Mais qui est Gwenn ? - Sylvio Moro - E-Book

Mais qui est Gwenn ? E-Book

Sylvio Moro

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Beschreibung

Au départ de Kêr, Joseph Émile Marais ne s'attend pas à de tels rebondissements. De Kerlouan au couvent Sainte-Béatrice du Mont, il se retrouve à Ty-Lann à la recherche de Gwenn, une rousse aux yeux émeraude. Elle serait sa femme, mais il ne la connaît pas. Cette aventure se passe en Bretagne, pays de légendes et de dolmens. Entre réalité et fiction, j'ai écrit ce roman sans avoir la prétention de changer le monde, j'y soulève quand même quelques traits des comportements humains face à ses difficultés à l'imaginer différemment.

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Seitenzahl: 212

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Table des matières

Mais Qui est Gwenn?

Prologue

Chapitre 1 maternité

Chapitre 2 Différents et Indifférents

Chapitre 3 Le départ au rendez-vous

Chapitre 4 Barberousse

Chapitre 5 Béatrice Fournier. Son arrestation

Chapitre 6 La douane

Chapitre 7 La taverne

Chapitre 8 L'arrivée au couvent

Chapitre 9 Salle des disciplines, Fulbert

Chapitre 10 Gwenn, Fulbert et Luigi le brasseur

Chapitre 11 D'John, la grange, l'arbre de la vérité

Chapitre 12 Le mulet, Ty -Lann, Gwazh la source

Chapitre 13 Le gnome à tête de rat, Leuger Breizh

Chapitre 14 Le gain, la perceuse

Chapitre 15 Le retour à Ty-Lann. L'incendie

Chapitre 16 Retour à Kêr

Chapitre 17 Visite des Leubas et Leuhaut

Chapitre 18 La reconstruction de Ty-Lann

Chapitre 19 La délégation de Béatrice du Mont

Épilogue

Page de fin

Arbre

Copyright

vierge

Auteur

Sylvio Moro

Impasse du Fostet 3

1552 Trey

079 808 64 90

[email protected]

Site : https://www.sylviomoro.com/

Né à Buttes /NE. Le 24 novembre 1958

Prologue.

Les rues ce soir étaient vides, pas un chat, pas un chien, pas un rat, pas un homme. Un crachin luisant collait aux murs et suintait des façades dégoulinantes. Reflétant sur les pavés une lumière tamisée, émettant à peine quelques lumières approximatives et voilée d’une brume diffuse qui traînait au ras du sol comme une glu baveuse.

Le cabaret taverne où j’avais rendez-vous se trouvait à trois rues de là…

Hier, à midi, j'avais reçu un mail laconique de Béatrice Fournier avec, pour seul propos.

” Rendez-vous 10 h 15” Ne pas répondre à ce message, soit à l’heure”.

Je connaissais cette taverne et je connaissais Béatrice, j’avais épousé cette rousse une nuit il y a bien longtemps, quand je dis une nuit, c'est la durée de notre mariage… Une nuit.

*

Au matin, j'émergeai, me remémorant le mariage et la nuit de noce dans” ar-koad. Dour-De1l ”. La clairière entourée de dolmens et cromlechs2 entre roches et arbres témoignait des festivités nocturnes. Le rond du feu était encore chaud, les herbes alentour piétinées semblaient ne pas pouvoir se relever. Il restait sur les pierres chaudes des morceaux de viandes plus ou moins calcinés. Au réveil donc, les yeux endoloris, je regardais ces images et me remémorais les réjouissances de cette nuit. Ici et là des cruches renversées, gobelets de terre ébréchés, il y avait même des corps à moitié nus, ronflants, enchevêtrés. Difficile de reconnaître ma troupe de miliciens, tout un fatras de choses hétéroclites jonchaient le sol, Sous moi une peau de laine étendue et personne d’autre, Béatrice avait disparu…

Je remis le capot sur ma machine à écrire Hermès Baby.

1 La forêt de gui.

2 Monument mégalithique composé de blocs dressés disposés en cercle. Parfois autour d'un plus grand, orientés en fonction de la position du soleil levant au moment du solstice, et servant aux rites celtiques et gaulois.

