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Claude et Marie-Claude se sont connus en fac à Grenoble. Plus tard, professeurs de lettres, ils se retrouvent dans un établissement en Haute-Savoie. Leur passé aidant, ils entretiennent une brève relation amoureuse qui se transforme en une amitié d’autant plus forte que leurs vies vont être bouleversées par un drame…
À PROPOS DE L'AUTEURE
Ancienne enseignante de lettres,
Michèle Dusonchet est également l’auteure d’un ouvrage intitulé
Le Manteau d’Arlequin. Dans
Les riches heures de nos vies, elle lie, entre autres, deux passions : la montagne et l’écriture.
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Seitenzahl: 87
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Michèle Dusonchet
Les riches heures de nos vies
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Michèle Dusonchet
ISBN : 979-10-377-7127-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
… car le bonheur est notre destin véritable.
Jacques Brel*
01/11/2011
Hello Claude,
Quelle belle journée ! Merci. Quand tu m’as proposé, la veille, de faire la Vallée Blanche, j’ai accepté avec plaisir, j’étais toute contente de renouer avec nos randonnées en montagne, interrompues à la suite du décès de mon beau-frère et à la rechute de la maladie de ma sœur ; il m’a fallu aussi m’occuper de ma nièce et de ma mère qui est décédée deux ans plus tard. Mais tu sais tout cela et tu sais combien j’étais attachée à ma mère ! Avec le temps, la situation s’est bien améliorée : ma sœur a retrouvé toute sa stabilité. Je n’ai pas pensé alors au terrible drame que nous avions vécu (dix ans, déjà !) sur les mêmes lieux, car pour moi « faire la Vallée blanche » cela représentait seulement la descente du glacier et non l’une des nombreuses variantes possibles. Lorsque j’ai compris que nous retournions… le passé a resurgi dans toute sa violence ! Ta détermination, ton désir manifeste de vouloir que je t’accompagne ont fait que je t’ai suivi, d’abord très angoissée, puis, j’ai ressenti toute la douceur d’un état de grâce, la magie opérait avec la beauté de ce cadre, avec « la lumière des cimes », dans un ciel absolument bleu : Julie était là et j’osais penser à elle, je dirais même dans la joie. Chez toi, hier soir, nous avons regardé des photos où nous étions tous les trois avec les copains de l’époque et nous avons pu parler de Julie.
Nous avons aussi évoqué mon projet de tenter à nouveau l’expérience de l’écriture, rapidement, car il se faisait tard et qu’il me fallait rentrer. Je n’avais pas trouvé l’occasion de t’en parler, ce n’est pas un sujet que j’aborde facilement. La plupart de ces nouvelles ont été écrites dans le cadre d’un exercice de composition de textes courts sur un thème donné, organisé par une association La Société des Écrivains du Grésivaudan à laquelle j’adhère depuis la parution de mon premier livre. Certains écrivent des poèmes, des chansons… Quant à moi, ce sont des nouvelles, c’est le genre dans lequel je me sens le plus à l’aise. Ces textes sont lus à voix haute dans une rencontre annuelle qui réunit les passionnés des mots. Au début, je ne pensais pas en faire la matière d’un livre. Je considérais seulement que mes productions justifiaient ma présence dans cette association, car j’aimais les retrouver, tous les ans, ces amoureux de la littérature, en outre, tu sais aussi combien j’aime l’exercice de la lecture à voix haute, que je pratique souvent avec mes élèves. Et puis, cinq ans après avoir écrit Le Manteau d’Arlequin, j’ai commencé à être titillée par ce challenge avec moi-même : être publiée, avoir des lecteurs… Les nouvelles déjà écrites m’ouvraient la voie… j’en ai écrit d’autres selon mon inspiration et dans l’esprit des précédentes.
Hier, c’est toi qui m’as proposé d’être mon premier lecteur, un lecteur, je n’en doute pas, qui sera un excellent expert et qui aura de l’empathie. Tu m’as souvent reproché de manquer de confiance en moi ! Bref, je ne serai pas seule ! Mes textes ne sont pas autobiographiques. Fait exception ce premier texte que je t’envoie qui reprend fidèlement ce que nous avons vécu, il y a dix ans. Hier, nous avons évoqué avec sérénité ce drame qui nous a été si difficile à vivre, pendant et après ; nous avons partagé un temps de résilience, et il ne m’a pas été difficile de le faire revivre de retour à Grenoble.
Mais d’abord, je pense qu’il faut que je fasse le point sur l’avancement de la tâche qui m’attend et à laquelle tu veux bien participer.
Je dois donner à l’ensemble des nouvelles un ordre pertinent, étant donné qu’elles ont été écrites, au fur et à mesure des thèmes choisis par l’Association, et pour certaines d’entre elles selon l’inspiration du moment. La chose ne devrait pas être difficile, je vois comment commencer et terminer et la progression m’apparaît, aussi nettement, car ces textes ont tous un dénominateur commun : la joie ! Je crains que ce terme ne soit pas adapté. La joie ! Laissons ce terme à Gide dans Les nourritures terrestres, la joie jaillissante du « miracle étourdissant de la vie », ou à Spinoza (je sais, le rapprochement est hardi ! Mais juste…) Je ne vais pas développer, car la joie a pour moi une signification bien plus mesurée. À la place de « joie », je préfèrerais dire « les plaisirs simples de la vie. » Tiens, tiens, est-ce que cela ne te rappelle pas Mrs Dalloway ? Soliloquant en traversant Londres et voyant des mégères informes sur le pas de leur porte et d’autres traîne-misère, elle dit : « ils aiment la vie comme moi. »
Ensuite, la composition d’ensemble étant décidée, je vais reprendre chacune de mes nouvelles, les relire, les corriger, te les soumettre au fur et à mesure, et les recorriger, éventuellement, en suivant tes conseils. La communication sera simple par mails (on a d’ailleurs l’habitude). Plus tel. Si besoin et pour le plaisir.
