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Née d’une rencontre imaginaire avec Juliette Binoche, entrevue à travers son œuvre et ses prises de parole publiques, cette méditation intérieure dévoile, derrière la figure médiatique, une femme inspirante dont la profondeur spirituelle devient catalyseur d’introspection. Longtemps empêchée par un silence intérieur, l’écriture de ce texte renaît dans le contexte du confinement, portée par une quête de sens et de beauté. Il explore les territoires silencieux de l’âme, trop souvent oubliés dans le tumulte du monde moderne, et célèbre la puissance transformatrice de la contemplation et de l’art.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après une première vie dans le bâtiment,
Marcel Moratal-Sanchez se consacre à l’écriture théâtrale. À Paris comme en régions, ses textes rencontrent rapidement un écho, certains étant portés à la scène ou diffusés à la radio. Engagé dans une démarche artistique militante, il affirme une écriture résolument contemporaine.
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Seitenzahl: 96
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Marcel Moratal-Sanchez
Ma lettre à Juliette Binoche
© Lys Bleu Éditions – Marcel Moratal-Sanchez
ISBN : 979-10-422-7155-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
J’ai enlevé beaucoup de choses de ma vie et Dieu s’est rapproché pour voir ce qu’il se passait…
Christian Bobin
Madame,
Je ne sais pas si ces mots arriveront jusqu’à vous, mais il me fallait absolument vous les écrire. J’ai mis beaucoup de temps avant de m’engager dans cette lettre. Je craignais de faire intrusion dans votre vie et de vous apparaître comme un olibrius qui veut se rendre intéressant. Écrire n’a jamais été une affaire facile pour moi. C’est un peu comme aller puiser de l’eau, descendre dans son propre puits et remonter vers la lumière pour séparer l’eau claire de la boue. Cela m’est venu d’un ordre intérieur dont je ne sais pas toujours très bien le pourquoi ni le vers quoi il m’emmène, mais ce qui est certain c’est qu’il vient d’un besoin absolu.
Beaucoup de questions ont rapidement titillé mon esprit : quelle forme donner à cette lettre pour exprimer clairement son urgence et sa nécessité ? Pourquoi le choix sur votre personne ? Pourquoi vous ? Est-ce la vie qui nous engage dans nos actes, dans nos choix, ou nous-mêmes qui nous engageons dans la vie ? Y a-t-il des passages obligés sur le chemin de notre existence ? Des croisements qui nous paralysent devant le choix à faire et sur la direction à prendre ? Qui est le guide ? Ou alors sommes-nous peut-être notre propre guide. À vrai dire, je n’ai pas vraiment de réponse à ces questions. Chaque pas dans ma vie m’apporte son énigme.
L’écriture avec d’autres disciplines artistiques comme la peinture, la sculpture, la musique nous révèlent parfois peu à peu à nous-mêmes à notre grand étonnement. Mais nous ne finissons jamais de descendre dans notre puits. Chaque jour, nous découvrons au fur et à mesure une nouvelle poupée russe au fond de notre être.
J’ai toujours été tracassé par la question de l’âme. Est-ce que l’âme est une envoyée de Dieu ? Quand on rend notre âme à qui la rend-on ? À Dieu ? Pourtant on m’a toujours dit que donner c’est donner et que reprendre c’est voler. La morale des hommes en fin de compte.
Je n’ai jamais eu l’âme d’un groupi. Enfant et adolescent, je n’accrochais jamais les photos de mes artistes préférés dans ma chambre. Mes passions, mes coups de cœur et mes peines, je les gardais toujours secrètement au fond de moi. Peut-être par pudeur. Il paraît que les animaux se cachent pour mourir, moi je me cachais pour pleurer. En silence. Parce qu’un garçon, ça ne devait pas pleurer. Ça, c’était bon pour les filles. À cause d’une éducation très patriarcale, on ne montrait pas trop ses sentiments. Le mot amour était un mot silencieux qu’on ne prononçait jamais. Nous ne parlions jamais des filles à la maison. Alors écrire est devenu pour moi un moyen de réveiller les mots silencieux pour leur faire prendre l’air sur les pages de ma vie et pour qu’ils défassent les nœuds que la vie m’avait parfois bien serrés. Fort. Très très fort. Dans le secret des mots, une petite voix intérieure me disait depuis longtemps d’y aller, me disait que je pouvais le faire et même, si je savais l’écouter au plus profond de moi-même, que je devais le faire.
Tout est parti d’une émission de radio. Vous parliez de la mélancolie et à un moment donné vous avez récité une prière orthodoxe, Le roi céleste :
Roi céleste, Consolateur, Esprit de Vérité, Toi qui es partout présent et qui remplis tout, Trésor des Grâces et Donateur de Vie, Viens, et Demeure en nous, Purifie-nous de toute souillure, et Sauve nos âmes, Toi qui es Bonté.
L’humilité de ce texte, l’appel au divin m’ont fortement interpellé.
J’ai ressenti à cet instant-là un engagement très sensible, très profond de votre part. L’expression de votre voix et l’amour intense qui s’en dégageait m’ont ému au plus profond de mon âme. J’ai toujours été intéressé par tout ce qui touche à la vie de l’esprit que je ne confonds pas obligatoirement avec une quelconque religion.
