Lettres siriennes - Tome 2 - Marc Robert - E-Book

Lettres siriennes - Tome 2 E-Book

Marc Robert

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Beschreibung

Au terme d’une mission sur Terre absolument catastrophique, Daniel Elzéard Gabriel, Officier de la Guilde de Sirius, a été rapatrié sur sa planète après s’être fait passer pour l’Archange Saint-Michel. Il y mène depuis lors une vie paisible dans sa campagne sirienne. Toutefois, les circonstances l’obligent à revenir sur Terre…


À PROPOS DE L'AUTEUR


Ingénieur de formation, Marc Robert a exercé différents métiers. Parallèlement, il entreprend l’écriture d’une série de romans décalés dont Le retour de l'Archange est le deuxième tome.

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Seitenzahl: 161

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Marc Robert

Lettres siriennes

Tome II

Le retour de l’Archange

Roman

© Lys Bleu Éditions – Marc Robert

ISBN : 979-10-377-5525-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Avant-propos

À l’issue d’une mission sur Terre difficile et même, on peut le dire, totalement ratée1, Daniel Elzéard Gabriel, Officier de la Guilde de Sirius, est reparti sur sa planète après s’être fait passer pour l’Archange Saint-Michel. Rayé des cadres, il mène depuis lors une vie paisible dans sa campagne sirienne.

Il n’a pas oublié ses amis indépendantistes de la Transition Bretonne, Corentin, l’étudiant en école de commerce, Kevin, le rapper de Ploneour, Arnaud et Benjie, les charcutiers de Pouldreuzic et encore moins Soizic le Gal, Terrienne lui ayant donné un fils qu’il pensait ne jamais rencontrer.

Les circonstances obligeront pourtant Daniel à revenir sur Terre.

I

Daniel avait ouvert les yeux plus tôt qu’à l’ordinaire. Le vent du désert s’était levé en fin de nuit et un volet mal accroché battait obstinément contre le mur. C’était la première tempête de l’année.

Daniel s’étira et regarda sa montre. Il descendit de sa chambre et jeta un coup d’œil par le vasistas. À l’ouest, Sirius commençait à se lever. En cette période estivale, sous les tropiques, le vent du désert peut soulever sur des distances considérables un épais brouillard de sable fin (l’année est ici composée de sept saisons bien marquées, dont deux étés longs et secs entrecoupés d’un court épisode de mousson). Ces tempêtes, par chance peu fréquentes, ne durent pas longtemps, mais elles sont tout de même suffisamment violentes pour laisser derrière elles un immense tapis de sable chaud et soyeux. Dans les agglomérations, des robots se chargent de ramasser le sable et de le répandre dans le désert, toutefois, à la campagne, déblayer devant chez soi est une corvée éreintante lorsque l’on n’est pas correctement équipé.

Daniel remarqua justement qu’il ne se savait plus à qui il avait prêté sa pelle, mais sans doute était-ce à sa voisine Nathaliaa. Étant en froid avec elle, il se résolut à acheter une pelle neuve à la coopérative la plus proche (la ville de Djalebaa n’était qu’à une heure de marche). En attendant, il alla préparer son petit déjeuner dans la cuisine.

Daniel qui avait perdu son emploi de pilote à la suite d’une mission sur Terre catastrophique avait immédiatement vendu son appartement du centre-ville de Siriaa et décidé de s’installer à la campagne. Après avoir un peu prospecté, il s’était retiré dans cette communauté paysanne où il savait qu’il n’aurait jamais une vie bien trépidante. L’exploitation comportait une dizaine de petites fermes, celle de Daniel n’étant qu’une parcelle d’un hectare environ. Il y récoltait des fruits et élevait quelques herbivores qui lui procuraient du lait. Il avait aussi une dizaine de gallinacés géants lui donnant tous les mois quelques œufs, ce qui était en fait juste assez pour le nourrir, mais l’endroit était parfaitement paisible et, surtout, son terrain avait une magnifique vue sur le désert.