1.

Maternité de Pontivy3.

Il est 05 h 00 heures, Madame Madeleine Marais mets au monde deux garçons, jumeaux. Joseph et Émile. Joseph est le prénom du grand-père paternel et Émile le prénom du grand-père maternel. L'accouchement se passe bien. Maximilien Marais le père, assiste éberlué à la scène. Les deux garçons sont nettoyés, pesés, mesurés. Il n’y a pas de problème. Les bébés sont déposés sur le ventre de Madeleine. Maximilien contient sa joie en réconfortant sa femme. Il a envie d’exploser, de courir à travers la ville, de dire, d’exprimer, de clamer, de revendiquer. Madeleine est béate, heureuse, tant de bonheur efface la douleur dans ses reins, elle est bien avec Joseph et Émile, là, sur son ventre distendu.

Il est 07 h 00 heures, une sage-femme et un médecin pénètrent dans la salle d’accouchements pour préparer tout ce petit monde à rejoindre la chambre. Joseph pleure, crie à en devenir violet. Émile, lui, ne bouge pas, plus… Le médecin voit le problème et le prend soigneusement, le regarde puis l’emmène… Maximilien court derrière, interloqué par cette urgence. Trois portes plus loin, une porte à double battant claque, il suit, on le repousse et on le fait sortir, il entend des mots. Réanimation néonatale, préparez l’oxygénation. Puis, il se retrouve abasourdi dans ce couloir vert, incapable de comprendre cette situation confuse. Maximilien retourne à la salle de travail, sa femme est sur un lit roulant, Joseph entre ses seins s’est calmé, le chariot se dirige vers l’ascenseur.

08:15 heures. Chambre 23, Maximilien est encore éveillé et debout vers la fenêtre, il regarde dans le vide, qu’importe le paysage. Madeleine éreintée s’est effondrée, Joseph dort dans le berceau en plastique, serein. La porte s’ouvre délicatement et le médecin s’approche de lui. Maximilien le sait, il le sait déjà… Ne pas tomber… se retenir à la poignée de la fenêtre.

— Nous n’avons rien pu faire pour le sauver, votre enfant avait une anomalie cardiaque, même s’il avait survécu, les lésions cérébrales dues au manque d’oxygène auraient été très handicapantes. Vous avez un fils en excellente santé, dès à présent, c'est sur lui que vous devez veiller.

Voici comment naquit Joseph Émile Marais. Fils de Madeleine et Maximilien Marais.

Maximilien avait rencontré Madeleine à Paris lors des émeutes de Mai 68. Lui avait fait le déplacement en stop depuis la Bretagne et elle était venue de Suisse en train. Ils aimaient Janis Joplin, Cohen, Jefferson Airplane, Dylan. Andy Warhol. Les jeans à fleurs et les lunettes rondes. Ils demandaient l’amour et la paix, en surfant sur la vague hippie. Ils lisaient Henry Miller “La meilleure façon de tuer un artiste est sûrement de lui donner tout ce dont il a besoin.” Ou George Orwell “Il y a assez de causes réelles de conflits pour ne pas les accroître en encourageant les jeunes personnes à se lancer des coups de pied dans les tibias au milieu de rugissements de spectateurs en furie.”

Tous deux étaient étudiants et de retour à leurs universités respectives, ils continuèrent à s’écrire. Non, ce n’était pas un coup love and peace né de la révolution sexuelle de Mai 68, approuvée par la loi Neuwirth du 19 décembre 1967 qui autorise l’usage des contraceptifs. C’était plus fort et des promesses jaillissaient en bouquet. Pas assez souvent ils se donnaient pour point de rencontre Paris l’espace d’un week-end.

À 18 ans, Maximilien passa son permis de conduire et grâce à de petits boulots entre les cours pu se payer une Renault 4l. À la fin de leurs études, ils se marièrent à Kerlouan et prirent quelques mois de congés. Madeleine vint s’installer dans le petit appartement qu’ils avaient dégoté vers Quimper. Un an plus tard naissait Joseph Émile.

