Les sirènes de confinement - Philippe Nicolas - E-Book

Les sirènes de confinement E-Book

Philippe Nicolas

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Beschreibung

Dans un futur proche, les êtres humains ont été réduits au statut de « masse ». En ce monde désormais écologiste, obnubilé par l’idée de sauver la planète au prix de l’humain, le chiffre est omniscient et omnipotent. Or, une civilisation fondée sur le nombre diffère dans son approche humaine de celle fondée sur la lettre. Un changement majeur s’est donc produit.
À Bruxelles, où se déroule cette histoire, la population est contrôlée en permanence, régulièrement confinée et masquée. Le masque, en apparence si ordinaire, n’est pourtant rien d’autre qu’un renoncement à l’humanité dont le visage est l’image même. La population se comporte de façon homogène et tout à fait prévisible. Les sirènes de confinement pérennisent cette habitude. C’est là, leur raison d’être… 
Mais certains récalcitrants s’opposent à l’Ordre vert dictatorial de celui que l’on surnomme ironiquement, Sa Vertitude…

À PROPOS DE L'AUTEUR

De nationalité belge et ancien officier commando-parachutiste, expert en sécurité des biens et des personnes en activité en République Démocratique du Congo, Philippe Nicolas pose un œil critique et désillusionné sur le monde contemporain et avec lequel il ne se sent plus du tout en phase. Avec Les sirènes de confinement, il nous livre une vision pessimiste sur l’avenir de notre société au sein de laquelle, rapidement, le chiffre remplace la lettre : un changement civilisationnel majeur lourd de conséquences.

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Philippe Nicolas

Les sirènes de confinement

Roman

© Lys Bleu Éditions – Philippe Nicolas

ISBN : 979-10-377-1498-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

« La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude… »

Aldous Huxley

I

— Non, Raphaël, tu ne dois pas prendre la main d’Emma ! C’est impossible et dangereux, affirmait l’institutrice, mortifiée, au fond d’elle, d’être obligée de le dire à ce petit bout si attachant.

— Mais c’est mon amie, maîtresse, lui répondit le gamin, en souriant tristement. Et une larme au coin de l’œil et prête à couler le long de sa joue rose d’émotion.

— À la récréation, tu devras rester à l’intérieur de ton carré. Emma sera tout près de toi, mais dans l’autre carré, ajouta la maîtresse.

« Est-ce que j’ai tous les papiers pour sortir ? » s’interrogeait André. Attestation de mon employeur, attestation de déplacement de plus de 100 km chez un proche vulnérable, justificatif de domicile, pièce d’identité en cours de validité, billet de train TER avec le code-barres de la réservation. « P…, j’allais sortir sans mon masque », s’écria-t-il intérieurement.

Il sentait le stress l’envahir alors qu’une très belle journée, pourtant, s’annonçait. Il allait enfin revoir sa mère âgée de 84 ans et isolée dans sa maison de retraite. Sa dernière visite remontait à il y a déjà quatre mois.

Une éternité.

Pour elle, comme pour lui.

Ce sentiment d’avoir été abandonnée pour une mère et, pour un fils, de l’avoir abandonné…

Deux jours plus tôt, un psychologue ou un psychiatre, il ne s’en souvenait pas, l’avait appelé pour lui décrire l’état mental de sa mère. Sa mère avait surtout le cœur brisé par cette longue absence du fils aimé.

Thierry est contrôleur de gestion et donc cadre administratif. Cela équivaut à une condamnation au télétravail. Ce n’est pas les deux conférences vidéo hebdomadaires qui compensaient l’absence de plus en plus pesante de la présence physique de ses collègues. Leurs blagues potaches, la machine à café du lundi. Et surtout, Annabelle, la chef comptable, embauchée en début d’année, dont il n’a plus croisé le regard depuis des semaines. Son premier geste matinal de télétravailleur, c’était de mettre en route le CD reproduisant les bruits d’ambiance de son espace aujourd’hui disparu. Déprimant.

Déprimant, aussi, de ne plus refaire le monde autour d’un café ou d’une bière, en terrasse, avec ses potes.

Sans parler du drone aux yeux rouges globuleux vociférant, l’autre soir vers 20 h 30, l’ordre de déguerpir des escaliers de l’église du Sacré-Cœur. Il en avait été tétanisé.

