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/*EROTIQUE - SMUT - BDSM - FEEL GOOD - AGE GAP */
Quand Lily rencontre Chloe, c’est un choc : un vrai miroir. Tout les oppose, même si elles se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Au-delà de ça… l’une est riche, superficielle, étudiante pire que moyenne, et l’autre travaille pour peiner à boucler les fins de mois et subvenir aux besoins de sa mère, malade, malgré ses grandes facultés scolaires.
« Et si on inversait les rôles ? Si tu réussis mes études pour moi, je vous donne assez d’argent, à ta mère et à toi pour vous mettre à l’abri et lui garantir les meilleurs soins du pays. ».
C’est sur cette idée folle que Lily et Chloe échangent leurs vies. Mais il y a deux points noirs : Lily va devoir composer avec Mark, le petit ami - presque le fiancé - de Chloe, qui est imbuvable ; et surtout, avec Sean, le père de celui-ci, un homme ferme, chaleureux, qu’elle trouve particulièrement attirant.
Il ne faudrait pas foutre l'existence de Chloe en l’air, non ? Alors, le jeu de dupe commence. Et pourvu qu’il tienne la route…
À PROPOS DE L'AUTRICE
Née en 1986, passionnée d'écriture depuis l'adolescence, rêveuse intempestive, toujours dans son imaginaire,
Scarlett M. Ecoffet est une créatrice dans l'âme. Son parcours scolaire est composé de littérature et d'une carrière créative en tant que Designer-Web.
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Seitenzahl: 343
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Couverture par Scarlett Ecoffet
Maquette intérieure par Scarlett Ecoffet
Correction par Emilie Diaz
© 2025 Imaginary Edge Éditions
© 2025 Ecoffet M.Scarlett et Valery Rinnocte
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.
Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou production intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
ISBN : 9782385720483
Avertissement
Ce roman est un roman érotique contenant des scènes explicites et du langage cru.
Les auteurs n’utilisent les mots uniquement pour servir la fiction.
Ce roman est interdit aux -18 ans.
PROLOGUELily
De quelle manière pourrais-je débuter cette histoire ? Je ne sais pas trop. Je ressasse tout cela dans tous les sens, me prenant forcément la tête pour rien. Je voudrais que ce soit parfait ; or je ne suis pas ainsi. La fille parfaite, ce n’est pas moi. C’est Chloe.
Mais qui est Chloe ? me direz-vous.
Ma seule réponse est : c’est compliqué. Quoi que non, cela ne l’est pas !
Allez… je me lance !
Je m’appelle Emily Brown, on me surnomme généralement Lily. Depuis 22 ans, ce qui correspond à mon âge, je vis à Manchester avec Maman. Mon père est mort avant ma naissance.
Habituée des galères, des finances maigres et des angoisses de fin de mois, j’ai souvent vécu avec l’inquiétude du gros problème qui arrive et vous tombe sur le coin de la gueule. Celui qui va un peu plus vous foutre dans une merde noire en vous niquant toute une bonne partie des maigres réserves pécuniaires entassées.
J’ai souhaité faire des études, j’en ai la capacité et il aurait été possible pour moi d’obtenir une bourse. Mais si la vie trouve toujours un chemin, elle ne vous fait pas forcément prendre le bon ! Après l’obtention de mon diplôme, juste avant que je puisse postuler pour cette aide financière, Maman est tombée gravement malade. L’Université m’a quand même vu arriver, j’y suis devenue cantinière.
Ma mère s’en est énormément voulu, hélas, je n’avais pas le choix. Les frais médicaux pour son cancer coûtent une blinde et elle ne peut plus travailler. Sa chimio l’a flinguée et nous avons appris que ce foutu crabe s’est installé au péritoine. Cela signifie qu’il ne la quittera jamais et que les médecins ne peuvent que l’endormir.
Certains sommeils sont éternels. Nous a sorti l’oncologue. Il peut dormir dix ans, peut-être plus peut-être moins. Nous vivons avec cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.
Avant, j’avais Billy pour m’aider. Billy c’est l’amour de ma vie dont j’ai été folle amoureuse, malheureusement ce n’est pas un mec bien.
Il m’a eu il y a longtemps avec son allure de Bad Boys et j’ai rapidement essayé de me raisonner. Cela a été compliqué. Comme quoi, on a beau être intelligente, on peut aussi se fracasser comme une gourde sur des clichés !
Moi, la brillante et baisable jeune fille sans-le-sou avec le Bad Boy du quartier…
Maman l’adore. Il faut dire qu’il adore jouer le réparateur, faire les courses et filer un peu de sous qu’il a obtenus de manière douteuse. Ce détail, elle l’ignore, elle lui donnerait le bon Dieu sans confession. Peu importe, j’ai rompu avec Billy, c’est mieux. Et vous allez comprendre rapidement pourquoi.
Je vous ai parlé de Chloe.
Non, ce n’est pas ma double personnalité.
Chloe Moore a vingt-deux ans, ses parents sont morts lorsqu’elle en avait seize. Elle a grandi à Londres, dans une famille blindée dont l’entreprise prospère a permis un héritage colossal. Je pense qu’elle n’a jamais manqué de rien. Que Non n’a jamais été trop prononcé quand elle désirait quelque chose et qu’elle a pu faire tout ce que je n’ai jamais accompli.
Je ne suis pas jalouse, je le dis juste.
À seize ans, c’est le plus proche collaborateur de son père qui l’a récupérée et qui est devenu son tuteur légal. Sean Wright, père de Mark Wright, le futur fiancé de Chloe.