J’ai démarré cette lettre quelques semaines avant le confinement sanitaire. À vrai dire, cette période n’a pas changé grand-chose à mon quotidien. J’aime la solitude. Enfant, je jouais déjà à l’écart de mes frères et de ma sœur. Avec ma nature solitaire et mon imagination débordante, je traversais mes jours et mes nuits à petits pas, les yeux bandés. Je fabriquais des lanternes magiques en carton que j’éclairais avec une lampe de poche et je dessinais des visages étranges sur des bandes de papier transparent que je projetais sur un drap blanc. Créer, bricoler, bidouiller, il fallait absolument que je construise quelque chose. L’imagination de l’homme est un moteur à énergie renouvelable. Ça ne s’arrête jamais. Il ne peut s’empêcher de penser et d’imaginer. C’est le propre de sa condition. Son combustible c’est la vie. Vie. Pour moi, le mot le plus fort et le plus mystérieux de tous les mots. Qu’elle soit belle, dure, tragique, insupportable, la vie met toujours du charbon dans sa chaudière, car elle doit tenir, avancer coûte que coûte dans sa solitude. Dans sa propre solitude. Je parle de cette solitude qui affûte notre conscience, comme un bistouri pour séparer l’essentiel du superflu, pour atteindre enfin le cœur des choses. Quelle belle expression : le cœur des choses. Un cœur universel qui battrait donc partout, dans tout, dans cette solitude sans fin qui repousse inlassablement l’horizon de notre quête durant toute notre vie. Comme ce beau titre du roman de l’écrivaine américaine Carson Mc Cullers, Le cœur est un chasseur solitaire. Mais dans cette quête pleine de questions,la création de l’univers a toujours suscité, dans l’esprit des hommes, des pourquoi et des comment, à la différence des animaux qui eux ne se demandent rien. Ils se contentent juste d’exister, de subsister, de se battre, pour perpétuer leur espèce. Le fait d’exister ne les encombre pas de questions existentielles. Est-ce notre solitude d’humain qui nous pousse à creuser notre propre mystère ? Est-ce que le savoir nous aide à accepter, à supporter notre finitude ? Est-ce que savoir c’est choir ? Il faut être bien seul pour penser à ces grandes questions. Se poser la question du pourquoi de notre existence est bien légitime, mais vouloir comprendre la grande horlogerie de l’univers, le mystère de la création, le sens même de notre propre existence sur la terre, devrait nous rendre humbles et fortifier notre foi en la vie. Si je porte une religion en moi, c’est bien celle de la vie. La vie sacrée. À vouloir toujours de plus en plus tout comprendre, tout expliquer, à vouloir desceller certaines pierres de son temple intérieur, l’homme prend le risque de s’effondrer sur lui-même. Plus il fouille dans les affaires de l’univers, plus il s’aveugle dans son propre orgueil. De la même façon qu’on n’entre pas dans la salle de bains quand une femme se prépare pour une belle nuit d’amour, on n’entre pas dans l’atelier de Dieu. Ne soyons pas des amants impatients ou des petits apprentis orgueilleux qui regardent par le trou de la serrure en prenant le risque de tout foutre en l’air.
La vie n’est pas un peep-show.
Les secrets du désir valent beaucoup mieux que cela.
À vouloir de plus en plus lever le voile sur le mystère de toutes choses, l’homme va finir par perdre sa capacité à jouir, à s’émerveiller devant les cadeaux de la vie. Il finira par déconstruire l’amour et ses mystères. Notre existence est un tour de magie. Ne gâchons rien. Soyons humbles devant ce cadeau divin. Il ne faut surtout pas aller regarder dans les coulisses pour savoir comment ça marche sinon la magie de la vie disparaîtra et sa poésie avec. Si l’homme veut trouver une réponse à sa quête de vérité, il faut qu’il se prépare à ce que celle-ci risque de devenir au fil du temps, dépassée, incomplète, voire caduque, et qu’il accepte qu’elle ne remplisse jamais le dé percé de la connaissance.
Pour résumer cette réflexion, je citerai une phrase de Gitta Mallasz que j’ai découverte grâce à vous, Juliette, extraite de sesPetits dialogues d’hier etd’aujourd’hui aux éditions Aubier :
L’homme ne peut jamais atteindre le divin,
car il est UN avec le divin,
car il EST le Divin
Alors voilà, je continue donc à mettre du charbon dans ma chaudière ; j’ai imaginé, grâce à cette lettre, une rencontre avec vous Juliette. Je vous ai invitée à boire un café dans un des petits salons du Train Bleu, la magnifique brasserie parisienne de La Gare de Lyon. J’adore cette gare parce que c’est la mienne quand il m’arrive de monter à Paname. Je viens du sud, du sud-est de la France, de la Drôme pour être plus précis. Je dois ajouter aussi que j’ai toujours beaucoup aimé les gares et les trains. Voilà pourquoi je vous ai invitée à boire un café ici, au Train bleu. L’imaginaire du rail est très riche pour l’écriture. Il a très tôt marqué mon enfance. Quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard comme métier, je m’empressais de répondre, cheminot ! Et puis ce que j’aime aussi avec les gares c’est leur environnement bistrotier, leurs buffets quand ils existent encore, les brasseries et aussi les vrais cafés dignes de ce nom. Je ne parle pas de ces Starbucks coffee d’aujourd’hui, ces pseudos bistrots, pseudos cafés, pseudos restos où le rouge de comptoir a disparu depuis longtemps des zincs. Les troquets, les estaminets, les caboulots et autres mastroquets et rades, qu’importe leurs appellations, sont les derniers lieux publics où la parole peut s’exercer librement, sans cadre, sans convention.