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Né sous l’Occupation, bercé par la poésie et la musique,
Niño Géma a toujours été animé par une quête artistique profonde. Marqué par une jeunesse chaotique et une enfance solitaire aux côtés de sa mère à Montmartre, il trouve dans la guitare un refuge et un moyen d’exprimer son monde intérieur. Cette passion le conduit à embrasser une vie d’artiste. Compositeur, auteur et interprète, membre de la SACEM depuis 1974, il poursuit sans relâche son chemin créatif. À travers cet ouvrage, il retrace son parcours singulier, où la musique et les mots deviennent les témoins d’une existence façonnée par la résilience et l’inspiration.
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Seitenzahl: 77
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Niño Géma
Mémoires d’un poulbot
de Montmartre
© Lys Bleu Éditions – Niño Géma
ISBN : 979-10-422-6341-6
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Incorporé en octobre 1061 dans le 93e régiment d’infanterie, c’est là au camp de Frileuse près de la ville de Beynes dans les Yvelines que j’ai fait la connaissance de Niño Géma, étant affecté comme chauffeur de gradés et accessoirement ambulancier.
C’est un infirmier et ami, Jean-Paul Burgevin, qui m’a raconté comment il avait participé à l’admission rocambolesque de Niño à l’infirmerie.
Nouvellement conscrit et toujours habillé en civil, guitare sur le dos au milieu des nouveaux arrivés, un sous-officier leur intima l’ordre de se ranger en rang par deux pour se rendre au magasin d’habillement. Niño s’exécuta avec toujours sa guitare sur le dos, quand le gradé exigea qu’il laissât sa guitare qu’il reprendrait plus tard. Niño refusa. Après plusieurs explications et autant de refus de sa part, le gradé excédé s’empara et confisqua l’instrument. Dépité, Niño quitta les rangs, il divagua au milieu des baraquements qu’il ne connaissait pas, jusqu’au moment où il poussa la porte d’un bureau qui était en l’occurrence celui d’un capitaine et cria « ils ont pris ma guitare ». On imagine la stupéfaction du capitaine contrarié par cette intrusion intempestive et qui demanda à qui il avait affaire. Après quelques brefs échanges, il demanda à l’infirmier de venir le recueillir.
Finalement, du camp de Frileuse il ne connaîtra que l’infirmerie où le médecin-chef, après consultations, estima que son cas relevait des services psychiatriques du Val-de-Grâce.
Entre-temps, on lui rendit sa guitare et Jean-Paul Burgevin, fou de musique comme moi, s’arrangea pour l’écouter à huis clos ou tous les trois dans l’ambulance durant nos nombreux déplacements au Val-de-Grâce.
Le talent de Niño selon nous ne fait pas l’ombre d’un doute, et nous amadoue à l’idée qu’il fait son cinéma auprès des psychiatres pour tenter de se faire réformer. Nos soupçons s’avèrent exacts d’autant que l’intéressé ne nous cache pas ses intentions sur son projet de retrouver sa liberté au plus vite. Après une demi-douzaine de visites au Val-de-Grâce, il obtient gain de cause et est déclaré inapte au service militaire et donc réformé.
À l’époque, Niño habite seul chez sa mère qui travaille en cuisine dans un restaurant sur la Butte.
Personnellement, après avoir passé deux ans en stage en Angleterre et en Espagne, j’avais un peu perdu de vue mes anciens amis parisiens et me trouvais donc bien content d’avoir fait la connaissance de ce phénomène.
Le répertoire de Niño est déroutant et à la fois captivant par sa connaissance de la chanson française et la musique sud-américaine et anglo-saxonne. Sa recherche d’émotion, sa principale qualité musicale, le fait basculer d’un registre à l’autre sans que jamais l’ennui s’installe. Ainsi, Atahulpa Yupanqui, exilé en France d’Argentine, le complimentait en s’exclamant : « Hombre, la cantas muy bien mi cancionnes. » (Dis donc, tu les chantes bien, mes chansons.)
Alors que je repars pendant quelques années en Espagne, Niño anime un cabaret près de La Samaritaine, le caveau François Villon.
Il habite à plusieurs kilomètres de Paris, à Asnières sur Oise, où il rentre en voiture chez lui à trois/quatre heures du matin. Puis, pour des raisons familiales, il revient à Paris près de Clichy. Il y donne des cours de guitare et produit des disques. C’est à cette époque que nous nous rencontrons plus fréquemment pour jouer du Jazz ; moi à la trompette, appréciant son accompagnement rigoureux et swinguant.
Notre duo se produira en public. L’entente est bonne.
Malheureusement pour moi, pour les mêmes raisons, il rejoint sa famille qui s’est regroupée en Bretagne du Sud près de Quimper où ils habitent la maison de leurs rêves.
Bravo Niño,
Georges Mory, son chauffeur
Je suis né le 8 décembre 1941 à l’hôpital Boucicaut. Ma mère et moi habitons au 18 rue Auguste Chabrières, petite rue parallèle à la rue de Vaugirard et située près de la porte de Versailles dans le 15e arrondissement de Paris.
