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Guillaume Rimbaud s’est investi corps et âme dans le projet "Lycaon et Callisto", une utopie prônant le retour à une harmonie avec la nature. Pourtant, cet idéal vacille sous le poids des ambitions voraces de ses instigateurs. Tandis que Pascal Fitoni, surnommé « le bûcheron des Vosges », est rongé par des drames intimes, et que Guérineau, dit « le béluga », sombre dans des visions délirantes, le rêve se mue en cauchemar. Dans l’ombre, les Twenty Special Women, une société féminine influente, doivent elles aussi affronter les forces destructrices qui menacent leur équilibre. Au cœur de ce tumulte, Vanessa et Pascal, unis par un amour aussi inattendu que fragile, se retrouvent pris pour cibles dans une guerre sans merci où ambitions politiques et réseaux mafieux sèment ruine et désolation. Les idéaux, l’amour et l’humanité triompheront-ils du chaos grandissant ? Ou ces hommes et femmes verront-ils leur quête se briser face à l’implacable réalité ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Gérald Rampant puise dans l’observation de notre société une inspiration particulière à décrire les intrigues humaines les plus ambiguës. Par ses personnages, la plupart charismatiques, par son attachement profond à la nature et au monde animal, il nous fait partager sa sensibilité, ses espoirs et ses doutes dans la quête d’un monde plus harmonieux.
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Seitenzahl: 495
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Gérald Rampant
Lycaon et Callisto
Tome II
Les pactes maudits
Roman
© Lys Bleu Éditions – Gérald Rampant
ISBN : 979-10-422-6215-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Depuis à peine une semaine, Guillaume Rimbaud jouait les vagabonds. Il s’était établi dans la cave qu’il louait depuis des années. Il s’agissait d’une belle cave dans la roche, une ancienne habitation troglodyte comme il y en avait beaucoup en Touraine. Elle servait déjà avant lui de lieu festif pour recevoir les amis. Elle était bien équipée et la température agréable été comme hiver.
Une cheminée rapportée avait été installée en utilisant le conduit par lequel, jadis, les vendangeurs versaient le raisin qui tombait directement cinq ou sept mètres plus bas. Au dix-neuvième, siècle et première moitié du vingtième des vignerons exploitaient encore, au-dessus de ces grottes, les vignes de Gamay, Chenin, Cabernet pas toujours franc, et même du Noah qui donnait ce vin qui rendait fou et aveugle… Il fut interdit. Curiosité locale, le pressoir était juste sous les vignes, sous la terre et dans la roche.
Les vignes, pour la plupart dans ce coin, faisaient d’horribles piquettes qui ne passaient pas les premiers jours chauds du printemps. Elles furent abandonnées petit à petit après la Seconde Guerre mondiale. La production n’était destinée qu’aux locaux, comme le cidre ou l’eau-de-vie, la gnole comme on disait. Le travail pénible rebutait les jeunes qui quittèrent leur campagne, comme partout ailleurs.
Cet endroit constituait une bonne cachette. L’entrée n’était pas visible de la route et les abords non entretenus n’incitaient pas à pénétrer dans la broussaille.
Il y avait tout pour séjourner à l’abri des regards : du bois, des vivres, un lit, l’électricité et des sanitaires sommaires, mais suffisants.
Dans son rôle d’homme des cavernes, Guillaume ne se trouvait pas terriblement à l’aise. Les trois premiers jours, il dormit au moins dix-huit heures sur vingt-quatre. Éveillé, il retournait tout dans sa tête et dans tous les sens. Chaque fois qu’il pensait à ses amis de DG42, il s’enfonçait dans un dédale sans fin. Sa messagerie était pleine, il était passé récupérer son courrier plusieurs fois la nuit tombée.
Le juge Lacourt lui demandait de le rencontrer à La Closerie.
Il n’avait pas eu le courage de fuir, vraiment fuir. « Pour aller où ? » se répétait-il sans cesse. Même le chien s’ennuyait ferme. Il venait renifler son maître toutes les heures, d’un pas triste, la tête basse. Elle était loin la période des balades dans le pick-up !
Il n’y avait pas la télévision dans la cave aussi, revenait-il la nuit chez lui pour regarder les chaînes d’infos, des fois que… Mais rien ! Pas d’allusions à ses affaires.
Il s’étonnait que Fitoni ou Guérineau ne l’aient pas trouvé. Même pas repéré, pensait-il. Il mesurait le côté stupide, infantile de sa pseudo cavale.
Au moins avait-il gagné du temps… Pour quoi faire ? Il ne savait pas, mais il avait pris du temps. Rien n’avait changé, rien ne s’était résolu, ni atténué, encore moins évaporé bien sûr.
Pendant ses périodes éveillées, il se remémora ce qu’il avait connu à l’hôpital, son état d’esprit de l’époque. Il se souvenait qu’il était remonté et décidé à faire payer ses agresseurs et quiconque s’opposerait à lui.
Il se trouvait tantôt courageux, tantôt naze. Il essayait de se redéfinir son idéal de vie. Il n’en concluait rien. Il ne mangeait pas ou quelques céréales et biscuits, ne se rasait pas, la dernière douche remontait à la journée de son départ, il n’avait pas changé de vêtements non plus.
Seul au monde… Non pas vraiment non plus…
Dans la journée, il allait à pied accompagné d’Ikem jusqu’à la Closerie. Ils passaient par les chemins détournés et se cachaient s’ils entendaient un bruit de véhicule ou des voix.
Viens là, Ikem et tais-toi ! Ce n’est pas le moment de nous faire repérer.
Il pouvait ainsi surveiller sa maison. Il restait des heures en planque, comme dans ses affûts, mais là l’espèce animale qu’il guettait se tenait sur deux pattes et ce n’était pas lui qui la cherchait, mais elle qui espérait le trouver.
Bizarre comme sensation. Il comprit mieux ce que pouvaient ressentir les grands animaux qu’il épiait pendant ses chasses photographiques.
Un soir qu’il revenait à sa cave et qu’il faisait nuit noire, sa marche était rendue difficile par les hautes herbes et les chemins incertains, parsemés de fondrières parfois inondées, notre vagabond improvisé pestait sur tout… Le froid, l’humidité, l’obscurité, le terrain parfois défoncé, l’absurdité de sa condition nouvelle. Il se trouvait rendu bien bas.
Il ne voyait aucune utilité à cette fausse fuite, encore une preuve et un résultat de son manque de courage.
Il fallait bien qu’il se l’avoue.
Il regagna son terrier, et s’employa à allumer le feu dans la cheminée. Dans la matinée, il avait reconstitué le tas de bois dans son âtre, à la façon des anciens en empilant les bûches de chêne en quinconce pour assurer son tirage qui parfois était défaillant par temps de brouillard ou de neige.
La radio égrenait des mélopées anciennes en grésillant. Guillaume prépara la gamelle de son chien et s’ouvrit un bocal de cassoulet.
Le feu crépitait bien, quelques restes de châtaigniers claquaient et projetaient des braises sur les tommettes du sol. Ikem sursautait à chaque fois et se recouchait en soupirant.
Guillaume se demandait combien de temps durerait cet épisode improbable autant qu’inutile. Il ne trouverait pas de solution à sa condition de paumé.
Alors qu’il sauçait son assiette avec de gros morceaux de pain qu’il suçait pour se donner bonne conscience de ne pas les manger à chaque bouchée, seulement toutes les deux ou trois, Ikem grogna d’abord de façon sourde sans relever le museau du sol tiède, puis il releva la tête et réitéra son avertissement cette fois avec plus de véhémence.
