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Zeïnab consulte un marabout sur son projet de mariage sérieusement menacé par la famille conservatrice de son futur époux. Durant l’entretien, le devin s’aperçoit de la singularité de sa cliente et de l’importance de son rôle dans sa quête personnelle. Il met rapidement sur pied un plan machiavélique pour la posséder. Cependant, Zeïnab décèle sa fourberie et s’en échappe. Convaincue d’un amour sincère et réciproque de son bien-aimé, elle le suit naturellement dans leur folie commune. Une célébration troublée de leur mariage la ramène toutefois à la dure réalité et de nouveaux détracteurs sortent de l’ombre. Triompher d’elle devient leur obsession.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Avec son premier roman, Ibrahim Dicko entend mettre en relief les calvaires de milliers de femmes serviles à des normes sociales qui les modèlent en magnanimes envers leurs beaux-parents, leurs maris et certains individus de la société.
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Seitenzahl: 182
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Ibrahim B. Dicko
Magnanime
Roman
© Lys Bleu Éditions – Ibrahim B. Dicko
ISBN :979-10-377-7218-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À ma femme qui m’apporte soutien et inspiration dans mes écrits,
À mes proches qui m’appuient
et me donnent de quoi nourrir mon imagination,
À tous ceux qui ont travaillé avec moi sur ce livre.
Ce livre parle d’abord et avant tout du Mali, un pays multiculturel et multiethnique. Il s’intéresse aux années 1990, une décennie durant laquelle le tiraillement entre les traditions anciennes et la modernité s’était fortement exprimé. Selon la perspective d’analyse qu’on pourrait choisir, il n’est pas insensé d’évoquer l’existence d’une organisation sociale dont l’origine remonterait à la charte du Kurukanfuga adoptée en 1236 au moment de l’intronisation de l’empereur du Mali Soundiata Keïta. Sept siècles plus tard, durant la dernière décade du 20e siècle, les hommes de castes, en particulier les griots, continuaient de remplir, au-delà des occupations professionnelles qui pouvaient être les leurs, leurs devoirs de gardiens des traditions, de mémoire collective et d’unificateurs des Maliens à travers les protocoles de mariage ainsi que de baptême et de décès, les pourparlers, les négociations et les intermédiations. Les marabouts et les féticheurs étaient aussi présents. Ils étaient largement sollicités pour la divination, les histoires de foyer et surtout pour le traitement de certaines maladies dont celles qui avaient un lien avéré avec l’instabilité mentale, la jalousie excessive, la virilité, la stérilité et les maladies qu’on estimait avoir pour causes les sortilèges ou la magie noire. Ils excellaient également dans la vente de médicaments traditionnels. Du fait de l’histoire, certaines familles et certains groupes sociaux avaient plus de mérite d’exercer certains métiers que d’autres. C’était le cas par exemple de l’élevage de bétails avec les peulhs nomades, des forges avec les familles de forgerons, du commerce avec certaines familles Djoulas, de l’agriculture avec les Bambaras et les Malinkés et de la pêche avec les Bozos considérés comme les véritables détenteurs des secrets du monde aquatique. Être élus dans certaines circonscriptions électorales pouvait s’avérer impossible pour certains candidats en raison de leur nom de famille. Et dans l’institution du mariage, les époux devaient d’abord être compatibles en patronyme malgré qu’aucune loi de la république ne mentionnait cela. Il est certes vrai que ces pratiques se métamorphosaient timidement avec le développement du capital intellectuel, du libéralisme économique et des pratiques démocratiques à la malienne, amorçant ainsi une transition vers des statuts sociaux acquis et basés sur le travail et le mérite ; mais force est de reconnaître que les statuts sociaux attribués de fait à chaque individu par la société elle-même étaient encore présents et palpables. La généalogie avait une importance capitale dans la vie de chaque citoyen.
