin.
Ça devait être Joris qui l’avait prévenue pour la mort de maman, pensais-je. Ils avaient toujours été très proches tous les deux, bien qu’ils ne soient que cousins. Emma avait un jour dit qu’elle le considérait comme son grand frère et cela devait être réciproque puisqu’il était très protecteur et attentionné avec elle.
Lui et ses parents, Joëlle et Patrice, avaient été les seuls à prendre farouchement la défense d’Emma lors de son départ précipité. De toute façon, cela faisait longtemps qu’ils évitaient de côtoyer les membres de la famille, personne ne savait exactement pourquoi. Il semblerait qu’il y ait une certaine rancœur entre eux et Marie-Louise, ma grand-mère.
Avant la fête de ses 18 ans, ma sœur s’entendait bien avec nos deux familles, aussi bien avec celle de notre père, les Rasière, qu’avec les Lecrist. D’ailleurs, elle a toujours réussi à être aimée de tout le monde, sans s’en rendre compte. Mais aujourd’hui, la situation semblait tendue, d’ailleurs elle l’était, ma famille maternelle semblait lui en vouloir, enfin du moins certains membres… À commencer par ma grand-mère et ma tante Mylène. Cette dernière était la mère de ma cousine, Lilas. Avant l’arrivée de Benjamin, nous étions toutes les deux les plus jeunes de la famille.
Je remarquais aussitôt l’absence de Basil, ce qui n’était pas vraiment surprenant puisque Mylène et lui avaient divorcé juste après le départ d’Emma. À la suite de cela, Lilas était fâchée contre ma sœur, elle l’accusait d’avoir provoqué cette rupture, et le pire c’est que cela n’était probablement pas faux… Mais comment ?
« Tu sais, ta sœur t’aime beaucoup… commença par me dire Philippine, elle semblait hésitante, comme si elle voulait me dire quelque chose d’important mais qu’elle ne savait pas comment le dire. Elle me parle beaucoup de toi…
— Mais bien sûr ! Comment croire ça après tout ce temps sans aucune nouvelle ?! demandai-je un peu agressive.
— Et bien tout d’abord, elle savait qu’elle reviendrait, mais elle ne savait pas quand… Son départ a été plus précipité que ce qu’elle ne croyait…
— Ça veut dire qu’elle avait déjà tout prévu ??! Elle savait qu’elle allait partir et elle ne m’en a même pas parlé !
— C’est plus compliqué que ça… tu devrais en parler avec elle après l’enterrement, enfin si on ne s’est pas fait jeter avant. »
En disant cela, elle avait lancé un regard du côté d’Emma qui était en train de gesticuler comme une hystérique au milieu de la foule.
Je me mis ensuite à penser à plus tard, après les funérailles de maman… Qu’est-ce que j’allais devenir ? J’avais emménagé provisoirement chez mamie Marie-Louise, mais et après ? La loi m’obligeait à aller vivre chez mon père, Francis Rasière, ce qui ne m’enchantait absolument pas. Je ne le haïssais pas, c’est juste que je ne voulais pas habiter avec lui. Il était déjà incapable de s’occuper de moi une fois par mois, alors emménager chez lui serait un véritable supplice. En plus, il était alcoolique et il s’était disputé avec pratiquement tout son entourage… Et pourtant la loi exigeait qu’il en soit ainsi… J’aurais préféré habiter avec Fabien, mon beau-père, et Benjamin, mon adorable demi-frère.
* * *
Lorsqu’on eut fini d’ensevelir le corps de maman, Emma s’approcha de moi. Bien qu’il n’y ait aucun signe de larmes apparentes dans ses yeux, je crus y lire de la tristesse, ou peut-être était-ce une grande fatigue ? En tout cas, elle avait perdu l’attitude joyeuse de tout à l’heure…
« Je… Phil est partie, pendant la messe, les enterrements, ce n’est pas son truc…
— Je crois que ce n’est le truc de personne, la coupai-je.
— Oui, c’est… c’est vrai, fit-elle en rougissant. Dès que j’ai appris que maman était… enfin, je veux dire que si tu voulais, enfin… tu pourrais, si tu en as envie bien sûr, euh… venir habiter chez moi, enfin plutôt chez Phil, Steph et moi… On loue un appart et donc si…
— Te fatigue pas j’ai compris, dis-je en souriant. C’est vrai que je n’ai pas trop envie de vivre avec papa…
— Et je te comprends parfaitement, rajouta-t-elle d’une voix amère qui me fit rire, puis elle continua en prenant un ton triste. Mais par contre, n’étant pas ta tutrice légale je vais devoir avoir l’autorisation de l’autre… »
Par « l’autre » elle désignait notre père, elle, elle le haïssait, sans doute avait-elle ses raisons.