Calme Ikem ! Calme ! que veux-tu qu’il y ait dehors à cette heure ? Un chevreuil, un chat, un renard…
Allez, c’est bien…
Le chien n’avait pas regardé son maître et fixait la porte. Après un moment de silence, il se releva et se dirigea d’un bond vers l’entrée. Son poil hérissé et grondant toujours, il renifla, écouta et cette fois se mit à aboyer férocement le cou tendu et trépignant de long en large.
Les aboiements se répercutaient avec force dans toute la cave, assourdissants.
Ikem ! Tais-toi !
Rien n’y fit. L’animal ne tenait plus en place et son museau butait contre le bas de la porte à chacun de ses aboiements.
Guillaume se leva et fut pris d’un certain vertige. Il n’imaginait pas revivre une nouvelle agression. Il chercha autour de lui ce qui pouvait lui servir d’arme. Il ressentit comme une panique, il savait qu’il n’aurait pas la force de sa première altercation pour se battre. L’adrénaline montait, la chaleur atteint ses joues, puis gagna le haut de son corps.
Rien ne paraissait pouvoir lui servir pour se défendre. Une vieille caisse à outils dépassait sous un carton. Il l’ouvrit et prit un marteau. C’était mieux que ses mains nues.
Guillaume écarta un rideau crasseux pour essayer de voir ce qui provoquait l’alerte de son chien. Il faisait nuit noire, pas de lune pas d’étoiles, le ciel était couvert depuis plusieurs jours, comme un ciel d’hiver quoi…
Il ne distingua rien qui puisse lui donner une quelconque information de ce qui se passait à l’extérieur.
Tais-toi bon sang ! Tais-toi donc !
Le berger allemand n’écoutait que son instinct de gardien. Au lieu de se calmer sur l’ordre de son maître, il s’énerva encore plus sur la porte, ses griffes labouraient le vieux bois humide, elle finirait bien par exploser.
Guillaume se résigna à ouvrir, mais ne put retenir le chien qui se rua dehors en gueulant de tous ses poumons. Il disparut vite dans l’obscurité de la petite cour.
C’est moi Ikem ! C’est moi ! ça va, ça va…
Le chien reconnut la voix de Pascal Fitoni. Surpris, il stoppa net, il continua de gronder, mais il sembla se calmer. Il parut même un peu bête quand l’homme qu’il connaissait apparut dans la lumière que venait de mettre Guillaume.
Il vieillit, dis-moi ton cleps ! Il ne me reconnaît pas !
Qu’est-ce que tu viens foutre là ? Tu peux pas me laisser tranquille une fois pour toutes ?
Fitoni remarqua le marteau fermement maintenu par Rimbaud.
Tu ne vas pas me défoncer la gueule tout de même ?
Tu ne réponds pas à mes appels depuis des jours. Tu devais bien te douter qu’on finirait par te retrouver tout de même ? Non ?
Et puis on ne peut pas dire que tu t’es foulé pour te cacher. T’aurais voulu qu’on te retrouve, tu n’aurais pas fait beaucoup mieux.
Et si je ne voulais pas vraiment me cacher ?
Dis-moi plutôt que tu ne savais pas où aller. Bon, je sais que c’est compliqué pour toi, mais assez joué les Robinson maintenant, faut revenir aux choses sérieuses.
Tu me laisses entrer ou on s’explique en se pelant ?
Pour toute réponse, Guillaume rappela son chien et fit demi-tour en balançant le bras qui tenait le marteau. Ne sachant pas vraiment s’il n’allait pas le jeter à la figure du bûcheron.
Au pied, Ikem ! Viens mon chien c’est un emmerdeur, mais ne le bouffe pas tout de suite.
L’homme à l’éternelle surchemise à carreau s’efforça de rire bruyamment pour détendre l’atmosphère.
Il accéléra le pas pour rejoindre son hôte inhospitalier sur le pas de la porte à demi défoncée. Elle fermerait nettement moins bien maintenant forcément…
Tu vois tes conneries, ce qu’elles font faire à mon chien ?
C’est pas toi qui vas me la remplacer la porte !
Ils pénétrèrent l’un à la suite de l’autre, mais pas avant le chien qui se faufila en les bousculant.
Eh bien, il n’a pas appris les bonnes manières, il est devenu aussi sauvage que toi.
Te plains pas il ne t’a pas sauté dessus, tu as de la chance, il ne reconnaît pas bien son monde dans le noir.
Je te le redemande : qu’est-ce que tu viens foutre ici ?
Je ne te demande pas comment tu m’as trouvé, je me doute que vous vous y êtes bien employé.
En même temps, ce n’était pas bien difficile… Quelqu’un qui occupe un troglo abandonné, et la fumée qui sort au milieu de nulle part… y a plus malin…
Guillaume savait que sa stratégie d’évitement ne ressemblait pas à grand-chose, il en avait un peu honte. Il avait agi comme un gamin qui se cache dans la cabane au fond du jardin. Il se trouva ridicule et face au colosse, il ne fallait pas en rabattre sinon il serait très vite en difficulté et dominé sur tous les plans.
Guillaume alla s’asseoir à l’unique petite table, encombrée de reliefs des repas passés, de vaisselle sale, de canettes de bière vides, et de bouteilles de vins et d’eau.
Son chien vint se coucher à ses pieds sous la table.
Il n’invita pas Pascal à s’asseoir.
Je t’ai connu plus accueillant mon cochon. Dis-moi, il y a longtemps que tu n’as pas fait venir une fée du logis ici…
Et puis dis donc tu sens le bouc ! Le bouc enfumé !
Puisque tu ne m’invites pas à m’asseoir, je fais comme chez moi.
Bien que paraissant à son aise, Fitoni ne l’était pas vraiment. Il repéra une vieille chaise paillée. Il la prit par le dossier et fit basculer par terre la pile de journaux qui l’encombrait.
Ils étaient destinés à allumer le feu, le plus récent remontait à des années. Tout dans cet endroit remontait à une époque reculée et même à plusieurs époques. Des générations d’hommes et sûrement de femmes s’étaient succédé dans ce lieu chargé de souvenirs et d’ombres.
Guillaume l’observait du coin de l’œil, faisant mine d’observer son chien qui s’était calmé et se léchait les pattes. Il paraissait le plus vivant des trois.
Pascal vint se placer près de son ami, enfin de l’homme qu’il pensait encore être amical.
Ils se toisèrent du regard, sans animosité, sans bienveillance. Guillaume triturait un verre vide, il ne voulut pas se servir ni proposer quelque chose à son visiteur. Il ne voulait pas donner l’impression de se satisfaire de cette visite impromptue. Au fond de lui-même pourtant, une voix lui susurrait que c’était peut-être ce qui lui arrivait de mieux depuis plusieurs jours.
La visite de Fitoni ne paraissait pas inquiétante. Il ne savait pas vraiment simuler, et présentement on ne ressentait pas d’agressivité latente dans l’attitude du bras droit de Guérineau.
Je t’écoute, que veux-tu ? Tu as eu mon message et Michel aussi, tu sais donc que je suis au bout de ce que je peux supporter.
Oui, on a eu ton message, pas bien clair, mais on l’a eu.
J’ai été clair, je ne veux plus entendre parler de vous.
Tu es sûr ? Moi je crois que tu as eu un coup de mou.
Tu ne peux pas te cacher de tout le monde indéfiniment, tu t’en doutes bien.
Michel m’a dit de te faire part de son amitié et de sa compassion. Il sait par où tu es passé et par où tu passes encore. On croit cependant que tu n’as pas toutes tes facultés pour faire face seul à tout ça.