Ce livre met également en relation plusieurs personnages précédemment mentionnés autour d’un ensemble de thématiques omniprésentes dans la société malienne de cette époque. Il s’agit entre autres de l’importance donnée aux rêves, du rôle de la femme dans les foyers, de la question des femmes porteuses de chance ou de guigne pour leur mari ou leur famille, du choix de la bonne femme pour la bonne postérité, du rôle des griots dans la société, de l’esprit rebelle des jeunes instruits contre le mariage forcé, de la force des clans ethniques, de la polygamie, des rivalités entre femmes, de la place des marabouts, des conséquences de la stérilité, des tromperies, des complots et des coups bas, du dénigrement, des ambitions démesurées et de la justice traditionnelle qui transcendait clairement la justice républicaine dans de nombreuses localités. Il met aussi en exergue certaines vertus parmi tant d’autres et qui étaient constamment prêchées dans cette société. Le mugnu (la patience), le sabali (la maîtrise de soi), le yafa (le pardon), le gnumaya (l’altruisme) et le sutura (la préservation de l’intimité, des secrets, de l’image ou encore de la réputation en procédant souvent à la dissimilation de tout ce qui attire la honte, le discrédit ou le dénigrement). Quant à la magnanimité, elle est présentée dans ce récit narratif comme un état d’esprit ou encore une prédisposition personnelle à pardonner et à faire preuve d’humanité non pas par calcul, mais parce qu’on est convaincu que c’est la bonne chose à faire. Elle intègre nécessairement les cinq autres vertus évoquées et contraint en permanence à se purifier de tout ressentiment pour mieux vivre.
Kunu ye kunu ye, bi ye bi ye, sini yo lakale ye
Citation Bambara
Traduction possible en français
Hier représente le passé, aujourd’hui représente le présent,
demain représente le récit de tout cela.
Dans son enfance, Zeïnab adorait la compagnie de son grand-père paternel qui lui racontait régulièrement des contes et des anecdotes. Leur causerie porta un jour sur un jeune bûcheron qui vivait dans un petit village à l’époque d’un prophète dont le nom avait échappé à l’excellent conteur. Ce boquillon était d’une gentillesse sans commune mesure et donnait énormément sans rien attendre en retour. Il se rendait régulièrement dans la brousse le matin pour travailler et rentrait chez lui le soir auprès de sa femme et de ses enfants. Ce jour, comme un autre, il croisa sur son chemin le prophète accompagné de ses disciples. Il les salua courtoisement et continua son chemin. Le prophète, le regardant s’éloigner, confia à ses disciples que ce bûcheron ne verrait pas le prochain levé du soleil. La mort l’attendait ce jour même dans la forêt.
Le bûcheron pénétra dans la brousse profonde et tomba sur un arbre fraîchement déraciné par un vent violent qui avait soufflé la veille. Cette journée commence plutôt bien, se réjouit-il. Il se mit aussitôt au travail.
À peine avait-il commencé qu’il entendit derrière lui une voix le saluant. Il se retourna brusquement pour identifier distinctement cet individu qu’il n’avait ni vu ni entendu s’approcher. C’était une vieille dame transportant un sac rempli d’herbe sur la tête. Il la salua courtoisement en retour.
— J’ai une longue route à faire et il ne me reste plus une seule goutte d’eau dans ma gourde, lui dit la vieille dame. Pouvez-vous m’en donner un peu s’il vous plaît ?
Le boquillon remit sa gourde à la vieille femme qui prit quelques gorgées et versa une quantité suffisante dans la sienne. Elle le remercia de tout son cœur et lui adressa des bénédictions :
— Que Dieu t’accompagne dans les bois et te permette de rentrer sain et sauf auprès de ta famille…
Le lendemain matin, le bûcheron croisa de nouveau le prophète et ses disciples sur son chemin. Il les salua courtoisement et continua sa route. Cela plongea quelques compagnons de l’homme de dieu dans la confusion et l’un d’eux prit son courage à deux mains pour l’interpeller sur le sujet. En toute sagesse, le prophète chargea celui-ci de rattraper le bûcheron et de lui demander de les rejoindre sans délai.
L’homme de foi lui demanda de leur raconter sa précédente journée dans la brousse. Le boquillon leur détailla sa découverte d’un arbre fraîchement déraciné ainsi que sa rencontre avec une vieille dame qu’il décida finalement d’aider à transporter le fardeau jusqu’à son domicile. Il renonça de ce fait à son travail du jour qui lui aurait pourtant rapporté une bonne fortune.
Le prophète lui demanda alors de les conduire à cet arbre et chargea ses disciples de le déplacer. Ils découvrirent très vite un serpent très venimeux qui se sauva précipitamment dans les feuillages et cela fit sursauter en arrière plus d’un. L’ophidien était sorti d’un trou qui avait été fermé par l’arbre à la suite de sa chute.
— En donnant de l’eau à la vieille dame et en acceptant de porter son sac jusqu’à son domicile, tu t’es épargné la morsure mortelle de ce serpent, affirma le prophète. Il est donc clair que la bonté nous est tous profitable. Elle peut même dans certaines situations comme celle-ci nous allonger la vie.
Le bûcheron retourna rapidement auprès de sa femme et de ses enfants. Quel bonheur cela représentait pour lui de pouvoir pleinement profiter de leur compagnie encore une fois de plus et de prendre ses dernières dispositions avant de les quitter pour toujours. Son décès fut observé le lendemain dans la matinée.