Il s’est chargé d’elle, veillant à ce qu’elle soit heureuse du mieux qu’il l’a pu. Quand Mark et Chloe ont commencé à sortir ensemble et qu’ils se sont liés par la suite, Sean a laissé faire. Ils en avaient toujours parlé et puis le défunt père de Chloe a souvent lancé en plaisantant : un jour, ils se marieront, pour sacraliser l’union des deux créateurs de l’entreprise.
Qui prévoit ça pour ses gosses ?
Avec le temps, Sean a rappelé une chose à Chloe : pour diriger l’entreprise, elle devrait avoir, selon les volontés testamentaires de son père, validé au moins un diplôme de commerce dans une université. Manchester au minimum. Chloe a fait traîner ce détail, mais elle a bien fini par y être contrainte.
C’est comme cela qu’au printemps dernier, alors qu’elle était en visite, nous nous sommes rencontrés.
Je ne me suis jamais fantasmée en Prada, n’en ayant pas les moyens, je ne suis pas partie dans ce genre de délire. Elle, je crois qu’elle ne s’était guère imaginée en cantinière avec un filet à cheveux sur la tête, des chaussures de sécurité au pied et une grosse tâche de gras sur le tablier.
Et puis, nous nous sommes croisées dans un face-à-face banal, moi faisant mon taf et elle pleurnichant au téléphone avec son mec. Le tableau qui s’est alors peint devant nous ne nous a pas laissés de marbre : nous nous ressemblons comme deux gouttes d’eau.
Peut-être parce qu’on se ressemble comme deux gouttes d’eau.
Cela fut un choc, pour elle, comme pour moi. Elle a raccroché, elle m’a dévisagé, j’ai laissé tomber le sac qui était, Dieu merci, bien fermé et on a bogué un petit moment.
La probabilité pour que deux personnes partagent exactement les mêmes traits de visage est inférieure à 1 sur 1 trillion. Il y a seulement 135 chances pour qu’une paire simple de doppelgänger1 existe sur notre planète de plus de 7 milliards d’habitants. Le cerveau reconnaît un faciès plutôt dans son ensemble. En gros il va assimiler une ressemblance selon l’idée que l’on a la même chevelure, la même forme d’yeux, la même couleur, bref une similitude… pas une réplique parfaite. En nous regardant, nous avions l’impression d’être tout bonnement identiques. Sauf que moi j’avais mes tifs naturels châtain et elle était blonde. Spoiler alert, ce n’est pas du tout sa vraie couleur.
Nous n’avons pas paniqué, nous sommes restées assez calmes et nous avons discuté.
Il a été facile de comprendre que notre ressemblance était quasi parfaite. J’ai un peu cherché des infos sur le Net et comme je vous l’ai dit, les chances de rencontrer son quasi-sosie sont maigres. Nous n’avons pas pris des règles pour calculer nos écarts d’yeux ou quoi que ce soit, nous nous sommes contentées de faire un test.
Elle a appelé en visio son mec et c’est moi qui ai parlé. Pour lui demander ce qu’il pensait de ma couleur.
— Je te préfère en blonde ! Brun c’est super commun, faut bien que tu te distingues un peu des autres filles, lui a-t-il balancé en me regardant à peine.
Je l’ai adoré ! (Si vous ne saisissez pas, c’est de l’ironie.) Bref, l’important c’est que cela soit passé.
On a fait pareil avec Billy.
— Pourquoi tu m’emmerdes avec un visio ? Quelle connerie… et pourquoi tu t’es faite blonde ?
Suite à ça, une idée a germé, surtout dans son crâne à elle. Un peu dans la mienne aussi. Et si l’on faisait un échange ? Moi, je lui obtenais les bons résultats avec un minimum de réalisme sans trop en faire, elle, elle me donnait tout l’argent nécessaire pour payer les meilleurs soins du pays pour guérir la maladie de Maman. Y compris les expérimentaux qui pourraient la sauver, au lieu des maigres possibilités sans grand espoir de la NHS. Elle était prête à me filer le blé direct pour me convaincre. Ce qui m’a fait hésiter, c’est l’idée de laisser ma mère. Ce n’est pas facile de s’occuper de quelqu’un de souffrant.
Chloe m’a avoué que ses parents lui manquaient, elle me promettait de prendre soin d’elle comme si c’était la sienne.
Dans ses yeux, j’ai vu cette étincelle de chagrin, celle d’une petite fille qui a besoin de sa mère. Cela ne m’a pas rendu jalouse, j’ai accepté. Je me suis dit qu’elle en avait besoin.
Ma mère est une vraie maman, qui va se lever même si elle est épuisée pour donner un câlin, dire un mot tendre, se charger de préparer à manger et faire sourire son enfant. Alors je pouvais laisser cela à Chloe, un certain temps. Chacune aurait le nécessaire et à la toute fin, on serait heureuses ! Moi j’aurais l’argent requis et plus encore pour pouvoir à mon tour réaliser des études. Elle, son diplôme. Je n’ai donc pas plus réfléchi.
Pour être sûres que les choses se déroulent bien, nous avons pris le début septembre comme crash-test. Comme elle ne pourrait pas entretenir son blond dans mon rôle, elle est redevenue châtaine.
Moi, je devrais me blondir plus tard. L’horreur. Mais un échange est un échange, hein ?
Donc, nous avons fait des essais. Et rien, absolument rien ne nous a fait nous dire c’est impossible.
Notre stratagème a alors commencé sous couvert du plus grand secret, personne ne serait au courant.