À l’écouter et dès ses premiers mots, Guillaume sut qu’il ne résisterait probablement pas aux « conseils et recommandations » de ses associés.
Je me dis que je suis dans une mafia avec vous ! À vouloir en combattre une autre, je me suis inféodé à vos méthodes et je me perds dans la déraison.
La déraison ? Tu as toujours des mots subtils, mon ami.
Oui, tu es peut-être déraisonnable, et même sûrement, tu te mets en danger à vouloir l’éviter ainsi.
Nous ne sommes pas une mafia, peut-être une famille oui, mais cela tu l’as su tout de suite.
Ne confonds pas tout.
Et comment comptes-tu éviter tes ennemis ? Tu crois qu’ils vont renoncer à te surveiller et obtenir de toi ce qu’ils veulent ?
Ne te fais pas d’illusion, tu es en meilleure sécurité avec nous que seul, il n’y a aucun doute là-dessus et si tu crois le contraire c’est que tu n’es pas loin de ta fin, mentale pour le moins.
Les mots et la voix faisaient mouche. Guillaume se sentit encore plus fatigué, carrément harassé. Combien cela allait-il durer encore ? Combien de peines, de difficultés, de risques, de désolations allait-il falloir endurer ? Il lui sembla avoir divergé et perdu du temps pour rien. La fatigue ne le quittait plus. Il finirait bien par sombrer dans la folie à ce train.
Je suis venu te rechercher, tu devais t’en douter.
On ne va pas te laisser tomber, et tu n’es pas homme à te laisser aller sans te battre.
C’est sûr c’est plus compliqué que de débusquer tes animaux, et puis se cacher comme tu le fais ce n’est pas se cacher. Je dirais même que tu es mieux planqué dans tes affûts…
T’as qu’à voir !
Tout cela était frappé du bon sens. Il avait été nul le Guillaume, étonnamment nul.
Bon tu me paies un coup ou faut que je me serve ? Avec ce que je vois, on ne va pas s’émerveiller…
Pascal Fitoni savait bien ce qu’il faisait en venant débusquer le membre devenu important de « Lycaon et Callisto ». Il fallait récupérer l’homme pour sa sécurité et l’associé pour sauver ce qui pouvait encore l’être de leur Organisation. Et puis il l’aimait cet homme, aussi imparfait, aussi versatile qu’il pouvait paraître, il n’en était pas moins vrai que c’est lui pour partie qui l’avait écouté et compris pendant son drame. C’est lui qui avait ouvert son esprit, qui lui avait montré que la vie, sa vie était utile et qu’il était important.
Et pourtant Rimbaud était bien le principal suspect dans la mort de Vanessa, faute d’éléments nouveaux. Lui, le bûcheron, « le Canadien des Vosges » n’avait jamais eu le moindre doute, ou alors juste dans les premières heures après le meurtre ou le crime, on n’en savait toujours rien.
Guillaume ne s’était jamais défilé, il s’était présenté devant lui, le regard franc, et dans une souffrance sincère. Et, fallait-il le rappeler, il avait morflé largement pour être impliqué dans cette affaire quand même pas mal sordide. Et jusqu’à ce jour, cette semaine, il ne s’était pas dégonflé.
« Il assumait le Rimbaud, ce n’était pas un poète ! » conclut mentalement d’un mauvais jeu de mots l’homme solide comme les chênes qu’il avait abattu par centaines, et qu’il ne touchait plus et ne toucherait plus pour le restant de ses jours.
Et pour ça, il aurait voulu rencontrer Guillaume plus tôt dans sa vie, apprendre de lui avec ses mots, ses idées.
Tout le temps de cette suite de pensées, les deux hommes restèrent silencieux, on aurait pu dire qu’ils se transmettaient leurs réflexions par télépathie.
Le feu renvoyait toute la chaleur de ses braises et des reflets rougeâtres se réfléchissaient sur les murs de la grotte mal éclairée.
Bon bah je me sers alors… et puis on va causer, même pas longtemps, mais faut qu’on parle.
Guillaume semblait bouder, à vrai dire il n’aurait pas voulu rendre trop tôt les armes, qu’il n’avait pas d’ailleurs. Comme s’il voulait défendre son attitude, comme s’il voulait s’en sortir sans devoir donner des explications oiseuses. Il était déjà en mauvaise posture, pas la peine d’en rajouter.
Mais bon sang quel merdier !
Comment et quand cela finirait-il ?
Lui qui avait décidé de se couper du monde, enfin de son monde passé pour vivre de silence et de solitude, et bien, c’était gagné !
Comme reconversion, on faisait mieux !
Le grand gaillard, le colosse était là, il était venu, il ne l’avait pas abandonné à quelque bras séculier, qu’il soit de la Justice ou du grand banditisme. Et ça, ce n’était pas rien.
Fitoni avala deux grandes rasades de sa bière tiède, il fit une grimace en déglutissant et jetant un regard circonspect sur l’étiquette du breuvage qu’il tenait dans sa grande main. Il ne fit pas de commentaire, on n’était pas au Ritz, ni dans leur refuge de Bialowieza, ou même dans les Vosges, ou même encore tout près d’ici au domaine de Michel Guérineau.
Partout ailleurs, cette bière eut été meilleure, cela le démangea de le dire, mais l’important n’était pas là. Il ne fallait pas agacer le déprimé.
Les deux hommes conversèrent à leur manière, sans emphase, sans explication de texte, sans se chercher l’un l’autre au risque de se contredire, de s’affronter et remettre en cause la réconciliation.
La réconciliation… Ils ne s’étaient jamais fâchés d’ailleurs, c’est Guillaume qui avait un peu pété les plombs, rien de plus.
Pendant une heure peut-être ils s’écoutèrent, s’interpellèrent aussi. Ils ne se regardaient pas vraiment, ils débitaient leurs propos sur un ton monocorde la plupart du temps. Quand ils se regardaient, c’était plus pour s’interroger de façon muette que pour s’invectiver. Ils n’en étaient plus là. Ils se pansaient une nouvelle fois l’un et l’autre.
Guillaume aurait voulu justifier sa réaction, mais cela ne servait à rien avec son ami. Ils se savaient déracinés, déconnectés d’une certaine vie réelle.
À trop fuir, on se perd. Il s’était égaré, plusieurs fois déjà depuis le début de leurs frasques communes, mais là il était déboussolé, il le savait. Seul Pascal Fitoni l’homme des bois pouvait l’aider. À l’écouter, il n’en doutait pas. Mais le suivre c’était replonger dans le cirque.
En aurait-il encore la force ?
Leur serait-il encore utile ?
Se sauverait-il enfin de ce naufrage annoncé ?
Ne vivait-il pas son Fitzcarraldo ?
Vouloir porter une sorte de galion dans la forêt pour jouer un opéra. Vouloir sauver « Lycaon et Callisto » pour sauver les forêts, n’était-ce pas nourrir une illusion perdue d’avance ?
Guillaume n’allait pas se lancer dans cette élucubration face à Pascal, il ne connaissait probablement pas cette histoire, ce film dément. Lequel des deux figurait le mieux Klaus Kinski, maître des fous par excès de génie, s’il en était ?
Il vivait bien une chimère, maintenant il en était persuadé. Mais comment sort-on d’une chimère ?
Quand il s’agit d’un cauchemar, on se réveille, mais quand on ne dort pas, que cela constitue votre vraie vie, on ne met pas un clap de fin comme ça, il ne suffit pas de se faire secouer gentiment pour réapparaître à la vie normale.