Un pouvoir assez particulier la propulsa dans l’air et lui permit de planer au-dessus de Bamako, une ville irriguée par le fleuve Niger et pratiquement entourée de collines. La ville était pleine de vie et parsemée de maisons couvertes de tôles ondulées, des arbres, des espaces vides souvent transformés en terrain de sport par les jeunes et plusieurs kilomètres de routes bitumées. Avec le vent qui soufflait, elle entendait distinctement le chant des feuilles des arbres qui se balançaient de part et d’autre ; ce même vent qui guidait sa trajectoire de vol et permettait aux nuages de voyager librement dans le ciel.
Elle aperçut au loin des corbeaux noirs qui fonçaient droit sur elle. Elle tenta de changer de trajectoire mais n’y arrivait pas. Quelque chose de bien plus fort l’en empêchait. Les corbeaux craillaient, avaient les griffes bien visibles et voulaient absolument en découdre. Son cœur battit la chamade et ses yeux s’écarquillèrent. Elle tenta encore de se libérer de toutes ses forces mais n’y arrivait toujours pas. Elle comprit alors que le choc était quasiment inévitable.
Un autour chanteur géant la récupéra de justesse avant la collision. Elle s’y agrippa de toutes ses forces pour ne pas tomber. Les corbeaux, encore plus remontés, se mirent à leur poursuite. Mais le sauveur était beaucoup plus rapide et les sema sans grande difficulté. Il se dirigea par la suite vers un point lumineux qui prenait source dans le ciel et se projetait directement sur la terre. La jeune demoiselle, émerveillée par ce beau phénomène de la nature, s’impatientait de s’en approcher de plus près. Au même moment, elle entendit dans le ciel une voix de femme qui lui était adressée.
— Réveille-toi, Zeïnab ! disait cette voix.
Elle fit semblant de ne rien entendre et voulait absolument arriver au point lumineux. Ses membres se mirent à trembler et le monde imaginaire créé dans son rêve disparut subitement. Elle ouvrit difficilement ses yeux et reconnut sa tante Na-Sira qui la secouait pour qu’elle se réveille.
— Il est pratiquement 6 h du matin, l’informa Na-Sira. Nous risquons d’accuser du retard si tu ne te lèves pas maintenant, ajouta-t-elle en prenant la direction de la porte.
Difficile pour Zeïnab de se réveiller fraîche comme une rose à cette heure de la matinée, surtout qu’elle avait été interrompue dans son rêve qui l’émerveillait. Elle croyait dur comme fer que se voir dans l’air comme un oiseau signifiait un grand progrès dans sa vie ; mais l’attitude des corbeaux noirs et l’intervention surprise de l’autour chanteur étaient très étranges. Cela signifierait sans doute une grande menace émanant d’un groupe d’individus qui sera déjouée par l’aide d’une personne bienveillante, s’imagina-t-elle. Il y a là de quoi approcher un interpréteur de songe pour plus d’éclaircissement.
Ses deux cousines partageant la même chambre lui faisaient dos dans leur lit respectif et avaient tiré leur couverture sur elles. Celles-ci ne voulaient aucunement être dérangées dans leur sommeil car les deux jours précédents, chacune d’elle s’était réveillée tôt dans la matinée pour aider leur mère Na-Sira dans les tâches ménagères et n’avait pas perturbé la grasse matinée des autres.
Elle s’efforça finalement de quitter son lit. Elle prit sa brosse à dents et le dentifrice dans l’armoire en bois adossé au mur. Elle se saisit ensuite d’une bouilloire remplie d’eau dans le couloir menant à leur chambre et marcha jusqu’au manguier dans la cour. Elle tira vers elle un petit tabouret en bois pour s’asseoir puis elle lava rapidement son visage et se brossa les dents.
Elle rejoignit par la suite sa tante dans la cuisine située au fond de la cour et dont l’intérieur était très faiblement éclairé. Les murs de cette pièce avaient totalement noirci avec le temps et ne laissaient entrer que quelques lueurs du soleil matinal à travers de petits trous d’aération. L’habitude aidant, les deux dames travaillèrent en parfaite harmonie et se complétèrent sans pratiquement échanger de mot. Pendant que la tante allumait le feu avec du charbon de bois, du pétrole et des brins d’allumette, Zeïnab partit chercher de l’eau au robinet dans la cour. Et lorsque la tante se mit à transformer la farine de mil en petites boules très fines dans la calebasse pour faire de la bouillie, elle s’attelait à attiser le feu de deux fourneaux assis côte à côte avec un éventail en plastique tissé. Elles s’activaient du mieux qu’elles pouvaient pour que le petit déjeuner soit prêt à la bonne heure. Environ une heure et demie plus tard, il était servi.