Il me reste à écrire un texte reliant entre elles les différentes histoires (comme dans Le Décaméron de Boccace). Boccace n’est pas le seul, beaucoup de nouvellistes du passé ou d’aujourd’hui ont eu ce besoin de créer un lien. C’est vrai que mes nouvelles ont un thème commun, mais mon pari serait d’en faire quelque chose de substantiel, une histoire en soi. Pour l’instant, c’est juste une idée en l’air !
Voici donc le texte de la première nouvelle.
J’espère que tu ne seras pas gêné de voir notre histoire offerte au grand jour ! Si oui, pas de problème, je peux modifier mon projet.
À bientôt, mon cher lecteur.
Marie-Claude
À la mesure du temps
Clarissa flânait, rue après rue, se dirigeant vers le centre de Chamonix où elle avait rendez-vous avec Peter. Elle était heureuse de le revoir, et aussi de retrouver ces lieux qu’elle avait fréquentés, jeune professeur. Quelques alpinistes filaient vers des exploits à leur mesure et les touristes, qui n’étaient pas envahissants, animaient la ville. Elle leur laissait volontiers la place autour des tourniquets des échoppes-bazars, elle recherchait vaguement la boutique où elle s’était acheté une jupe Cacharel, une mémorable folie. Dans une petite rue, à l’écart, elle retrouva une librairie qu’elle avait bien fréquentée autrefois ; sa vitrine était composée avec des livres de Samivel et divers objets de déco s’en inspirant. Voilà qui allait faire plaisir à sa sœur ! Une gravure avec son pic enneigé et ses petits personnages en quête d’azur. Et pour Lucie, sa nièce, cette boule avec la neige que l’on agite dont elle faisait collection.
Elle arriva sur la place où elle devait retrouver Peter. Les touristes, plus nombreux, se pressaient autour du monument bien connu qui se dresse en l’honneur de l’illustre savant Horace Benedict de Saussure représenté avec Jacques Balmat, son guide. Comme elle était en avance, elle s’assit à la terrasse d’un café et s’amusa à observer le spectacle des photographes amateurs qui éternisaient le duo de bronze. Beaucoup d’étrangers, tels (pensa-t-elle) cet émir et sa famille. Clarissa, qui n’aimait pas les stéréotypes, s’en voulut d’attribuer si rapidement ce titre, mais ils étaient si différents des familles arabes qu’elle côtoyait dans son quartier populaire grenoblois ! L’homme et les deux enfants étaient vêtus de vêtements sportwear de marques tandis que la mère était voilée, apparence qui commençait à s’imposer en cette année 2011, très élégante par ailleurs ; aussi les avait-elle remarqués, bien qu’ils soient comme tous les autres touristes armés de leurs appareils, tournant en rond, cherchant à faire la bonne photo de la statue, sans regarder dans la direction du Mont-Blanc comme l’enjoignait Balmat de son bras tendu. Il est vrai que le Mont-Blanc n’a rien de remarquable vu du centre-ville de Chamonix, du fait qu’il est escamoté par les autres sommets plus proches. Elle pensa alors à une belle photographie de Tairaz que Peter lui avait offerte : le Mont-Blanc en majesté.
Perdue dans ses réflexions, elle ne vit pas l’intéressé s’approcher, Peter, grande silhouette qui se penchait soudainement vers elle pour l’embrasser… Il avait changé (elle ne l’avait pas revu depuis deux ans), les traits marqués, les tempes blanches, mais toujours aussi séduisant qu’avant, avec ses yeux bleus moqueurs et un sourire esquissé qui vous donnaient l’impression qu’il vous regardait en biais ironiquement. Clarissa en avait été souvent agacée au cours de leur brève relation amoureuse.
Il ne voulait pas s’asseoir, il fallait qu’ils rejoignent la gare de l’Aiguille du Midi. Ils prenaient sa voiture. Il n’avait pas changé ; comme toujours très pressé, très sourcilleux du respect de l’horaire et toujours ses manières autoritaires.
Dans le parcours de l’arête qui descend de la gare d’arrivée, il l’observait : elle avait vieilli comme tout le monde, mais à quarante-deux ans elle avait toujours le même charme, elle avait su entretenir sa forme, bien qu’elle ne soit pas une grande sportive et qu’elle passe trop de temps dans ses livres. Il se vantait autrefois d’avoir obtenu sa licence de lettres en se contentant d’étudier ses cours sans se reporter aux livres : ce qui n’était pas vrai, bien sûr, il s’amusait de sa naïve indignation.
Clarissa s’était jusque-là interdit de faire remonter le passé dans son esprit, ce que lui proposa Peter la laissa sans voix :
— On va au refuge de Torino.