Dans ce moment d’égarement, Guillaume perdit le fil de ce qui lui évoquait Pascal, ce ne devait pas être bien grave, il ne l’avait pas interpellé, il répétait sans doute toujours ce qu’ils avaient échangé des dizaines de fois à propos de leur travail, de leur sacerdoce même peut-être.
Pascal le sortit définitivement de son échappée culturelle.
Bon on est d’accord, vaut mieux rester solidaires ! Je te protège, tu me protèges, tu me conseilles et on fera en sorte de sauver ce qui peut l’être.
Guérineau lui réussira toujours à retomber sur ses pattes… Enfin sur ses pattes façon de parler, car on sait bien qu’elles ne le portent plus vraiment ses pattes…
Et puis on ne pourra plus jamais vivre comme avant dans notre sphère, notre monde que l’on voulait faire tourner en sens inverse de celui-ci, ou du moins lui faire remonter un peu de ce temps béni ou la nature gérait les hommes et pas l’inverse.
Arrête… Ne divague plus s’il te plaît… C’est fichu, on ne connaîtra jamais la vraie fin que l’on voulait écrire et c’est peut-être mieux comme ça.
On s’est embarqué, toi surtout depuis le début, moi récemment dans un trip dangereux. Un paradis artificiel semblable à ceux que procurent les drogues dures, t’as qu’à voir où on en est rendus !
Et alors on ne va pas se laisser crever le bide parce que « Mossieu » a des états d’âme !
De toute façon, tu as bien compris qu’on sera mieux protégés par nos structures qu’isolés même sur une plage perdue du Pacifique.
Et puis tu t’emmerderais, avoue-le !
Fitoni bien qu’utilisant des propos approximatifs avait raison. Guillaume le savait même s’il ne voulait le reconnaître verbalement. Il se contenta de hocher mollement du chef.
Bon bah tu ne vas pas rester dans ton trou ! fais ton paquetage, ça ne devrait pas être trop long hein… et je te redépose chez toi.
Il s’efforça de prendre un ton amusé, mais il sentait que l’instant était délicat, Guillaume n’était pas encore tout à fait sorti de son trou comme il disait.
Et vu l’heure qu’il est, je te demande l’hospitalité, tu as ton canapé ou une chambre pour moi si ça ne te dérange pas ?
Il n’était pas question de laisser l’homme fragile à nouveau seul dans ses errements.
À vrai dire si l’opération récupération devait réussir même Guillaume savait que c’était avec la présence de son pote. Sa force de conviction équivalait bien sa force physique, on ne résistait pas longtemps à ce genre de bonhomme. Encore moins dans des moments de perdition.
Bon je te suis… Je ne sais pas ce qui m’arrive…
Tu ne vas pas remettre ça, on tire un trait là-dessus, on a du boulot c’est le meilleur des remèdes et ta part est indispensable, alors stop à la gamberge mon grand !
Pascal se rapprocha de son ami et s’apprêta à lui taper lourdement sur l’épaule, il se retint in extremis et changea sa bourrade en une sorte de caresse… quand même un peu rude, mais pas trop.
Ce n’était pas le moment de réveiller la colère de l’homme blessé, meurtri.
Pendant que Guillaume ramassait ses affaires. Pascal entreprit, plus par contenance que réellement motivé, de débarrasser un peu la table de ce qui pouvait être jeté d’une part et de ce qui allait passer à l’évier pour une petite vaisselle. Ce n’était pas du luxe et donnait un peu de vie à cette heure tardive.
Guillaume disparut un instant de la pièce principale. La petite main de circonstance éleva la voix pour se faire entendre :
On va marcher un peu, je suis garé à cinq minutes, et puis ça va peut-être nous enlever un peu de cette odeur de fumée… Je ne sais pas comment tu fais ? Même moi, ça m’indispose…
Ferme là ! obtint-il pour tout réponse.
Bon, l’humour n’était pas encore revenu entre eux.
Une fois quittée la cave, le parcours pédestre se fit en silence. Arrivés à la voiture, ils partirent lorsque le chien se fut couché sur la banquette arrière après avoir tourné viré trois ou quatre fois. Il avait traîné un peu, il avait fallu l’appeler pour le presser, ça caillait quand même.
Quelques minutes suffisaient pour rejoindre La Closerie. Intérieurement, Guillaume ressentit du plaisir à revenir dans ses meubles. Ikem témoigna sa joie en jappant quand l’auto quitta la route pour s’engager sur le chemin qui menait à la propriété. Lui n’avait pas de doute sur ce retour.
Comme un vieux couple, les deux hommes s’organisèrent pour leur installation… toujours en silence…
Juste avant de se séparer pour leur quartier de nuit, Pascal rompit leur mutisme.
Demain, on se cale pour la suite comme on avait prévu la dernière fois.
On n’aura pas perdu de temps, il n’y a rien eu de nouveau.
Le patron va être content qu’on se retrouve, crois-moi, il va l’être. Tu comptes pour lui sûrement autant que pour moi. On a besoin les uns des autres.
Bonne nuit Ami !
Guillaume ne relança pas. Il se sentait partagé. Rassuré par l’intervention de son ami, mais inquiet à l’idée que rien n’était réglé ni terminé. Il se dit qu’il allait se ressaisir et reprendre son costume de battant.
Bonne nuit, Pascal, j’espère que tu as raison de maintenir ce cap.
Bien sûr que je suis au courant du projet de contrat entre TSW et CMS ! Plutôt deux fois qu’une ! Rappelle-toi, je t’avais dit que je cherchais une autre voie et pourquoi pas chez les Twenty. Alors comme elles veulent que je les rejoigne, elles m’ont déjà à moitié incorporée dans leur effectif.
C’est l’influence de Charlotte sur ce contrat ! Elle a déjà négocié en partie avec son mec Calmejane… Elle a des arguments… très privés, et lui il en est dingue !
Plutôt facile pour elle… pour le moment…
Maud n’était pas mécontente d’étouffer l’impression de gars bien informé que lui faisait passer Théo dans sa pseudorévélation. Il se dit que l’idée de Guimont ne s’annonçait pas aussi efficace qu’il l’aurait cru. À moins qu’il n’ait pas su l’amener… Trop pressé d’obtenir des infos, il avait grillé son effet.
Ah ouais… Mais je ne pensais pas que tes contacts avec les filles étaient aussi avancés…
Bah, je ne te dis pas tout, et ça progresse tous les jours un peu… ou pas…
Oui, je vois ça…
Non, tu vois rien !
Elle l’avait retourné le Théo !
Par contre, tu ne sais peut-être pas tout de son audition avec Cortès ?
Annonce voir !
Il serait peut-être inquiété par des surfacturations dans sa société de Consulting, CMS.
Quels types de surfacturations ?
D’après nos renseignements, elles se répartissent sur des meetings politiques et sur l’utilisation détournée de subventions publiques.
Sois plus précis s’il te plaît ?
Par exemple, il y aurait un cas avec une intervention pour une campagne de communication pour un labo. Celui-ci fonctionne avec une part de subventions publiques pour la recherche sur le traitement des cellules lymphatiques et sur les maladies hépatiques.
L’argent aurait été utilisé pour une communication sur la commercialisation de traitements vétérinaires à destination des zoos, parcs aquatiques, réserves animalières à thème et centre de reproduction d’animaux sauvages en raréfaction, ou en extinction.
Comment on peut prouver cela ? Une somme versée sur un compte n’est plus identifiable une fois qu’elle fait partie d’un nouveau solde. On ne peut plus l’individualiser. On appelle cela l’effet novatoire.