8 juin 1969, 07 h 15. Le camion citerne des laiteries réunies sort de l’entrepôt et roule sur la nationale 24 en direction Renne. C’est une belle journée qui s’installe. L’air est parfumé d’odeur florale et de terre fraîchement retournée.

07 h 34, une voiture roule en direction de Lorient. C’est une magnifique journée qui s’annonce. L’air est parfumé d’odeur florale et de terre fraîchement retournée.

08 h, Au lieu dit “Passavant”. Là où la route en dos d’âne est toute droite et bordées d’arbres alignés, un camion citerne des laiteries réunies zigzague sur les deux voies. Le chauffeur tient son volant d’une main et de l’autre, il cherche ses allumettes tombées entre les deux sièges. À la radio, Henri Salvador chante “Faut rigoler, faut rigoler, avant que le ciel nous tombe sur la tête”.

08 h 06. En plein en face de la voiture, sur la voie de droite surgit le monstre d’acier. Le choc fut inévitable, violent, brutal. Le camion en poussant la voiture s’en vont percuter un orme du bord de route, esclaffant comme une mouche le petit véhicule. Arrêté net, le camion se renversa dans le talus, déversant par giclées des litres de lait qui rosissait. Le lait et le sang ont la particularité commune de coaguler, ces deux substances se mélangeaient donnant une masse gélatineuse qui faisait penser à du yaourt à la fraise. La radio du camion fonctionnait “Faut rigoler, faut rigoler, avant que le ciel nous tombe sur la tête”. Des véhicules s’étaient arrêtés, d’autres avaient continué pour trouver de quoi appeler les secours.

10 h. Le constat était sinistre. Trois morts, Maximilien et Madeleine Marais et le chauffeur chauffard, tous trois tués sur le coup. L’avant de la voiture était replié en accordéon et le coffre avait pris la place des sièges arrière, c’est de là que parvenaient des pleurs couverts par la chanson d’Henri Salvador. Tandis que le lait se déversait et rougissait, les pompiers munis de pinces monseigneur dégageaient du tas de ferraille un siège enfants retourné à l’envers dans un espace de soixante par soixante centimètres.

Ce camion transportait huit tonnes de lait et le chauffard deux grammes et demi d’alcool dans le sang.

Joseph Émile était élevé par sa grand-mère dans le hameau de Kêr. Vers ses quatorze ans, sa grand-mère l’autorisa à aller au grenier voir la malle interdite fermée à clefs. Celle-ci contenait l’histoire de ses parents. Le premier jour, il descendit les diplômes et un livre que sa mère écrivait. Le titre était d’une planète à l’autre. Après la licence (bac+3) en sciences de la vie et de la Terre à Lausanne, elle opte pour le master (bac+5) de paléontologie à l'université de Genève. Son livre traite de la vie extraterrestre. Elle se plonge dans l’exobiologie, et démonte toutes les théories radicales qui soutiendraient, que, la vie vient de l’eau et que si la vie est possible sur une autre planète, elle doit automatiquement ressembler à la nôtre. Que l’intelligence et la conscience humaine des terriens en est l’exemple, que l’évolution elle-même ne peut pas être différente. Or dans ses textes, Madeleine écrit que le simple mouvement d’une aile de mouche peut modifier à tout instant ce que l’humain pense contrôler. Dans un passage, elle romance son idée ainsi. “Jean sur son cheval au galop va rejoindre Marie sa fiancée, la nuit fut chaude, neuf mois plus tard, de cet accouplement, né Copernic. Depuis Copernic, la terre tourne autour du Soleil. Si Jean avait fait une mauvaise rencontre ou avait chuté de son cheval, ou que Marie n’ait pas été en ovulation. Copernic ne serait pas né et la terre ne tournerait pas autour du Soleil…