Au fond, Daniel avait trouvé l’endroit idéal pour la vie dont il rêvait. Il ne bougeait que rarement de sa maison et consacrait maintenant l’essentiel de ses loisirs à la lecture de poèmes de Paul Éluard en version originale, livres qu’il avait volés à une amie terrienne vingt ans auparavant, ce passe-temps lui ayant valu dans tout le village une réputation d’intellectuel incurable. De fait, depuis son installation et sans avoir pourtant désiré se montrer le moins du monde distant avec ses voisins, il n’était parvenu à se lier (enfin, si l’on peut dire), qu’à Nathaliaa, une jeune sirienne avec qui il avait eu une aventure lors d’une fête de village. Daniel et Nathaliaa s’étaient ensuite revus plusieurs fois mais Daniel avait finalement préféré mettre un terme à leur relation, ce que Nathaliaa avait eu beaucoup de mal à accepter.

Daniel s’assit dans sa véranda pour prendre sa décoction de Kuraa. Il prenait tous les matins cette boisson lui rappelant un peu le café qu’il avait découvert sur Terre et auquel il avait pris goût. Il savait pertinemment que certains pilotes en rapportaient de leur mission ; ils ramenaient aussi discrètement des cigares et même du vin, mais aucun de ses anciens collègues n’avait jamais accepté de lui revendre quoi que ce soit. Pour avoir un peu d’alcool et après s’être vainement essayé à produire de la Vodka à partir de légumineuses, il s’était résolu à cultiver des tiges sucrières qu’il laissait fermenter longuement dans son garage, mais il faut bien reconnaître que, malgré tous ses efforts, ce breuvage tenait plus du désinfectant que d’un bon rhum terrien.

Daniel finit son petit déjeuner et jeta machinalement un œil à ses messages. Il n’y avait rien d’autre à cette heure-ci que le bulletin météo annonçant une accalmie. Il mit son couvre-chef, prit en passant la canne qui lui servait à éloigner les reptiles et emprunta le chemin de Djabelaa.

Le beau temps était revenu et le trajet jusqu’à la ville fut sans histoire. Il s’arrêta à la coopérative pour acheter une pelle en métal, puis il alla reprendre une décoction glacée au bar du centre. La navette pour Aumaa n’était pas encore repartie et de nombreux passagers patientaient au pied de l’engin ; il attendit que la navette reparte (voir décoller un astronef lui procurait toujours une grande émotion), puis il prit le chemin du retour en pressant le pas afin d’arriver chez lui avant que la tempête reprenne.

Il déposa la pelle qu’il venait d’acheter dans son garage et alla s’avachir sur un sofa avec un pavé bien documenté sur la guerre contre les Insectoïdes. Il ne tarda pas à piquer du nez et fut réveillé peu de temps après par la sonnerie du visiophone.

— Capitaine Gabriel ?

— Oui ? Daniel s’éclaircit la voix. Étonnamment, son interlocuteur portait l’uniforme des officiers de l’État-Major.

— Vous êtes bien le capitaine Daniel Gabriel ?

— C’est bien moi, que voulez-vous ?

— Bonjour capitaine. Je suis désolé de vous déranger. Est-ce que je peux vous parler ?

— C’est déjà ce que vous faites.

L’officier paraissait soucieux.

— Le Commodor souhaiterait s’entretenir avec vous d’une affaire très importante.

Daniel se demanda s’il rêvait, de toute sa carrière, jamais il n’avait été contacté par un responsable d’un tel grade.

— De quoi veut-il me parler, et surtout maintenant ?

— Je ne peux le dire au visiophone.

— En ce cas, précisez la question mentalement.

Le jeune officier et Daniel se tinrent silencieux pendant quelques secondes.

— Je ne peux réellement rien communiquer de plus, l’information est Secret Galactique.

— Quand voulez-vous que je vienne ?

— Nous passons immédiatement.

— Je vous attends.

La communication laissa Daniel en état de sidération pendant une ou minute ou deux.

Une information Secret Galactique : que pouvait bien justifier un tel niveau de sécurité ? En enfilant avec difficulté son uniforme de réserviste (sa veste avait d’ailleurs beaucoup jauni), il lui vint l’idée que cette demande était peut-être liée à son fils Yann, conçu avec une jeune Terrienne dont il s’était épris, histoire d’amour peu banale, certes, mais dont la Guilde n’avait aucune raison de se soucier si longtemps après les faits.