Oui, je sais, mais là ce labo est perpétuellement en solde débiteur dans ses banques. Donc c’est plus facile pour voir où sont affectés les versements créditeurs. Et en plus dans le cas que je te cite, il y a eu un virement deux jours après seulement le crédit vers le compte de CMS. Et des virements ont été faits dans la foulée vers une société de communication et vidéos, pour un montant à peu près équivalent à la subvention… Forcément, ce n’était pas malin.
Oui et il y avait un contrat de quel type ?
Eh bien, c’est là que le clou s’enfonce. Dans le contrat, il y avait bien un objet de consulting pour un travail sur des molécules. Il se répartissait entre plusieurs laboratoires au titre d’essais contradictoires. Mais il y avait aussi un paragraphe ambigu. Il évoquait la possibilité d’autres destinations des fonds visant à assurer la bonne mise en œuvre de la Recherche et Affectations ad hoc, ou quelque chose comme ça. Avec des majuscules à ces deux mots.
Rédaction typique qui annonce une embrouille.
Il n’y a pas eu de réelles mises à l’étude et essai sur plusieurs laboratoires. Sauf avec une filiale, pas d’analyse contradictoire à proprement parler et une facturation bidon dans ce cas-là.
C’est peut-être qu’un cas isolé !
Apparemment non, Goupille !
Je t’en prie, on n’est plus des potaches !
Et vlan ! Le grand dégingandé venait encore de s’en prendre une ! Elle n’avait pas l’humeur à rire. Elle n’aimait pas qu’on lui apprenne des choses, disons, désagréables, sur quelqu’un pour qui elle travaillait. Elle savait l’effet de contagion et d’association négative que pouvaient provoquer certaines déviances.
Il y a d’autres détournements suspectés, ce qui permettrait de qualifier l’activité de frauduleuse dans son ensemble.
Il y a aussi des contrats avec « Lycaon et Callisto », tu connais sans doute, tu as dû en entendre parler par ton patron…
Oui, oui… Continue !
Elle s’agaçait Maud !
Les contrats sont dans le même style et pour des activités plutôt controversées dans la GPA, gestation pour autrui… Sous couvert d’essais sur des animaux, trafic d’embryons, sélection génétique à la demande… etc. Mais là, c’est beaucoup plus compliqué à repérer, les sociétés et les circuits financiers sont multiples et hors frontières souvent.
Il y aurait des pays comme la Corée du Sud, la Chine, et quelques pays issus de l’ancienne URSS, du côté Caucase ou Sibérie… Tous intéressés par les produits vétérinaires, mais aussi le côté recherche ADN, embryons, clonages…
Ils ne sont pas inintéressés par les produits à destination humaine… C’est là que ça devient compliqué. Les sociétés sont toutes logées dans des pays offshores.
Merde ! Dans quoi il s’est fourré Calmejane ? Si une instruction est en cours, et la presse informée, il est foutu. On n’aura jamais le temps d’évacuer le dossier avant les Européennes. Et ces potes de l’assemblée et à l’Élysée vont le lâcher.
Et je ne te parle pas des surfacturations lors de meetings politiques, il y aurait eu des devis de complaisances et d’autres d’ententes tarifaires illicites.
Et là, il y a TSW qui est concerné, car ils se trouvent que ce groupe intervenait à divers titres, et pas seulement pour les Européennes.
Si en plus on inclut les rétrocessions ou marges arrière, tu t’aperçois que CMS fonctionne comme une multinationale ou une société de grande distribution.
Pas courant dans la recherche et le consulting !
Maud qui pensait qu’elle utiliserait ce grand dadais de Théo. Elle l’avait sous-estimé sérieusement cette fois. Elle s’en voulait d’avoir été aussi peu vigilante sur son pacte avec lui. Il avait mis le nez dans des affaires qui concernaient ses deux horizons professionnels !
Un vrai coup dur !
Elle avait besoin de réfléchir… d’urgence… il fallait dans l’immédiat assurer sa moitié de contrat tacite avec Théo.
Bah… je te remercie. J’étais loin de savoir que c’était aussi infiltré et qu’il était aussi impliqué dans son entreprise. Alors qu’officiellement il n’aurait plus d’activité à l’intérieur, et serait ultra minoritaire.
Tu sais comme moi qu’il peut avoir cédé l’essentiel de ses parts à un actionnaire dormant avec protocole de cession préparé pour la reprise.
Oui, bien sûr, beaucoup font ça. Pas que dans la politique, mais dans les affaires ordinaires quand un associé veut sauvegarder ses parts, en cas de divorce par exemple.
Bon… j’ai peut-être quelque chose pour toi… Enfin, ce n’est pas béton, mais tu verras.
Il trouvait Maud plutôt en retrait. Soit elle accusait le coup, soit réellement elle n’avait pas grand-chose à lui transmettre.
Il se sentait déjà frustré. Décidément, la stratégie de Guimont n’apparaissait pas comme très efficace pour l’instant. Par contre, il était satisfait d’avoir donné des éléments sur le propre entourage de sa camarade. Il fallait absolument qu’il mette à profit ce léger avantage.
Dis toujours…
Deux petites choses que m’a confiées Xavier Calmejane.
Il a reçu une menace par courrier, à l’ancienne… avec un timbrage de Lituanie !
Dans cette lettre, il lui était intimé de ne pas s’associer avec Clémence Gallard pour les Européennes. Pour la raison que cette personne représente une société aux méthodes plus que controversées dans son recrutement. Et d’autre part, son message universel de libération des femmes est quelque peu contrarié dans son fonctionnement interne.
Le plus important de la lettre réside dans les allégations concernant un trafic à l’encontre de jeunes filles mineures. Il est fait allusion au tourisme sexuel.
C’est une des filiales de TSW qui est concernée ; Masters Services.
Les premières analyses n’infirment ni ne confirment ces accusations.
Il y aurait aussi une rumeur disant que cette lettre aurait été envoyée à d’autres députés du même parti… Mais là, ce n’est pas prouvé.
Alors ce n’est pas la peine de travailler là-dessus ?
Oui et non… Car j’ai appris que la présidente Gallard prenait très au sérieux ce dossier. Elle organise les recherches et compte bien élaborer un rapide pare-feu.
Ouais… on peut penser qu’elle va régler cela vite fait.
Et la deuxième chose alors ?
Xavier Calmejane est allé au salon de Bialowieza. Il devait rencontrer quelques-uns de ses homologues et faire un saut en Biélorussie par la même occasion.
Il a été contacté en marge du salon. Il venait de sortir d’un rendez-vous semi-privé et une personne l’a interpellé dans la rue. Il était tard, disons vers minuit.
Cette personne lui a transmis un message venant d’un groupe d’industriels de la pharmacie et du tourisme vert. Un truc plutôt alambiqué et flou.
Calmejane n’a pas vraiment compris ou il m’a fait croire qu’il n’avait pas tout assimilé. Je ne saurai vraiment dire.
Toujours est-il qu’il a reçu de réelles menaces sur ses intérêts personnels s’il donnait trop d’audience aux groupuscules altermondialistes et à des associations contre l’exploitation animale.
C’est vague ça ! Qu’est-ce qu’on peut faire de ça ?
Attends mon mignon, ça pourrait ne pas être utile de savoir cela, si son messager ne lui avait pas fait un aparté sur Ruddy Voller !
Oh ?!
Là, le député ne m’a pas tout dit, et encore une fois je me demande s’il ne m’a pas promené un peu. Histoire, auprès de moi en m’impliquant, de s’accorder une image de victime innocente, totalement étrangère à ce qui peut lui être reproché.
Oui, mais attends si c’est trop compliqué, on ne pourra rien en faire. Et puis tu as vu… Ce n’est pas en France tous ces dossiers, comment veux-tu qu’on travaille vite ?