Dans le train, il n’oublierait pas de contacter le camping pour définitivement annuler ses vacances initialement prévues fin juillet. Il n’en avait plus envie. D’autant plus que les restaurants et le zoo de La Palmyre promis à son fils Raphaël étaient toujours fermés. La découverte d’un foyer d’une cinquantaine de nouveaux contaminés près de Royan avait déjà conduit le préfet à « reconfiner » tout le canton, y compris les plages, redevenues interdites.

Mais qui peut prouver que ces gens étaient réellement contaminés ?

Existent-ils, même, véritablement ces gens contaminés ?

De plus en plus de monde se le demandait sans jamais oser l’exprimer. Surtout depuis l’application de la loi dite « contre les Fake news ». Mettre en doute le bien-fondé d’une décision de l’autorité revenait à commettre un crime de pensée très similaire à de l’incivisme voire une forme de terrorisme…

Une peur lentement et minutieusement distillée.

C’est ainsi qu’elle finit par s’installer durablement. Pas pour elle-même, mais au profit de ces gens qui tremblent comme des feuilles sous le vent, à l’idée de devoir faire face à une cohésion sociale, à un front uni de contestataires, d’opposants ou tout simplement un grand nombre de gens qui pensent différemment qu’eux. Les sirènes de confinement peuvent hurler à tout moment.

Le savez-vous ?

La crise sanitaire a eu bon dos. En cette société occidentale où la mort a été mise de côté, voire presque oubliée, la peur a magnifiquement bien joué son rôle, aidée en cela, par une unanimité de médias largement subsidiés et aux ordres. Chaque jour, en permanence, le virus de l’effroi irraisonné et déraisonnable a été inoculé dans les veines d’un très hébété citoyen, plus efficacement que ne l’eût fait une perfusion sanguine. La mort qui s’invite dans un monde d’où elle a virtuellement été chassée, effraie, affole, jette les esprits dans l’hystérie. Les journalistes s’emploient à en multiplier les images comme dans un kaléidoscope et deviennent les maîtres de cérémonie. Les gourous de la distanciation sociale et de l’aménagement d’un beau poste de travail, dans un premier temps, se sont mis à l’ouvrage. S’ensuivirent leurs normes ISO 1009, leurs instances de contrôles, les chartes de santé que chaque employé sera prié de signer (sans contact) le sourire aux lèvres, les grands discours et slogans creux sur « notre priorité, votre santé » et bien sûr, le nouveau vocabulaire novlangue qui va avec.

La crise sanitaire a vraiment eu bon dos. D’autant plus qu’elle n’en a pas véritablement été une ! La véritable crise sanitaire se vit, elle, au quotidien depuis des décennies. Silencieusement, insidieusement en chacun d’entre nous. Les problèmes digestifs et intestinaux comme la constipation, la maladie cœliaque, l’hyperperméabilité intestinale, le syndrome du côlon irritable et la maladie de Crohn se répandent comme une traînée de poudre au sein d’une population n’ayant pas les moyens de subsistance nécessaires pour s’offrir autre chose qu’une alimentation industrielle qui les empoisonne petit à petit. Notre système immunitaire se détraque et provoque l’apparition de maladies inflammatoires et d’allergies. Les maladies du métabolisme comme le diabète, l’hypertension et l’obésité sont de plus en plus fréquentes et les maladies de peau comme l’acné, l’eczéma, l’herpès et le psoriasis touchent chaque jour de nouvelles personnes. Mais, de cette crise sanitaire là, vécue au jour le jour par des millions de gens, personne ne parle. Elle est vue comme normale, inhérente au modernisme ; considérée comme inévitable. Aussi, elle est source de beaucoup de profits pour l’industrie agroalimentaire, pharmaceutique, les multinationales.

N’ayez donc pas peur !

Il n’est aucune raison d’être inquiet…

*

On a donc commencé par nous prendre la température au hall d’entrée des bureaux. Nous, tous, sommes partis du principe erroné et fallacieux que ce qui émanait des autorités officielles et des médias fidèles serait par principe, fiable. Face à l’accusation de promouvoir une théorie dite complotiste, une méthode classique et éprouvée des comploteurs consista à railler les sceptiques à la moindre de leur critique et doute – lanceurs d’alertes, citoyens vigilants.