Daniel finit par se convaincre que la Guilde cherchait simplement à recruter d’anciens pilotes de X2. Ce modèle très puissant était en effet délicat à manier, seuls les meilleurs parvenaient à l’employer au maximum de ses possibilités ; sans doute la Guilde l’avait-elle identifié comme un de ses pilotes les plus expérimentés et souhaitait aujourd’hui lui proposer un contrat de réserviste, ou même, pourquoi pas, une réintégration comme pilote d’active, l’âge de Daniel le permettant. Daniel, plein d’espoir, alla attendre son chauffeur dans la véranda avec son livre d’histoire entre les mains.

Le biplace se posa quelque temps plus tard au milieu de son champ. Daniel monta dans l’engin qui décolla immédiatement pour la direction de Siriaa, en survolant la steppe.

Daniel trouva le voyage plutôt pénible en raison des accélérations auxquelles il n’était plus habitué. Son chauffeur essaya plusieurs fois d’engager la conversation mais Daniel ne put desserrer les dents de tout le trajet. Quelques dizaines de minutes plus tard, l’engin amorça finalement un virage très engagé autour du mont High, puis il longea la périphérie dans la direction de l’astroport. Malgré la violence du vent, ils furent autorisés à se poser au sommet du bâtiment principal de la Guilde.

Le pilote fit ses vérifications, coupa l’anti-gravité et sortit du véhicule. Daniel, sévèrement incommodé, mit un peu plus de temps à retirer son casque. Il sortit lentement de l’engin et suivit son chauffeur jusqu’à l’ascenseur sans trop montrer qu’il était gêné.

Du haut de l’immeuble, la vue était impressionnante. Il sembla à Daniel que Siriaa avait beaucoup changé. Il y avait maintenant de gigantesques bâtiments un peu partout. Un système de brumisation créait des conditions de fraîcheur favorisant le développement d’espèces végétales et animales le long des façades. Le centre-ville lui parut devenu à ce point vivable que, pour peu, Daniel regrettait de s’être retiré à la campagne ; il se fit même la réflexion que s’il était réintégré, il s’achèterait sans doute un pied-à-terre dans le quartier.

L’ascenseur descendit directement Daniel et son guide à l’étage de la Direction. Les portes s’ouvrirent sur une banque tenue par une belle assistante de type nordique. Elle vérifia l’identité des visiteurs et les pria de patienter dans une salle d’attente équipée de fauteuils gonflables. Daniel eut à peine le temps de s’intéresser à la décoration que le Commodor sortit de son bureau.

— Capitaine de réserve Gabriel, se présenta Daniel avec prestance.

— Entrez, répondit sobrement le Commodor.

Le chauffeur tourna les talons et laissa Daniel pénétrer seul dans le bureau.

Le Commodor s’assit pesamment sur son fauteuil. Un homme, probablement reptilien, à en juger par la fixité du regard, se tenait à sa droite. Daniel s’installa en face d’eux.

— Vous fumez ? demanda le Commodor.

Daniel n’osa pas refuser le brûle-gueule qu’on lui tendait.

— Compte tenu de la présence du Général Dracos, vous comprendrez que nous n’échangerons pas en télépathie. Ceci ne vous dérange pas j’espère ?

— Pas du tout, répondit Daniel qui, en réalité, se sentait encore mal à l’aise.

Le Commodor reprit la parole.

— Comme vous le savez, nous avons le mandat d’administrer la Terre, planète que vous connaissez bien. Vous y avez des attaches, n’est-ce pas…

Daniel prit une profonde inspiration.

— Votre fils, Yann, prend beaucoup d’importance. Vous communiquez souvent avec lui ?

Cette introduction glaça le sang de Daniel. Apparemment, il ne serait pas du tout question d’un contrat de réserviste. Tout en fumant, le Reptilien continuait de l’examiner comme s’il allait le dévorer.

— Non, pas souvent. Nous échangeons par télépathie. Je lui ai toujours caché ma véritable identité.

— Pour qui vous faites-vous passer ?