Zeïnab prit sa bouillie qu’elle mélangea avec du lait en poudre dans un bol en plastique. Après ce repas copieux, elle se pencha de nouveau sur la préparation du déjeuner et, pour cela, il fallait s’approvisionner en condiments au grand marché du quartier. Sa tante lui remit la somme d’argent dont elle avait besoin et elle prit la direction de ce lieu très populaire avec un petit seau en plastique qui lui servait de panier de course.
Elle croisa sur la route une vieille dame qu’elle connaissait bien dans le quartier. Celle-ci était fatiguée par le poids de l’âge et du sac qu’elle portait sur sa tête. Elle l’approcha et l’aida en portant son sac jusqu’à son domicile. La vieille dame poussa un soupir de soulagement et la remercia, les yeux remplis d’émotion.
— J’ai croisé plusieurs jeunes du quartier qui ne m’ont même pas saluée correctement, à plus forte raison m’apporter une aide, affirma-t-elle avec désolation. Aucun d’eux n’avait une minute à me consacrer. Que Dieu te bénisse, ma fille. Qu’il te donne un époux qui prenne soin de toi comme tu le mérites.
— Amine, s’empressa-t-elle de répondre fièrement en pensant à son amoureux qui avait récemment refusé un mariage imposé par ses parents et l’avait également rassurée de ne jamais se séparer d’elle.
« Je remuerais ciel et terre s’il le faut pour qu’on ne me sépare pas de toi, lui avait-il promis en lui tenant la main.
— En reniant tes valeurs familiales ? avait-elle répondu spontanément.
— Les valeurs dont il est question n’assouvissent aucunement mon besoin d’amour.
— Et si cet amour était éphémère ? Ne vas-tu pas me tourner le dos un jour et accepter une proposition de mariage de ta famille ?
— Je reste convaincu qu’en toi cohabitent beauté, amour, sincérité et douceur. J’assume donc entièrement cet amour même si cela devrait me coûter un bras.
— Humm ! soupira-t-elle. Il m’arrive souvent de penser que c’est de la pure folie. Jusqu’où cela va-t-il nous conduire ?
— La vraie folie serait de renoncer à notre amour au profit d’un arrangement égoïste entre parents et au profit d’un foyer sans amour entre conjoints. Ayons confiance en nous, en notre amour et tout ira bien. »
Ce jeune homme se nommait Samba et Zeïnab était éperdument amoureuse de lui. Elle l’admirait pour son calme, sa simplicité, sa générosité, son côté intellectuel et surtout les nombreuses blagues qu’il aimait faire et qui la faisaient rigoler. Il avait un sourire éclatant, ne pesait pas plus de 75 kg et ne dépassait pas le mètre quatre-vingts. Il était le portrait craché des clichés sur les Peuls nomades au poids plume.
Elle se rendit rapidement au marché après avoir aidé la vieille dame. Comme tous les matins, cet endroit était bondé de monde qui affluait de tous les côtés. Dans de petits passages où se croisaient les personnes venues faire les mêmes courses, elle se déplaçait de hangar en hangar le regard sillonnant les produits qu’elle s’autorisait à toucher souvent tout en engageant le dialogue avec les vendeuses ou les vendeurs. Viande, patte d’arachide, aubergine sauvage et autres condiments nécessaires à la préparation du plat du déjeuner, elle remplissait patiemment son petit seau. Elle était totalement sereine et prenait tout son temps dans ce lieu très bruyant où les cris d’appel à l’achat de certains vendeurs s’entremêlaient avec un bourdonnement global qui s’était installé.
De retour à la maison, elle cuisina sous la supervision de sa tante. Vers 13 h, le repas était prêt. Elles servirent ensemble plusieurs plats dont un pour les enfants, un pour les hommes, un pour les femmes, un pour le chef de famille qui ne rentrait que le petit soir et un qu’il fallait toujours garder en réserve. Certains membres de la famille prirent leur déjeuner en position accroupie tandis que d’autres utilisèrent des petits tabourets ou des chaises. Chaque groupe disposait d’une petite tasse d’eau pour se laver les mains avant et après le repas.
Une fois les ustensiles lavés et posés au soleil après le déjeuner, Zeïnab partit se laver. Elle regagna par la suite d’autres membres de la famille qui s’étaient réunis devant le portail principal de la maison autour d’un thé à la menthe.