Notre appartement est composé d’une pièce cuisine au 4e étage avec ascenseur et balcon, donnant sur la rue.
En bas, sur le trottoir opposé pour être plus précis, se trouve un restaurant tenu par une femme d’origine russe où ma mère travaille en cuisine.
C’est le temps de l’occupation. L’établissement est essentiellement fréquenté par des officiers de l’armée allemande.
À la libération de Paris vient le temps des règlements de compte.
J’ai tout juste 4 ans, et j’assiste à la scène depuis notre balcon.
La patronne du restaurant est assise dans une poubelle, on lui a rasé la tête, et l’on s’apprête à la marquer au fer.
N’écoutant que son courage, ma mère descendant de l’immeuble se précipite et, prenant sa défense devant une foule déchaînée et haineuse, elle leur fait remarquer que c’est bien grâce à cette femme que tous les gens du quartier ont eu de quoi manger pendant ces 4 années d’occupation.
Puis, prenant sous son bras cette pauvre loque sans défense, elle l’extirpe de la poubelle et l’emmène se réfugier chez une amie.
Cette victime de la vindicte populaire, elle ne la reverra jamais.
Vivre seul avec ma mère ce n’est pas toujours une sinécure, surtout quand celle-ci, trop fatiguée par son travail, rentre épuisée à la maison ; aussi, je vis un peu replié sur moi-même, sans personne avec qui discuter, échanger des idées. Je suis un peu comme un navire sans gouvernail au milieu de l’océan. Heureusement, nos voisins de palier ont un garçon de mon âge, et de temps en temps il vient jouer avec moi.
Parfois, nous partons pour le Cinéac, c’est la salle de cinéma la moins chère de Paris, elle se trouve à l’intérieur de l’ancienne gare Montparnasse et nous y allons à pied en remontant une grande partie de la rue Vaugirard.
Depuis chez nous, cela représente une sacrée trotte.
Sur l’écran défilent les actualités, Fox Movietone, l’Amérique n’est pas très loin. Puis vient un court métrage suivi d’un dessin animé.
Je me souviens encore de Popeye The Sailor Man, un marin à qui l’on veut enlever sa fiancée et qui, en avalant des épinards, devient invincible. Mais la grande sortie reste le théâtre du Châtelet.
Nous y allons une fois par an. Là, c’est l’opérette qui a droit de cité.
Luis Mariano en est incontestablement le roi, la belle de Cadix, le chanteur de Mexico, etc., etc.
Nous sommes au dernier balcon mais qu’importe, je découvre la musique, les costumes colorés et flamboyants, tout un monde de rêves enthousiasmants.
Les soldats de plomb sont encore beaucoup trop chers pour nous, mais l’apparition des premiers exemplaires en plastique (seulement des cow-boys et des Indiens) va m’ouvrir de nouvelles perspectives.
C’est sur la table de la cuisine que j’organise mes combats fratricides et qui se terminent souvent en feux d’artifice. En effet, à l’aide d’une allumette, je fais brûler tous mes petits soldats qui, en se consumant, se contorsionnent, ce qui leur donne pendant quelques instants une vague apparence de vie.
Pouah ! Quelle odeur épouvantable ! Enfin, il faut bien passer le temps.
Pour le reste, je suis élève de l’école Saint-Lambert où Georges Poujouli, de deux ans mon aîné, sera choisi pour jouer le rôle du petit garçon dans le film Les jeux interdits de René Clément, je me languis et je l’envie un peu.
Ma tante qui a un poste important a la BNCI, aujourd’hui devenue la BNP, m’offre à Noël ma première voiture de pompiers et également l’année suivante un Mécano que j’utiliserai pendant de longues années.
Le temps passe avec une désespérante lenteur. Rien ne semble vraiment se passer pour moi quand un évènement se produit qui va changer radicalement le cours des choses.
1949, je viens d’avoir 8 ans. Ma mère ayant échangé son appartement d’une pièce cuisine au 4e étage avec ascenseur dans le 15e contre un deux pièces cuisine sans ascenseur, au sixième étage dans le 18e, nous débarquons à Montmartre.
Nous sommes sous les toits de Paris, avec vue sur le Sacré-Cœur, au 24 rue Antoinette exactement qui, partant de la place des Abbesses, s’arrête au carrefour de la rue des 3 frères et de la rue Tardieu.
Plus tard, ma rue sera débaptisée et portera le nom d’Yvonne Le Tac.
Quelques centaines de mètres pour rejoindre l’école Foyatier, avec sa cour carrée, ses 4 marronniers, située en face du funiculaire (elle servira beaucoup plus tard de cadre au tournage du film : Le petit Nicolas) et me voilà installé dans ma nouvelle vie.
Loin du 15e et de la porte de Versailles. Dans ce quartier populaire et bigarré, je me sens très vite comme un poisson dans l’eau.