Mes patrons ne vont pas engager des moyens là-dessus avec aussi peu de matière.
Ça, c’est votre problème ! On s’était mis d’accord sur des échanges concernant ces sociétés et ces personnes, maintenant si ça ne vous convient pas…
Autrement dit… Démerdez-vous !
Et sur Voller, il ne t’a pas dit plus ?
Bon puisque tu me le demandes gentiment… Le gars lui a fait comprendre que son collègue euro député n’avait pas respecté certaines recommandations et qui plus est menaçait d’activer une commission d’enquête.
A priori, il voulait que le parlement se penche sur les contrôles des laboratoires et des subventions européennes dans le secteur de la santé et de l’environnement.
Ainsi, il espérait refroidir certaines personnes et structures qui le harcelaient.
Le message délivré par l’inconnu c’était une manière subtile ou presque de lui dire : « Fais gaffe mon pote, sinon tu vas gagner un billet pour le même voyage que ton copain ! »…
Après ces échanges techniques compliqués et opaques, ils observèrent un long silence. Ils sirotaient leurs bières.
À vrai dire, ils nourrissaient chacun de leur côté des pensées contradictoires.
Ils en étaient rendus à échanger des informations dangereuses pour eux deux. Simplement, Maud se rendait compte dans quelle panade elle s’était mise avec ce deal.
Elle voulait avoir des infos sur TSW utiles pour la négociation sur la campagne des Européennes. Elle en était à révéler des choses plutôt malsaines contre son propre employeur et celles qu’elle voudrait rejoindre.
En même temps, il valait mieux être informée avant qu’après.
Elle avala une grande gorgée de son breuvage ambré et se dit qu’à quelque chose malheur est bon… Elle était déçue d’apprendre ces dérives, mais elle pourrait agir en connaissance de cause.
Théo Bourrat, lui, jubilait plutôt. Il avait de quoi rapporter au Labyrinthe. Bon d’accord c’était peu exploitable et une véritable usine à gaz dans les deux cas.
Mais il avait des choses à entrer dans Profiler System… Enfin, il le pensait, et il verrait bien.
L’inspecteur Lacourt n’avait pas été long à répondre à la demande de Guillaume Rimbaud.
À l’évocation de l’objet trouvé, potentielle pièce à conviction, le magistrat avait donné rendez-vous le lendemain à La Closerie, pour dix heures. Il viendrait en TGV et prendrait un taxi.
Vous avez fait bon voyage, Mr le juge ?
Oui, même pas une heure de train et vingt-cinq minutes de taxi, c’est moins long de faire deux cent trente kilomètres que traverser Paris !
Comment allez-vous ?
De mieux en mieux depuis que je suis sorti.
Tant mieux ! Et c’est bien que vous m’ayez appelé, car je prévoyais de vous rencontrer pour obtenir des informations nouvelles, je comptais que vous ayez retrouvé tous vos moyens et votre mémoire.
Un café ?
Oui s’il vous plaît. Je ne suis pas là officiellement en tant que juge comme je vous le disais au téléphone. Je supervise l’affaire avec une collègue, tant que les enquêtes préliminaires et que l’enquête judiciaire n’auront pas donné de chef d’inculpation, je n’instruis pas. Nous sommes dans un contexte particulier. Le parquet, compte tenu des ramifications nombreuses dans ce dossier, a voulu que deux magistrats supervisent l’affaire depuis le début et espère gagner du temps.
Je n’y comprends pas grand-chose en matière de justice, vous savez…
Et je me sens un peu gêné que ce soit vous qui vous déplaciez et pas un de vos inspecteurs.
Remarquez, je ne me voyais pas parler de cela avec un de vos officiers de justice, aussi compétent soit-il.
Et moi je ne devrais pas vous en dire autant, mais c’est la technique décidée d’un commun accord avec Mme Cortès. On se partage les dossiers.
Je répète la même chose sans cesse, et ça n’est pas forcément toujours clair.
Enfin, l’important c’est d’avancer.
Pour ne pas vous faire perdre de temps, pendant que vous vous installez et prenez le café, je vous montre… la montre… oui, ce n’est pas élégant comme formulation… Désolé.
L’élégance est rarement de mise dans notre domaine. Nous ne nous attachons pas à la syntaxe, mais aux faits ! Et des faits… il nous en manque un certain nombre, notamment dans la partie qui vous concerne.
Je m’en doute…
Guillaume alla dans son séjour et disparut à la vue du Lacourt. Il revint quelques secondes après en tenant le précieux objet toujours enveloppé dans un mouchoir en papier et en plus recouvert de deux feuilles d’essuie-tout.
Il posa le paquet sur la table face à Lacourt et écarta précautionneusement l’emballage.
Voilà ce qu’il y avait au milieu de la cour !
Au milieu de votre cour ? C’est vous qui l’avez trouvée ?
Il mentit, il ne voulait pas impliquer son amie photographe, elle était déjà assez perturbée comme ça. Et pour le coup s’il révélait la vérité et qu’elle soit convoquée, elle ne lui pardonnerait pas.
Oui. J’ai donné un coup de pied dedans.
Le juge la regardait sous toutes les coutures, jusqu’à coller son visage sur la table. Pas question de s’en saisir.
Bizarre que les services techniques ne l’aient pas trouvée ! Vraiment étonnant…
Vous ne l’avez pas touchée, enfin pas trop manipulée ?
Je l’ai saisie par la boucle seulement. Je ne sais pas si elle fonctionne, elle est peut-être en veille. Elle semble en bon état.
Oui, effectivement. Elle n’était peut-être pas là lors de l’agression, car elle aurait probablement été endommagée.
Sauf si c’est un des gars qui ne s’est pas mêlé à la bagarre, et qu’il l’a perdu en aidant un de ses partenaires à regagner leurs véhicules. Il aurait pu la perdre pendant le repli précipité.
Oui possible, mais c’est quand même étonnant qu’elle n’ait pas été trouvée par nos services.
Je voulais aussi vous parler de la pelle. Je m’en suis servie pour me défendre et j’ai frappé un ou deux hommes, je ne sais plus vraiment. Elle est toujours là.
Montrez là moi.
Aurélien Lacourt se dit que décidément les gars de la police scientifique n’avaient pas fait leur boulot jusqu’au bout. Étonnant cela aussi. Ce n’était pas dans les habitudes de la Maison.
Ils sortirent et Guillaume le guida vers l’endroit où il l’avait remisé.
J’ai pris des gants de jardin pour la manipuler. Ce n’est peut-être pas l’idéal, mais ce n’est pas moi l’homme de l’art.
Oui, je comprends, je comprends.
Lacourt regarda la pelle sans plus d’attention. Il y avait ce qui paraissait être des traces de sang.
Je vais faire venir un officier de la PJ pour la récupérer.
Guillaume fut un peu surpris de la relative désinvolture avec laquelle le juge semblait traiter cet outil qui avait sûrement récolté des traces d’ADN. Il n’osa pas témoigner sa déception.
Bon, je vais vous laisser. J’ai vu l’essentiel. J’ai un autre rendez-vous. Il faut que je file.
Merci encore pour votre prévenance et votre aide.
Bah vous savez j’y ai plutôt intérêt. L’enquête ne semble pas beaucoup avancer.
Ce n’est pas parce que vous n’avez pas d’informations qu’il n’y a pas de progrès.
Lacourt paraissait absent, comme préoccupé par quelque chose. Ils retournèrent à l’intérieur, le juge remballa la montre et la mit dans un pochon en plastique qu’il sortit de son étui de tablette. Il prit rapidement congé.