Elle continuait sur le fait que des êtres vivant sur la planète terre au fonds des océans ne ressemblent en rien à l’évolution Darwinienne. Des poulpes géants y vivent pourtant et multiplient des stratégies intelligentes. Imaginez, ces poulpes n’ont pas un cerveau, mais des milliers répartis dans tout leur corps jusque dans les tentacules. En une fraction de seconde, elles font du mimétisme à faire chialer une imprimante trois D. Tout ça sans oxygène. Les bactéries, elles, sont capables de vivre à des températures extrêmes. Je comprenais que ce qu’elle avait écrit là était peut-être un brouillon de thèse. Par la suite, je lus encore : l'humain se cherche un sosie dans un univers copié collé. Ce qu’elle soulève est que notre terre est unique biologiquement, elle admet la théorie du big bang, mais elle contrecarre l’idée même de la vie. Dans un autre passage, elle mentionne la vie comme étant définie par et propre à l’homme. Or, comme on l’a vu précédemment, on ne peut pas estimer l’homme comme un aboutissement de l’intelligence et de la conscience. En démontant ce que l’on appelle l’intelligence, on détruit simultanément la conscience. L’espoir dans son livre réside dans le fait que la course à la connaissance entreprise par l’humanité et qu’elle appelle vaniteusement conscience et intelligence n’est en réalité qu’une erreur d’aiguillage. Alors, l'existence d'un être surnaturel deviendrait possible dans la différence. Un mode autre que le nôtre…

Joseph Émile passa son enfance dans les jupons de sa grand-mère paternelle qui l’élevait et l’instruisait des choses de la vie avec une extrême rigueur tout en laissant place à une indulgence appropriée. Joseph Émile donnait souvent la sensation d’être un rêveur mélancolique. Il lisait des livres que les enfants de son âge ne comprenaient pas.

Fréquemment, très souvent même, dès qu’il le pouvait, il se rendait à l’étang de la forge, le long du ruisseau des Demoiselles. Cette retenue d’eau servait à alimenter jadis une scierie en contrebas.

Pour lui, c'était un lieu d’inspiration sublime et enchanté. Cet étang dans sa forme ovale et irrégulière était entouré d’aulnes, de joncs et de fougères hautes et grasses. Recouverts de nénuphars et de plantes aquatiques mystérieuses abritait aussi toute une faune hétéroclite coassante. C’était son monde, le seul monde, l’unique monde et la seule réalité possible.

Un matin assis près de la crémaillère du barrage d’eau. Une grenouille lui demanda de lui raconter une histoire. Joseph, surpris et apeuré, tourna les talons… Une grenouille qui parle… Une grenouille qui parle…

Le soir, quand Mami vint le border, Joseph lui demanda de lui raconter une histoire avec une grenouille. Elle lui conta la fable que tout le monde connaît… La princesse et le crapaud des frères Grimm.

Le lendemain matin, il courut à l’étang et assit au même endroit que la veille exactement, il commença à dire ce compte. La grenouille s’étant installée sur son nénuphar juste en face l’écoutait avec ses yeux grand ouverts, vert et jaune, traversé d’une barre horizontale noire dont les bords étaient parsemés de paillettes d’or. Parfois à la fin d’une phrase, elle disait Kooaaah ou Coaaa…

À la fin du récit, la grenouille se glissa dans l’eau sans faire ni bruits ni remous. Sur la feuille du nénuphar, il restait une goutte, eau ou larme ?

— Nouille ? Nouille ? T’est ou reviens Nouille. Au raz de l’eau, il vit ses yeux émerger puis elle disparut dans les profondeurs boueuses de l’étang.

Le lendemain, il revint à ce lieu de rendez-vous et appela.

— Nouille ? Nouille ? Je suis là, viens me voir s'il te plaît, viens.

Depuis l’autre bout de l’étang, Nouille sautait de nénuphars en cailloux et vint se poser sur ses genoux, Joseph tendit les mains a plat, paumes en l’air, Nouille y prit place. Puis se mit à parler :

— Regarde bien et admire cet étang, c’est la vie. Émerveille-toi tant que tu veux, il est splendide n’est-ce pas ? Aucun bruit n'existe ici, seulement des sons. En au qu’un cas, tu ne dois oublier que c'est dans les comtes que les crapauds peuvent devenir des princes. Que les grenouilles peuvent se transformer en princesses, non, pour la simple raison que les grenouilles et les crapauds sont déjà des seigneurs bien plus importants que rois et papes de votre monde, ne l’oublie jamais. Mais, tout est possible dans ce monde, alors embrasse-moi idiot. Tu verras, je resterai grenouille et toi Joseph Émile du Marais. C’est dans ce baiser que réside le secret de l’univers.