Chloe est devenue Emily et je suis devenue Chloe.
Voici mon histoire.
C’est le grand saut, ça y est. Ça passe ou ça casse comme on dit.
Nous sommes en décembre, je vais donc à Noël et à la Saint-Sylvestre chez les Wright, en dehors de Manchester. C’est la première fois de ma vie que je ne fais pas le réveillon avec Maman. Heureusement, elle a Chloe, donc cela tout va bien se dérouler.
Je me sens nerveuse. Tout s’est bien déroulé jusque-là, je ne dois pas m’en faire, ça ira encore.
J’ai préparé une énorme valise. Des fringues dont quelques petites choses qui vont dans le style de mon double et avec lesquels je vais me geler les fesses ! J’ai aussi de quoi réviser. À la rentrée, j’ai ma première série d’examens, je ne peux pas me vautrer ! Il faut que je bûche. En plus, comme je suis censée avoir du mal avec les études, cela signifie que je dois vraiment étudier. Je vise une note moyenne. Chloe ne peut pas obtenir un gros score, cela foutrait le doute.
Pour le voyage, je me suis contentée d’une tenue casual : bottines fourrées, legging chaud, un pull proche du corps et une doudoune courte avec tout ce qui est nécessaire pour ne pas avoir froid. J’entends par là, écharpe, bonnet et gants.
Je suis désormais blonde et je n’aime pas du tout. Je ressemble à une Barbie. Mon reflet dans la glace m’est étranger. Je fais très « fille à papa » soucieuse de son apparence. Cela tombe bien, c’est ce que je dois être.
J’ai planqué mes tifs dans le bonnet et même si ma tenue est simple, chaque vêtement est estampillé d’une grande marque de couture. Entre nous, je ne préfère pas savoir combien les différentes pièces ont coûté ! Même la petite culotte en coton a dû valoir une fortune. Et oui, j’ai un slip assorti à une brassière sans armature. Je n’allais pas me mettre une lingerie ultra sexy pour prendre un avion ! Bien sûr, j’en ai dans la valise, car je suis forcée de sauver les apparences. Si Mark me croise en tenue légère, ce qui risque d’arriver, il ne doit pas voir des fringues dignes de sa grand-mère !
Je me demande s’il va neiger. Entre nous, je n’en ai aucune idée. J’ai l’impression que non. En tous cas, il fait assez froid, la buée sort de ma bouche en formant un brouillard blanc. Mark ne devrait pas tarder !
J’ai la tête dans mes pensées quand le taxi débarque, il est dedans, bien sûr, pourquoi conduire et laisser sa voiture à l’aéroport si on peut prendre un chauffeur ? Je n’imagine pas que ce soit le côté pratique qui l’intéresse, mais la crainte qu’on abîme son petit bijou. Mark est matérialiste.
Le véhicule s’arrête devant moi, mon fiancé ouvrant simplement la portière en me balançant :
— Bonjour. Monte.
Je rêve où il m’a scruté de haut en bas en ayant l’air presque déçu de ma tenue ? Je n’en suis pas sûre. J’avoue, j’ai un sérieux doute parce que je reconnais que je le diabolise un petit peu. Je vais me retenir de demander ce qu’il y a et être joyeuse de voir l’amour de ma vie.
Prononcer ces paroles me donne envie de gerber !
— Bonjour ! Tu vas bien ?
Oui, je suis un peu plus polie moi, je m’inquiète de savoir si tu vas bien !
Le conducteur est venu prendre ma valise, je la confie au chauffeur chauve et tout petit à l’air sympathique. Je le remercie d’ailleurs et me glisse dans l’habitacle pour recevoir la remarque que je sentais arriver.
J’arrête mon mouvement de bisou, surprise. Chouette pas de galoche forcée ! L’idée d’embrasser Mark ne m’enchante pas, pourtant, niveau beauté, il se pose là, je le reconnais. Des airs d’Henry Cavill à sa période Tudor, un menton-fesse volontaire et un regard d’un bleu perçant ! Oui, il a un menton-fesse. Une fossette le traverse, séparant son bas du visage en deux. Je trouve ça très disgracieux, mais il paraît que c’est le signe d’une forte virilité.
Pour une fille normale, c’est le beau mec par excellence : baraqué, ténébreux, des cheveux parfaitement coiffés, propre et qui sent bon. Pour moi, ce n’est pas la même histoire, je n’ai jamais été attiré par les figures des magazines, mon biker me manque malgré ma rupture. Peu importe, c’était le mieux pour moi, et puis Chloe n’aurait pas su le gérer !
Allez, je ne dois pas y penser.
Ma petite moue mignonne a été soigneusement travaillée. Je l’accompagne d’un souffle :
— Ah, mais… je ne voulais pas abîmer mes vêtements que j’aime trop durant le voyage. Et comme je les aime tous…
Smile ultra bright, air faussement coupable, je suis trop cute. Normalement, il devrait me trouver adorable et fondre. C’est ce que me dit toujours Chloe. Il fond à mon charme.
— Ne t’en fait pas, le rassuré-je, j’ai de jolies petites choses dans mes bagages.
Une expression coquine, un petit clin d’œil graveleux, les jeux sont faits. Et j’obtiens ?
Un reniflement un brin méprisant ! Sérieusement ? Si je ne devais pas avoir l’air de Chloe, je hausserais les sourcils, blasée.
— Hum, j’espère bien.