Guillaume regarda le taxi s’éloigner. Il ne savait que penser de ce rendez-vous.
Le chauffeur entra l’adresse que lui communiqua son client. Quelques minutes plus tard, la voiture s’engagea dans la grande entrée surplombée du panneau devisé de Palluau.
Arrêtez-vous s’il vous plaît.
Lacourt fut surpris de voir l’inscription au-dessus de l’entrée du domaine.
Ah, c’est pas banal ! commenta le chauffeur.
On dirait qu’on entre dans un ranch.
Le juge sortit son smartphone et prit deux ou trois photos.
En effet, ce n’est pas commun. Et cette devise non plus… H H H en majuscules.
Il lut à voix haute :
Humilité et Honneur me font Homme ! Pas banal en effet.
Vous pouvez y aller.
Le rendez-vous qui l’attendait n’avait rien à voir avec la conversation gentillette de Rimbaud.
À vrai dire, le meurtre de Vanessa Courtin conservait de moins en moins d’importance à mesure que le dossier DG42 et TSW grossissait.
Manifestement avec Guérineau on n’était pas dans la même catégorie. On concourrait en poids lourd.
Il espérait obtenir plus d’informations que lors de leur première entrevue. Il fallait bien reconnaître qu’elle n’avait pas été fructueuse.
En répétant ces rencontres, il y aurait bien un moment où il ouvrirait des pistes sérieuses.
Le juge avait décidé rencontrer à nouveau lui-même Michel Guérineau, comme prévu après son retour de Bialowieza, mais à son domicile. Il ne voulait pas que cet entretien soit fait par quelqu’un d’autre.
Et pour faire d’une pierre trois coups, il allait rencontrer aussi Pascal Fitoni. Il fallait que la journée soit productive… il le fallait…
Il paya le taxi. Il conserva sa carte ou plutôt celle de sa compagnie. Il en rappellerait un dans deux heures environ.
Voilà le juge, Michel ! Le juge Michel ? Tiens ça c’est marrant…
Pascal Fitoni s’amusa sur l’association de ses deux mots ; en référence à un juge célèbre marseillais, Pierre Michel assassiné en 1981 par la mafia.
Ne va pas nous porter la poisse Pascal ! Souhaitons-lui longue vie à ce juge.
On va le recevoir dans la salle aménagée pour la presse et ses collègues inspecteurs.
Il y a quelque chose de prévu pour déjeuner, car il ne va pas vouloir accepter une invitation au resto cet homme ?
J’ai prévu, il mangera à notre cafétéria, s’il ne considère pas cela comme une tentative de corruption. Sinon j’ai aussi préréservé une table chez « Lucien » dans le bourg.
On va trouver le temps long…
C’est possible, oui…
C’est Fitoni qui sortit pour accueillir Lacourt.
Bonjour, Monsieur le Juge.
Pascal Fitoni…
Vous êtes loin de vos bases ici n’est-ce pas ?
On n’en est pas au déplacement de la Justice pour l’instant. Je viens juste faire mon travail d’instruction.
Je vais vous entendre en premier Mr Fitoni et ensuite votre patron.
Où nous installons-nous ?
Une fois les présentations faites avec Michel Guérineau, ils s’installèrent dans la salle prévue. Une personne de la cafétéria, juste à côté, avait préparé des cafés.
Aurélien Lacourt se dit que s’il gérait bien ses entretiens, il finirait sa journée par la visite du lieu du crime, la maison de Vanessa Courtin. Il avait fait prévenir le mari.
L’audition de Pascal Fitoni dura presque une heure. Il avait décidé qu’il en dirait le moins possible afin de ne pas se fourvoyer dans des réponses hasardeuses. Il n’était pas habitué aux rhétoriques, ce n’était pas un orateur. Il craignait se faire piéger, perdre en assurance et donc paraître suspicieux.
Votre amie Vanessa Courtin vous a-t-elle fait cadeau d’une montre technologique de chez Masters Services ?
Non pas de cadeau de ce type et je n’en ai pas l’utilité et je ne saurais m’en servir.
Ce fut une des dernières questions que posa le magistrat.
Il était largement l’heure d’aller déjeuner. Il sortit de la salle et sentit une odeur de cuisine qui lui ouvrit les papilles et l’estomac.
Une femme surveillait sa sortie et lui proposa ce qu’avait prévu son patron, la cafétéria ou le restaurant du village.
Déjeuner sur place sera parfait.
Il se retrouva mélangé à la vingtaine de collaborateurs du site qui se restauraient là. D’autres rentraient chez eux pour les quelques travailleurs locaux.
Afin de rompre sa relative solitude, il entreprit de téléphoner. Le réseau n’étant pas bon, il renonça assez vite.
« Ah… les joies de la Province profonde… » pensa-t-il.
Pas de 4G ici…
Il avala son plateau-repas, et prit son café.
L’ensemble était plutôt correct, voire carrément bon.
L’entreprise savait soigner ses employés.
Il alla faire un tour à l’extérieur. Il observa l’environnement quotidien de l’un des hommes les plus secrets à propos duquel il ait eu lieu d’enquêter. Il se crut dans un autre monde. Peu de bruit, chaque chose paraissait à sa place, aucun désordre. Le personnel semblait presque sorti d’une série de science-fiction. Ils paraissaient tous concentrés, ne parlaient pas fort. La discrétion semblait bien être une marque de fabrique.
Il eut une impression bizarre qu’il mit sur le compte du dépaysement forcé.
Après sa promenade d’une quinzaine de minutes, il vit apparaître le massif patron. De son perron, il interpella le juge d’instruction.
Je suis à votre disposition Monsieur. Dois-je vous rejoindre maintenant dans la salle Lavoisier ?
Ce patronyme n’évoquait rien de particulier à son enquêteur, sinon qu’il appartenait à un illustre savant aux multiples facettes, chimiste, philosophe, économiste.
Michel Guérineau aimait à rappeler qui était Lavoisier, quand il en avait l’occasion et qu’on l’y invitait. Pour l’heure, ce n’était pas opportun.
Il aimait faire l’inventaire de ses talents, inventions. Il ne manquait de finir sa description avec des accents de dramaturge en narrant sa fin tragique. Il n’oubliait pas de faire un épilogue en évoquant sa rédemption posthume.
Nul doute qu’il se comparait à ce scientifique autant incompris qu’inadapté à son temps.
Auprès de ces proches collaborateurs, il ne cachait pas qu’il se sentait investi de la même passion d’homme missionnaire dans tout ce qu’il abordait. Il rêvait d’excellence.
Le monde était parfait avant l’homme, il le serait resté sans lui.
Nous nous devons d’utiliser notre intelligence pour le restaurer au moins dans des lieux où nous ne sévissons pas, avait-il coutume de répéter.
Vraiment là, ce n’était pas le moment de partir dans de telles envolées lyriques.
Où vous voulez pourvu que nous soyons tranquilles, et pas dérangés.
Comme d’habitude, il fallut un certain temps à Guérineau pour qu’il s’installe et trouve ses aises.
Lacourt fut encore surpris de la prestance de cet homme. Il se remémora leur première rencontre dans son bureau, juste quelques semaines auparavant.
Il émanait de lui une présence, une fantastique puissance pas forcément physique, malgré son opulence et sa difficulté à se mouvoir. De même, il remarqua le regard aiguisé, les yeux clairs et l’intelligence que révélait son visage.