S’ensuivit la surveillance de nos paroles et écrits, puisqu’une majorité aux Assemblées parlementaires pseudo-démocratiques s’est dégagée pour voter des textes de loi foncièrement hostiles à la liberté d’expression. Avec, les fake news, en bout de mire. Fake news, en anglais dans le texte et, non pas en la langue du pays ! L’avez-vous remarqué ?

Il fallait donc, officiellement, éviter les fake news, les fausses nouvelles ; comprenez, les avis contraires. Il fallait éviter qu’une peur inutile et non programmée ne s’installât, car il fallait amener une majorité de citoyens à se comporter de façon homogène et prévisible. Ce conditionnement des foules a été rendu possible par l’intelligence artificielle alliée à l’ingérence légale, la suprématie du Droit sur la morale. C’est ainsi qu’un monde de mensonges, de conditionnements et de manipulations s’est installé sans vergogne.

Les êtres humains ont été réduits au statut de « masse », de « quantité », en entravant le développement d’individus émancipés capables de prendre des décisions rationnelles. Ensuite, les idées estimées valides et désirables et dignes d’être acceptées dans la société ont été adroitement « vendues » à ces masses dans le but de les transformer en normes qui vont de soi. En même temps, on a remplacé le dynamisme légitime vers l’autonomie ainsi que la conscience de soi, par la paresse sécurisante du conformisme et de la passivité émotionnelle et finalement validé l’idée que les hommes cherchent à s’échapper du monde absurde et cruel dans lequel ils vivent, en s’oubliant dans un état hypnotique de satisfaction personnelle. Les masses, cherchant le divertissement dernier cri, vont avoir recours à des produits à gros budget qui ne peuvent seulement être produits que par les plus grosses corporations médiatiques mondiales. Ces produits contiennent des messages et symboles délibérément placés avec attention, et, qui ne sont ni plus ni moins que de la propagande divertissante. Le public a été entraîné à AIMER cette propagande, au point de dépenser son argent difficilement gagné pour y être exposé.

Mais, n’ayez pas peur, c’était pour notre bien à tous.

N’oubliez surtout pas de vous comporter de façon homogène et prévisible. Pour vous y aider, les sirènes de confinement vont retentir…

Toute pensée, parole ou idée n’étant pas dans la ligne immédiate de la parole du pouvoir que les peuples ont laissé se mettre en place est tout bonnement considérée comme étant de facto un « appel à la haine » et, immédiatement interdite, voire sanctionnée sévèrement. C’est là, le prix à payer pour que se pérennise un « vivre ensemble » aussi illusoire que magnifié depuis des décennies, par une très petite minorité de citoyens.

Et finalement, le plus absurde reste que, finalement, nous ne vivons absolument pas ensemble, puisque nous sommes tous confinés à domicile…

II

L’aube naissante. Tiède et humide. À quelques pas de ce qui a été la gare du Nord de Bruxelles, une ville qui fut capitale de l’Union Européenne. Un immense et hideux bâtiment cubique et terne en état de ruines. Colonisé par une végétation revancharde et les chiens sauvages. Une myriade de vitres cassées depuis longtemps, mais persistant à toujours faire se refléter les rayons de soleil lorsqu’il y en a, des murs verts de gris suintant d’humidité, des sous-sols abritant vaille que vaille une légion d’indigents, de sans-abri, d’euthanasiés sociaux.

Héritière de la Rome antique, la cité de l’ère dite postmoderne a rendu l’âme sous les coups de butoir des restrictions budgétaires, du fanatisme écologique et de l’immigration. Du mondialisme, peut-être en fin de compte. À vrai dire, cette fameuse mondialisation, longtemps décriée, commença avec les Grandes Découvertes, lorsque cette portion des terres émergées qu’est l’Europe partit à la conquête du monde. La mondialisation est d’abord ibérique. Très vite, Français, Anglais et Hollandais sont sur les talons des Portugais et des Espagnols. Au milieu du vingtième siècle, les États-Unis devinrent les dépositaires des pouvoirs historiques de l’Occident. Un Occident vieillissant, désabusé, ne croyant plus en lui ni à rien, d’ailleurs. Des sociétés postmodernes atomisées et épuisées. Le progressisme relativiste écologique et utopique, aux gènes totalitaristes, en fera la fin…

La fin de la voirie, déjà.