Vraiment ? Non, je ne dois pas mal réagir, il change de sujet de lui-même et moi je peux essayer de me contrôler ! Je ne dois pas me laisser envahir par ma réelle personnalité. Simplement prendre sur moi pour continuer. Je peux le faire, c’est pour Maman, c’est aussi pour mon avenir.
— Je me doute bien que tu as tout prévu, mais bon, ce n’est pas comme s’il n’y avait que nous… et arriver dans cette tenue ! Tante Adélaide et Grand-mère ne vont pas apprécier. D’où le tu aurais dû faire un effort… enfin, trop tard, je suppose. Du coup c’est à se demander pourquoi tu as mis tant de temps à descendre…
Il m’a coupé la chique.
Sa main, qu’il dépose sur ma cuisse avec une désinvolture trop naturelle me crispe, ça se voit qu’il a l’habitude d’agir comme ça. Comment Chloe peut supporter ce genre de trucs ? Je sais que je suis super mal placée pour dire quoi que ce soit. Mon biker n’est probablement pas mieux et les yeux de l’amour vous déforment clairement la réalité, hélas je ne peux pas me retenir de le penser ! C’est tout !
Je dois avoir l’air d’une pimbêche qui désire avoir le dernier mot ; or ce n’est pas le cas. J’ai toujours estimé que je m’habillais comme je le voulais et que je n’avais pas à recevoir ce genre de remarque. Hélas tout ce que je trouve à dire, alors qu’il hausse les épaules en demandant au chauffeur de se dépêcher, c’est :
— Euh… j’étais descendue avant que tu n’arrives…
Je ne prononce pas ces mots trop abruptement, je les mesure, doucement, histoire qu’il assimile que je n’étais, selon moi, pas en retard !
— Et je ne pensais pas que tout le monde serait là avant nous, flute ! Des fois, je ne réfléchis pas !
Voilà, je poursuis en jouant les idiotes et en souriant bêtement. Si je me suis retenue de lever les yeux au ciel, en le singeant, lui, permet à son regard de se dresser vers le plafond de la voiture.
— Oui parce que j’ai fait un tour du pâté de maisons en t’attendant. Tu sais comme je déteste qu’un taxi fasse tourner le compteur, mais pas le monteur.
Sa main me donne une petite tape sur la cuisse, comme une réprimande, peu sonore ou douloureuse toutefois. Cela me file l’impression d’un rappel à l’ordre, normal, commun. Tel un chiot qu’on corrige.
J’ignore comment le gérer pendant un instant. Un air faussement coupable se dessine sur mes traits.
— Ma chérie, tu le sais, à force qu’il faut me laisser penser et davantage m’écouter, pourtant… je suis la tête et tu es les jambes.
Je ravale mon amertume, j’inspire intérieurement, je n’y crois pas ! Sa main remonte, quittant enfin ma cuisse pour la poser sur ma joue et garder mon visage dans la direction du sien. Mon cœur bat à deux milles. Pas d’émotions, non, je n’aime juste pas ça et quand il plonge son insondable regard bleu turquoise dans mes pupilles azur, je ne capte pas ce que je dois faire.
Qu’il ne m’embrasse pas, pitié !
— Toi, il y a quelque chose qui n’est pas comme d’habitude… tu veux en parler ?
Est-il sincère ? Je ne sais pas, j’ai l’impression qu’il s’en fiche, mais qu’il doit le dire. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi. Ce n’est pas juste parce que je le déteste que je pense ça, c’est simplement le sentiment que ça me donne.
Je panique un chouïa au fond de moi, un red flag me barre l’esprit. Je suis dans la merde s’il se pose trop de questions !
— J’espérais que tu m’accompagnes à la source, ce soir, je suppose que nous allons oublier. Enfin, essaye de te tenir durant la soirée.
Je ne sais pas comment j’arrive à rougir pour répondre, telle une ingénue sortie de ses rêves de jeunes filles.
— Je crois que je vais bientôt être indisposée. Ça me rend chafouine.
Chafouine, une grande expression de Chloe. Quand cela ne va pas, elle est chafouine. C’est son petit mot tout mignon qui ne me ressemble pas ! L’important c’est que mon mensonge improvisé m’arrange, je ne me souviens plus de ce qu’est la source ! Je savais que j’aurais dû me faire des notes comme pour un examen et les relire ! Je vais devoir revoir les SMS avec Chloe.
— Et puis tu sais, mes études, c’est stressant. Mes examens approchent et je dois au moins avoir la moyenne sinon… c’est beaucoup… beaucoup… de pression.
J’insiste sur ce terme. Je ne termine pas ma phrase, lâchant dans un soupire :
— Je ne suis pas aussi douée que toi.
Allez, je le brosse dans le sens du poil, un petit geste tendre, j’attrape son bras entre les miens et appuie ma poitrine contre. Un mouvement très proche de ce que fait mon double. Selon moi, c’est un truc d’écervelée qui permet de détourner l’attention, ça marche souvent très bien. Si je fais ça, c’est parce qu’en vérité, je serre un peu les fesses qu’il comprenne quelque chose. Si tout tombait à l’eau maintenant, ce serait terrible !
— Et bien, tant mieux que ce soit bientôt et pas maintenant. Cela aurait pu gâcher mon week-end.
Wôw, la conclusion du mec ! Il ne retient que mes règles qui arrivent et qui pourraient foutre en l’air son week-end… chapeau ! Enfin… il a tout avalé tranquillement, le voilà qu’il glisse un bras autour de ma taille, main sur ma hanche, me forçant à rester ainsi. Il me pelote, un moment, doigts sur le sein dont il pince même le mamelon. Il m’embrasse et je comprends alors que je vais devoir passer à la casserole !