La consommation de thé, généralement importé d’Asie, dans les rues par des petits groupes d’individus a toujours été une pratique très banale et très répandue à Bamako. Trois préparations peuvent être faites avec un seul petit paquet et la durée moyenne de préparation excède les trente minutes. Cela laisse suffisamment de temps à ceux qui décident de se réunir de discuter, de plaisanter et de jouer à des jeux de société tels que les cartes.
En attendant son retour dans la cuisine pour s’occuper du dîner, Zeïnab passait un très bon moment sans toutefois oublier son rencart romantique du soir avec son amoureux.
Samba arriva vers 9 h du soir en voiture. Sa bien-aimée avait déjà sorti deux chaises devant la porte et préparait du thé à la menthe.
— Salut, ma dulcinée ! Comment vas-tu ?
— À merveille maintenant que tu es là, répondit-elle la tête légèrement tendue vers lui pour recevoir un bisou. Mon-si-eur a-t-il passé une bonne journée au travail ?
— Ce travail me fatigue avec ses horaires souvent tardifs, regretta-t-il après lui avoir fait le bisou. Peux-tu m’apporter un peu d’eau fraîche ? J’ai vraiment soif.
Elle lui apporta le verre d’eau et trouva une petite boîte emballée sur sa chaise.
— Un cadeau ?
— Oui mon amour ! Un cadeau que je tenais à t’offrir ce soir.
Elle s’assit et déballa précipitamment la boîte.
— J’adore ce collier, l’admira-t-elle.
Une grande joie se dessina sur son visage et elle accola Samba, le remercia affectueusement et se redressa de nouveau sur sa chaise afin d’essayer son collier au cou.
— Comment le trouves-tu sur moi ?
— Il te va super bien. Je suis content qu’il te plaise.
Quelques secondes de silence passèrent et Samba aborda un sujet plus sérieux.
— Je pense que le moment est venu de soumettre notre projet de mariage à nos parents respectifs. Qu’en penses-tu ?
— Super ! Tu pourras rencontrer mon oncle et ma tante demain soir.
Un taxi jaune s’arrêta au même moment à quelques pas des deux amoureux et éteignit ses phares sans couper le moteur. Une jeune dame descendit de la voiture et marcha vers eux. Elle avait les pieds nus et tenait dans ses mains ses chaussures à talon ainsi que son petit sac à main. Ils la reconnurent très rapidement ; il s’agissait de Mamie, une jeune fille qui habitait dans la maison d’en face. Mamie n’était décidément pas dans son assiette ce soir-là et elle le fit savoir dès ses premiers mots.
— Bonsoir ! salua-t-elle sèchement.
Zeïnab et Samba répondirent à son salut.
— Tout va bien Mamie ? s’inquiéta Zeïnab.
— Donne-moi deux secondes, je vais tout te raconter.
Mamie héla un jeune garçon qui entrait dans leur maison et lui demanda de lui apporter une chaise. Pendant l’attente, elle n’arrêtait pas de bouger des pieds et ses bourrelets du ventre qui étaient bien visibles à travers sa robe moulante en couleur marron suivaient ses mouvements. Lorsqu’elle reçut sa chaise, elle se jeta dessus et posa ses affaires au sol. Elle enleva ensuite sa perruque et poussa un grand soupir de soulagement les yeux fermés. Samba et Zeïnab s’échangèrent un regard rapide et se ressaisirent sans qu’elle ne s’en rende compte.
— Je ne sais même pas par où commencer, débuta-t-elle avec une voix tremblante et un visage rempli d’aigreur.
Zeïnab et Samba lui prêtèrent oreille.
— J’avais prévenu Dady hier que je passerais la nuit chez une tante afin de l’aider dans les préparatifs d’une cérémonie prévue pour demain. Mais je ne sais pas quelle mouche m’a piquée, je me suis rendue à l’improviste chez lui. Devinez quoi ! J’ai surpris ce bout d’homme pervers au gros ventre de cochon en train de me tromper avec sa truie de cousine.
— Heee ! laissa échapper Zeïnab qui mit aussitôt sa main sur sa bouche.
Samba baissa légèrement son regard et s’efforça de ne pas rigoler en s’imaginant Dady paniqué devant Mamie qui avait quasiment la même taille et le même poids.
— J’ai fait un grand scandale là-bas et j’ai corrigé comme il se doit cette grosse laie. J’ai également donné une bonne leçon au bout d’homme. Les voisins sont intervenus pour nous séparer. Les hommes sont tous pareils Zeïnab. Il ne faut jamais…
— J’espère que tu ne t’es pas fait mal au moins ? l’interrompit Samba en milieu de phrase sans faire exprès.