Au cours des années 2020, survint l’avènement d’une technocratie carbonique. Tout comme sa prédécesseur financière qui prétendait rationaliser les ressources, elle partait d’un objectif honorable : mieux respecter l’environnement. Sauf que, plutôt que de remettre en question les technocraties qui l’ont précédée, elle tenta de purement et simplement s’y substituer. Elle y réussit. Ainsi l’empreinte écologique et son étonnante métrique, ou encore le bilan carbone font office de nouveau PIB, quand on ne tente pas de remplacer ce dernier par le Bonheur national brut. Tous calculs qui possèdent leurs propres modes de quantification, leurs hypothèses et leurs propres dynamiques, et une manière implicite de faire exister ou disparaître les choses auxquelles par essence ils s’intéressent ou non. Une étonnante manière qu’eurent les écologistes de remettre en question le système… sans réellement le remettre en question. Après l’interdiction des véhicules à moteur Diesel, puis, finalement de tous les véhicules au profit du vélo, de la trottinette et, in fine, du pédestre, les avenues, les rues, les routes cessèrent d’être entretenues. La nature a repris ses droits et, le revêtement d’asphalte a rendu l’âme sous l’effet d’irrésistibles éruptions végétales. La forêt s’est réinstallée partiellement sur son territoire perdu depuis des centaines d’années.

Ainsi donc, les États ont-ils systématiquement abandonné certaines fonctions régaliennes au profit du contrôle permanent de la population. C’est la Chine qui a montré le chemin en investissant massivement dans le développement de l’intelligence artificielle vecteur imparable du contrôle facial et du traçage de la population. Cela se produisit au moment même du basculement vers une domination technologique asiatique et non plus occidentale. La 5G, fut aussi, bien que moins perceptible, un changement civilisationnel majeur puisqu’avec elle, nous entrions définitivement, dès son adoption massive, dans une société connectée en permanence et non ponctuellement, comme ce le fut au début du processus. Ce sera l’acceptation par les décideurs d’une société où le chiffre sera omniscient, omniprésent et omnipotent, surtout avec le recours à la capacité démultipliée du calcul quantique. Or, des civilisations fondées sur le chiffre diffèrent dans leur approche humaine de celles fondées sur la lettre.

Un changement majeur !

Ainsi donc, contrôlés en permanence, les gens sont-ils donc également souvent confinés et masqués.

D’ailleurs, marchant en rêvassant, Jos Van Varenberg porte le masque tout comme, d’ailleurs, Dirk De Prins qui pédale énergiquement dans sa direction, en tentant de le maintenir sur son visage. Ils vont finir par se rencontre et nous n’attendons que cela…

Mais, ce masque !

En apparence si ordinaire, il n’est pourtant rien d’autre qu’un renoncement. Un renoncement à l’humanité dont est investi le visage. Un renoncement bien connu du personnel soignant, d’ailleurs. Le visage masqué, incomplet, devient purement regardant. Il perd ainsi son langage empreint d’expressions qui se passe bien des mots, cette partie d’humanité que l’on doit à son nez et à sa bouche.

Et cela conduit à des mœurs nouvelles.

Un nouveau rapport à l’autre s’installe. Un rapport déchargé d’obligations envers lui, subitement mal défini, nous rendant moins responsables envers sa personne. L’expressif d’autrui, inévitablement, dicte notre comportement dans nos rapports avec l’autre. Par voie de conséquence, l’expressif masqué contribue à créer un climat de défiance interpersonnelle menant tout droit à un étiolement du tissu social. La peur a gagné et avec elle, ceux qui la distillent…

L’obligation de port n’est, certes, plus d’actualité depuis bien longtemps, mais la crainte de la possibilité de la maladie est restée chevillée aux corps et dans les esprits faibles et fatigués d’une grande partie de la population. Quant à Van Varenberg et De Prins, ils ne le portent que par habitude voire par réflexe. Les sirènes de confinement pérennisent cette habitude…C’est là, une de leurs raisons d’être.

Il faut savoir que si le tout premier confinement dans les années deux mille et vingt a marqué les esprits et n’a pas été simple à faire accepter, le déconfinement, ensuite, n’a pas été plus aisé à vivre.