Non ! Je sais que j’aurais un peu de temps pour moi avant que ça se produise. Dans l’avion, il va dormir, Monsieur avale un petit comprimé et pouf, plus personne. Ça me sauve. Je vais devoir trouver comment éviter de coucher avec.
Chloe m’a dit qu’elle n’aimait pas l’idée que cela se produise. Toutefois, Mark aimant bien faire comme il le souhaite, elle m’a précisé qu’elle ne m’en voudrait pas si cela arrivait. En même temps, comme elle l’a souligné, son Doudou est tellement beau… Je suis en train de réfléchir à cela quand il me reprend.
— Bien. Bref tu te souviens de tout ce que je t’ai expliqué pour ce soir ? Si tu suis mes consignes, tout se passera bien.
Ce mec me donne toujours des instructions. Décidément, je ne sais pas du tout comment cela peut être possible à vivre. Je suis trop indépendante ou bien il n’est pas du tout normal de faire ce type chose ? Je penche pour la seconde option, toutefois je vais me calmer. Je ne suis que Chloe, et Chloe accepte ça.
— Ah quand je dis bientôt, c’est genre demain ou après-demain !
Il faut déjà que je tempère ses ardeurs, pour un homme de son gabarit, l’idée que sa meuf ait ses règles doit être rédhibitoire. La nature c’est moche, ça rentre dans l’équation : ce qui n’existe pas chez une fille. En soi, les poils, l’envie de faire caca, les odeurs et j’en passe !
— Tu peux me répéter tes consignes pour que je sois sûre ? Je ne voudrais pas faire de bêtise.
Je m’en souviens très bien, je joue à l’idiote. Il soupire. Il hausse encore les yeux au ciel. Sérieusement, il a l’air saoulé ! Comme s’il se forçait à faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Ce n’est vraiment pas engageant.
— Quand tu as un doute, fais ce que tu sais faire le mieux, tais-toi et affiche ton plus joli sourire.
Faire la potiche, d’accord, c’est noté !
Non, pas de regard noir, un beau sourire. Il m’a sorti ça comme si c’était un compliment après tout, même si on comprend bien que cela n’en est pas un. Le voilà qui me caresse les cheveux…
— Tu as prévu quelle tenue d’ailleurs ? Non parce que d’un seul coup, j’ai peur…
— Ma Victoria Beckham dos-nu que tu m’as offerte pour mon anniversaire et mes Louboutin.
Le vrai costume de petite épouse en devenir, bien rangée, bien emballée, pas trop pute. On est en famille ce soir !
J’ai tout de même le droit à une réflexion.
— Un peu trop habillée, peut-être… c’est un week-end en famille, pas un gala !
Oh tiens, surprenant, il trouve à y redire !
— De toute façon, c’est trop tard pour changer, je suppose. La prochaine fois, je m’occuperai de ta valise, nous y gagnerons du temps et du bon sens. Mais allons, partons là-dessus. Je n’ai aucune envie de perdre du temps à pleurer sur le lait renversé.
Et il prend son téléphone pour pianoter dessus.
Je ne me suis jamais autant laissée faire ; or je dois fermer ma grande bouche. Chloe est passive, obéissante et visiblement soumise. Et lui, il a cette façon de balancer les choses ! Avec son menton-fesse !
Je suis sûre que j’aurais choisi des vêtements différents qu’il aurait quand même trouvé à y redire. C’est de la torture psychologique de mettre l’autre dans la constante inquiétude de ce qu’il va annoncer ! Bon, tant pis, si cela n’avait appartenu qu’à moi, j’aurais opté pour une jupe et un pull tout bête, mais je suis Chloe et Chloe aime être belle.
— Tu pourras regarder dans la valise, j’ai des tas d’affaires, dont deux tenues en plus, au cas où, tu sais que je n’apprécie pas manquer de vêtement et tu trouveras probablement mieux. Je te fais confiance, mon chéri.
— Tant mieux. On verra si tu as quelque chose de plus approprié.
Je régurgite mon petit goût de vomi qui baigne le fond de ma gorge. Franchement, je devrais faire du théâtre, parce que j’ai dit cela avec le plus grand naturel. La fin de sa phrase laisse sous-entendre un sinon silencieux.
Quand il se désintéresse enfin de son téléphone, alors qu’il me tient toujours par la taille, j’attrape le mien. Je m’arrange à travers le retour de l’appareil photo et chope Mark pour un selfie sans trop lui offrir le temps de répliquer. Chloe est une adepte de ce genre de chose ! Et lui n’aime pas spécifiquement ça. Surtout pas pris au dépourvu, ça le crispe. J’apprécie ma petite revanche.
L’image parfaite de Barbie et Ken ! Je vais sur Instagram pour faire mon poste. Loin de ce type de délire, j’admire un peu Chloe qui gère les réseaux d’une main de maître. Là, je dois réfléchir au bon hashtag et je n’ai pas spécifiquement connaissance de ce genre de conneries ! C’est futile.
— Tu aurais pu me prévenir avant. C’était vraiment nécessaire ?
Chouette, je lui ai cassé les pieds ! Ça, j’aime !
— Oh mon doudou, pardon ! Tu étais tellement parfait avec la lumière !
Et re chouette. Je sais qu’il n’apprécie pas le mon doudou. Ceci dit, Chloe adore le surnommer ainsi, toute miel et moi je chéris ce genre de petite vengeance stupide qu’il ne peut pas mal prendre puisque c’est un surnom d’amour !