Il monta ses mains à la hauteur de son visage, Nouille clignait des yeux. Elle louchait un peu semblait-il. À l’instant du baisé, le temps, les sons, les couleurs, l’espace lui-même devinrent frémissements, l’eau ondulait, les tritons, les salamandres, les crapauds et grenouilles dansaient avec les libellules et les martins-pêcheurs. Comme dans une comédie musicale chorégraphiée par dame nature.

Ainsi, il avait neuf ans, jamais, il n’avait manqué de ces rendez-vous quotidiens splendides. Au bord de cette oasis, il écrivait des poésies, aidé par Nouille. De cette façon, elle lui disait des mots comme présent, vérités, lois et justice. Elle lui parlait aussi de vue de l’esprit, selon elle, Dieu existe. De plus, elle certifiait l’avoir aperçu dans le reflet des yeux d’un enfant, dont le regard fixait l’infini tout au fond de la mare dans laquelle elle vivait. Elle, Nouille, et que par ce fait, elle existait, là, maintenant.

À 14 ans, Joseph Émile fut reçu en école secondaire à Kerlouan. Il ne pouvait retourner voir Nouille que les Week-ends. Deux ans plus tard, des tractopelles avaient détruit ce site merveilleux, son enfance, son lieu.

Un soir, il enjamba la barrière en dédaignant le panneau. Entrée interdite à toute personne étrangère au chantier sous peine de contravention. L’entreprise décline toutes responsabilités. L’étang n’était plus là, des monstres de ferraille jaune à mâchoires dentées avaient terrassé, annihilé la vie. Un cataclysme organisé avait supprimé, écrabouillé et détruit la vérité. Il appela.

— Nouille ? Nouille ? T’est ou Nouille ? C’est moi ! vient, Nouille, viens, on s’en va, Nouille ?

Plus jamais il ne retourna à ce qui avait été un étang de vie, à la place une porcherie avait été construite.

À 22 ans, il était devenu avocat. Sa grand-mère mourut à quatre-vingt-six ans. Il hérita de la maison ou il avait vécu son enfance. Son passe-temps favori était l’écriture, il avait déjà écrit quelques essais. Victor, un ami éditeur, commençait à s’intéresser à ses ouvrages. Deux fois par semaine, ils dînaient ensemble, Victor faisait partie d’un mouvement politique à tendance Bourgeoise oligarchique se prétendant démocratique. A cette époque, malgré une assez belle réussite professionnelle qui assurait sa sécurité financière, il se sentait seul au monde. Son échappatoire résidait dans l’écriture forcenée d’où naissaient des histoires de fiction fantastiques sortis tout droit de son imaginaire, révélant tout au fond une bonne part de son vécu. Son frère jumeau, la mort dramatique de ses parents. Tout cela était enfoui dans les strates molles de sa mémoire d’enfant. Puis il y eut Nouille la grenouille qui lui avait tant appris, et sa grand-mère, toujours occupée à la cuisine, au ménage, au jardin, toujours disponible et bienveillante. Il était maintenant complètement orphelin.

3 Pontivy, chef-lieu d'arrondissement du département du Morbihan en région Bretagne

2.

Politique, Indifférents et Différents.

Joseph Émile Marais, outre son métier d’écrivain, dirigeait des Indifférents. Les Indifférents appartenaient et agissaient sous la bannière républicaine, de ce fait, ils représentaient la politique bourgeoise de la circonscription. Ce sont les Bleus.

*

Béatrice Fournier était actrice avant de rejoindre les maquisards Différents. Les Différents sont des Partisans de l'indépendance, de l'autonomie politique. Ce sont les Blancs, ils tentent de renverser le pouvoir qu’ont les indifférents sur le peuple.