Il comprit que ce personnage n’était pas n’importe qui et que s’il était devenu aussi puissant malgré ce qui paraissait être un handicap, malgré ses difficultés à respirer, il devait avoir un charisme hors pair. Tellement de gens le suivaient. Tellement de sociétés diverses l’avaient rendu incontournable dans le monde des biotechs, de la recherche de nouvelles molécules, de tout ce qui touchait à l’ADN, la reproduction d’êtres vivants, humains, animaux, insectes.
Je m’intéresse à ce qui touche à la Vie, avec un V majuscule, monsieur le juge.
J’ai des convictions et je ne m’en cache pas. Beaucoup de mes activités ne me sont pas essentielles et ne font pas me lever le matin avec l’ambition de rendre le monde meilleur.
Mais elles sont périphériques à celles qui me maintiennent encore sur mes deux jambes.
C’était une partie de sa réponse à la demande du juge de se présenter à nouveau, sur ce qui le motivait et de lui parler succinctement de son métier.
Et vous pensez tout maîtriser ?
Si vous faites allusion aux dernières nouvelles, je ne vois pas en quoi je pourrais être responsable, je l’ai dit aussi bien à vous qu’à vos auxiliaires.
Directement peut-être pas, cependant nous avons appris que certains de vos contrats dans la vente de produits vétérinaires et d’autres dans la modification d’ADN ou l’élaboration d’espèces hybrides, ne respectaient pas la législation française.
De plus le fait que vous ayez une partie de vos affaires hors de l’Union européenne, nous n’avons pas une vision précise de vos activités principales.
Des flux financiers ne sont pas très explicites et nous devons avoir vos explications.
Cela, vous le savez, nous nous en sommes déjà entretenus.
Mais tout ça n’a rien à voir avec les affaires en cours et ce pour quoi vous instruisez ?
Nous ne nous limitons pas. Les mobiles de meurtres sont souvent alambiqués et n’apparaissent pas au grand jour forcément.
Dans votre cas, compte tenu de tous les domaines dans lesquels vous exercez, vous devez avoir de fortes inimitiés.
Nous devons travailler quelques pistes et les creuser ensemble.
La situation ne se décantait pas vraiment. On tirait à fleurets plus que mouchetés.
La suite de l’échange allait porter sur les liens entre les différentes sociétés du Groupe DG42. Il fallait assimiler les relations avec les politiques d’Avenir et Progrès d’une part et les relations avec certains pays hors CEE d’autre part.
Débat qui s’annonçait très technique. Lacourt se reprocha d’un coup de ne pas être assisté…
Il avait décidé de revoir le dirigeant pour évoquer ses entreprises.
Il tenait à intervenir avant la brigade financière. Sa méthode plus « douce » lui permettrait peut-être d’obtenir des choses.
Au final, devant la complexité et la masse des dossiers, il en vint à décider que les services de l’instruction récupéreraient les documents originaux de certains contrats, un organigramme très détaillé et précis du Groupe, et l’agenda du patron sur les douze derniers mois.
Il y aurait du travail pour plusieurs semaines. Cela n’arrangeait pas vraiment Lacourt. S’il devait émettre des conclusions engageantes pour les personnes entendues, il fallait qu’il le fasse avant les élections européennes pour certains témoins.
Et avant quelques semaines pour enrayer le cycle de meurtres en cours.
Et ses autres affaires resteraient en suspens… Et on allait lui demander des explications, et il devrait rappeler courtoisement selon l’interlocuteur, l’indépendance de la justice et la nécessité d’accorder le temps nécessaire à l’instauration de la vérité, au pas lent de la Justice.
Pour le moment, il n’y avait pas un véritable accusé, ou plutôt un présumé innocent…
Le juge Lacourt prit congé et appela un taxi. Il éprouvait un sentiment amer. Il n’avait pas appris grand-chose dans les relations entre ses deux hommes et le reste des protagonistes. Quelque chose lui échappait, il n’avait aucune idée de ce que c’était.
Il allait falloir que la providence vienne à son aide. Il se dit qu’il devait compter sur sa bonne étoile.
Aussitôt, il se corrigea mentalement.
Non, il valait mieux compter sur une révélation de la presse, ou sur un élément nouveau et fortuit.
Il était venu, il avait vu, il n’avait rien vaincu de ses doutes.
Il n’avait pas envie de passer par le lieu du meurtre. Il reprit son téléphone et demanda qu’on prévienne Mr Courtin qu’il avait un empêchement.
Présentez-lui mes excuses, et dites-lui que nous le recontacterons pour l’entendre.
Il n’en avait cependant pas envie. Cette affaire n’avançait pas et il se demandait chaque jour, ce qui pourrait bien la faire basculer dans une direction ou une autre. Le parquet s’impatientait.
Il ne pensait plus qu’à remonter dans le TGV qui le ramènerait dans son aire de prédilection… Les couloirs et instances de son environnement habituel.
Il avait presque horreur de cet aspect-là du métier. Pourtant, dans sa carrière, il devait faire montre de prises d’initiatives et provoquer ce genre de transportement de justice sur les lieux des délits.
Seulement, voilà, celui-ci, limité à son propre déplacement et avant même qu’un procès soit ouvert, n’apportait rien.
Sa consœur allait bien lui reprocher d’avoir voulu faire route seul et croire qu’il avait assez d’éléments en main pour en faire révéler d’autres.
Au moins se ferait-il une idée des hommes qu’il avait rencontrés, enfin peut-être.
Ah si ! Il avait la montre ! C’était peut-être le seul point positif à venir… Et puis la pelle… Pourquoi cette pelle n’avait-elle pas été versée au dossier ?
Si… Si… Cette journée serait peut-être positive…
Bon enfin pas de quoi siffloter sous la pluie qui commençait à tomber, froide et de plus en plus dense.
Théo s’était levé tôt, plus tôt qu’à l’accoutumée. Il se sentait excité, presque fébrile. Il n’avait pas avalé son café, il en prendrait un dans son bar habituel. Il était pressé, lui… pressé…
Il passa acheter le Point du Jour. Il ne put résister et rechercha le titre qui l’intéressait.
« Affaire Voller : la mafia russe dans le coup ? Le député Calmejane aurait aussi été menacé ! suite page 8. »
Il rechercha le feuillet. Il lut en diagonale.
« Oui, ça y est, c’est passé ! »
Il entra dans le bar et contrairement à son usage, il ne s’installa pas au comptoir. Il avait prévu du temps et alla s’installer dans un coin tranquille.
Son travail avait payé. Il était cependant rempli d’un vrai malaise. Il avait révélé l’essentiel de son rendez-vous avec « la Goupille »…
Là, c’était sûr, elle allait lui exploser à la figure !
Il lui avait fallu négocier un peu de temps avec Amandine Augeard et ses collègues entre autres de Words of World, mais pas seulement. Le labyrinthe voulait récolter sa part du gâteau.
Attendez ! OK, c’est du chaud et il ne faut pas le laisser refroidir. Mais je vous rappelle que j’ai obtenu cette info par mon amie et qu’elle va découvrir que je l’ai doublée.
Tu as bien quelque chose à lui donner en contrepartie ?
Amandine bien que très accro à faire paraître la suite de son feuilleton, reconnaissait aussi un peu que son jeune partenaire avait réussi un truc.
L’algorithme, notre cher Profiler System, a aussi émis des infos sur ce scénario. Nous n’avions rien repéré et les données, même les plus anodines apparemment, entrées chaque jour ont fini par payer.
Brice Dieudonné rayonnait en rappelant la concordance des informations avec le logiciel. Enfin, sa société Practice News et lui allaient pouvoir entrer dans la danse.
Il me faut un jour ou deux pour que je me retourne et trouve comment contrer la furie qui va me tomber dessus.
Deux jours en la matière c’est beaucoup !