Il souhaite voir la photo, c’est obligatoire, sa main tendue, je lui transmets, car Monsieur veut systématiquement vérifier quand il est dessus. Qu’est-ce qui l’inquiète ? Chloe n’afficherait jamais une photo où il ne serait pas à son avantage !
Je ne crains pas qu’il ait mon téléphone dans la main. J’échange avec Chloe depuis un autre smartphone à crédit qui est bien planqué. Je ne voudrais pas me faire choper via une notif toute bête.
— Tu es un peu négligée, mais je suppose que ça ne t’enlève pas trop ton charme.
— Oh tu sais, c’est pas si mal ! C’est populaire le côté chill. En plus… je n’ai pas envie de ressembler à une de ces vulgaires siliconées d’influenceuses, non, j’aimerais avoir le charisme de Lady Di.
Un point commun que je partage avec Chloe, nous adorons la princesse Diana. Cette femme… wôw. Enfin, comme beaucoup d’Anglais, vous allez me dire.
— Eh bien, négligée, tu as le charme après accident.
Hein ? Si je m’arrête un instant, je préfère ne pas comprendre la vanne… et ne pas l’analyser surtout…
— Évite ce week-end. Les photos à outrance. Père n’appréciera pas et Grand-Mère non plus. D’ailleurs, tu devrais même le laisser dans ta chambre.
— Oui je sais, je me souviens pour ton père. Je le prendrai quand on se baladera, c’est important de nourrir son feed Insta !
Dis-je du tac-o-tac comme si c’était vital. En fait, çal’est pour Chloe.
— Tu sais, il y a des gens qui profitent de la nature pour la nature et pas par un « égotrip Internet ». Quant à se balader, oui, a priori, connaissant Père, tu auras droit à l’habituelle promenade à cheval.
— Mais c’est du marketing, je te l’ai déjà expliqué.
Le cheval. Je n’en ai jamais fait. Cela ne m’emballe pas, surtout que visiblement ça le saoule, Mark, de devoir m’attendre. Chloe a peur des chevaux, c’est parfait pour moi.
J’ai rapidement dérivé sur cette idée de marketing. Mon petit sourire malicieux et mon clin d’œil permettent de faire ressortir mon côté Chloe. Chloe à fond sur des principes d’images de soi à montrer et à contrôler. Elle est loin d’avoir la célébrité d’un Elon Musk pour que ce soit utile !
— Oui, oui.
Comme il doit s’en ficher ! Bon moi aussi, or je dois faire avec.
— J’ai tellement hâte de revoir ta grand-mère cela fait longtemps ! Je suis heureuse, d’être en famille. J’aurais aimé que mes parents soient là.
Un silence, je me reprends.
Il fait un geste qui me surprend en faisant preuve de compassion et m’attirant dans ses bras. Bon, il n’a pas tous les défauts du monde et je profite pour le câliner, cela paraît presque sincère.
— Je suis sûr qu’ils auraient aimé être là. Ou être ailleurs avec toi, sans doute.
Il connaissait bien les parents de Chloe. Après tout, leurs pères étant amis, ils les ont fait grandir ensemble.
Je ne dis rien, pas de suite, son bisou dans mes cheveux, je resserre ma prise avec délicatesse. Je ne lui retirerai pas cette douceur.
Imaginer ma vie sans ma mère m’aide à avoir ce pincement au cœur qui m’est nécessaire pour avoir les larmes aux yeux et renifler. Toutefois, je me ressaisis avec élégance !
— Papa n’aimerait pas que je pleure encore ! Et moi je ne veux pas ressembler à un lapin albinos !
— Moi non plus je n’apprécie pas que tu pleures.
Oh, c’est mignon. Selon lui, en vérité, je perds mon charme quand je chouine. Il me l’a déjà dit.
Je dépose un bisou sur la joue de Mark qui se laisse câliner.
— Merci, mon amour !
Je le cajole encore, Chloe étant ainsi, un vrai petit pot de glue, je ne peux pas me défiler. Lui me garde contre lui en me rassurant. Il n’a pas envie que je sois stressée, sinon, Chloe a tendance à être à côté de la plaque. Et cela la rend, comme il le dit, bécasse. Ce mot pique, je sais qu’intérieurement, si j’étais Chloe, je serais soucieuse de bien paraître, pour ne pas le décevoir. Comme si c’était une obligation.
Sa main glisse à mes reins et se love à la limite de mes fesses, il m’attire contre lui. Je reste silencieuse, bientôt dans l’avion tout ira pour le mieux et je pourrai arrêter de sentir son parfum qui me bouffe les narines !
L’heure tourne. Sans être en retard, ils ne sont définitivement pas en avance. Ce qui, selon moi, ne ressemble pas à Mark. Mon fils a en effet, parmi tous ses défauts, cette volonté de ponctualité absolue relevant davantage du toc que de la petite manie. Tout le contraire de Chloe : malgré toutes ses qualités, la pauvre a un gros problème de respect vis-à-vis des horaires. Ah, ceux-là… ils en ont encore, du travail pour être vraiment harmonieux. Et si ma bru fait presque déjà partie de la famille, le principal souci, selon moi, vient moins d’elle que de Mark. Trop superficiel, entre autres, peut-être. Je ne saurais trop dire. Son éducation m’a toujours semblé adéquate. Et pourtant, rendu à l’âge adulte, j’éprouve des doutes quant à la qualité de celle-ci. Je le trouve tellement… cassant… et sans raison la plupart du temps. Parfois, j’en arrive à me demander s’il n’en profite pas pour maltraiter un brin sa petite amie, pour ne pas dire compagne.