Cette méfiance dans le regard des autres, habitants masqués ou qui appuient sur leur digicode d’immeuble les doigts gantés ou couverts d’un mouchoir en papier… Comment jouir du déconfinement quand ce dernier ne permet pas de retrouver le monde laissé quelques mois plus tôt ? Quand l’extérieur n’a rien d’accueillant ? Quand on signe pour quelque chose de moins bien qu’avant ? Entre le gel hydro alcoolique que l’on doit penser à utiliser, les masques, les solutions à trouver pour se déplacer dans la ville sans prendre les transports quand on les craint… tout se fait dans des conditions stressantes, tout est plus compliqué.

« Il y a quelques jours, j’avais rendez-vous chez une orthoptiste et à cause de son masque, je ne comprenais rien à ce qu’elle me disait, je ne la reconnaissais pas, je ne savais même pas qui j’avais en face de moi, raconta Julien. Quand je vois les conditions dans lesquelles il faut retourner travailler, trois personnes seulement par ascenseur, un marquage au sol pour nous faire circuler, des bureaux en quinconce… Tout ça me déprime. »

Avec un virus toujours présent ou peut-être plus du tout, s’il a même jamais existé diront certains, la période est presque plus inconfortable que le confinement. Plus aucun fait et geste n’est effectué à la légère, les décisions prises peuvent être lourdes de conséquences. Doit-on revoir tous ses amis ou limiter ses interactions sociales pour réduire le risque ? Avec ou sans masque ? Comment sortir l’esprit et le corps légers quand on nous a confinés parce que nous pouvions être un danger pour les autres ? Que faire de ce poids sur les épaules une fois relâchés dans la nature ? « C’est violent, confirma Julien. On nous interdit de sortir parce que nous sommes une menace et qu’il y a un danger, puis c’est la catastrophe économique et on nous dit “tout le monde dehors, partez en vacances”. Ce phénomène de balancier est déstabilisant ».

La crise dite du Coronavirus, dans les années 2020, a laissé des traces indélébiles en notre monde. Face à ce nouveau quotidien dont ils ne veulent pas, certains préfèrent prolonger l’isolement. La peur s’est transformée en une crainte irraisonnée face à un danger inexistant. Cette anxiété déclenche des stratégies compliquées d’évitement qui influent sur la vie sociale. Les confinés volontaires sont donc extrêmement nombreux. Ils le sont pour des raisons de confort personnel. Ils le sont par effroi, vis-à-vis de l’insécurité galopante fantasmée ou avérée, de la crainte de ces rues désormais mal ou pas du tout éclairées, par anxiété face à la vocifération de ces drones impressionnants et inquiétants qui semblent épier et enregistrer le moindre de leurs gestes. Pour ces confinés volontaires, les sirènes du confinement ne sont plus nécessaires. En réalité, pour beaucoup d’autres non plus, depuis l’instauration de « l’allocation d’alimentation universelle » offerte sur une base individuelle, sans condition de ressources ni obligation ou absence de travail. Il n’est juste que l’obligation d’être en bonne santé psychique, de respecter les règles de distanciation sociale et de confinement.

*

Toute cette tranche de population se comporte de façon homogène et tout à fait prévisible.

*

Faussement effrayé, en un bruissement d’ailes, l’oiseau noir s’envola dans les airs moites et malodorants, en croassant furieusement. C’était une corneille peut-être irritée de n’avoir rien trouvé à se mettre sous le bec. Une espèce d’oiseau à l’apparence considérée par beaucoup comme étant un peu sinistre et triste, mais ayant l’avantage de résister à peu près à tout, semble-t-il. Un volatile tout à fait adapté à l’environnement contemporain. D’ailleurs, il n’y avait plus guère que les corvidés à résider sur ces arbres aux feuilles malades de trop avoir eu à subir des pluies trop acides et trop fréquentes, aussi. Certaines années, les feuilles ne daignaient même plus apparaître. Il n’y avait donc plus guère que cette espèce d’oiseaux à voler en cette atmosphère encrassée. Il était pratiquement certain qu’ils étaient les seuls à avoir survécu. Survécu à quoi ? À l’incurie humaine.

*