En tout cas, sa proposition m’avait fait très plaisir, alors que j’étais pourtant sûr de lui en vouloir pour une éternité pendant ces longs mois où son absence m’avait marquée. Sa démarche me touchait car elle prouvait qu’elle faisait tout de même attention à moi. Bien sûr que j’allais accepter mais comment allait-elle lui parler alors qu’elle en était malade rien que de prononcer son nom ?
« Et pour papa ? Tu vas faire comment ?
— Je crois qu’il y a un moment dans la vie où on doit faire face à tout… même si c’est la chose que l’on craint le plus. Et puis je ne vais pas le laisser t’emmener… sauf si c’est ton choix.
— Oh non alors ! Je préfère cent fois vivre avec toi ! »
Cette remarque la fit rougir, cela montrait qu’elle était touchée par mes paroles… Je fus surprise par cette réaction. Et puis, je pensai à sa copine :
« Mais euh… Philippine, elle est d’accord au moins pour que je m’installe chez vous ? Je ne voudrais pas vous déranger…
— Nous déranger ?? Pourquoi tu voudrais nous… Ah oui ! Mais te fais pas d’illusion, entre Phil et moi c’est strictement amical !
— Mais alors, pourquoi est-ce que vous… attends, ne me dis pas que c’était du cinéma pour…
— Embêter la Marie-Louise ? finit-elle. Si tu crois sincèrement que je suis capable de faire ça, c’est que… tu commences à très bien me connaître, « petite sœur ! »
Et nous nous mîmes à rire sans trop savoir pourquoi… sans doute étions-nous contentes de retrouver notre complicité d’autrefois. Cette complicité que nous avions il y a plus de 7 ans… Avant qu’elle ne fût en période sombre…
Bien sûr, durant cette époque, on s’entendait bien mais… quelque chose avait été cassé… Emma s’éloignait de moi et elle était devenue très lunatique…
« Et pour Phil et Steph, je leur en ai parlé, et il n’y a aucun problème…
— C’est qui Steph ?
— Stéphane, c’est le frère de Phil… Il est très sympa, tu verras.
— Le frère ? Il est mignon ?
— Euh… fit-elle en souriant. Oui, c’est un beau garçon, aussi beau que son amoureux… »
Elle coupa sa phrase et je lus la terreur dans ses yeux, je remarquai aussi qu’elle commençait à pâlir. En reconnaissant la personne qu’elle dévisageait, je compris immédiatement. Notre père était là, et il s’avançait vers nous en souriant. Ma sœur grimaça et essaya de se contrôler mais je savais qu’elle n’avait qu’une envie… s’enfuir, courir le plus loin possible et se cacher n’importe où, même dans une tombe…
Je me souviens de ses réactions à chaque fois que papa venait me voir, elle en faisait des crises incroyables et elle ne supportait même pas de se trouver au même étage que lui, alors elle montait au grenier et dès que je la revoyais après, elle avait les yeux rouges. Seulement, j’imaginais mal ma sœur pleurer, elle ne pleure jamais en public et très rarement devant moi.
« Salut, mes filles, comment allez-vous ? »
Il s’avança vers nous pour nous faire la bise. Sur son visage, je ne lisais plus la peur, mais le mépris et la haine. Emma le repoussa violemment et fit un pas en arrière. Là, ce fût moi qui fus tétanisée, pétrifiée. La façon dont elle le regardait me donna la chair de poule, elle le tuait du regard. Elle allait lui casser la gueule, c’était pratiquement sûr ! Oh, mon Dieu, faites qu’elle se calme et qu’elle se contrôle…
« Comment vas-tu, Emma ? Ça fait longtemps qu’on ne sait pas vu.
— Cet instant fut trop court, hélas.
— Tu m’as manquée. »
Il tente de l’enlacer mais elle esquiva une fois de plus.
« Eh bien, sache que ce n’est pas réciproque. Je suis ici pour demander la garde d’Alyssa.
— Pourquoi es-tu si froide ?
— Parce que je te déteste et que je ne veux qu’une chose… ta mort !
— Et pourquoi me détestes-tu ?