Dans le salon, je lis un peu. La pièce est ancienne, et cela se voit : nulle tapisserie récente, ou peinture. Elle vivante, a affirmé Mère, jamais nous ne ferons plus que les rafraîchir. Mon père n’aurait en aucun cas toléré cela. Résultat, il y a toujours les vieilles décorations en toile tendue aux murs, malgré la trace d’humidité due au jour où la baignoire a eu une fuite, dans l’angle nord-ouest.
La cheminée de marbre sombre donne un éclat particulier aux lieux grâce à la flambée ronflante qui y brûle et crépite au milieu de la lumière des différentes lampes allumées. Cette salle a tout d’un nid douillet, avec les tapis aux motifs clairement démodés couvrant le parquet usé, ciré régulièrement, et les fauteuils moelleux où l’on s’enfonce plus que de raison.
Ma lecture n’est pas passionnante, mais les deux autres personnes dans la pièce ont l’air plongées dans leurs ouvrages. Il s’agit bien évidemment de Mère et de sa benjamine, tante Adélaïde. Comment fêter la nativité et la Saint-Sylvestre sans elles ? Cela aurait été presque aussi sacrilège que de changer les tapisseries. Maman est en train de travailler sur son sempiternel tricot. Des chaussons pour un énième petit-neveu éloigné sans doute. Il est incroyable de constater à quel point elles ont la main ferme sur le sujet. Pourtant, elles sont toutes les deux nonagénaires.
Tante Adélaïde finit par se lever pour s’éclipser, ronchonnant qu’il est l’heure de ses « drogues ». Une autre manière d’appeler ses médicaments. Chaque jour, elle en a suffisamment pour soigner une bonne partie du tiers-monde. L’âge n’épargne personne. Et quand elle emprunte les escaliers, pas une marche ne craque. Comme si elle était une espèce de serpent.
C’est sur cette remarque in petto2 que j’entends un son typique. Lorsqu’une voiture passe le portail, cela déclenche une sonnerie dans l’entrée pour être en mesure d’aller accueillir les invités. Ce que je m’empresse de faire.
Je me lève – avec un peu de peine, je l’avoue – de mon fauteuil trop moelleux pour mon propre bien, et me dirige vers le seuil de la demeure, ouvrant la porte avant de sortir sur le perron. L’air est pour le moins froid. L’hiver a sonné et la fine couche de neige qui s’étend sur le sol montre que le temps est aux festivités saturnales. J’allume les lumières extérieures et je vois le taxi s’arrêter en bas des trois petites marches qui descendent dans les graviers de la cour. Le conducteur, en homme bien élevé, sort d’abord pour aller tenir la portière côté terrasse pour laisser avancer ses passagers. Mark fait le premier pas, inspirant à plein poumon. Il revient au bercail après tout. À ma connaissance, il a toujours aimé cette maison. Puis vient Chloe qui semble bien vite frigorifiée par les basses températures ambiantes. J’écarte les bras et pose les mains sur les épaules de mon fils, le regardant, digne et droit, froid comme à son habitude. Je lui fais néanmoins la bise tout en sachant qu’il n’apprécie pas particulièrement cela. Selon ses dires, et malgré l’entretien soigneux que j’y porte, ma barbe a tendance à « piquer », je fais de même avec Chloe quoiqu’avec plus de retenue, bien qu’elle me serre avec affection contre elle.
— Bienvenue ! Nous n’attendions plus que vous ! Entrez, entrez vite !
Quel temps vivifiant ! Glaçant pour des citadins, possiblement ! Je m’approche du chauffeur pour prendre les bagages qu’il sort du coffre.
— Il y a du vin chaud à l’intérieur. Mark, votre grand-mère trépigne d’impatience. Chloe, vous êtes ici chez vous, vous le savez.
De quoi mettre à l’aise tout le monde, c’est l’évidence même. Chloe est toujours aussi jolie et Mark, à côté, invariablement rigide, les choses ne changent pas. Quoique la jeune femme semble regarder les lieux avec une forme d’émerveillement, au pied de l’escalier qui mène à l’étage et aux chambres. Elle est pourtant venue ici par le passé. Elle en laisse même un blanc s’écouler avant de me répondre.
— Oui ! Promis, je ne mettrais pas autant de bo… désordre que dans ma piaule d’ado !
Autant je trouve la plaisanterie amusante, autant, le lapsus me plaît beaucoup moins. À croire que la faculté où elle étudie a une mauvaise influence sur certains points. Puisqu’elle s’est reprise, je ne fais aucune remarque sur son langage, rebondissant uniquement sur son calembour avec la mienne, pour essayer de détendre l’attention entre eux :
— Hahaha ! En même temps, maniaque comme l’est Mark, vous risquez de ne pas avoir le droit de ranger vos affaires ailleurs que dans votre valise !
— Père, voyons… réagit Mark sur un ton où pointe non seulement une once d’agacement, mais aussi d’indignation. Comme s’il n’avait jamais dû être le sujet des plaisanteries de son parent.
Triste fils.
Je ferme la porte derrière eux et laisse ici leurs bagages respectifs. Et si je punissais cette mauvaise tête ? Même si ce n’est pas un véritable châtiment.
— Mark, faites donc preuve de galanterie et chargez-vous des valises. Je vous ai installés dans votre chambre.