— Pour l’Archange Saint-Michel. C’est ainsi que j’avais été présenté par Alianaa Juu lors de mon exfiltration. Cela me permet d’avoir des informations sur lui sans dévoiler mon origine.

— L’Archange Saint-Michel, je comprends mieux maintenant…

Le Commodor ralluma son brûle-gueule.

— Comment dire... Nous avons un problème avec lui. Il est très engagé dans la spiritualité n’est-ce pas ?

— Yann ne parle que de ça.

— Le mouvement qu’il a lancé prend trop d’ampleur.

Le Reptilien esquissa un geste d’agacement.

— Gabriel, ce que je vais vous dire doit absolument rester entre nous, c’est un grand secret.

Un écran descendit du plafond. On y voyait les deux hémisphères de la Terre et des tâches rouges et vertes à différents endroits. La Bretagne était couverte d’une pastille rouge.

— Comme vous le savez, les humains ont des capacités assez semblables aux nôtres, mais ils éprouvent beaucoup plus fortement que nous l’illusion de la dualité. Leur attachement à la vie et l’impossibilité de canaliser leurs pensées entretiennent chez eux une soif permanente de devenir. La satisfaction de leurs désirs leur procure une telle jouissance qu’ils n’ont de cesse de réitérer cette expérience, leur existence étant en fait surtout marquée par la peur de mourir et par la frustration de ne jamais réaliser leurs rêves. Tous ces sentiments représentent une quantité d’énergie phénoménale, vous me suivez ?

Daniel, très impressionné, faisait un énorme effort pour se concentrer. Il se demandait bien où le Commodor voulait en venir cependant, jusque-là, l’analyse lui paraissait plutôt correcte.

Le Commodor reprit son exposé.

— La plupart des espèces à ce stade d’évolution produisent de l’énergie psychique mais il faut bien reconnaître qu’aucune espèce n’a, aujourd’hui, une production équivalente à celle des humains en quantité comme en qualité. Ceci a depuis toujours suscité l’intérêt de nos amis reptiliens, qui, vous l’ignoriez peut-être, s’en nourrissent. Est-ce que vous me suivez toujours Gabriel ?

— Je crois que oui Commodor…

— Eh bien, il faut que vous sachiez que depuis des temps immémoriaux, les Siriens ont reçu du Conseil Galactique le mandat d’intervenir subtilement sur Terre pour faire fructifier cette énergie. J’ai bien dit subtilement ; si les humains se savaient manipulés, nul ne sait comment ils réagiraient. Cette mission est cruciale, il y va de la paix entre les espèces.

— Je pense comprendre Commodor, mais en quoi la religion est-elle un problème en ce cas ? demanda naïvement Daniel.

— Les religions ne sont pas un problème lorsqu’elles sont fondées sur la peur ou sur la dévalorisation de soi, mais lorsque les pratiques spirituelles sont authentiques, l’énorme puissance des sentiments de compassion fait entrer les pratiquants en résonance au lieu de rayonner vers les entités qui auraient besoin de cette énergie. Le Commodor ralluma sa pipe. « Aussi nous sommes toujours intervenus sur Terre insidieusement pour contrecarrer ce phénomène et pour rendre la vie des humains la plus difficile possible sur le plan psychologique. C’est la loi de la nature, n’en soyez pas choqué ».

Daniel était sidéré par ce qu’il venait d’entendre. Quelle pouvait bien être la contrepartie d’une mission aussi obscure ?

— Comment est-ce possible Commodor ?

— Par la manipulation des masses, en créant du désordre et en faisant circuler des valeurs bidon. Les religions traditionnelles marquant le pas, nous avons lancé le mouvement hippie et la libération des mœurs. Plus récemment et en totale connivence avec les dirigeants de la planète d’ailleurs (je ne parle pas des gouvernants mais de la poignée d’individus qui détiennent les multinationales), nous avons généralisé l’ultra-libéralisme et développé la mondialisation. Tenez, nous avons même été parfois jusqu’à donner un petit coup de pouce aux épidémies. Mais là, avec votre fils, nous ne savons plus quoi faire.

— Que voulez-vous dire ?