— Je ne savais pas que l’alcool faisait perdre la mémoire.
— Très bien, puisque c’est ainsi que tu me traites, moi, ton père. Je ne te laisserais plus jamais revoir ta sœur.
— Laisse-la en dehors de ça ! Elle n’y est pour rien ! Elle est innocente ! hurla-t-elle en se plaçant devant moi comme pour me protéger.
— Alyssa, viens ! On s’en va ! » m’ordonna mon père.
Que faire d’autre ? J’obéis docilement en baissant la tête, j’étais déçue, j’aurais tellement aimé vivre avec ma sœur…
En passant à côté de mon père, pour rejoindre sa voiture, je sentis l’odeur nauséabonde de l’alcool. Il était bourré, évidemment… Pourquoi aurait-il changé ? Ma vie va devenir un enfer si je reste avec lui… Mais, ai-je le choix ?
Je mis mes lunettes pour dissimuler mes larmes… Je ne voulais pas habiter avec lui ! Tout à coup, j’en voulus à ma sœur de m’avoir fait espérer qu’un avenir meilleur pouvait se faire.
Je montais dans la voiture, toujours sans un mot, accabler par mon sort. Tout est si cruel parfois…
Je jetai un coup d’œil vers ma sœur, mais elle avait disparu… Une fois de plus, elle m’avait abandonnée. Je repoussai une mèche brune de ma figure, puis j’enlevai mes lunettes et me penchai vers le rétroviseur, mes yeux étaient devenus si rouge que j’en eus peur, je m’empressai de les cacher avant que papa ne voie que j’ai pleuré.
Il me rejoignit dans la voiture après avoir fumé sa cigarette et démarra. Après avoir roulé 5 minutes, il se tourna vers moi :
« Qu’est-ce qu’il y a ? Tu ne parles pas.
— C’est que j’aurais aimé aller avec Emma… »
Je vis son expression changer, apparemment je l’avais mis en colère en disant cela. Il appuya sur l’accélérateur, sans faire attention à la limitation de vitesse qui était élevée à 70 km/h. Affolée, j’observais le conteur monter 70, 75, 80…
« Et pourquoi ? Tu n’es pas bien avec moi ?! »
J’aurais voulu dire oui, mais je me tus… 85, 90… Je tremblais, mais rassemblant tout mon courage, je lui demandai de ralentir.
« Pourquoi ? Tu n’as pas confiance en moi ? »
Là n’était pas la question, il avait dépassé la vitesse autorisée et en plus il était ivre. Il mettait nos vies en danger, et il espérait que je lui fasse confiance ? À ce moment-là, je voulais être ailleurs, je voulais la sécurité.
J’avais tellement peur que je préférai fermer les yeux. Nous allions mourir, c’était certains… 95, 100… L’idée d’ouvrir la porte et de sauter de la voiture en marche me vint à l’esprit. Mais j’étais trop paralysée pour faire le moindre mouvement. Je restai donc là, les yeux fermés… 110, 120… Je sentais la voiture tanguer et les pneus déraper à chaque virage.
Mais il est malade ! Jamais il ne s’arrêtera, pensai-je. Je me recroquevillai sur mon siège, j’ouvris une dernière fois les yeux… 150 km/h !
Je vis ma vie défiler, je repensais une dernière fois à Lilas, à Benjamin, à Emma… puis à maman que j’allais bientôt rejoindre… Des larmes commençaient à couler… Je ne voulais pas mourir. Quitte à vivre avec cet homme ivre qui conduisait, et qui me servait de père, mais surtout pas ça, pas mourir…
Je sentis un choc, quelque chose venait de percuter la voiture, puis je fus bousculée dans tous les sens. Je n’ouvris pas les yeux, j’avais peur et j’avais mal partout, je m’étais cognée à plusieurs endroits pendant ces sortes de turbulences.
Puis ce fut le noir complet…
Que se passe-t-il après ? Dès qu’on est mort, que devient notre âme ? Notre esprit ? Y a-t-il un autre monde où tous les êtres morts se retrouvent ? Est-ce que le paradis existe ? Et l’enfer, ça existe ? Peut-être qu’en fait après, on se réincarne en quelque d’autre, ou peut-être en un animal…
Mais, je ne veux pas mourir !