*

Afin de connaître les projets et les stratégies des Indifférents. Béatrice Fournier, par ses talents d’actrice et sa beauté sensuelle, s’était vue confier la mission d’infiltrer le QG des Indifférents. Elleavait pour tâche de séduire leur chef et d’obtenir des confidences même sur l’oreiller s’il le fallait. Toutes les semaines, elle rendait compte aux partisans Différents de ses découvertes. Plusieurs mois passèrent ainsi. Le problème est que, malgré leurs oppositions politiques, ils étaient tombés fous amoureux l’un de l’autre. Un jour Joseph Émile posa une demande en mariage aux pieds la belle Béatrice, celle-ci en référa aux Différents. Sans se douter que la lame pourrait avoir deux tranchants, ils approuvèrent le projet mariage.

Le jour des épousailles, au soir, parvint à Béatrice un message codé qui une fois traduit disait.

“Replis immédiats. Mariage annulé. Exfiltration incontournable. Rejoins la base. De nouveaux éléments événementiels se préparent.”

Bien entendu, elle ne pouvait pas partir sur le champ au nez et à la barbe des invités. La soirée se passa à faire la fête “ar-koad[ le pays des bois.]. Dour-der [Eaux austères]” et c’est ainsi qu’au petit matin Béatrice mis les voiles sur la pointe des pieds, laissant tout ce beau monde anesthésié par l’alcool et autres amuse neurones.

4.

Barberousse.

Durant les semaines qui suivirent ce mariage énigmatique, les pressions entre les Différents et les Indifférents s’intensifièrent. Des barricades se dressaient dans les villes. Les Différents exigeaient la dissolution totale du gouvernement et les Indifférents protégeaient la Bourgeoisie, Bourgeoisie soi-disant démocratique au pouvoir, ce qui provoquait des heurts sans commune mesure.

Le soulèvement révolutionnaire attirait le peuple ouvrier et même des universitaires fils à papa. Une révolution armée et violente sans précédent engageait des combats dans tous les coins de rues et routes de campagnes. Des morts par centaines étaient comptabilisés autant du côté des blancs que des bleus, des prisonniers étaient mis à l’isolement, battus, torturés et même occis sans autres formes de procès. Un jour, au QG central ou Joseph Émile Marais dirigeait les opérations de la milice, on amena Raoul Le Gall. Raoul Le Gall avait été capturé dans le maquis forestier et escarpé du sud-ouest. Chef de larésistance, avant de former cette armée partisane révolutionnaire, il avait été professeur de sciences sociales et de développement individuel. Son physique ne correspondait absolument pas à cette fonction. Grand et large d’épaules, un cou de bœuf d’où émergeait une tête complètement recouverte de cheveux roux bouclés qui lui tombaient jusque sur les épaules. Ses yeux étaient faits d’acier trempé, mais exprimaient l’intelligence et la sagesse.

Son surnom de “Barberousse” lui venait bien sûr de la barbe fournie qu’il portait fièrement, mais également de cette fougue impitoyable qu’il avait au combat. Effectivement, il était redoutable tant par ses prises de décisions et des ordres qu’il donnait que par sa présence sur les points chauds. Au mieux mon prisonnier risquait la prison pour rébellion ou alors le peloton d’exécution selon les ordres que je recevrai d’en haut. Le gouvernement en place qui avait asservi la population du conté était peu enclin à indulgencier. J’ordonnai aux deux soldats de sortir et de m’attendre dans le couloir.

Mon prisonnier était menotté aux poignets et aux chevilles. Je lui tournai autour. Sans exagérer, il faisait une tête de plus que moi, impressionnant, quand je fus en face de lui à distance de bras, je lui dis :

— Il est temps que l'on parle tous les deux, je pense que nous avons une grande quantité de choses à nous dire.

— Tu penses peut-être que t’arriveras à me soutirer des informations ? Ne te fatigue pas inutilement, crétin ! Organise plutôt une torture du genre que vous avez l’habitude de pratiquer et il crachât sur mes chaussures. Je regardais le crachat glisser sur le cuir et relevai lentement la tête.