— À lui apparaître comme vous faites depuis son enfance, vous avez ancré en lui des convictions inentamables. La philosophie altruiste qu’il met en application installe une paix définitive partout où il passe. Voyez les chiffres, ceci était la production d’énergie en Bretagne lorsque vous y étiez, il y a vingt ans : elle était à son maximum. Regardez les statistiques aujourd’hui : la Bretagne ne produit plus rien. Même à Rennes la puissance rayonnée n’excède plus celle d’un monastère roumain. À long terme, les humains avaient certainement vocation à atteindre le stade spirituel, mais il n’était pas du tout prévu que cela se produise maintenant, c’est gravissime.

Daniel, pourtant très accablé par ce qu’il venait d’entendre, ne put s’empêcher d’éprouver une immense fierté, ce que sembla nettement percevoir le général reptilien. Il essaya de se ressaisir.

— Que peut-on faire ?

— Je vais être franc avec vous : si éliminer votre fils avait été la solution, nous l’aurions fait depuis longtemps, mais sa disparition ne suffirait plus à endiguer une telle vague de fond. C’est pourquoi nous vous avons fait venir.

La réunion virait au cauchemar.

— Qu’attendez-vous de moi en fait ? demanda-t-il au bord de l’asphyxie.

— C’est très simple : vous allez retourner sur Terre et lui demander de se calmer.

— De se calmer ? Mais je ne le connais pas, comment voulez-vous que je fasse ça ?

— C’est à vous de me dire. Tout ce que je sais, c’est qu’il est de son plus grand intérêt que la production d’énergie reparte. À compter d’aujourd’hui, il devra user de son influence pour servir nos plans et rien que ceux-là. Est-ce que je suis clair ?

— Et si j’échoue ?

— On va tout droit vers une nouvelle guerre des mondes. Quant à votre fils, je préfère ne pas m’étendre…

Constatant qu’il avait détruit son interlocuteur, le Commodor reprit d’un ton plus enjoué.

— Mais comme vous allez réussir, et nous ferons tout pour cela, à votre retour vous serez anobli. On vous trouvera une ferme digne de votre rang et vous pourrez vous installer avec votre fils – il est aussi un peu sirien après tout. Même sa mère pourra venir avec vous si elle le souhaite.

Daniel, très affecté, n’eut d’autre choix que d’accepter la mission. Il n’était déjà même plus avec ses interlocuteurs lorsque le Commodor présenta les modalités de l’opération, d’une extrême limpidité au demeurant, Daniel étant responsable de tout : le planning, les décisions et le choix des moyens. Pour l’assister, on lui avait désigné une jeune officier nommée Noraa Luu, censée réaliser toutes les tâches qu’il lui confierait. Finalement, Daniel prit congé du Commodor et fut reconduit chez lui en état de dissociation totale.

Une fois Daniel sorti du bureau, le Général Dracos et le Commodor se dévisagèrent silencieusement. Le Commodor semblait satisfait de l’entretien, le Reptilien nettement moins.

— Tu penses qu’il est à la hauteur ? demanda-t-il après quelques secondes.

— Bien sûr. Ce type sème la merde partout où il passe, je n’ai aucun doute qu’il réussira très vite à créer les conditions d’un chaos total. Et Yann est son fils après tout, il l’écoutera respectueusement « Tu honoreras ton Père et ta Mère, etc. ».

— Je trouve ton plan bizarre. Est-ce que ce ne serait pas plus simple de débarquer là-bas et d’en tuer un sur deux pour l’exemple ?

— On a dit, « subtilement » Yorgan. D’ailleurs, il n’est même pas certain que ça arrêterait le mouvement.

— En attendant, on perd encore plusieurs mois. Si rien ne s’améliore, on va s’en mêler. Je t’aurai prévenu.

— Tu penses aux conséquences ?

— Oui, mais moi j’ai une famille à nourrir.

Le Commodor ne répondit rien.

II

Daniel Gabriel se remit rapidement de cette horrible réunion. Il aurait certes préféré revenir sur Terre comme pilote, mais, en dépit des circonstances dramatiques de sa mission, elle n’en constituait pas moins une occasion inespérée de revoir Soizic et de découvrir enfin son fils.