Autant permettre à Chloe de se réchauffer pendant qu’il ira poser leurs affaires, n’est-ce pas ? Mark s’exécute sachant que ce n’est pas réellement une demande, non sans une certaine mauvaise grâce, il faut le reconnaître. Enfin, tant qu’il agit…
Je me détourne de lui avant de m’intéresser de nouveau à Chloe et tendre les bras pour l’inviter à se délester de sa veste.
— Tenez, laissez-moi votre manteau. Et allez, donc au salon. Il y a un feu ronflant dans la cheminée. Mère y est installée. Elle sera ravie de vous voir. Elle vous attendait avec impatience. De mon côté, je vais vous apporter quelque chose. Du vin chaud, bien sûr, mais si vous préférez, j’ai réussi à dégotter dans une petite boutique très pittoresque ce thé au ginseng, le coréen, que vous aviez beaucoup aimé à Pâques !
Même avant le décès de ses parents, j’ai toujours été plein d’attentions pour elle, comme si elle était ma pupille. Depuis ce tragique événement, j’ai veillé à son bien être de loin et parfois d’un peu plus près. Comme en trouvant l’infusion qu’elle adore. Un petit geste qui, si j’en crois son sourire, la ravit.
— Le voyage m’a fatiguée, souffle-t-elle, et je le comprends bien. N’auriez-vous pas plus doux ? Je ne serais pas contre un thé classique, j’ai une passion pour le thé noir en ce moment !
— Très bien, cela ne peut pas faire de mal après tout…
Même si Chloe m’a auparavant semblé détester l’amertume de ce genre de boisson…
Je suppose qu’elle veut goûter de nouveau, pour être sûre, comme aimait à le dire Père de son vivant. Je ne vois pas d’autre bonne raison d’agir de la sorte. Après, que ses appétences changent, et bien cela ne me regarde pas particulièrement. Sur ce, elle file vers le salon, et pour ma part, je me dirige en cuisine, un lieu que je ne visite pas souvent, je le reconnais, ayant toujours au moins payé une bonne pour l’utiliser.
En tout cas, Chloe est toujours mignonne. Je ne comprends pas pourquoi Mark semble la rabrouer à tout bout de champ. C’est une jeune femme timide, effacée, qui a besoin de soutien autant que de guidance. Peut-être d’un peu de cadre aussi… mais de là à la reprendre si promptement pour un rien !
J’en viens à penser au fait qu’elle soit désormais adulte en tous points de vue. Sa silhouette voluptueuse et élancée, son teint hâlé qui renforce ses yeux bleus… non, vraiment, une bien belle demoiselle. Elle sera idéale dans le rôle de compagne. Mark a de la chance et il ne le réalise pas.
Ah, si j’avais vingt ans de moins…
J’en aurai encore presque trente, la barbe noire au lieu de poivre et sel et mes muscles seraient moins reposés qu’aujourd’hui, en particulier au niveau de la ceinture abdominale.
Pas que je sois gras, toutefois l’âge n’aidant pas à garder la chair ferme, disons que la compatibilité n’est pas parfaite.
J’appuie sur le bouton pour mettre à bouillir l’eau et j’attends le sifflement en préparant le reste. J’échaude la théière, mouille les feuilles, les place à l’intérieur et, ultime étape, je verse le liquide. Pour l’infusion, ce sera donc un simple earl grey, un russian, non que ce soit le meilleur, mais il a une excellente propension à réchauffer et il a un léger goût citronné sans excès. Enfin, plateau en main avec le sucrier et le petit pot de lait, je me rends au salon, savourant la chaleur de la pièce. J’approche un guéridon des deux femmes, idéal pour placer les boissons, en regardant Mère et Chloe parcourir un ouvrage à la reliure usée. Ah oui, n’a-t-elle pas parlé de lui apporter un livre particulier ?
— Et voilà le thé.
J’en profite pour remettre une bûche dans l’âtre, pour entretenir la flamme. Je m’adresse à Maman en posant le plateau.
— Mère. Avez-vous besoin de quelque chose ?
Je parle un peu fort en surjouant l’articulation. Elle commence à être légèrement dure d’oreille, avec l’âge. En soi, qu’une nonagénaire n’ait qu’un problème de début de surdité… Eh bien, je suppose qu’elle avait plus de chances que beaucoup d’autres. Je prends donc soin d’elle autant que je le peux, et si je dois me faire, de temps en temps, envoyer sur les roses, alors soit. Ce sera avec plaisir qu’elle pourra continuer de le faire.
— Oh, pour l’amour du ciel ! Cela suffit, Sean. Je ne suis pas sourde et je sais me débrouiller seule. Je le faisais déjà bien avant ta naissance !
Elle se tourne vers ma future bru pour rajouter, comme une confidence que j’entends fort bien, quelques remarques de son cru. Que je l’horripile en la maternant, ou encore qu’elle n’ait jamais demandé un enfant aussi envahissant que moi par exemple. Accessoirement, elle mentionne que feu son ex-belle fille était tout de même bien la preuve que le problème vient de moi et qu’elle ne comprend pas où l’éducation a échoué. Tant de mots prononcés sans véhémence et qui, dans les faits, sont presque davantage de la taquinerie gentillette. Même si Chloe prend ma défense, c’est plus un jeu entre Maman et moi qu’autre chose.
— C’est un enfant attentionné c’est mignon !
Que voulez-vous, je tiens à ma mère. Comme tous les fils dignes de ce nom, sans doute…
Je me penche et regarde le livre de plus près pour m’y intéresser. La reliure est particulièrement jolie, il faut le reconnaître. Une couverture soignée, ancienne. Un excellent travail de restauration ou de conservation, supposé-je.