Une violente pulsion s’empara de moi, et je me surpris à frapper le mur… je culpabilisais pour ma sœur qui se trouvait allongée sur un lit d’hôpital, par ma faute. J’aurais dû me taire, mais face à lui je ne pouvais pas, j’avais eu peur, incroyablement peur. Et maintenant ? Que vas-tu faire ? L’assassiner pendant son sommeil pour avoir la garde de ta sœur ? Emma, ce sont bien là de sordides pensées…
Je quittais la fenêtre de l’hôpital, par lequel je voyais le lac, pour retourner près du lit d’Alyssa. Heureusement que ces blessures étaient superficielles étant donné le choc de l’accident…
Je faisais des va-et-vient entre la fenêtre et le lit, en étant envahi par l’inquiétude et la culpabilité.
Difficile à croire, pourtant je ne regrettais rien de ce qui s’était passé il y a trois ans, à ma fête d’anniversaire. Bien sûr, je n’étais pas fière des conséquences que cela avait engendrées, seulement je n’avais pas eu le choix… Me taire, comme tout le monde ? Jamais !
Parce qu’il y a des choses inadmissibles qu’on nous avait cachées depuis trop longtemps. Je savais qu’ils le prendraient mal mais il fallait le faire, pour plus tard…
Seulement, plus tard c’est aujourd’hui, et aujourd’hui rien a changé.
Je m’approchai de ma sœur, toujours inconsciente, lorsqu’une porte s’ouvrit à la volée et me fit sursauter, m’arrachant à mes pensées. Je découvris Lilas qui entra essoufflée dans la chambre. Son regard se posa sur moi, en passant de l’inquiétude à la colère. Évidemment, elle m’en voulait, c’était une conséquence qui avait été inévitable ; le divorce de ses parents. Mais si elle connaissait la vérité, peut-être comprendrait-elle ?
« Qu’est-ce que tu fais là ?
— Je suis venue voire ma sœur.
— Tu n’as rien à faire ici ! Elle s’est très bien débrouillée sans toi pendant toutes ces années où tu l’as abandonnée… Tu n’es pas mieux que ton père.
— Je sais… »
Comment lui en vouloir ? Ces paroles me blessaient, évidemment… Mais un jour, elle comprendra… Abasourdie par ma réaction, qui restait passive, elle sortit de la pièce…
En effet, je ne suis pas mieux que lui… Je me réjouissais de cet accident qui allait pouvoir me donner la garde d’Alyssa, du moins je l’espérais…
J’entendis des bruits de pas et quelques secondes après, Joris était dans la pièce.
« Comment vas-tu ? me demandait-il en m’enlaçant.
— Ce n’est pas vraiment à moi qu’il faut demander ça…
— Ne te sens pas coupable de ce qui est arrivé, s’il te plaît…
— Tu sais très bien que c’est de ma faute…
— Arrête avec ça, comment aurais-tu pu prévoir ce qui allait arriver ? C’est un accident, un malheureux accident mais juste un accident, c’est tout. »
Une larme coula sur ma joue et je lui sautai au cou… Heureusement qu’il était là ! Par le passé, il avait toujours été là quand je n’allais pas bien et aujourd’hui ça n’avait pas changé…
« Ne pleure pas… Je suis là…
— Je sais mais… mais seulement je… j’ai peur pour elle (je montrai Alyssa de la tête) et si les meurtriers de maman s’en prennent à elle…
— Personne ne sait si Victoria a été tuée ou non par l’auteur des lettres donc même si l’hypothèse du tueur en série n’est pas écartée, il peut s’agir d’un acte isolé, peut-être qu’elle s’est trouvée là-bas au mauvais endroit et au mauvais moment. »
Comment pouvait-il en être si sûr ? La signature des lettres anonymes que ma famille avait reçues, il y a à peu près quatre ans, avait été gravée sur le dos de ma mère. D’après le médecin légiste, ceci aurait été fait au cutter une heure avant le décès, qui avait été provoqué par de gros coups portés au crâne avec un objet contondant. Évidemment, la façon dont j’avais obtenu ces informations n’était pas légale mais je devais savoir donc…
« Par contre, il faut que tu saches que Mylène et grand-mère sont ici…
— Je crois que je devrais rentrer… Je n’ai pas envie de me prendre la tête aujourd’hui… »
En sortant de l’hôpital, je rencontrai Andy, le grand frère de Lilas, qui me salua. Il semblait aller beaucoup mieux que la dernière fois que je l’avais vu. J’étais contente qu’il lui reste un peu de sympathie pour moi, avec ce qu’il m’avait entendue dire sur son père.